Tribunal administratif N° 23119 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 25 juin 2007 Audience publique du 19 décembre 2007 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié
__________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 23119 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2007 par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Bafi (Turquie), agissant tant en son nom personnel qu’en celui de ses enfants mineurs … …, née le … à Idil (Turquie) et … …, née le … à Idil, et de Mademoiselle … …, née le … à Idil, tous de nationalité turque, demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 25 septembre 2006, ayant rejeté leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et leur ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 21 mai 2007 prise sur recours gracieux ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er août 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions ministérielles entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Frank WIES ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.
___________________________________________________________________________
Le 5 juillet 2004, M. …, accompagnés de ses enfants mineurs …, née le …, …, née le … et …, née le …, introduisit auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».
Le même jour, M. … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg. M. … fut entendu le 22 septembre 2004, tandis que sa fille, Mlle … …, fut entendue les 27 avril et 18 mai 2005, par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de leur demande d’asile.
Par décision du 25 septembre 2006, notifiée le 5 octobre 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, désigné ci-après par le « ministre », les informa que leur demande en obtention du statut de réfugié avait été rejetée comme n’étant pas fondée et que le bénéfice de la protection subsidiaire leur était refusé. Cette décision est libellée comme suit :
« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du même jour et les rapports de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration datés des 22 septembre 2004 et 27 avril 2005.
Il ressort du rapport de la Police Judiciaire que vous auriez quitté la Turquie le 26 juin 2004 en prenant place dans la remorque d'un camion. Vous aviez déposé une demande d'asile en Allemagne en 1997. Vous en avez été débouté en octobre 2003.
Monsieur, vous exposez que vous êtes seulement venu au Luxembourg avec trois de vos enfants; vos deux épouses et vos neuf autres enfants étant restés en Turquie et en Allemagne.
Vous auriez fait votre service militaire en 1985 comme simple soldat. Vous auriez été membre du HEP en 1991, puis du DEP. Ce parti, qui défend les intérêts des Kurdes est devenu le HADEP par la suite. Pour ce parti, vous étiez responsable de la formation des jeunes et vous serviez de chauffeur aux élus locaux. On vous aurait accusé en 1994 d'héberger un fugitif. Vous auriez aussi reçu des menaces en 1997. Vous ajoutez que ce parti a toujours été considéré comme la branche politique du PKK. Pour cette raison, les soldats ou la police vous rechercheraient. De plus, vous auriez déjà été arrêté et maltraité en 1993 et en 1997 pour avoir été milicien au PKK. Vous auriez aussi été condamné pour trafic d'armes en 1995 et libéré en 1996. Vous dites craindre l'Etat, la police et l'armée.
Vous, Mademoiselle, vous exposez que votre père aurait été emprisonné dans les années 1990. Vous dites que votre père aidait les partisans kurdes et qu'il cachait des choses dans le jardin. Les soldats auraient trouvé cette cachette et ils auraient emmené votre mère et la seconde épouse de votre père au poste. Votre père aurait été questionné une fois par la police après votre rapatriement d'Allemagne en 2003. Vous ne seriez pas membre d'un parti politique.
Il y a d'abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d'asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Je constate que mis à part un interrogatoire après votre retour en Turquie en 2003, tous vos problèmes datent des années 1990. Tous les faits que vous invoquez sont trop anciens pour être pris en considération. Votre occupation dans le parti HADEP n'étant pas une fonction dirigeante, ne vous plaçait pas dans une position particulièrement exposée. De plus la situation en Turquie a changé depuis les années 1990. Même si la situation entre Turcs et Kurdes n'est pas parfaite, les tensions se sont en général apaisées et le fait d'appartenir à la minorité kurde n'entraîne pas d'office des persécutions. Le simple fait d'appartenir à une minorité n'entraîne pas non plus l'obtention du statut de réfugié. Votre crainte de l'Etat, de la police et de l'armée relève du sentiment d'insécurité général mais, pas d'une crainte raisonnablement de persécution telle que prévue par la Convention de Genève.
Ainsi, vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte justifiée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie.
En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de vos demandes ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
En effet, conformément au raisonnement élaboré au sujet de votre demande d'asile, un sentiment d'insécurité est insuffisant pour vous conférer le bénéfice de la protection subsidiaire.
Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé ».
Par lettre de leur mandataire du 4 novembre 2006, les consorts … introduisirent un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle prévisée, recours gracieux qui fut complété par une lettre du 24 novembre 2006 par laquelle de nouvelles pièces furent soumises au ministre.
Par décision du 21 mai 2007, le ministre confirma sa décision initiale de refus du 25 septembre 2006 à défaut d’éléments pertinents nouveaux.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2007, les consorts … ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles précitées des 25 septembre 2006 et 21 mai 2007.
Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.
d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19 (3) de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de protection subsidiaire déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.
Le recours en réformation ayant été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
A l’appui de leur recours, les demandeurs font exposer qu’ils seraient de nationalité turque et d’origine kurde et qu’ils auraient vécu dans la ville de Sirnak située dans une région de la Turquie peuplée à majorité de Kurdes. Ils exposent plus particulièrement que M. … serait depuis longtemps un militant de la cause kurde, qu’il aurait adhéré au parti politique DEP (anciennement HEP) et qu’il aurait été le chauffeur d’un des dirigeants de ce parti, un dénommé Selim SADAG, un parlementaire qui aurait été arrêté et condamné en 1994 avec d’autres politiciens kurdes à une longue peine de prison pour appartenance au Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Ils précisent que d’autres membres de leur famille auraient également milité pour la cause kurde, notamment la sœur de M. …, laquelle aurait trouvé refuge au Luxembourg où elle se serait vu accorder le statut de réfugié après que l’armée turque eut tué son époux et ses deux beaux-frères, ainsi que ses deux frères qui se seraient vu reconnaître le statut de réfugié par les autorités allemandes.
Ils expliquent que M. … n’aurait pas seulement soutenu le DEP mais qu’il aurait également aidé le PKK en hébergeant chez lui des militants du PKK et en leur fournissant des vêtements et des vivres. En 1993, M. … serait même allé en Irak pour acheter des armes qu’il avait l’intention de cacher dans un puits dans son jardin, mais qu’il aurait été arrêté à la frontière par les autorités turques, qu’il aurait été détenu pendant quinze jours et interrogé par les unités anti-terroristes, qu’il aurait également été torturé. Il aurait nié que les armes auraient été destinées au PKK, mais après la découverte de la cachette dans son jardin, il aurait été condamné à une peine de prison de six ans et trois mois du chef d’activités terroristes. Après sa libération conditionnelle en juin 1996, il aurait repris son combat politique. En février 1997, il aurait été arrêté, placé en garde à vue et torturé par l’unité anti-terroriste parce qu’il aurait été soupçonné d’être membre du parti HEDEP, issu de la dissolution du parti DEP par les autorités turques, et de soutenir le PKK. Placé en détention préventive, il aurait été libéré le 11 avril 1997 faute de preuves suffisantes à sa charge. Peu de temps après, M. … aurait reçu une convocation policière et il aurait alors quitté la Turquie avec sa famille vers l’Allemagne.
La demande d’asile y introduite aurait été définitivement rejetée le 13 octobre 2003 et la famille … aurait été rapatriée en Turquie le 29 octobre 2003.
A l’arrivée à l’aéroport d’Istanbul, la famille … aurait été emmenée par des policiers et M. … aurait été interrogé durant des heures avant d’être relâché grâce à l’intervention d’un policier qui l’aurait connu avant son départ en Allemagne. M. … aurait repris le combat politique en s’engageant pour la cause kurde au sein du parti DEHAP dans lequel il aurait assumé les fonctions de représentant local de Kupeli, qu’il se serait chargé de la propagande, de l’organisation des meetings et du recrutement de nouveaux membres et qu’il aurait essayé d’ouvrir des bureaux dans d’autres régions. Très vite, il aurait attiré l’attention des autorités turques, qu’il aurait été interrogé à plusieurs reprises et qu’on aurait fait pression sur lui pour qu’il dénonce des membres du PKK. Craignant pour sa sécurité et celle de sa famille, il aurait préféré quitter la Turquie avec trois de ses filles en juin 2004 pour venir au Luxembourg.
Les demandeurs précisent encore que M. … continuerait depuis son arrivée au Luxembourg à militer activement pour la cause des Kurdes et qu’il se serait ainsi engagé publiquement en faveur de la journaliste kurde, Mme Zubeyde ERSÖZ, dont les autorités turques avaient demandé l’extradition.
En droit, les demandeurs reprochent au ministre, estimant que les faits invoqués à l’appui de leur demande d’asile seraient trop anciens pour pouvoir encore être pris en considération, d’ignorer les craintes de persécutions mises en avant en rapport avec les événements qui se seraient déroulés depuis leur retour en Turquie en 2003. Ils précisent dans ce contexte, que les problèmes rencontrés ne se limiteraient pas seulement à l’interrogatoire de M. … lors de leur arrivée à l’aéroport d’Istanbul, mais qu’en juin 2006, le domicile de la famille … aurait également été « visité » par les forces de l’ordre qui auraient recherché M. ….
Ils concluent qu’ils feraient valoir une crainte justifiée et actuelle d’être victime de persécutions en cas de retour en Turquie du fait de leur appartenance à une « famille patriotique kurde » et du fait de l’engagement de M. … en faveur de Mme Zubeyde ERSÖZ.
Ils renvoient encore à des rapports d’organisations internationales pour démontrer la réalité des violations des droits de l’homme commises à l’heure actuelle par les autorités turques à l’égard des militants kurdes. Ils contestent en outre l’affirmation du ministre que la situation des Kurdes aurait changé en Turquie et que ceux-ci n’auraient plus de raisons de craindre des persécutions.
Les demandeurs font encore valoir que, contrairement à ce qui serait affirmé par le ministre, M. … aurait rempli après son retour en Turquie en 2003 une fonction dirigeante au sein de son parti dans le district de Kupeli. En outre, ils invoquent l’article 32 (2) de la loi précitée du 5 mai 2006 pour soutenir que la cause des persécutions ne serait pas à rechercher dans le chef du persécuté mais dans celui des persécuteurs. Or, les agissements des autorités turques envers M. … démontreraient à suffisance qu’elles considéreraient sa position au sein du parti comme suffisamment exposée pour lui attribuer des opinions politiques qu’elles comptaient combattre par tous les moyens.
A titre subsidiaire, les demandeurs considèrent que M. … en sa qualité de militant kurde établirait à suffisance un risque de subir, en cas de retour en Turquie, des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants au sens de l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, de sorte qu’ils devraient être admis au bénéfice de la protection subsidiaire.
Le représentant étatique soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que leur recours laisserait d’être fondé.
L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue.
En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés aux cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.
En effet, en ce qui concerne tout d’abord les faits concrets mis en avant par les demandeurs concernant la peine d’emprisonnement à laquelle M. … a été condamné en 1993 du fait d’avoir infiltré des armes en Turquie et sa détention préventive en 1997 en raison de soupçons pesant sur lui de soutenir le PKK, force est de constater que ces événements remontent à une époque se situant avant le départ de la famille … pour l’Allemagne en 1997 et qu’ils sont partant trop éloignés dans le temps pour pouvoir justifier encore à l’heure actuelle une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Quant aux activités politiques exercées par M. … après son retour en Turquie en octobre 2003, il se dégage de ses explications qu’il s’est engagé en faveur du parti politique pro-kurde DEHAP, qu’il a été le représentant local de ce parti dans le district de Kupeli et que ses activités consistaient à organiser des meetings, à recruter de nouveaux membres et à ouvrir des bureaux du parti dans d’autres régions. Il prétend ainsi qu’il aurait eu des problèmes avec les autorités turques en raison de son appartenance à ce parti, les autorités lui reprochant en substance de faire partie du PKK au vu de ses antécédents judiciaires.
Or, les seuls faits concrets ayant eu lieu après le retour des demandeurs en Turquie en octobre 2003, sur lesquels M. … pourrait se baser pour justifier, le cas échéant, leur demande d’asile, consistent, d’une part, en un interrogatoire de plusieurs heures auquel M. … a dû se soumettre à son arrivée à l’aéroport d’Istanbul après un séjour de presque six ans en Allemagne et, d’autre part, en des harcèlements de la part des forces de l’ordre turques en raison de son engagement politique en faveur du parti DEHAP.
Force est toutefois de constater que ces faits, qui s’analysent en substance en des chicaneries policières, ne sont pas d’une gravité suffisante pour justifier à l’heure actuelle la reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Cette conclusion ne saurait être énervée par la lettre datée du 25 mai 2007, versée par les demandeurs à l’appui de leur recours, et émanant prétendument d’un membre du Congrès National du Kurdistan de Bruxelles, étant donné que non seulement cette lettre n’est pas signée, mais qu’elle ne prouve en rien que les demandeurs et en particulier M. … risque, en cas de retour en Turquie, d’être victime de persécutions de la part des autorités turques en raison de ses opinions politiques.
Enfin, en ce qui concerne le fait que M. … aurait activement et ouvertement milité au Luxembourg en faveur du comité de défense de Mme Zubeyde ERSÖZ, en vue d’empêcher l’extradition de celle-ci vers la Turquie, il échet de constater que les demandeurs n’ont pas soumis un quelconque élément de preuve suivant lequel cet engagement en faveur de Mme ERSÖZ puisse être connu des autorités turques. Dans ces conditions, ce fait ne saurait pas non plus être pris en considération pour apprécier si les demandeurs peuvent à juste titre craindre avec raison de faire l’objet de persécutions en cas de retour dans leur pays d’origine.
Quant à la situation de Mlle … …, il convient de relever que celle-ci a déclaré ne pas avoir fait personnellement l’objet de persécutions et que les seuls faits invoqués sont directement liés à ceux de son père.
Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.
En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire, telle que prévue par la loi précitée du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de ladite loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Selon l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, sont considérées comme atteintes graves la peine de mort ou l’exécution, la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine et les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Le tribunal constate à ce sujet que les demandeurs n’invoquent aucun élément ou circonstance indiquant qu’il existe de sérieux motifs de croire que les demandeurs seraient exposés, en cas de retour dans leur pays d’origine, à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, et notamment des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.
En effet, la simple qualité de « militant kurde » dans le chef de M. …, telle qu’avancée par les demandeurs, tout comme la situation générale des Kurdes en Turquie n’est pas à elle seule suffisante pour octroyer la protection subsidiaire aux demandeurs.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs ne sont pas fondés à prétendre ni à la qualité de réfugié ni au bénéfice de la protection subsidiaire, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire ;
condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 19 décembre 2007 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 8