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13/02/2008 | LUXEMBOURG | N°24024

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 février 2008, 24024


Tribunal administratif Numéro 24024 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 février 2008 Audience publique du 13 février 2008 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 24024 du rôle, déposée le 4 février 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Paris, de nati...

Tribunal administratif Numéro 24024 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 4 février 2008 Audience publique du 13 février 2008 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 24024 du rôle, déposée le 4 février 2008 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Paris, de nationalité inconnue, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 18 janvier 2008 prononçant à son encontre une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2008 ;

Vu le mémoire en réplique du demandeur déposé au greffe du tribunal administratif le 6 février 2008 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-

JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 11 février 2008.

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En date du 17 janvier 2008, Monsieur … fut interpellé par la police grand-ducale lors d’une perquisition dans une chambre d’hôtel, en compagnie d’un marchand de drogues. Une certaine quantité de drogues, ainsi qu’une somme d’argent furent confisquées. A part la copie d’un certificat de naissance, Monsieur … ne pouvait présenter aucune pièce d’identité.

Le même jour le parquet ordonna une mesure de rétention à l’encontre de Monsieur …. A partir du 17 janvier 2008 l’intéressé fut retenu sur base de la décision du procureur d’Etat.

Par arrêté du 18 janvier 2008, notifié le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, ci-après désigné par « le Centre de séjour », pour une durée maximale d'un mois à partir de la notification de ladite décision dans l'attente de son éloignement du territoire luxembourgeois.

Ladite décision repose sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le procès verbal no 34 du 17 janvier 2008 établi par la Police grand-ducale, SREC, Luxembourg ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 17 janvier 2008 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis ;

- qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par requête déposée le 4 février 2008 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l'encontre de l’arrêté de placement précité du 18 janvier 2008.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers; 2. le contrôle médical des étrangers; 3.

l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, ci-après désigné par « la loi modifiée du 28 mars 1972 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soulève tout d’abord que son placement au Centre de séjour n’aurait pas été nécessaire, puisque son refoulement vers la France aurait pu être exercé sans autre forme de procédure, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 et en vertu des accords de réadmission France-Benelux, prévoyant la possibilité pour les signataires de renvoyer un étranger en situation irrégulière vers le territoire d’un autre Etat membre.

Aux termes de l’article 15, paragraphe (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou d’éloignement en application des articles 9, 12, ou 14-1 de la même loi ou d’une demande de transit par voie aérienne est impossible en raison des circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée d’un mois.

Le ministre compétent est dans l’impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son éloignement immédiat et si des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur lui a conféré un délai initial maximal d’un mois pour obtenir de la part des autorités étrangères concernées les documents de voyage nécessaires.

Par ailleurs, même en vertu des accords de réadmission entre la France et le Grand-

Duché de Luxembourg, tout transfert d’un ressortissant est conditionné par une procédure aboutissant à un accord de réadmission individuel. Il est évident que la demande d’un tel accord ne peut pas être formulée avant que la question de l’identité et de la nationalité de l’intéressé est résolue.

En l’espèce, force est de constater qu’il découle tant des pièces versées au dossier que de l’arrêté déféré que le demandeur était démuni de toute pièce d’identité et de tout document de voyage valable, à part la copie d’un certificat de naissance, lors de son interpellation et que sa nationalité était inconnue. Il ne pouvait dès lors être procédé à l’éloignement immédiat du demandeur, en vertu de l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972, étant donné que des recherches relatives à son identité devaient être entamées et, le cas échéant, des démarches auprès d’autorités étrangères pour l’obtention d’un accord de reprise du demandeur. Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a donc valablement pu ordonner le placement de Monsieur … au Centre de séjour.

Le demandeur soulève encore que la décision de le placer au « centre pénitentiaire de Schrassig » serait disproportionnée au regard de la loi modifiée du 28 mars 1972, puisque ce centre ne constituerait pas un établissement « approprié » au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972. Il estime subir un régime de quasi détention et non de rétention, alors qu’il serait placé dans une cellule individuelle vingt heures et demie sur vingt quatre.

Il est en l’espèce constant que le demandeur est placé non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour. Or, force est de constater que le centre en question est a priori à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi modifiée du 28 mars 1972.

Le tribunal constate par ailleurs être saisi, d’une part, d’une décision émanant du ministre, ayant pour seul contenu décisionnel le placement du demandeur au Centre de séjour et, d’autre part, de griefs plus ou moins précis concernant non pas le principe même du placement de l’intéressé audit Centre, mais les modalités concrètes du régime de rétention telles qu’appliquées au demandeur, à savoir l’entrave à sa liberté par son confinement en une cellule isolée vingt heures et demie sur vingt quatre.

Les conditions de rétention résultent en leurs grandes lignes du régime spécifique tel qu’instauré par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, règlement qui renvoie en son article 5 directement pour toutes les questions qu’il ne règle pas lui-même au règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

L’autorité chargée de l’application de ces règlements grand-ducaux n’est pas le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, mais conformément à l’article 18 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 le ministre de la Justice, dont dépend l’administration des établissements pénitentiaires, ainsi qu’en application de l’article 19 du même règlement grand-ducal le procureur général d’Etat, chargé de la direction générale et de la surveillance des établissements pénitentiaires.

En ce qui concerne les modalités pratiques de la rétention, telles que par exemple la question litigieuse de la circulation interne des retenus et de la répartition des cellules, force est de constater que ces modalités, en ce qu’elles concernent la gestion journalière du centre de rétention intégré au centre pénitentiaire, relèvent conformément à l’article 68 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 des compétences du directeur de l’établissement qui, aux termes de cet article, assure, sous l’autorité du procureur général d’Etat, la direction et l’administration de l’établissement et qui est responsable du bon fonctionnement de l’établissement en question.

Force est par ailleurs de constater que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 instaure une voie de recours spécifique auprès du procureur général d’Etat au profit des détenus et, en application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, également au profit des retenus, qui s’estiment lésés par une décision du directeur.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief mis en avant par le demandeur, qui s’analyse en un grief relatif aux modalités concrètes et matérielles de son placement, est étranger à la décision du ministre telle que déférée et au cadre légal dans lequel la décision déférée a été prise, à savoir la loi modifiée du 28 mars 1972, de sorte que le moyen afférent laisse d’être fondé.

Finalement, le demandeur soulève que l’autorité ministérielle n’aurait effectué la première démarche en vue de son éloignement que onze jours après son placement au Centre de séjour. Il se rapporte à la sagesse du tribunal pour apprécier si un délai de onze jours est un délai raisonnable.

Force est de constater qu’il ressort des pièces versées au dossier qu’en date du 20 janvier 2008, le Service central de la police judiciaire, section police des étrangers, a transmis au ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », son rapport concernant la recherche effectuée au sujet du demandeur. Ce rapport est entré au ministère en date du 23 janvier 2008. Le lendemain, soit le 24 janvier 2008, des recherches concernant le demandeur ont été effectuées à l’aide du système EURODAC.

En date du 29 janvier 2008, la nationalité du demandeur étant toujours inconnue, le ministre s’est adressé aux autorités françaises, qui avaient délivré une carte de séjour au demandeur, valable jusqu’au 10 septembre 2007, pour demander sa réadmission dans le cadre de l’accord de réadmission entre la France et le Benelux. Cette demande a été rappelée aux autorités françaises par courrier du 11 février 2008.

Dès lors, les recherches au sujet de l’identité et de la nationalité du demandeur ont débuté dès le placement de ce dernier et la demande de réadmission a été adressée aux autorités françaises dès la fin de ces recherches.

Eu égard aux éléments qui précèdent, le demandeur n’est pas fondé à affirmer que les premières démarches administratives en vue de son éloignement n’auraient commencé que onze jours après son arrestation.

Le moyen tiré d’un défaut de diligences suffisantes laisse dès lors d’être fondé.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

Carlo Schockweiler, premier vice-président, Martine Gillardin, premier juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 13 février 2008 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 24024
Date de la décision : 13/02/2008

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2008-02-13;24024 ?

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