Tribunal administratif N° 23133 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 28 juin 2007 Audience publique du 12 mars 2008 Recours formé par la société à responsabilité limitée … sàrl, … contre une décision de l’administration communale de Biwer en présence de la société XXXGmbH, …(D) en matière de marchés publics
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23133 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 28 juin 2007 par Maître Jacques WOLTER, avocat à la Cour, assisté de Maître Julia BALLESTEROS KRACHER, avocat exerçant sous son titre professionnel d’origine, tous les deux inscrits au tableau de l'ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée … s.à r.l., établie et ayant son siège à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du collège échevinal de la commune de Biwer, lui communiquée par lettre du 13 juin 2007, de ne pas lui attribuer le marché portant sur des « travaux de parachèvement intérieur du hall des sports, partie terrain des jeux, extension et mise en conformité du hall des sports 6, Schoulstrooss, L-6833 Biwer » mais de l’attribuer à la société de droit allemand XXXGmbH, établie et ayant son siège social à D-… ;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 28 juin 2007, portant signification de ce recours à la société XXXGmbH, ainsi qu’à l’administration communale de Biwer ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2007 par Maître Gerry OSCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de la société à responsabilité limitée de droit allemand XXXGmbH, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2007 par Maître Jacques WOLTER, assisté de Maître Julia BALLESTEROS KRACHER pour compte de la société à responsabilité limitée … s.à r.l. ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2007 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg pour compte de l’administration communale de Biwer ;
Vu l’ordonnance du 12 décembre 2007 par laquelle le président de la première chambre du tribunal administratif a prorogé le délai légal pour déposer les mémoires en duplique, de sorte à expirer, sous peine de forclusion, le vendredi 11 janvier 2008 ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2008 par Maître Gerry OSCH pour compte de la société à responsabilité limitée de droit allemand XXXGmbH ;
Vu les pièces versées et notamment la décision attaquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Jacques WOLTER, Julia BALLESTEROS KRACHER, Steve HELMINGER et Gerry OSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 janvier 2008.
Dans le cadre d'une soumission publique initiée par la commune de Biwer en vue de « travaux de parachèvement intérieur du Hall des Sports – Partie terrain de jeux, extension et mise en conformité du Hall des Sports 6, Schoulstrooss, L-6833 Biwer », la société à responsabilité limitée …, ci-après désignée par « la société … », avait remis une offre.
Par courrier du 13 juin 2007, le collège des bourgmestre et échevins de la commune de Biwer porta à la connaissance de la société … sa décision de ne pas retenir son offre au motif qu'elle n'était pas économiquement la plus avantageuse.
Par requête déposée le 28 juin 2007, inscrite sous le numéro 23133 du rôle, la société … a introduit un recours tendant à l'annulation de la décision de ne pas lui attribuer le marché litigieux mais de l'attribuer à la société de droit allemand XXXGmbH, ci-après dénommée « la société XXX ».
La société XXX conclut principalement à l’irrecevabilité de ce recours pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de la société … en faisant valoir que si par impossible la demanderesse devait pouvoir obtenir gain de cause au fond, quod non, l’annulation de la décision d’adjudication du marché ne saurait pas pour autant lui profiter étant donné qu’elle n’aurait jamais dû être autorisée à participer à cette soumission en raison d’une trop grande implication dans l’élaboration du cahier des charges. Elle fait valoir plus particulièrement que le service de conseil aux maîtrises d’œuvre pour l’élaboration des cahiers de charge de la société … aurait participé activement à la rédaction du cahier des charges et occasionné ainsi une exclusivité de fait au profit de la société … concernant le matériel et les techniques utilisés.
Par référence aux articles 139 et 140 du règlement grand-ducal modifié du 7 juillet 2003 portant exécution de la loi du 30 juin 2003 sur les marchés publics et modification du seuil prévu à l’article 106 point 10 de la loi communale du 13 décembre 1988, prévoyant la résiliation du marché sinon l’exclusion de l’adjudication par l’adjudicateur pour manque de probité commerciale, la société XXX estime que la violation par elle alléguée des règles de mise en concurrence par la société … devrait aboutir à son exclusion du marché de sorte à rendre impossible la remise d’une nouvelle offre par la société … à la suite d’une éventuelle annulation de la décision déférée.
La société XXX est rejointe dans cette argumentation par l’administration communale de Biwer qui conteste également tout intérêt à agir dans le chef de la société … au motif qu’il se serait avéré qu’elle aurait activement collaboré avec le bureau d’architecture à l’élaboration du cahier des charges, la commune de préciser dans ce contexte que l’avantage que la société … se serait procuré par cette collaboration serait des plus flagrants en ce que le cahier des charges contiendrait des conditions et obligations que seule la société … aurait été à même de remplir.
Concernant ce volet de l’intérêt à agir, les trois parties au litige prennent appui sur une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes du 3 mars 2005 (C/21/03).
Tandis que la société … s’y réfère pour soutenir que seul un avantage non justifié en rapport avec une participation à l’élaboration du cahier des charges pourrait conduire à l’exclusion du marché – hypothèse qu’elle estime non vérifiée dans son chef -, les parties défenderesse et tierce intéressée se prévalent dudit arrêt pour dégager le principe même de l’exclusion du marché en raison d’une participation active à l’élaboration du cahier des charges.
Pour être recevable à introduire un recours en annulation, le demandeur doit justifier d’un intérêt à agir qui doit être personnel, actuel, certain, direct et légitime.
La décision déférée étant un acte individuel concernant directement la société … en ce que son offre n’a pas été retenue dans le cadre de la soumission litigieuse, sa situation juridique et personnelle est à considérer comme ayant été défavorablement affectée par la décision déférée, de sorte qu’elle doit en principe être admise à poursuivre l’annulation de cet acte.
Le tribunal n’étant pas habilité en la présente matière à réformer la décision déférée, le recours sous examen, dusse-t-il aboutir, ne saurait en tout état de cause emporter l’attribution du marché litigieux à la société demanderesse. Il s’y ajoute que dans la mesure où la commune n’a pas concrètement procédé à l’exclusion de la société … du marché litigieux, mais l’a écartée au motif que son offre n’était pas économiquement la plus avantageuse, la question soulevée de l’incidence d’une éventuelle participation de la société … à l’élaboration du cahier des charges excède le cadre du présent recours pour avoir trait à une question que la décision déférée n’a abordée ni directement ni incidemment.
Il s’ensuit que le débat suggéré par les parties défenderesse et tierce intéressée pour conclure à l’absence d’intérêt à agir dans le chef de la société … ne saurait être utilement engagé dans le cadre du présent litige qui ne saurait être étendu, de manière indirecte moyennant un débat sur l’intérêt à agir, à des problèmes hypothétiques, susceptibles de se poser à l’avenir dans le cadre d’une éventuelle nouvelle soumission à la suite d’une annulation.
Cette conclusion ne saurait être énervée par l’arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 3 mars 2005 (C/21/03) invoqué de part et d’autre, étant donné que la question abordée dans cet arrêt était axée autour d’une disposition légale nationale prévoyant l’exclusion d’un soumissionnaire en raison d’une participation à l’élaboration du cahier des charges, soit une question de conformité à la législation communautaire d’une disposition légale nationale ayant conduit concrètement à l’exclusion d’un soumissionnaire du marché et non pas une question d’intérêt à agir dans le chef d’un soumissionnaire évincé au profit d’un concurrent considéré comme ayant soumis une offre économiquement plus avantageuse.
Le recours ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours la société … fait valoir les moyens suivants :
- l'offre de l'adjudicatrice serait viciée en raison de l'absence de production des contrats de sous-traitance dûment signés au moment de la remise de l'offre ;
- l'offre serait encore viciée par la non-production des Prüfzeugnisse en violation de la position 2.1. du bordereau de soumission prévoyant ce qui suit : "Vorstehende Angaben sind komplett auszufüllen und zusätzlich durch nachfolgende Nachweise zu belegen: Kopie auf den Namen des Bieters ausgestelltes, gültiges Prüfzeugnis, Kopie Überwachungsvertrag, Kopie Fremdüberwachung (Regelprüfung), datierend vom Vorjahr. – Bei unvollständiger Angabe der vorgenannten Kriterien bzw. Fehlen (ganz oder teilweise) der geforderten Nachweise erfolgt automatisch des Ausschluss des Angebots";
- l'offre de l'adjudicatrice présenterait encore plusieurs non-conformités devant conduire au rejet de celle-ci. Ainsi, contrairement aux exigences du cahier des charges, la société XXX GmbH n'aurait pas offert un ballwurfsicheres Geräteraumtor mit elektromotorischem Antrieb à segments. La porte offerte par la société XXX GmbH serait une porte basculante moins pratique et actionnée manuellement ;
- au lieu d'offrir une Farblasur en vue du traitement des surfaces en bois, l'adjudicatrice se serait bornée à offrir du Klarlack, non conforme du point de vue esthétique et pour le surplus moins cher ;
- les charnières seraient en Leichtmetall au lieu du Edelstahl exigé ;
- le revêtement des murs ne serait pas conforme en ce que selon l'offre de la société XXX GmbH, l'écart entre les lattes devant servir de support au revêtement mural serait de 73 cm au lieu des 36 cm prévus par le cahier des charges.
L'ensemble des non-conformités procurerait à la société XXX GmbH une économie de 10.318,95 € par rapport à ses concurrents ayant respecté les exigences du cahier des charges.
Avec les mêmes non-conformités, la société … aurait pu soumettre une offre de 356.253,21 €, partant plus intéressante que celle de la société XXX GmbH se chiffrant à 356.840,40 €.
Parmi les arguments avancés par la société … pour conclure à l’annulation de la soumission litigieuse figure notamment le moyen de la non-conformité de l’offre de la société XXX aux exigences du cahier des charges.
L’article 71 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 précité, invoqué par la société demanderesse à l’appui de cette argumentation, est libellé comme suit :
« Le pouvoir adjudicateur examine et vérifie les dossiers de soumission quant à leur conformité technique et à leur valeur économique, notamment quant au bien-fondé des prix et quant à l’exactitude des calculs. Les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier des charges ou dont les prix sont reconnus inacceptables sont éliminées. En cas de besoin, il est fait appel à des experts ».
Il se dégage de la disposition légale prérelatée que l’exigence de la conformité du produit offert aux exigences du cahier des charges est en principe intangible, étant donné que les offres qui ne satisfont pas aux conditions du cahier des charges sont à éliminer.
Les critères d’attribution retenus dans le cahier des charges lient en effet le pouvoir adjudicateur qui ne saurait ni ajouter d’autres critères que ceux énoncés, ni dispenser un ou plusieurs des soumissionnaires de l’obligation énoncée au cahier des charges moyennant une dérogation personnelle, sous peine de porter atteinte aux règles de la concurrence loyale, ainsi qu’au principe de l’égalité des soumissionnaires.
Il y a partant lieu de se référer dans un premier temps aux exigences du cahier des charges en rapport avec les positions par rapport auxquelles une non-conformité du produit offert par la société XXX est alléguée.
Concernant la position du bordereau concernant le « ballwurfsicheres Geräteraumtor mit elektromotorischem Antrieb », il est précisé sous le point 1. « Funktion » que « das Torblatt besteht aus 4 bis 5 Stück übereinander angeordneten Sektionen. Diese laufen beim Öffnen senkrecht nach oben. Oben werden die einzelnen Sektionen um 90 Grad umgelenkt und waagerecht unter der Decke abgelegt (Raumspareffekt). Der Betrieb erfolgt elektromotorisch ».
Il se dégage des pièces versées en cause par l’administration communale de Biwer que suivant courrier du 27 avril 2004, la société XXX s’est adressée à la commune pour signaler aux autorités compétentes certaines lacunes et incohérences au niveau du cahier des charges.
Concernant plus particulièrement la porte du « Geräteraum », la société XXX, après avoir signalé qu’elle n’aurait trouvé aucun fournisseur ou producteur disposé à lui fournir un « Sektionaltor » tel que requis par le cahier des charges, fit la proposition suivante : « Unser Vorschlag ist, dieses Sektionaltor (Position 3.5) durch ein Kipptor mit oder ohne motorischen Antrieb, jedoch mit voller Turnhallentauglichkeit inklusiv Prüfzeugnis mit Kraftabbau 60 % zu ersetzen, damit der Unfallschutz in vollem Umfang gewährleistet ist ».
Le bureau d’architecture et d’urbanisme chargé de l’élaboration du cahier des charges prit position comme suit par rapport à ce point lui soumis par la société XXX :
« 2. Les portes sectionnelles de la position 3.5 pourront être remplacées par des portes basculantes motorisées. Les habillages et type de moteur seront exécutés suivant les descriptifs du bordereau. » La commune fait valoir dans son mémoire en réponse que la société … aurait pertinemment su que pour différents points du cahier des charges, elle aurait été la seule à pouvoir fournir ce qui était concrètement réclamé. Or, ce faisant, la partie requérante aurait « oublié que les architectes avaient pris le soin d’admettre pour certains postes des variantes, ce qui semble avoir échappé à la société …».
La société XXX précise de son côté au sujet de la question de la conformité aux exigences du cahier des charges du « Geräteraumtor » par elle proposé que le constructeur et le distributeur de ce produit aurait refusé de lui fournir un « Sektionaltor » tel que spécifié par le cahier des charges, tout en relevant que ce produit serait fourni exclusivement à la société …. Elle se réfère en outre à sa lettre ci-avant visée du 27 avril 2007 pour relever que bien avant l’ouverture des soumissions, les architectes, sous le point 2 de leur lettre du 3 mai 2007 également ci-avant visée, l’ont expressément autorisée à remplacer les portes sectionnelles exigées au niveau du cahier des charges par des portes basculantes motorisées. Elle estime ainsi avoir agi en conformité avec les exigences des articles 20 et suivants du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 précité ayant trait aux « rectifications et demandes de renseignement » et permettant aux soumissionnaires constatant des erreurs ou omissions au niveau du bordereau de soumission, de s’adresser au pouvoir adjudicateur aux fins de rectification. Elle estime pour le surplus que par le fait d’avoir été autorisée à offrir des portes basculantes motorisées au lieu des portes sectionnelles initialement requises, l’égalité des soumissionnaires aurait en fin de compte été préservée, de sorte que sa démarche ne recèlerait aucune contrariété à la légalité, ceci d’autant plus que l’article 30 du règlement grand-ducal précité dispose « qu’en règle générale, la marque ou la provenance des matériaux ne sont pas prescrites ni de façon directe, ni de façon indirecte » et que les architectes, moyennant leur courrier du 3 mai 2007, n’auraient fait que mettre le pouvoir adjudicateur en conformité avec ledit article 30.
La société demanderesse, au-delà de contester l’existence d’une exclusivité dans son chef pour se voir fournir le « Sektionaltor » du producteur Pfullendorfer, se prévaut des dispositions de l’article 74 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 précité et relève que contrairement aux exigences de cet article, la variante proposée par XXX ne leur aurait pas été soumise en temps utile, de sorte qu’elle n’aurait pas été en mesure de prendre position par rapport aux critiques formulées par la société XXX par rapport aux prescriptions du cahier des charges concernant le « Sektionaltor ».
Elle rappelle dans ce contexte que les prescriptions du cahier des charges sont obligatoires et qu’il ne saurait être admis que le pouvoir adjudicateur accorde à l’un des soumissionnaires une dérogation à certaines prescriptions, voire l’admette à présenter une variante, sans pour autant informer les autres soumissionnaires de ce changement au niveau des exigences en rapport avec un produit déterminé. Ce faisant la commune aurait gravement enfreint le principe de transparence devant guider l’attitude du pouvoir adjudicateur en matière de soumissions publiques.
Il est précisé au niveau du livre 1 comportant les dispositions générales applicables à tous les marchés publics du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 précité et plus particulièrement à l’article 21 de la section 3 intitulée « Rectifications et demandes de renseignement » que « le soumissionnaire qui constaterait dans le dossier de soumission des ambigüités, erreurs ou omissions, est tenu, sous peine d’irrecevabilité, de les signaler par lettre recommandée au pouvoir adjudicateur au moins 7 jours avant l’ouverture de la soumission, à moins que le cahier spécial des charges ne stipule un délai plus long ».
L’article 23 de la même section, auquel la société demanderesse se réfère expressément, pose en outre l’exigence que « les précisions fournies en réponse aux problèmes visés par les articles 21 et 22 doivent être adressées simultanément à tous les intéressés ayant retiré le dossier de soumission (…) ».
Si la commune de Biwer relève certes que l’admission par les architectes de variantes pour certains postes semble avoir échappé à la société …, force est cependant de constater qu’elle reste en défaut de fournir la moindre explication à ce sujet et que les pièces du dossier ne comportent aucun indice de nature à établir qu’en sa qualité d’adjudicateur, elle avait informé également la société … de cette possibilité de présenter une variante, voire que d’une manière générale les précisions fournies par les architectes en date du 3 mai 2007 à la société XXX en réponse à son courrier du 27 avril 2007 aient été adressées simultanément à la société … au titre de partie intéressée ayant retiré le dossier de soumission au sens de l’article 23 prérelaté du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003.
Il s’y ajoute que le dossier de soumission de l’administration communale de Biwer précise expressément au titre des clauses contractuelles générales appelées à régir le marché litigieux que « le pouvoir adjudicateur n’envisage pas différentes possibilités d’exécution pour une ou pour plusieurs positions du bordereau », la position afférente étant cochée sous le point 1.8.6., intitulée « variante des solutions techniques alternatives ».
En l’absence d’information adressée en temps utile et conformément aux exigences afférentes du règlement grand-ducal du 7 juillet 2008 à la société demanderesse au sujet des différents changements concédés par le bureau des architectes à la société XXX concernant des postes pourtant clairement déterminés au niveau du cahier des charges, il y a partant lieu de constater que concrètement l’un des deux soumissionnaires a été autorisé à offrir un produit différent de celui exigé par le cahier des charges sans que l’autre soumissionnaire n’ait eu la possibilité d’ajuster également son offre par rapport aux exigences nouvellement posées.
Cette manière de procéder étant de nature à porter atteinte au principe de transparence et d’égalité des soumissionnaires devant être scrupuleusement respecté en la matière afin de garantir tant quant à la forme que quant au fond une concurrence loyale entre les différents soumissionnaires, l’attribution du marché litigieux à la société XXX est à considérer comme ayant été effectuée à l’issue d’une procédure non respectueuse de la loi, de sorte à devoir encourir l’annulation.
Cette conclusion ne saurait être énervée par les considérations des parties défenderesse et tierce intéressée consistant à soutenir que cette irrégularité ne devrait pas péremptoirement conduire à l’annulation de l’adjudication alors que la société demanderesse resterait en défaut d’établir que du fait de ce manquement d’information, elle aurait subi un effet anticoncurrentiel tel que le montant de son offre en aurait été substantiellement affecté.
Les exigences afférentes du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003 inscrites en son article 23 étant formelles et consacrant un élément clef du principe de transparence en la matière, elles s’analysent en des formalités destinées à protéger les intérêts privés dont la violation a été placée par l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 précitée dans les motifs d’annulation.
A l’exception des matières par rapport auxquelles le tribunal administratif est appelé à statuer en tant que juge du fond dans le cadre d’un recours en réformation, les attributions du juge administratif appelé à statuer sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, se résument en effet au pouvoir d’annuler l’acte déféré, la sanction de toute illégalité étant en principe l’annulation de l’acte vicié1, à l’exception des moyens tirés d’un vice de forme ou de procédure qui n’est pas opérant, voire de l’inobservation de formalités non substantielles, qui ne créent pas de garanties particulières pour les administrés et dont la violation ne saurait partant entraîner l’annulation de l’acte émis.
Les exigences de l’article 23 du règlement grand-ducal du 7 juillet 2003, en ce qu’elles ont pour but de mettre tous les soumissionnaires dans une même situation de concurrence et partant sur un pied d’égalité vis-à-vis du pouvoir adjudicateur sont à considérer comme étant substantielles, ce qualificatif revenant notamment aux dispositions relatives aux modalités particulières assurant l’information préalable et la contradiction des intéressés, en dehors même du champ d’application du principe général du droit2.
Dans son mémoire en réponse la société XXX a demandé à voir condamner la société demanderesse à lui payer une indemnité de procédure de 3000 € pour la compenser des frais non compris dans les dépens au motif qu’il serait inéquitable de les laisser à sa charge.
Compte tenu cependant de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.
Quant à la demande tendant aux mêmes fins formulée par la société demanderesse dans le dispositif de son mémoire en réplique déposé le 9 novembre 2007 pour un montant de 1500 €, force est de constater qu’il s’agit d’une demande nouvelle par rapport à la requête introductive d’instance et qu’à ce titre elle est irrecevable. Conformément aux dispositions de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions 1 Jurisclasseur administratif, volume 10, vices de forme et de procédure, n° 73 2 Ibid . formalités substantielles, n° 118 administratives, la requête introductive d’instance contient l’objet de la demande, de sorte que cet objet ne saurait être étendu par la suite au stade procédural du mémoire en réplique.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en la forme ;
au fond, le dit justifié ;
partant annule la décision du collège échevinal de la commune de Biwer du 13 juin 2007 ;
renvoie le dossier à l’administration communale de Biwer ;
déclare la demande en obtention d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse irrecevable ;
déclare la demande en obtention d’une indemnité de procédure formulée par la société XXX non fondée ;
condamne l’administration communale de Biwer aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 mars 2008 par :
Mme Lenert, vice-président Mme Thomé, premier juge M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 8