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20/12/2007 | LUXEMBOURG | N°22702

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 décembre 2007, 22702


Numéros 22279 et 22702 du Tribunal administratif rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 11 décembre 2006 et le 19 mars 2007 Audience publique du 20 décembre 2007 Recours formés par Madame …, … contre trois décisions du ministre de la Santé en présence de Monsieur …, … en matière de concessions de pharmacie

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JUGEMENT

I. Vu la requête inscrite sous le numéro 22279 du rôle et déposée le 11 décembre 2006 au greffe du tribunal admin

istratif par Maître Yvette HAMILIUS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des av...

Numéros 22279 et 22702 du Tribunal administratif rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 11 décembre 2006 et le 19 mars 2007 Audience publique du 20 décembre 2007 Recours formés par Madame …, … contre trois décisions du ministre de la Santé en présence de Monsieur …, … en matière de concessions de pharmacie

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JUGEMENT

I. Vu la requête inscrite sous le numéro 22279 du rôle et déposée le 11 décembre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Yvette HAMILIUS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, pharmacienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Santé du … classant Monsieur …, pharmacien, demeurant à L-…, en rang utile pour l’obtention de la concession de pharmacie vacante à Redange/Attert, 17, Grand-Rue, et d’une décision du même ministre du 5 décembre 2006 lui accordant ladite concession de pharmacie ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 13 décembre 2006 portant signification de ce recours à Monsieur …, préqualifié ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 19 décembre 2006 portant rejet de la demande en sursis à exécution introduite suivant requête séparée du 11 décembre 2006 par Madame … à l’encontre des deux décisions prévisées des 27 novembre et 5 décembre 2006 ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2007 par Maître Roy NATHAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 8 février 2007 portant signification de ce mémoire en réponse au mandataire de Madame … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2007 par Maître Yvette HAMILIUS pour compte de Madame …, ce mémoire ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2007 ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2007 par Maître Roy NATHAN au nom de Monsieur … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 25 avril 2007 portant signification de ce mémoire en duplique au mandataire de Madame … ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Yasemin CENGIZ-KIYAK, en remplacement de Maître Yvette HAMILIUS, et Roy NATHAN et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 septembre 2007 ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 2007 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2007 par Maître Roy NATHAN au nom de Monsieur …, ce mémoire ayant été notifié le même jour par acte d’avocat à avocat au mandataire de la demanderesse ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 2007 par Maître Yvette HAMILIUS pour compte de Madame …, ce mémoire ayant été notifié le 4 octobre 2007 par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur … ;

II. Vu la requête inscrite sous le numéro 22702 du rôle et déposée le 19 mars 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Yvette HAMILIUS au nom de Madame …, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’un arrêté du ministre de la Santé du 8 décembre 2006 autorisant Monsieur … à reprendre et à exploiter la pharmacie à Redange/Attert, 17, Grand-

Rue, pour le 1er janvier 2007 au plus tard, sous les clauses et conditions énoncées dans l’acte de concession rédigé le même jour ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 22 mars 2007 portant signification de ce recours à Monsieur … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2007 par Maître Roy NATHAN au nom de Monsieur … ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 25 avril 2007 portant signification de ce mémoire en réponse au mandataire de Madame … ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 avril 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2007 par Maître Yvette HAMILIUS pour compte de Madame …, ce mémoire ayant été notifié par courrier du même jour au mandataire de Monsieur … ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Yasemin CENGIZ-KIYAK, en remplacement de Maître Yvette HAMILIUS, et Roy NATHAN et Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 septembre 2007 ;

Vu le mémoire complémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 septembre 2007 ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 2 octobre 2007 par Maître Roy NATHAN au nom de Monsieur …, ce mémoire ayant été notifié le 25 septembre 2007 par acte d’avocat à avocat au mandataire de la demanderesse ;

Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 2007 par Maître Yvette HAMILIUS pour compte de Madame …, ce mémoire ayant été notifié le 4 octobre 2007 par acte d’avocat à avocat au mandataire de Monsieur … ;

I. + II. Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport complémentaire, ainsi que Maîtres Yasemin CENGIZ-KIYAK, en remplacement de Maître Yvette HAMILIUS, et Roy NATHAN et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 octobre 2007.

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Par avis publié au Mémorial B n° 58 du 2 août 2006, le ministre de la Santé, ci-après désigné par le « ministre », porta à la connaissance du public que la concession de pharmacie à Redange, 17, Grand-rue, était déclarée vacante à partir du 1er janvier 2007 par suite de la démission du concessionnaire et que les candidats désirant solliciter l’octroi de cette concession étaient invités à introduire leur demande jusqu’au 7 septembre 2006 au plus tard.

Madame …, préqualifiée, introduisit sa candidature pour l’octroi de cette concession.

En date du 16 octobre 2006, le pharmacien-inspecteur auprès de la direction de la Santé – division de la Pharmacie et des Médicaments du ministère de la Santé dressa le tableau de classement des candidats pour la concession de la pharmacie vacante à Redange.

Dans ce tableau, Madame … figura à la fois en troisième rang avec un total de 175,75 points, avec la précision que ce classement prenait en compte les activités de celle-ci auprès de la société F., et en septième position avec 166,75 points en faisant abstraction de ses prédites activités. Monsieur … figura en quatrième rang avec un total de 175,5 points.

Par courrier du 27 novembre 2006, le ministre informa Monsieur … qu’il était classé en rang utile pour l’obtention de la concession de la pharmacie vacante à Redange et le pria de lui faire savoir pour le 7 décembre 2006 s’il acceptait cette concession.

Monsieur … ayant soumis sa candidature le 3 décembre 2006, le ministre lui accorda, par courrier du 5 décembre 2006, cette concession et l’invita à se présenter à son ministère pour la signature de l’acte de concession.

Par arrêté du 8 décembre 2006, le ministre autorisa Monsieur … à reprendre et à exploiter la pharmacie à Redange pour le 1er janvier 2007 au plus tard sous les clauses et conditions énoncées dans l’acte de concession du même jour.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2006 et inscrite sous le numéro 22279 du rôle, Madame … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 27 novembre 2006 classant Monsieur … en rang utile pour l’obtention de la concession de pharmacie vacante à Redange/Attert et de la décision ministérielle prévisée du 5 décembre 2006 lui accordant ladite concession de pharmacie.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mars 2007 et inscrite sous le numéro 22702 du rôle, Madame … a encore fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel prévisé du 8 décembre 2006.

Dans la mesure où le premier recours, inscrit sous le numéro 22279 du rôle, est dirigé contre deux actes qui s’insèrent dans une procédure dont l’acte déféré par le second recours, inscrit sous le numéro 22702 du rôle, ne constitue que l’aboutissement et où ces deux recours soulèvent des questions largement identiques, il y a lieu, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, de joindre lesdits recours afin d’y statuer par un seul jugement.

Etant donné que la loi du 4 juillet 1973 concernant le régime de la pharmacie, ci-après désignée par la « loi du 4 juillet 1973 », n’instaure pas un recours au fond en la matière visée par les trois actes déférés, le tribunal est incompétent pour connaître des deux recours principaux en réformation. Par contre, les deux recours subsidiaires en annulation sont recevables pour avoir été introduits dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de ses recours, la demanderesse expose qu’elle aurait travaillé auprès de la société F. du 1er septembre 1990 au 1er décembre 1991 en qualité de pharmacienne responsable de la fabrication de cathéters et qu’elle aurait eu, préalablement à son embauche, plusieurs entretiens avec le pharmacien-inspecteur chef de la division de la pharmacie qui lui aurait certifié que la société F. devrait embaucher un pharmacien pour contrôler et surveiller la production et que cette activité lui donnerait droit à des points de ce chef. D’un autre côté, le ministre lui aurait confirmé, à travers un courrier du 21 novembre 2006, que le pharmacien inspecteur chef de division aurait établi le 29 novembre 1990 un certificat de bonne pratique de fabrication, mais qu’il ne disposerait d’aucune pièce dont il résulterait qu’un de ses prédécesseurs aurait érigé en condition la présence d’un pharmacien responsable ou de toute autre personne qualifiée en vue de décerner une autorisation à la société F..

La demanderesse fait valoir que les classements effectués depuis octobre 2002 l’auraient classée devant Monsieur … en tenant compte de son activité auprès de la société F., mais qu’un classement établi à la fin de l’année 2003 aurait rangé Monsieur … devant elle et que, suite à sa réclamation, les classements ultérieurs l’auraient relevée sur deux positions différentes, une fois en tenant compte de son activité auprès de la société F. et une fois en faisant abstraction de ladite activité.

La demanderesse relève que son entrée en service auprès de la société F. et sa sortie auraient été certifiées dans son livret de proviseur prévu par un arrêté du 15 décembre 1921 concernant l’introduction d’un livret de proviseur à l’usage des aspirants-concessionnaires de pharmacies, à l’instar de ses activités auprès de différentes pharmacies, de manière qu’il y aurait lieu de retenir que son activité auprès de ladite société requerrait le diplôme, les aptitudes et les compétences d’un pharmacien expérimenté et que cette activité devrait être qualifiée d’activité pharmaceutique. Elle estime en outre que le fait que le ministère de la Santé aurait pris en compte jusqu’en 2003 son activité professionnelle auprès de la société F.

dans le calcul de ses points devrait être qualifié de reconnaissance du caractère pharmaceutique de cette activité.

Aux termes de l’article 1er alinéa 5 de la loi du 4 juillet 1973, un règlement grand-

ducal déterminera notamment les règles générales régissant l’octroi et l’exécution d’une concession de pharmacie.

L’article 2 du règlement grand-ducal modifié du 27 mai 1997 relatif à l’octroi des concessions de pharmacie, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 27 mai 1997 », définit trois critères pour le choix du candidat à l’obtention d’une concession de pharmacie, à savoir celui de l’ancienneté du diplôme, celui de l’occupation pharmaceutique et celui des titres scientifiques, et des points sont attribués à chaque candidat en fonction de la satisfaction à chacun de ces critères.

Concernant le critère de l’occupation pharmaceutique, le paragraphe 2 dudit article 2 dispose que « la période pendant laquelle le candidat a exercé à plein temps une occupation pour l’exercice de laquelle le diplôme de pharmacien est exigé par la loi est portée en compte à raison de six points par année entière et d’un demi-point par mois entier. Est considérée comme plein temps pour les pharmaciens salariés une occupation correspondant au maximum de la durée normale de travail hebdomadaire prévue par la législation en vigueur en matière de louage de service des employés privés ».

En l’espèce, la question qui divise les parties à l’instance et qu’il y a lieu de trancher est ainsi celle de savoir si l’activité salariée exercée de septembre 1990 à novembre 1991 par la demanderesse auprès de la société F. est à qualifier d’ « occupation pour l’exercice de laquelle le diplôme de pharmacien est exigé par la loi » pour que la demanderesse puisse se voir attribuer les points correspondant à cette activité.

Dans ce cadre, le tribunal avait soulevé d’office la question de l’existence d’une décision antérieure du ministre ayant reconnu l’activité litigieuse de la demanderesse en tant qu’occupation pharmaceutique et d’une décision subséquente du ministre ayant modifié cette reconnaissance et s’étant matérialisée par ses doubles classements aux tableaux successifs dressés par le pharmacien-inspecteur de la direction de la Santé, ainsi que celle, en cas d’existence de telles décisions ministérielles, du respect de l’article 9 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l'Etat et des communes par la seconde de ces décisions.

A travers son mémoire complémentaire y relatif, la demanderesse considère que le classement opéré par la direction de la Santé dans le cadre de chaque vacance de concession ne serait pas un simple avis, mais une décision administrative prise sur base du règlement grand-ducal du 27 mai 1997 informant le ministre de l’identité des candidats classés en rang utile et faisant ensuite partie intégrante de la décision ministérielle portant attribution de la concession, de manière que ce classement constituerait une décision de nature à faire grief à l’égard des personnes faisant l’objet de ce classement. Dans la mesure où les classements jusqu’à la fin de l’année 2003 lui auraient attribué des points en tenant compte de ses activités auprès de la société F., ils lui auraient reconnu le droit aux points correspondant à cette activité et les classements subséquents, faisant abstraction de ces points, auraient ainsi méconnu ses droits acquis et le classement du 16 octobre 2006 à la base des décisions critiquées constituerait ainsi une décision révoquant une décision antérieure prise sans respecter les formes imposées par l’article 9 du règlement grand-ducal prévisé du 8 juin 1979.

C’est cependant à juste titre que le délégué du gouvernement et Monsieur … concluent que la proposition de classement des candidats faite par la direction de la Santé – division de la Pharmacie et des Médicaments ne vaut pas décision ministérielle. En effet, même si l’établissement d’un tableau de classement des candidats n’est pas expressément prévu par le règlement grand-ducal du 27 mai 1997, il constitue néanmoins la base préparatoire, conformément aux critères et aux points correspondants prévus par l’article 2 du règlement grand-ducal du 27 mai 1997, pour le ministre afin de déterminer les candidats se trouvant successivement en rang utile pour l’obtention d’une concession vacante. Or, en application de l’article 6 du règlement grand-ducal du 27 mai 1997, le ministre n’avise que les candidats successivement en rang utile de la faculté pour eux d’obtenir la concession vacante et l’attribue au premier candidat qui accepte la concession. Il s’ensuit qu’une décision ministérielle afférente ne porte sur l’ordre des candidats que jusqu’au rang de celui qui accepte l’obtention de la concession de pharmacie vacante mais ne décide pas sur la justification du nombre de points attribués aux autres candidats placés aux rangs inférieurs et partant non utiles.

Cette conclusion se trouve confortée par l’article 2 paragraphe 5 du règlement grand-

ducal du 27 mai 1997 lequel, en disposant que « la durée tant de l’ancienneté du diplôme que de l’occupation pharmaceutique et des études et travaux scientifiques s’apprécie à la date-

limite fixée pour l’introduction des candidatures à l’article 1er alinéa 1er ci-dessus », impose clairement une nouvelle appréciation de la satisfaction des candidats aux trois critères de l’article 2 et des points à leur attribuer lors de chaque vacance de concession sur base de la législation alors en vigueur, de manière qu’un droit acquis d’un certain nombre de points à une date-clé antérieure ne saurait être admis dans le chef d’un candidat alors placé à un rang inférieur non utile.

Il découle de ces développements que la demanderesse ne peut pas se prévaloir de l’existence d’une décision administrative antérieure découlant des tableaux de classement dressés jusqu’à la fin de l’année 2003 et ayant reconnu son activité salariée au sein de la société F. comme occupation pharmaceutique, entraînant qu’une décision subséquente découlant des tableaux de classement dressés ultérieurement et ayant révoqué cette reconnaissance n’existe pas non plus et que la question du respect de l’article 9 du règlement grand-ducal prévisé du 8 juin 1979 ne se pose dès lors pas non plus.

La demanderesse se prévaut ensuite des mentions apportées à son carnet de proviseur et plus particulièrement du fait que son activité salariée auprès de la société F. aurait été inscrite dans ce carnet et visée tant par le Collège médical que par le pharmacien inspecteur de la direction de la Santé. Elle considère que l’arrêté du 15 décembre 1921 concernant l’introduction d’un livret de proviseur à l’usage des aspirants-concessionnaires de pharmacies instaurant ce carnet de proviseur n’aurait jamais été formellement abrogé et que sa validité n’aurait pas été affectée par les novelles législatives et réglementaires ultérieures. Elle se prévaut dans ce cadre de la circulaire n° 16/90 de la division de la Pharmacie et des Médicaments de la direction de la Santé du 16 juillet 1990 qui aurait confirmé que le carnet de proviseur continuerait en pratique à servir de preuve de l’activité pharmaceutique et qu’il devrait en conséquence être rempli de façon correcte. Dans la mesure où ce carnet doit renseigner les entrées au service d’un patron et les dates de cessation de service et où ces données doivent être certifiées par un pharmacien-inspecteur et le Collège médical, la demanderesse affirme qu’il constituerait la preuve de l’occupation pharmaceutique exercée par son titulaire et que le ministre devrait respecter les indications du carnet pour calculer les points relatifs à l’occupation pharmaceutique.

Concernant l’arrêté susvisé du 15 décembre 1921 qui n’a jamais été formellement abrogé, il est vrai que Monsieur … conclut que cet arrêté aurait été implicitement abrogé au moment de l’entrée en vigueur du règlement grand-ducal du 22 février 1974 portant exécution de la loi du 4 juillet 1973, cette loi ayant prévu dans son article 4 alinéa 2 le maintien en vigueur des dispositions réglementaires fondées sur l’ancienne loi jusqu’à la mise en vigueur des règlements d’exécution par elle prévus, tandis que le délégué du gouvernement estime plutôt que cet arrêté serait tombé en désuétude depuis l’entrée en vigueur de la loi du 31 juillet 1991 déterminant les conditions d’autorisation d’exercer la profession de pharmacien, ci-après désignée par la « loi du 31 juillet 1991 », qui a introduit à travers son article 5 le registre professionnel destiné à reprendre entre autres les renseignements concernant la situation professionnelle du pharmacien et avec lequel le carnet de proviseur ferait double emploi.

Sans vouloir entrer dans cette discussion sur la date d’abrogation implicite ou de désuétude de l’arrêté susvisé du 15 décembre 1921, le tribunal constate que la loi du 31 juillet 1991 instaure dans son article 5 un « registre professionnel établissant le relevé des pharmaciens autorisés à exercer la profession au Luxembourg. Le registre mentionne les nom, prénom, date de naissance, nationalité de l’intéressé, l’origine et la date de son diplôme, le titre de formation qu’il est autorisé à porter, la date de l’autorisation d’exercer et de l’extinction de l’autorisation ». En outre, au vœu du paragraphe (2) alinéa 2 du même article, le pharmacien doit également communiquer à la direction de la Santé, division de la pharmacie et des médicaments, « les renseignements concernant sa situation professionnelle, notamment son statut professionnel, les interruptions d’exercice ainsi que tout changement intervenant dans sa situation. Les renseignements à fournir et le mode de communication seront fixés par la direction de la santé, division de la pharmacie et des médicaments ».

S’y ajoute que le règlement grand-ducal du 27 mai 1997 énonce en son article 1er les documents qu’un demandeur à l’obtention d’une concession de pharmacie doit soumettre avec sa demande et qu’il prévoit sous son point n° 5 la soumission des « certificats relatifs aux occupations pharmaceutiques au Luxembourg ou dans un autre Etat membre de l’Union Européenne, postérieures à l’obtention de l’autorisation d’exercer au Luxembourg ou dans l’autre pays membre », mais ne fait aucune référence au carnet de proviseur en tant que document à soumettre pour établir la chronologie des occupations pharmaceutiques.

Or, l’arrêté susvisé du 15 décembre 1921 précisait dans son article 1er que « tout candidat, qui demandera à l’avenir l’octroi d’une concession de pharmacie devra joindre à sa demande un carnet de condition pharmaceutique qui lui sera délivré, après qu’il aura passé l’examen de pharmacien, par le Directeur général du service sanitaire. Pour établir le temps pendant lequel le candidat aura été occupé dans une pharmacie, … ne sera pris en considération que le temps d’occupation dûment constaté par le carnet en question ».

Force est d’en déduire que du moins sous l’égide du règlement grand-ducal du 27 mai 1997 applicable au moment des trois décisions critiquées, l’arrêté du 15 décembre 1921 doit être considéré comme étant abrogé, étant donné que ledit règlement grand-ducal, en admettant la preuve de l’occupation pharmaceutique par des certificats établis par de tierces personnes, a aboli l’exclusivité de la preuve de l’occupation pharmaceutique à travers le carnet de proviseur et l’obligation d’y inscrire toute occupation afférente. Si certains candidats ont continué à faire inscrire leurs occupations dans leurs carnets de proviseur, ces carnets peuvent seulement être considérés comme une réunion de certificats dans un seul document sans pouvoir revêtir un caractère probant particulier.

En outre, le règlement grand-ducal du 27 mai 1997 ne confère aucune force probante supérieure aux certificats que les candidats sont invités à soumettre pour établir leurs occupations pharmaceutiques, de manière que le ministre conserve le pouvoir de vérifier la réalité des occupations et de leur caractère pharmaceutique et qu’il peut refuser de tenir compte d’un certificat si l’occupation y certifiée ne répond pas aux critères légaux.

Il s’ensuit que la demanderesse ne pouvait, aux dates de la prise des décisions critiquées, se prévaloir de ce que les mentions de son carnet de proviseur certifieraient de manière péremptoire la réalité et le caractère pharmaceutique de son occupation salariée auprès de la société F. et que le moyen afférent de la demanderesse laisse d’être justifié.

La demanderesse se prévaut finalement de son activité salariée au sein de la société F.

en elle-même pour affirmer qu’elle devrait être qualifiée d’occupation pharmaceutique, au motif que cette société aurait procédé à la fabrication de cathéters à usage unique pour les exporter, qu’il aurait fallu veiller à ce que ces dispositifs médicaux soient fabriqués, voire assemblés ou conditionnés sous le respect des prescriptions OMS en matière de stérilisation, ainsi que le confirmerait un certificat de la direction de la Santé du 29 novembre 1990, et que la société F. aurait dû avoir à ses services un pharmacien diplômé afin de surveiller cette activité. Elle affirme qu’un dossier sur la société F. aurait été ouvert en son temps au ministère de la Santé, qu’elle aurait eu plusieurs entretiens avec le pharmacien-inspecteur chef de la division de la pharmacie qui lui aurait certifié l’obligation pour la société F. de faire contrôler et surveiller cette activité par un pharmacien et qui aurait visé cette activité professionnelle comme occupation pharmaceutique dans son carnet de proviseur. Elle formule dans son mémoire en réplique une offre de preuve par témoin en estimant qu’il y aurait lieu de faire appeler comme témoin la pharmacienne-inspecteur chef de la division de la pharmacie afin de l’entendre sur ses déclarations relatives à la nécessité de la présence permanente d’un pharmacien pour l’activité en cause de la société F., sinon subsidiairement d’impartir à la partie étatique de verser en cause une attestation testimoniale écrite afférente de sa part.

Le délégué du gouvernement et Monsieur … rétorquent qu’une pharmacie FLASH n’aurait jamais existé au Luxembourg et que l’activité de la société F. n’aurait jamais englobé la production ou la commercialisation de médicaments, mais qu’elle aurait consisté en la fabrication ou plutôt le conditionnement de cathéters qui seraient à qualifier de dispositifs médicaux au sens de la loi modifiée du 16 janvier 1990 relative aux dispositifs médicaux qui n’exigerait pourtant pas la présence d’un pharmacien pour cette activité, de manière que toute référence à d’autres sociétés actives dans le domaine médical ou vétérinaire serait vaine. Ils exposent encore qu’à l’époque la société F. se serait adressée aux services du ministère de la Santé afin d’obtenir un certificat de bonne pratique en vue de l’exportation de ses produits, qu’au vu du refus opposé à cette demande au vu des manquements à l’hygiène constatés, ladite société aurait engagé de sa propre initiative la demanderesse comme pharmacienne et qu’à la suite d’améliorations constatées dans le processus de production, le ministère de la Santé aurait délivré le 29 novembre 1990 le certificat de bonne pratique sollicité. Par ailleurs, ce certificat retiendrait seulement que les locaux de la société F. auraient satisfait aux exigences de bonne fabrication sans se prononcer sur la fabrication elle-même et il énoncerait pareillement que la stérilisation et le contrôle de l’absence de résidus du produit fini auraient été réalisés par une entreprise externe, alors que ce seraient précisément ces deux opérations qui auraient éventuellement pu requérir la présence d’un professionnel qualifié. Ils ajoutent encore que la société F. aurait continué son activité en cause après le départ de la demanderesse et que les services du ministère de la Santé n’auraient pu trouver aucun document dont résulterait l’obligation faite à l’époque à la société F. d’engager un pharmacien.

Conformément à l’article 3 de la loi du 31 juillet 1991, « sont à considérer comme activités de pharmacien à l'article 1er paragraphe (1) - la mise au point de la forme pharmaceutique des médicaments, - la fabrication et le contrôle des médicaments, - le contrôle des médicaments dans un laboratoire de contrôle des médicaments, - le stockage, la conservation et la distribution des médicaments au stade du commerce en gros, - la préparation, le contrôle, le stockage et la distribution des médicaments dans les pharmacies ouvertes au public, - la préparation, le contrôle, le stockage et la dispensation des médicaments dans les hôpitaux, - l'élaboration et la diffusion d'informations et de conseils sur les médicaments.

II en est de même pour les activités réservées au pharmacien par les lois et les règlements ».

Cette disposition vise partant elle-même exclusivement des actes en relation avec des médicaments à administrer aux personnes et non pas avec d’autres équipements médicaux.

Or, il résulte des éléments non autrement énervés du dossier et des explications des parties à l’instance que l’activité en cause de la société F. consistait en substance en l’assemblage et le conditionnement de cathéters, lesquels ne sauraient être qualifiés de médicaments, de manière que cette activité a trait à des dispositifs médicaux et non pas à des médicaments et qu’elle ne rentre partant pas dans le champ d’application de l’article 3 de la loi du 31 juillet 1991.

Dans la mesure cependant où l’article 3 renvoie in fine encore à d’autres lois imposant la qualification de pharmacien pour d’autres activités, il y a lieu de vérifier si d’autres dispositions légales ou réglementaires imposent l’intervention d’un pharmacien pour l’assemblage et le conditionnement de cathéters. Cependant, la loi prévisée du 16 janvier 1990 soumet à travers son article 1er certes la commercialisation, l’importation, la publicité et l’utilisation des dispositifs médicaux à la surveillance des ministres ayant respectivement la Santé et la Justice dans leurs attributions et délègue à un règlement grand-ducal la mission d’arrêter les modalités de cette surveillance. Le règlement grand-ducal modifié du 11 août 1996 relatif aux dispositifs médicaux précise les règles devant être respectées lors des opérations portant sur des dispositifs médicaux, mais ne comporte aucune disposition imposant l’intervention ou la surveillance d’une personne détenant le diplôme de pharmacien pour l’activité d’assemblage et de conditionnement de cathéters.

Il en résulte que la présence d’un pharmacien n’est pas légalement requise pour l’activité d’assemblage et de conditionnement de cathéters, de manière que cette activité de la demanderesse ne peut être qualifiée d’« occupation pour l’exercice de laquelle le diplôme de pharmacien est exigé par la loi » au sens de l’article 2 du règlement grand-ducal du 27 mai 1997.

Au-delà de ce constat de l’absence de disposition légale ou réglementaire imposant l’engagement d’un pharmacien pour l’exercice de l’activité d’assemblage et de conditionnement de cathéters, le tribunal est encore amené à retenir que, malgré ses allégations relatives à une prise de position afférente du pharmacien-chef inspecteur de la division de la pharmacie, la demanderesse n’a pas établi que son engagement en qualité de pharmacien auprès de la société F. pour l’activité en cause aurait été imposée sur base d’une autre législation par les services du ministère de la Santé. Les mentions du carnet de proviseur relatives à l’activité salariée litigieuse de la demanderesse, si elles peuvent certifier la réalité de l’activité de la demanderesse, ne peuvent pas suppléer au défaut de la satisfaction à la condition imposée par l’article 2 paragraphe 2 du règlement grand-ducal du 27 mai 1997 de l’exercice d’une activité professionnelle pour laquelle le diplôme de pharmacien est requis.

Pareillement, l’offre de preuve formulée par la demanderesse est à écarter comme non pertinente, étant donné qu’elle ne tend pas à établir que la présence de la demanderesse en qualité de pharmacien pour l’activité en cause de la société F. aurait été imposée sur base d’une autre législation, conformément au critère ainsi prévu par l’article 2 du règlement grand-ducal du 27 mai 1997.

Il découle de l’ensemble des développements ci-avant que la validité de la décision du ministre de déclarer Monsieur … en rang utile avant la demanderesse pour l’obtention de la concession de la pharmacie à Redange et partant de ne pas tenir compte de l’activité salariée de la demanderesse auprès de la société F. en tant qu’occupation pharmaceutique au sens de l’article 2 paragraphe 2 du règlement grand-ducal du 27 mai 1997 en vue du classement de la demanderesse dans le cadre de cette vacance de concession n’est énervée par aucun des moyens avancés par la demanderesse et que le recours sous analyse est partant à rejeter comme n’étant pas fondé.

Au vu de la solution au fond, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande, fondée sur l’article 35 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, formulée par la demanderesse, de voir ordonner l’effet suspensif du recours durant le délai et l’instance d’appel.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, joint les deux recours inscrits sous les numéros 22279 et 22702 du rôle, se déclare incompétent pour connaître des recours principaux en réformation, reçoit les deux recours en annulation en la forme, écarte l’offre de preuve formulée par la demanderesse, au fond, déclare les recours non justifiés et en déboute, rejette la demande formulée par la demanderesse de voir ordonner l’effet suspensif du recours durant le délai et l’instance d’appel, condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHOCKWEILER, premier vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 20 décembre 2007 par le premier vice-président, en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHOCKWEILER 11


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22702
Date de la décision : 20/12/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-12-20;22702 ?

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