Tribunal administratif N° 21499a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 juin 2006 Audience publique du 31 décembre 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions de la commission d’examen de promotion aux fonctions supérieures à celle de rédacteur principal et du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative et contre le règlement grand-ducal du 23 février 2001 fixant les modalités de stage et de classement à l’examen de promotion des fonctionnaires stagiaires des carrières administratives dont l’admission au stage se situe avant le 1er septembre 2001 et dérogeant aux règlements grand-ducaux relatifs à la réduction de stage en matière d’examen de promotion
JUGEMENT
Revu la requête, inscrite sous le numéro 21499 du rôle, et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2006 par Maître Albert RODESCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire d’Etat, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de la commission d’examen de promotion aux fonctions supérieures à celle de rédacteur principal du 19 décembre 2005 et d’une décision du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 mars 2006 rendue sur recours gracieux introduit contre la décision précitée du 19 décembre 2005 et subsidiairement à l’annulation du règlement grand-ducal du 23 février 2001 fixant les modalités de stage et de classement à l’examen de promotion des fonctionnaires stagiaires des carrières administratives dont l’admission au stage se situe avant le 1er septembre 2001 et dérogeant aux règlements grand-
ducaux relatifs à la réduction de stage ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 14 février 2007 par lequel il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions du 19 décembre 2005 et 9 mars 2006 émises respectivement par la commission d’examen de promotion aux fonctions supérieures à celle de rédacteur principal et par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, il a reçu en la forme le recours en annulation dans la mesure où il a été dirigé contre les décisions précitées des 19 décembre 2005 et 9 mars 2006, il a déclaré ledit recours en annulation justifié, en annulant la décision de la commission d’examen de promotion aux fonctions supérieures à celle de rédacteur principal du 19 décembre 2005 et celle du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 mars 2006 en renvoyant le dossier en prosécution de cause audit ministre et par lequel il a enfin déclaré irrecevable le recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 23 février 2001 fixant les modalités de stage et de classement à l’examen de promotion des fonctionnaires stagiaires des carrières administratives dont l’admission au stage se situe avant le 1er septembre 2001 et dérogeant aux règlements grand-ducaux relatifs à la réduction de stage ;
Vu l’arrêt de la Cour administrative du 28 juin 2007 ayant déclaré fondé un acte d’appel introduit par l’Etat contre le jugement précité du tribunal administratif du 14 février 2007, sur base de l’article 30 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, en annulant le jugement dont appel et en renvoyant le dossier en prosécution de cause devant le tribunal administratif ;
Vu le mémoire complémentaire déposé par le délégué du gouvernement au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2007 ;
Vu le mémoire complémentaire, intitulé « mémoire supplétif », déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2007 par Maître Albert RODESCH pour compte de Monsieur … ;
Vu une note de plaidoirie déposée au greffe du tribunal administratif par le délégué du gouvernement le 5 novembre 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Rachel JAZBINSEK, en remplacement de Maître Albert RODESCH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives.
___________________________________________________________________________
En sa qualité de rédacteur principal au service de l’administration gouvernementale, affecté au ministère de l’Economie et du Commerce extérieur, Monsieur … participa à l’examen de promotion aux fonctions supérieures à celle de rédacteur principal organisé au mois de décembre 2005.
Par sa décision du 19 décembre 2005, la commission d’examen de promotion aux fonctions supérieures à celles de rédacteur principal, instituée auprès du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, ci-après dénommée la « Commission », décida notamment que Monsieur … avait réussi à l’examen de promotion aux fonctions supérieures à celles de rédacteur principal, en considération de ce qu’il avait obtenu « la moitié des points dans chaque matière ainsi que les trois cinquièmes du maximum des points ». La Commission a indiqué s’être basée sur le règlement grand-ducal du 23 février 2001 fixant les modalités de stage et de classement à l’examen de promotion des fonctionnaires stagiaires des carrières administratives dont l’admission au stage se situe avant le 1er septembre 2001 et dérogeant aux règlements grand-ducaux relatifs à la réduction de stage, afin de procéder au classement des différents candidats admis à ladite session d’examen du mois de décembre 2005, qui a eu pour conséquence de placer Monsieur … au premier rang de la « 6e promotion ».
Le résultat de ladite session d’examen fut communiqué à Monsieur … par lettre du président de la Commission du 21 décembre 2005, de la teneur suivante :
« J’ai l’honneur de vous informer qu’il résulte du procès-verbal de la commission d’examen que vous avez réussi à l’examen de promotion aux fonctions supérieures à celle de rédacteur principal à l’administration gouvernementale, session décembre 2005.
Vous avez obtenu un total de 260 points. En application du règlement grand-ducal du 23 février 2001 fixant les modalités de stage et de classement à l’examen de promotion des fonctionnaires stagiaires des carrières administratives dont l’admission au stage se situe avant le 1er septembre 2001 et dérogeant aux règlements grand-ducaux relatifs à la réduction de stage, vous vous êtes classé en 1ère place du tableau d’avancement correspondant à votre promotion.
Veuillez trouver ci-après le détail des points obtenus :
Matières :
Maximum des Points points obtenus L’Union européenne et les institutions internationales 60 53 Science du droit 60 55 Economie politique 60 48 Méthodologie et techniques d’élaboration d’un mémoire 60 52 Mémoire de promotion 60 52 TOTAUX 300 3/5 ièmes 180 260 (…) ».
Par courrier de son mandataire du 24 février 2006, Monsieur … fit introduire auprès du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative un recours gracieux qui a donné lieu à une lettre dudit ministre du 9 mars 2006, dont le libellé est conçu comme suit :
« J’ai l’honneur de me référer à votre courrier du 24 février 2006 relatif aux réclamations introduites au nom de vos clients, Monsieur … et Monsieur M. W., quant à la régularité de la procédure de l’examen de promotion de la session de décembre 2005 organisé dans la carrière du rédacteur. Je rappelle que les intéressés se sont classés 1er respectivement 6ème de la 6ème promotion de cette session d’examen.
Le classement en plusieurs promotions lors d’une session d’examen résulte du fait que la période de stage des fonctionnaires de l’Etat a été réduite de trois à deux années à la suite de la loi du 28 juillet 2000 modifiant entre autres la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat. Afin de ne pas désavantager les fonctionnaires-
stagiaires ayant passé une période de stage plus étendue que deux années, un règlement grand-ducal du 23 février 2001 avait prévu que ceux-ci ne pouvaient pas être dépassés au classement à l’examen de promotion par des candidats ayant bénéficié pleinement des nouvelles dispositions légales portant le stage à deux années. Vous noterez donc que la mesure se justifie d’un point de vue de l’équité en raison de l’avantage que les nouveaux stagiaires ont eu sur les anciens du fait de ne devoir qu’assurer un stage réduit de deux années, avec toutes les conséquences favorables sur leur carrière et leur traitement y attachées.
Je constate que la plupart des arguments invoqués à l’encontre de la mesure critiquée visent en réalité la régularité formelle du règlement grand-ducal du 23 février 2001 en question.
Or, il ne m’appartient pas, en qualité de Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative, de revenir sur les termes d’un règlement grand-ducal que moi-même respectivement mes services sont obligés d’appliquer purement et simplement. Je porte également à votre attention qu’il est de principe que les actes réglementaires ne sont pas susceptibles d’un recours gracieux ni devant l’autorité qui les a pris ni devant une autre autorité (CA 12 décembre 1998, No 10.452). Il vous appartiendra d’introduire le cas échéant à l’encontre du texte en question le recours contentieux prévu par l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.
Je tiens toutefois à relever dès à présent que les arguments, que vous invoquez quant à la régularité formelle du règlement grand-ducal précité, me paraissent comme non fondés en raison du caractère spontané du pouvoir réglementaire dont dispose le Grand-Duc. Il me semble également que les textes que vous citez en qualité de base légale du règlement grand-
ducal du 23 février 2001 ne visent pas la situation réglementée par ce texte.
Enfin, en ce qui concerne la compétence du président de la commission d’examen, je vous fais noter que celui-ci n’a ni compétence pour procéder au classement des candidats à l’examen de promotion (mais c’est la commission d’examen dont vous trouverez le procès-
verbal en annexe) ni compétence pour procéder à l’établissement du tableau d’avancement qui revient au Ministre de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative conformément à l’article 12, paragraphe 4, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 22 mars 2004 déterminant les conditions d’admission, de nomination et d’avancement du personnel des cadres de l’administration gouvernementale. En ce sens, la lettre du président de la commission d’examen n’est qu’à considérer comme information de la décision de la commission d’examen précitée ».
A la suite d’une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2006 par Monsieur …, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée de la Commission du 19 décembre 2005 et de la décision précitée du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 mars 2006 et tendant subsidiairement à l’annulation du règlement grand-ducal précité du 23 février 2001, le tribunal administratif, dans son jugement du 14 février 2007, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions des 19 décembre 2005 et 9 mars 2006 émises respectivement par la Commission et par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative, a reçu en la forme le recours en annulation dans la mesure où il a été dirigé contre les décisions précitées des 19 décembre 2005 et 9 mars 2006, l’a déclaré justifié dans cette mesure, en annulant la décision de la Commission du 19 décembre 2005 et celle du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 mars 2006 et a renvoyé le dossier en prosécution de cause audit ministre, a déclaré irrecevable le recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 23 février 2001 fixant les modalités de stage et de classement à l’examen de promotion des fonctionnaires stagiaires des carrières administratives dont l’admission au stage se situe avant le 1er septembre 2001 et dérogeant aux règlements grand-ducaux relatifs à la réduction de stage et a fait masse des frais en les imposant pour moitié à chacune des parties à l’instance. Le tribunal a prononcé l’annulation des décisions déférées au motif que le règlement grand-ducal du 23 février 2001 serait, aux termes de l’article 95 de la Constitution, inapplicable, étant illégal du fait du défaut de l’avis du Conseil d’Etat, aucun motif justifiant l’urgence n’ayant été invoqué en vertu de l’article 2, paragraphe (1), alinéa 1er de la loi modifiée du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d’Etat.
A la suite de l’introduction d’une requête d’appel, en date du 12 mars 2007, par l’Etat, dirigé contre le jugement précité du tribunal administratif du 14 février 2007, motivée par le fait que le moyen de l’illégalité du règlement grand-ducal précité du 23 février 2001 n’aurait pas été produit par le demandeur, mais soulevé d’office par le tribunal, sans que l’Etat n’ait eu la possibilité d’y prendre position, de sorte que le tribunal aurait statué ultra petita, la Cour administrative a annulé le jugement dont question par son arrêt du 28 juin 2007 en renvoyant le dossier en prosécution de cause devant le tribunal administratif. Dans son arrêt, la Cour administrative a reproché au tribunal d’avoir soulevé un moyen qui n’avait pas été invoqué lors de la première instance, ni discuté au cours de la procédure contentieuse qui s’est déroulée devant le tribunal administratif, à savoir celui tiré de la violation de l’article 2, paragraphe (1) de la loi précitée du 12 juillet 1996, en ce que le tribunal avait retenu qu’il n’y avait aucun motif permettant de justifier une procédure d’urgence rendant non obligatoire la prise de l’avis du Conseil d’Etat. La Cour a encore estimé dans son arrêt que le tribunal aurait dû analyser si la seule base légale du règlement grand-ducal litigieux, qui se réfère à trois textes de la loi distincts, se trouve à l’article 5, alinéa 1er de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, cette base légale ayant été formellement soulevée en cause, la Cour estimant en outre qu’une réponse affirmative à cette question aurait conduit à une réponse péremptoire et obligatoire sur la question de l’illégalité du règlement grand-ducal litigieux en ce que le recours à l’avis du Conseil d’Etat serait dans ce cas obligatoire, de sorte que la justification du motif d’urgence ne se serait point posée. En conclusion, la Cour a estimé que le tribunal a violé les droits de la défense en mettant l’Etat dans l’impossibilité de produire une justification éventuelle par rapport au motif retenu par le tribunal pour procéder à l’annulation des décisions de la Commission du 19 décembre 2005 et du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 mars 2006. La Cour administrative a partant annulé le jugement précité du tribunal administratif du 14 février 2007 en renvoyant le dossier devant ce dernier, afin d’assurer aux parties le bénéfice du double degré de juridiction au fond.
Dans son mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2007, l’Etat déclare maintenir tous « les moyens développés dans son acte d’appel du 9 mars 2007 qui a donné lieu à l’arrêt de la Cour administrative du 28 juin 2007 », en se référant également « à ses mémoires en réponse et en duplique déposés au Tribunal administratif respectivement le 4 octobre 2006 et le 23 novembre 2006 dans l’affaire n° 21.499 du rôle qui a donné lieu au jugement du 14 février 2007 ».
Dans son mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2007, Monsieur … fait exposer que le règlement grand-ducal précité du 23 février 2001 aurait effectivement trois bases légales, à savoir, d’une part, les articles 2 et 5 de la loi précitée du 16 avril 1979 et, d’autre part, l’article X de la loi du 28 juillet 2000 modifiant et complétant la loi précitée du 16 avril 1979. Il fait toutefois valoir que la disposition spécifique du règlement grand-ducal précité du 23 février 2001 qui constituerait la base du recours sous analyse serait l’article 4 dudit règlement grand-ducal, en ce que cette disposition réglementaire concernerait le problème de l’examen de promotion. Ce serait partant à tort que l’Etat soutiendrait que ledit règlement grand-ducal aurait été pris sur base de l’article X de la loi précitée du 28 juillet 2000. En effet, ledit article X ne viserait exclusivement que les conditions et modalités de stage et non pas les examens de promotion dont la base légale se trouverait exclusivement à l’article 5 de la loi précitée du 16 avril 1979. Le demandeur rappelle dans ce contexte qu’il ne serait plus fonctionnaire stagiaire depuis sa nomination comme fonctionnaire d’Etat en date du 1er octobre 2002. Il fait encore soutenir que ce serait partant exclusivement l’article 5 de la loi précitée du 16 avril 1979 qui devrait être pris en considération, étant donné que l’article 2 de la même loi ne concernerait que le stage. Il donne encore raison à la Cour administrative dans la mesure où celle-ci a retenu dans son arrêt précité du 28 juin 2007 que la seule base légale pertinente pour le problème posé constituerait ledit article 5 de la loi précitée du 16 avril 1979, de sorte qu’il y aurait lieu de retenir que l’avis du Conseil d’Etat aurait été obligatoire, étant entendu que la question de la justification du motif d’urgence deviendrait de sorte indifférente.
Le demandeur conteste encore le raisonnement développé par le délégué du gouvernement suivant lequel se serait « plutôt » le règlement grand-ducal du 22 mars 2004 qui devrait constituer la base des décisions litigieuses, en soutenant que ledit règlement grand-
ducal ne concernerait que le « découpage des promotions par tableau d’avancement distinct tenant compte de la date d’admission au stage », de sorte qu’il ne concernerait pas l’objet des décisions litigieuses. Il s’ensuivrait que le seul et unique règlement grand-ducal litigieux à prendre en considération dans le cadre du présent litige serait le règlement grand-ducal précité du 23 février 2001. Dans la mesure où ledit règlement grand-ducal n’aurait pas été pris dans les conditions légales telles que prévues par la loi précitée du 16 avril 1979, il devrait être déclaré illégal et être écarté comme ne constituant pas une base réglementaire valable pour les décisions litigieuses.
Dans sa note de plaidoiries, l’Etat fait relever que l’article 36 de la Constitution, qui consacre le pouvoir réglementaire du Grand-Duc, conférerait à celui-ci le pouvoir de prendre les règlements nécessaires pour l’exécution de la loi en ne soumettant ce pouvoir à aucune autre condition. Ainsi, il y aurait lieu d’en déduire que le préambule d’un règlement grand-
ducal et les références aux dispositions légales y contenues donneraient « une indication plus ou moins précise quant à la loi qu’il s’agit d’exécuter, sans que ces informations ne soient obligatoires alors qu’on ne saurait limiter le pouvoir réglementaire qui est conféré au Grand-
Duc par des formalités qui ne sont ni prévues par la Constitution ni par la loi elle-même ».
L’Etat fait encore soulever le fait qu’une disposition légale qu’il s’agit d’exécuter par voie de règlement grand-ducal peut, mais ne doit pas obligatoirement contenir le renvoi à un règlement grand-ducal à intervenir, un tel renvoi n’étant pas non plus prévu par la Constitution ou par la loi. Il s’ensuivrait qu’il importerait dès lors peu de savoir sur base de quelle disposition légale précise le Grand-Duc est intervenu dès lors que le pouvoir réglementaire du Grand-Duc s’exerce en principe de façon spontanée et illimitée sous la double condition qu’il s’exerce dans le cadre tracé par la loi, d’un côté, et dans le respect des dispositions impératives de celle-ci, c’est-à-dire n’y soit pas contraire, de l’autre.
Dans ladite note de plaidoiries, l’Etat admet que le règlement grand-ducal précité du 23 février 2001 s’inscrirait manifestement dans le cadre de la loi précitée du 16 avril 1979 et plus particulièrement dans le cadre de l’article 5 de ladite loi dont les paragraphes 2, alinéas 1 et 2 ainsi que les paragraphes 3, 4 et 5 seraient pertinents pour le cas d’espèce.
Le délégué du gouvernement soutient encore que l’article X de la loi précitée du 28 juillet 2000, dans la mesure où il prévoit des dispositions relatives non seulement au stage, mais également au tableau de classement des candidats, ne ferait que « confirmer cette hypothèse », dans la mesure où l’utilisation de l’expression « fonctionnaires-stagiaires » ne ferait pas obstacle à cette interprétation, en ce que ces fonctionnaires-stagiaires ne seraient jamais inscrits dans un tableau de classement, puisque cette inscription ne se ferait qu’après la nomination définitive. Ainsi, sous peine de priver la disposition légale précitée de tout sens, il y aurait lieu d’entendre par le terme de « fonctionnaires-stagiaires » les « futurs fonctionnaires une fois nommés définitivement ».
En conclusion à sa note de plaidoiries, l’Etat estime que l’article 5, paragraphe 1er de la loi précitée du 16 avril 1979 constituerait une exception à la règle normale suivant laquelle l’avis du Conseil d’Etat ne serait pas obligatoire lorsque l’urgence serait invoquée, de sorte qu’il y aurait lieu de limiter l’application de cette disposition légale exclusivement à la matière y visée, étant entendu que les exceptions seraient toujours d’interprétation stricte.
Comme la procédure d’urgence aurait par ailleurs été respectée, ce qui se dégagerait de l’arrêt précité de la Cour administrative du 28 juin 2007, le règlement grand-ducal litigieux ne donnerait pas lieu à d’autres critiques.
Il échet tout d’abord de constater, comme l’ont relevé à bon droit les parties à l’instance, que le règlement grand-ducal précité du 23 février 2001 se réfère aux articles 2 et 5 de la loi précitée du 16 avril 1979, ainsi qu’à l’article X de la loi précitée du 28 juillet 2000 comme constituant les bases légales sur lesquelles il a été pris.
Comme l’article 2 de la loi précitée du 16 avril 1979 ne concerne en aucune mesure des questions de promotion d’un fonctionnaire à une fonction supérieure à celle qu’il remplit, mais détermine les conditions d’admission au service de l’Etat en qualité de fonctionnaire, cette disposition légale ne saurait constituer la base légale sur base de laquelle le règlement grand-ducal précité du 23 février 2001 a pu être pris dans la mesure où il concerne la question de la promotion des fonctionnaires. Ainsi, l’article 4 du règlement grand-ducal en question du 23 février 2001, dans la mesure où il constitue la disposition réglementaire applicable sur base de laquelle les décisions litigieuses ont été prises, n’a pu trouver sa base légale dans ledit article 2 de la loi précitée du 16 avril 1979.
Comme l’a relevé la Cour administrative dans son arrêt précité du 28 juin 2007, il s’agit de l’article 5, alinéa 1er de la loi précitée du 16 avril 1979 qui constitue la base légale sur laquelle a été pris le règlement grand-ducal précité du 23 février 2001 en ce qui concerne son article 4 qui concerne plus particulièrement les questions de promotion des fonctionnaires.
En effet, l’alinéa 1er dudit article 5 dispose notamment que « la promotion du fonctionnaire se fait dans les conditions et suivant les modalités prévues par un règlement grand-ducal pris sur avis du Conseil d’Etat », à l’exception des cas où les lois concernant les administrations et services en disposent autrement. A défaut de telles lois prévoyant une exception à la règle prévue par l’alinéa 1er de l’article 5 précité, le règlement grand-ducal litigieux, en ce qui concerne son article 4, aurait obligatoirement dû être pris sur avis du Conseil d’Etat. Cet avis était partant à prendre obligatoirement, de sorte que la question de justification du motif d’urgence ne s’est point posée.
Ainsi, à défaut par le règlement grand-ducal précité du 23 février 2001 d’avoir été pris sur l’avis du Conseil d’Etat, il y a lieu de le déclarer inapplicable du moins en ce qui concerne son article 4 qui concerne plus particulièrement la question de la promotion des fonctionnaires, de sorte que l’article 4 de ce règlement grand-ducal n’a pas pu constituer une base réglementaire valable aux décisions litigieuses. Il s’ensuit que les décisions de la Commission du 19 décembre 2005 et du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 mars 2006, dans la mesure où elles sont exclusivement basées, au titre de leur motivation juridique, sur ledit règlement grand-ducal, doivent être annulées.
En ce qui concerne l’article X de la loi précitée du 28 juillet 2000, il y a lieu de confirmer les développements de la partie demanderesse suivant laquelle cet article ne saurait constituer une base légale appropriée de l’article 4 du règlement grand-ducal précité du 23 février 2001, étant donné que l’article X en question ne concerne que les fonctionnaires-
stagiaires, et non pas la promotion des fonctionnaires ayant été engagés définitivement au service de l’Etat.
Au vu du résultat des présents recours, et plus particulièrement de l’appel limité dirigé par l’Etat contre le jugement précité du tribunal administratif du 14 février 2007, il y a lieu de faire masse des frais et de les imputer pour moitié à Monsieur … et pour moitié à l’Etat.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
confirme son jugement du 14 février 2007 dans la mesure où il a déclaré irrecevable le recours en annulation dirigé contre le règlement grand-ducal du 23 février 2001 fixant les modalités de stage et de classement à l’examen de promotion des fonctionnaires-stagiaires des carrières administratives dont l’admission au stage se situe avant le 1er septembre 2001 et dérogeant aux règlements grand-ducaux relatifs à la réduction de stage ;
confirme également son jugement du 14 février 2007 dans la mesure où par ce jugement il s’est déclaré incompétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre les décisions des 19 décembre 2005 et 9 mars 2006 émises respectivement par la Commission d’examen de promotion aux fonctions supérieures à celle de rédacteur principal et par le ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative ;
reçoit le recours en annulation en la forme dans la mesure où il a été dirigé contre les décisions précitées des 19 décembre 2005 et 9 mars 2006 ;
le déclare justifié, partant annule la décision de la Commission d’examen de promotion aux fonctions supérieures à celle de rédacteur principal du 19 décembre 2005 et celle du ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative du 9 mars 2006 et renvoie le dossier en prosécution de cause audit ministre ;
fait masse des frais et les impose pour moitié à chacune des parties à l’instance.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, premier vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 31 décembre 2007 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 8