Tribunal administratif Numéro 22942 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 14 mai 2007 Audience publique du 31 décembre 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 22942 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2007 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Emou Village, Delta State (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 12 février 2007 confirmant une décision initiale du 23 novembre 2006 par laquelle il s’est vu refuser sa demande en obtention d’un statut de tolérance sur base de l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pascale PETOUD, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.
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La demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, introduite par Monsieur … le 15 janvier 2004, fut rejetée comme non fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », du 16 novembre 2005, confirmée, sur recours gracieux, par une décision du ministre du 10 janvier 2006.
Le recours contentieux dirigé contre les deux décisions ministérielles précitées fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 19 octobre 2006 (n° 21702 C du rôle).
Par courrier de son mandataire du 17 novembre 2006, Monsieur … sollicita de la part du ministre l’octroi du statut de tolérance sur base de l’article 22 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.
Par une décision du 23 novembre 2006, le ministre refusa de faire droit à cette demande au motif « qu’il n’existe pas de preuves que l’exécution matérielle de l’éloignement de votre mandant serait impossible en raison de circonstances de fait conformément à l’article 22 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ».
Sur recours gracieux de son mandataire du 25 janvier 2007, le ministre confirma sa décision initiale par une décision confirmative prise en date du 12 février 2007 au motif qu’il n’existait pas « d’éléments pertinents nouveaux ».
Par arrêté du 23 février 2007, le ministre refusa à Monsieur … l’entrée et le séjour au pays au vu de ses antécédents judiciaires, en raison du fait qu’il ne disposait pas de moyens d’existence personnels légalement acquis, qu’il se trouvait en séjour irrégulier au pays et qu’il était susceptible de compromettre la sécurité et l’ordre publics. Il échet dans ce contexte de relever qu’il se dégage du registre du Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig que Monsieur … a été incarcéré audit Centre pénitentiaire en date du 30 janvier 2007 sur base d’un mandat d’amener.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2007, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle confirmative du 12 février 2007, précitée, par laquelle le ministre a confirmé sa décision initiale du 23 novembre 2006 lui refusant la délivrance d’un statut de tolérance.
Etant donné qu’aucun recours au fond n’est prévu en matière de refus du statut de tolérance tel que prévu par l’article 22 de la loi précitée du 5 mai 2006, seul un recours en annulation a pu être introduit contre la décision, lequel recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il serait originaire du Nigeria, qu’il appartiendrait à l’ethnie des Itshekiri et qu’en cette qualité, il aurait « énormément de problèmes avec l’ethnie opposée, les Ijaws ». Il fait ainsi état de disputes violentes et du fait que sa sœur ainsi que sa mère auraient été tuées lors d’une attaque des Ijaws dans leur village d’origine, attaque lors de laquelle il aurait pu s’échapper par « un pur hasard ». Il estime que depuis ce jour-là, des membres des Ijaws seraient à sa recherche et comme il se serait senti en danger, il n’aurait vu d’autre solution que de quitter son pays d’origine « afin de préserver sa vie ». Il soutient qu’il ne serait pas en mesure de retourner dans son pays d’origine, dans la mesure où sa sécurité n’y serait actuellement pas garantie, en faisant d’une manière générale état de la situation générale « inquiétante » qui existerait actuellement dans la région du Delta du Niger, dont il serait originaire. Il fait ainsi état non seulement de la situation d’extrême pauvreté de la plus grande partie de la population résidant dans cette région, mais également des conflits inter-ethniques qui y auraient lieu notamment en raison de la prise du contrôle sur les extractions illégales du pétrole.
Le délégué du gouvernement rétorque que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et qu’il serait partant à débouter de son recours. Il soutient également que les raisons avancées par le demandeur pour obtenir l’octroi d’un statut de tolérance seraient les mêmes que celles qu’il avait déjà auparavant invoquées dans le cadre de sa demande d’asile, arguments qui ont déjà été toisés par les juridictions administratives. Quant à la situation générale de son pays d’origine dont le demandeur a fait état, le délégué du gouvernement relève qu’un cessez-le-feu serait intervenu « en 2005 » et que de toute façon, cette situation générale aurait également été prise en considération dans le cadre de l’analyse de sa demande d’asile. Enfin, le représentant étatique estime que le demandeur n’aurait pas fait état de raisons matérielles qui l’empêcheraient de regagner son pays d’origine.
Aux termes de l’article 22 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006 « si le statut de réfugié est refusé au titre des articles 19 et 20 qui précèdent, le demandeur sera éloigné du territoire », tandis que l’article 22 (2) dispose que « si l'exécution matérielle de l'éloignement s'avère impossible en raison de circonstances de fait, le ministre peut décider de tolérer l’intéressé provisoirement sur le territoire jusqu'au moment où ces circonstances de fait auront cessé ».
Il en découle que le bénéfice du statut de tolérance est réservé au demandeur du statut de réfugié débouté dont l’éloignement se heurte à une impossibilité d’exécution matérielle, avec la conséquence qu’il appartient au demandeur qui, par définition, se trouve en séjour irrégulier lorsqu’il prétend au bénéfice d’un statut de tolérance, d’établir l’impossibilité alléguée pour prétendre à l’octroi dudit statut.
En l’espèce, le demandeur fait en substance état des mêmes faits que ceux soumis au ministre dans le cadre de sa demande d’asile qui rendraient tout retour dans son pays d’origine impossible. Dans ce contexte, il échet de relever que la demande en reconnaissance du statut de réfugié du demandeur a été définitivement rejetée comme non fondée par l’arrêt précité de la Cour administrative du 19 octobre 2006.
Force est cependant de constater que le demandeur n’a pas fait état d’un quelconque obstacle qui rendrait l’exécution matérielle de son éloignement du territoire impossible, les arguments avancés en cause ayant trait à la situation sécuritaire prévalant actuellement au Nigeria et à un sentiment général de peur dans le chef du demandeur.
Or, un sentiment général d’insécurité, tel celui éprouvé par le demandeur, ne suffit pas pour établir une impossibilité matérielle de procéder à son éloignement vers son pays d’origine. Une telle situation ne saurait partant justifier le bénéfice de la mesure provisoire qu’est le statut de tolérance.
Il s’ensuit que la légalité de la décision ministérielle litigieuse n’est pas utilement énervée par les moyens présentés par le demandeur, de sorte que son recours est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 31 décembre 2007 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 4