Tribunal administratif N° 23391 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2007 Audience publique du 11 février 2008 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers (art. 22 L.5.5.2006)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23391 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 août 2007 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Warri, Delta State, Nigeria, de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 mai 2007 portant rejet de sa demande en obtention d’un statut de tolérance ainsi que d’une décision ministérielle confirmative du 11 juin 2007, intervenue suite à un recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAZADEH, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 28 septembre 2004, Monsieur … introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971.
Cette demande fut rejetée comme non fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration datant du 26 avril 2006.
Le recours contentieux introduit par Monsieur … à l’encontre de cette décision ministérielle fut définitivement rejeté en instance d’appel par un arrêt de la Cour administrative du 22 mars 2007.
Par courrier de son mandataire du 18 avril 2007, Monsieur … présenta au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en obtention d’un statut de tolérance.
Par décision du 14 mai 2007, le ministre refusa de faire droit à cette demande au motif suivant :
« (…) qu’il n’existe pas de preuves que l’exécution matérielle de l’éloignement de votre mandant serait impossible en raison de circonstances de fait conformément à l’article 22 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection (…). » Par courrier de son mandataire du 30 mai 2007, Monsieur … introduisit un recours gracieux contre la décision ministérielle du 14 mai 2007 auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.
Le 11 juin 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision de refus initiale à défaut d’éléments pertinents nouveaux.
Par requête déposée le 30 août 2007, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation à l’encontre de la décision ministérielle du 14 mai 2007 portant rejet de sa demande en obtention du statut de tolérance ainsi qu’à l’encontre de la décision confirmative du 11 juin 2007 intervenue suite au recours gracieux.
Le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur soutient qu’il ne pourrait pas retourner dans son pays d’origine, le Nigeria, puisqu’il craindrait d’y être tué par les membres de l’ethnie des ITSIKERI. Ces derniers combattraient l’ethnie des URHOBO, dont fait partie le demandeur, pour s’approprier des terres riches en pétrole, appartenant au demandeur et à sa famille. Ces affrontements entre ethnies auraient commencé en 2004, les ITSIKERI auraient alors brûlé les maisons du demandeur et de sa famille et tué sa mère et sa sœur. Suite à ces évènements sa femme se serait enfuie avec leurs deux enfants à Kano. Le demandeur fait encore valoir que le gouvernement nigérian serait à sa recherche, puisqu’il serait membre de la URHOBO PROGRESSIVE UNION. Il soutient qu’il n’aurait pas pu rejoindre sa femme à Kano, puisque les ITSIKERI auraient été à sa recherche et puisqu’il y régnerait des troubles raciaux.
Il invoque encore la situation d’insécurité générale régnant actuellement au Nigeria.
Le délégué du gouvernement estime que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que les conditions de l’article 22 (2) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ne seraient pas remplies en l’espèce.
Aux termes de l’article 22, paragraphe (1) de la loi du 5 mai 2006 précitée, « si le statut de réfugié est refusé au titre des articles 19 et 20 qui précèdent, le demandeur d'asile sera éloigné du territoire » et aux termes du paragraphe (2) du même article « si l'exécution matérielle de l'éloignement s'avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre peut décider de le tolérer provisoirement sur le territoire jusqu'au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».
Il s’ensuit que le bénéfice du statut de tolérance est réservé aux demandeurs d’asile déboutés dont l’éloignement se heurte à une impossibilité d’exécution matérielle.
Or, en l’espèce, force est au tribunal de constater que le demandeur, au-delà de réitérer des arguments qui ont déjà été toisés par les juridictions administratives dans le cadre de sa demande d’asile, reste en défaut d’établir avec la précision requise que son retour se heurterait à une impossibilité d’exécution matérielle justifiant l’octroi du statut de tolérance dans son chef. En effet, il se contente de renvoyer à sa peur d’une certaine ethnie et de façon générale à la situation d’insécurité au Nigeria, sans cependant soumettre au tribunal suffisamment d’éléments concrets permettant de retenir que son retour serait matériellement impossible en raison de circonstances de fait.
Au vu de ce qui précède la légalité des décisions ministérielles litigieuses n’est pas utilement énervée par les moyens présentés par le demandeur, de sorte que son recours est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
Mme Lenert, vice-président, Mme Gillardin, juge, Mme Eberhard, juge, et lu à l’audience publique du 11 février 2008 par le vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Lenert 3