GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 23652C Inscrit le 13 novembre 2007
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AUDIENCE PUBLIQUE DU 28 FEVRIER 2008 Recours formé par Madame XXX XXX-XXX, XXX contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié Appel (jugement entrepris du 17 octobre 2007, no 22779 du rôle)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, au nom de Madame XXX XXX-XXX, née le 16 juin 1954 à XXX (Russie), de nationalité russe, demeurant actuellement à L-XXX, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié par le tribunal administratif le 17 octobre 2007, à la requête de l’actuelle appelante tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 janvier 2007 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et lui refusant le bénéfice d’une mesure de protection subsidiaire, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 7 mars 2007 prise sur recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 novembre 2007 par Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le rapporteur entendu en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER, à l’audience publique du 14 février 2008, en leurs plaidoiries respectives.
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Par jugement rendu le 17 octobre 2007, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, débouta Madame XXX XXX-XXX de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 janvier 2007 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié et lui refusant le bénéfice d’une mesure de protection subsidiaire, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 7 mars 2007 prise sur recours gracieux. Le tribunal estima que la demanderesse n’avait pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef ou d’un risque réel de subir des atteintes graves justifiant de la faire bénéficier d’une mesure de protection subsidiaire.
A l’appui de son recours, Madame XXX-XXX avait exposé avoir été contrainte de quitter son pays d’origine, la Russie, en raison du fait que son mari aurait été considéré comme « pro-
tchétchène » et qu’en raison des activités politiques de son mari en faveur des droits des tchétchènes, elle-même aurait subi de graves persécutions. Elle avait précisé que son mari aurait été déclaré « ennemi et traître de la patrie » pour avoir participé au côté des tchétchènes au conflit en Tchétchénie et que, militaire de carrière dans l’armée russe, il aurait été licencié et aurait disparu mystérieusement au courant de l’année 1996. Concernant sa situation personnelle, elle avait fait valoir qu’elle aurait été arrêtée en 1997 et placée de force en clinique psychiatrique pendant environ huit mois. Elle s’était encore référée à différentes pièces, pour soutenir que les forces russes commettraient des graves violations des droits de l’homme sur le territoire tchétchène.
Le tribunal releva de prime abord que les faits principaux dont la demanderesse faisait état à l’appui de son recours, à savoir son « emprisonnement » dans un établissement psychiatrique, remonteraient à l’année 1997, soit à 10 ans. Il mit encore en exergue le fait qu’en 2000, année au cours de laquelle elle aurait quitté la Russie, l’intéressée n’était ni recherchée par la milice, ni par les autorités russes. Il y ajouta encore la considération que depuis 2000, l’intéressée aurait transité pendant cinq ans par plusieurs pays européens, à savoir l’Italie, la France, l’Allemagne, la Suisse et la Suède et qu’il se dégagerait de ses propres déclarations qu’elle a seulement demandé l’asile en Suisse, pareil comportement étant difficilement compatible avec les risques de persécution allégués, étant donné qu’il ne serait pas compréhensible qu’une personne qui affirme craindre pour sa vie ne demande l’asile politique qu’après avoir transité par différents pays où elle aurait pourtant pu rechercher de suite une protection.
Sur ce, le tribunal constata l’absence d’indices réels et concrets faisant apparaître comme réaliste les craintes de persécution de la demanderesse et analysa ses craintes en de simples craintes hypothétiques insuffisantes pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié, voire du statut de protection subsidiaire.
Par requête déposée au greffe de la Cour administrative le 13 novembre 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, Madame XXX-XXX a interjeté appel contre le susdit jugement.
L’appelante renvoie et réitère les faits et craintes de persécution mis en avant par elle pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié, sinon l’octroi d’une mesure de protection subsidiaire et elle critique les premiers juges en ce qu’ils n’ont pas fait droit à ses conclusions.
En substance, elle estime qu’une juste appréciation des motifs de persécution mis en avant de façon crédible doit aboutir à ce qu’elle se voie reconnaître le statut de réfugié, sinon bénéficier d’une mesure de protection subsidiaire.
L’Etat a pris position dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 novembre 2007. Dans son mémoire, le délégué du gouvernement conclut à la confirmation du jugement entrepris pour les motifs y contenus et par référence à son mémoire de première instance.
L’appel est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Sur le vu des faits de la cause qui sont les mêmes que ceux soumis aux juges de première instance, la Cour arrive à la conclusion que les premiers juges les ont appréciés à leur juste valeur et en ont tiré des conclusions juridiques exactes.
Concernant le bien-fondé de la demande d’asile de l’appelante, la Cour partage et se fait sienne l’appréciation des premiers juges, qui ont dégagé des éléments soumis en cause que les actes de persécution subis personnellement par l’actuelle appelante, à savoir son internement psychiatrique en 1997, dès lors qu’elle n’apparaît pas avoir connu de problèmes concrets par la suite jusqu’à son départ en 2000 et qu’elle ne fait valoir aucun élément ou indice plausible qu’en cas de retour, elle serait concrètement réexposée à des actes de persécution, ne conservent plus un caractère d’actualité justifiant la reconnaissance du statut de réfugié.
Concernant la demande de protection subsidiaire, c’est encore à tort que l’appelante critique les premiers juges sous ce rapport, étant donné que le caractère purement hypothétique des craintes mises en avant par elle ne permet pas de retenir l’existence d’un risque réel de se voir infliger la peine de mort ou de se faire exécuter ou encore de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants respectivement de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre sa vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Il suit de ce qui précède que le jugement dont appel est à confirmer dans toute sa teneur.
Par ces motifs, la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
reçoit l’appel du 13 novembre 2007 ;
le dit non fondé et en déboute ;
partant confirme le jugement entrepris du 17 octobre 2007 ;
condamne l’appelante aux dépens de l’instance d’appel.
Ainsi jugé par :
Henri CAMPILL, premier conseiller, Serge SCHROEDER, conseiller, Lynn SPIELMANN, conseiller, et lu par le premier conseiller en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny MAY.
s. MAY s. CAMPILL 3