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19/12/2007 | LUXEMBOURG | N°23001

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 décembre 2007, 23001


Tribunal administratif Numéro 23001 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 mai 2007 Audience publique du 19 décembre 2007 Recours formé par Madame …, … (B) contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’employé de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23001 du rôle et déposée le 30 mai 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, chargée d’éducation

, demeurant à B-

…, tendant à la réformation d’une décision de l’Etat du Grand-Duché de Luxe...

Tribunal administratif Numéro 23001 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 mai 2007 Audience publique du 19 décembre 2007 Recours formé par Madame …, … (B) contre une décision du ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle en matière d’employé de l’Etat

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23001 du rôle et déposée le 30 mai 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Gaston VOGEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, chargée d’éducation, demeurant à B-

…, tendant à la réformation d’une décision de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, représenté par son ministre d’Etat et pour autant que de besoin par son ministre de l’Education Nationale et de la Formation professionnelle du 2 mai 2007 « refusant de reconnaître que le requérant est lié par un contrat de travail à durée indéterminée à l’Etat » ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 septembre 2007 par Maître Michel MOLITOR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 8 octobre 2007 par Maître Gaston VOGEL au nom de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2007 par Maître Michel MOLITOR pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Virginie MERTZ, en remplacement de Maître Gaston VOGEL, et Paulo LOPES DA SILVA, en remplacement de Maître Michel MOLITOR, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 3 décembre 2007.

Suivant contrat de louage de services daté du 14 septembre 1998, Madame … fut engagée en qualité de chargée d’éducation à durée déterminée au Lycée technique des Arts et Métiers de Luxembourg avec une tâche hebdomadaire de 10 leçons pour la période du 15 septembre 1998 au 15 septembre 1999. Le contrat stipule que la tâche hebdomadaire de 10 leçons « pourra également consister en activités administratives, en activités sociales et périscolaires, en activités de surveillance et de remplacement », de même qu’elle pourra faire 1l’objet « au cours de l’année scolaire, d’adaptations ou de modifications nécessitées par des raisons de service ».

Moyennant son article 5, ledit contrat du 14 septembre 1998 prévit une clause de renouvellement libellée comme suit : « le présent contrat peut être renouvelé plus de deux fois, même pour une durée totale excédent 24 mois, conformément à l’article 17 modifié de la loi du 5 juillet 1991 portant e.a. dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail.

Les conditions de ce renouvellement feront l’objet d’un nouveau contrat à signer avant l’expiration du contrat initial. » Madame … bénéficia ensuite d’un nouveau contrat signé le 30 juillet 1999 auprès du même lycée pour la période du 15 septembre 1999 au 15 septembre 2000 avec une tâche hebdomadaire de 10 leçons.

Ce contrat fut suivi d’itératifs contrats à durée déterminée pour le même emploi auprès du même lycée, signés à chaque fois au mois de juillet et portant sur l’année scolaire suivante, le dernier contrat en date ayant été signé le 14 juillet 2005 et ayant porté sur la période du 15 septembre 2005 au 14 septembre 2006.

Par courrier du 19 avril 2007, Madame … s’adressa par l’intermédiaire de son avocat à la ministre de l’Education nationale dans les termes suivants :

« Ma partie était engagée en qualité de chargée d’éducation à durée déterminée par l’Etat pendant huit ans.

Chaque année scolaire, son contrat était renouvelé.

Pour l’année scolaire 2006/2007, ma partie n’a plus reçu de contrat.

Cette façon de procéder est contraire à l’article 5 de la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail ainsi qu’à l’article 2 du règlement grand-ducal du 11 juillet 1989, alors que l’emploi de ma partie est tout autre que temporaire.

Ma mandante est liée à l’Etat par un contrat à durée indéterminée depuis 1998, sinon, depuis 2000 si vous deviez considérer que l’Etat était en droit d’engager Madame … par contrat à durée déterminée pour 24 mois.

Il y a lieu de faire application de l’arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2007 qui a donné solution au problème.

Ma partie demande par conséquent à ce qu’il soit confirmé qu’elle est salariée bénéficiaire d’un contrat à durée déterminée. » La ministre prit position suivant courrier du 2 mai 2007 libellé comme suit :

« J’accuse bonne réception de votre courrier en date du 19 avril 2007 dans l’affaire émargée, par lequel vous m’informez d’une part que votre mandante était engagée en qualité 2de chargée d’éducation à durée déterminée par l’Etat pendant 8 ans et d’autre part que pour l’année scolaire 2006/2007 elle n’a plus bénéficié de contrat.

Vous estimez que cette façon de procéder est contraire à l'article 5 de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, ainsi qu'à l'article 2 du règlement grand-ducal du 11 juillet 1989.

Dès lors, vous demandez au Ministère de l'Education nationale qu'il soit fait application de l'arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2007 et à ce que votre mandante se voit confirmer qu'elle est bénéficiaire d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Je tiens à vous rappeler que, dans son arrêt du 30 janvier 2007, la Cour administrative a décidé que "la déclaration de non-conformité d'une loi à la Constitution laisse subsister cette loi dans l'ordonnancement juridique, à l'instar de la disposition réglementaire déclarée illégale par voie d'exception sur base de l'article 95 de la Constitution, en sorte que stricto sensu c'est seulement l'application dans le litige de la disposition invalidée qui est paralysée par la déclaration de non-conformité arrêtée par la juridiction compétente à cette fin".

Compte tenu de l'effet relatif de la déclaration de non-conformité, il apparaît que la conclusion successive de contrats à durée déterminée entre votre mandante et l'Etat est tout à fait conforme à la législation et réglementation applicables et que l'Etat, représenté par la Ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle était parfaitement fondé à ne pas renouveler le contrat de travail à durée déterminée conclu pour l'année scolaire 2005/2006 lorsque ce dernier a pris fin de plein droit à l'arrivée de son échéance, le 14 septembre 2006.

En conséquence, il n'y a pas lieu de confirmer que Madame … serait salariée bénéficiaire d'un contrat à durée indéterminée.

La présente décision est susceptible d'un recours en réformation à introduire par ministère d'avocat dans le délai de trois mois à partir de la notification de la présente devant le Tribunal administratif de et à Luxembourg ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 mai 2007, Madame … a fait introduire un recours contentieux tendant à la réformation de la décision prérelatée du 2 mai 2007 en ce qu’elle refuse de reconnaître qu’elle serait liée par un contrat de travail à durée indéterminée à l’Etat et ce à partir du 15 septembre 2000 ou toute autre date à fixer par le tribunal.

Quant à la recevabilité L’Etat entend résister à cette demande en soulevant à titre principal la nullité de la requête introductive d’instance pour libellé obscur. Il soulève ensuite le moyen d’irrecevabilité pour « défaut d’objet de la demande », au motif, notamment, que le dispositif de la requête introductive d’instance omettrait de solliciter l’annulation ou la réformation d’une quelconque décision administrative.

3L’obligation prévue par l’article 1er, alinéa 2 tiret 3 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel la requête introductive d’instance doit contenir l’exposé sommaire des moyens invoqués, est à appliquer corrélativement avec l’article 29 de la même loi, aux termes duquel « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».

En l’espèce la partie défenderesse omet non seulement de préciser en quoi l’imprécision alléguée des moyens de la demanderesse porterait atteinte à ses droits, mais il y a encore lieu de constater qu’elle ne s’est pas trompée quant à la portée de ces moyens, puisqu’elle y a répondu de manière circonstanciée.

Il en résulte qu’en l’absence de grief effectif porté aux droits de la défense, le moyen d’irrecevabilité pour libellé obscur est à écarter.

En ce qui concerne le second moyen d’irrecevabilité soulevé par la partie étatique, force est au tribunal de constater que le dispositif du recours introductif d’instance ne mentionne ni la décision déférée, ni ne précise si la partie demanderesse en sollicite la réformation ou l’annulation, le dispositif tendant à « (…) dire que le requérant est lié par un contrat à durée indéterminée à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ce à partir du 24 juillet 2002, ou toute autre date à fixer par le tribunal ».

La partie défenderesse relève à ce sujet qu’aux termes d’une jurisprudence du tribunal administratif, la seule décision utilement attaquée serait celle qui figure dans le dispositif de la requête introductive d’instance.

Sans se départir de la jurisprudence citée par la défenderesse, le tribunal est cependant amené à relever qu’à titre exceptionnel il n’est pas, en la présente matière, saisi d’un recours dirigé contre une décision administrative, mais d’un recours lui soumettant une contestation relative à une situation de fait et de droit donnée.

En effet, si d’une manière générale et aux termes de l’article 1er de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal administratif peut être saisi d’un recours « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible », il s’est vu confier par le législateur, et plus particulièrement par l’article 11 (1) de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, un recours au fond « quant aux contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires ».

Il s’ensuit qu’en cette matière, la non-indication de la décision déférée dans le dispositif de la requête introductive d’instance ne saurait être sanctionnée par l’irrecevabilité du recours, d’autant plus que pareille sanction n’est pas prévue par un texte et que, comme relevé ci-

avant, la partie défenderesse reste en défaut de faire état d’un quelconque grief résultant de cette non-indication formelle.

Bien au contraire, le tribunal relève que la partie défenderesse ne s’est pas méprise sur la portée et sur l’objet du recours, et ce d’autant plus que la décision litigieuse est non seulement formellement identifiée dans le corps de la requête, mais qu’elle a encore été déposée, conformément à l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, parmi les pièces versées.

4 Enfin, en ce qui concerne l’absence de précision alléguée quant au but poursuivi par le recours, force est de constater que si dans le corps de la requête il est précisé que le recours tend à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision déférée, il se dégage du dispositif, comme cité ci-avant, que la partie demanderesse demande au tribunal de « (…) dire que le requérant est lié par un contrat à durée indéterminée à l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg, ce à partir du 15 septembre 2000, ou toute autre date à fixer par le tribunal », ce qui équivaut à solliciter concrètement la réformation de la décision refusant à Madame … le bénéfice d’un contrat à durée indéterminée.1 Etant donné que l’article 11 (1) de la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat instaurant un recours de pleine juridiction quant aux contestations résultant du contrat d’emploi, de la rémunération et des sanctions et mesures disciplinaires, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation portant sur une contestation relative à la qualification d’un contrat d’emploi d’un employé de l’Etat.

Ledit recours en réformation est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Quant au fond La partie demanderesse conclut à la requalification de son engagement auprès de l’Etat comme étant à durée indéterminée dès la signature du premier contrat liant les parties, soit à partir du 15 septembre 2000, sinon à partir d’une date à arrêter par le tribunal.

Elle se prévaut à ce sujet des dispositions de l’article 5, paragraphe 1er de la loi modifiée du 24 mai 1989 sur le contrat de travail pour soutenir qu’un contrat à durée déterminée ne pourrait être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et non durable et que cette exception serait soumise à une restriction en ce sens qu’un contrat à durée déterminée ne pourrait pas avoir pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Pour corroborer cette conclusion elle se réfère à la jurisprudence française en la matière en faisant valoir que la loi y prévoit également les conditions dans lesquelles un employeur peut avoir recours au contrat à durée déterminée en énumérant des domaines d’activité spécifiques notamment dans le secteur de l’enseignement, à savoir l’article D121-2 du Code de travail français, et elle fait relever que conformément à cette jurisprudence, le recours au contrat de travail à durée déterminée ne se concevrait que pour les emplois correspondant à un enseignement non permanent dans l’établissement ou limité à une fraction de l’année scolaire, c’est-à-dire par exemple dans les hypothèses d’un remplacement, d’un enseignement ponctuel, ou de vacations, mais qu’en revanche dans l’hypothèse de l’enseignement de façon permanente, le contrat de travail à durée indéterminée s’imposerait.

Dans ce contexte un arrêt de la Cour d’appel d’Orléans, chambre sociale, du 11 janvier 1990 aurait par ailleurs retenu que la succession ininterrompue de contrats sur plusieurs années démontrerait la pérennité de l’emploi, cette même conclusion ayant été confirmée par la Cour de Cassation qui aurait été amenée le plus souvent à se prononcer sur la succession de contrats conclus pour l’année scolaire et aurait censuré les décisions qui, ne prenant pas en compte le 1 cf. Trib. adm. 12.10.2005, n° 19157 du rôle 5caractère permanent de l’enseignement, ont refusé de voir dans la succession des contrats à durée déterminée, sans autre interruption que les vacances scolaires, un ensemble de durée globale indéterminée.

En l’espèce aucun des contrats de louage de services successifs signés ne définirait l’objet du contrat de travail au titre de l’admissibilité de son caractère à durée déterminée par l’indication vérifiable de l’existence d’une des causes d’ouverture telles que définies à l’article 5 prévisé de la loi modifiée du 24 mai 1989, ni d’une autre cause justifiant le recours à des contrats à durée déterminée comme l’exigerait l’article 6 de la même loi. Or, l’indication de l’objet du contrat étant de l’essence du contrat à durée déterminée, il y aurait lieu de retenir qu’en l’absence d’une définition de l’objet du contrat celui-ci serait à considérer comme étant conclu pour une durée indéterminée, ceci par référence notamment à une jurisprudence de la Cour administrative du 7 juin 2005 (n° 18687C du rôle).

Elle fait valoir pour le surplus que le recours à un contrat à durée déterminée ne serait pas inhérent au statut de chargé d’éducation étant donné que le règlement grand-ducal du 27 juillet 1997 fixant les modalités d’engagement et les conditions de travail de 200 chargés d’éducation à durée indéterminée des lycées et lycées techniques publics prévoit expressément la possibilité d’engager des chargés d’éducation sous le régime d’un contrat à durée indéterminée.

Dans la mesure où la Cour administrative, dans un arrêt du 30 janvier 2007 (n° 20688C du rôle), a retenu qu’il est constant, plus particulièrement à partir des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 52 de la loi modifiée du 4 septembre 1990 portant réforme de l’enseignement secondaire et de la formation professionnelle continue, que les chargés d’éducation des lycées et lycées techniques ne sont engagés qu’en dehors du cadre ordinaire et régulier du personnel de ces établissements scolaires suivant les besoins a priori ponctuels et provisoires afférents et que partant pour les deux premières années de travail, l’Etat avait le droit de proposer des contrats à durée déterminée, la demanderesse estime, - et ce implicitement à titre subsidiaire -, qu’en tant que chargée d’éducation ayant travaillé plus de deux années de manière ininterrompue pour l’Etat, elle se trouverait liée à l’Etat par un contrat de travail à durée indéterminée à partir d’une période de 2 années révolues, soit à partir du 15 septembre 2000.

Elle en déduit que la décision de l’Etat du 2 mai 2007 consistant à dire que la ministre était parfaitement fondée à ne pas renouveler le contrat de travail à durée déterminée conclu par l’année scolaire 2005/2006 lorsque ce dernier a pris fin de plein droit à l’arrivée de son échéance le 14 septembre 2006, serait purement arbitraire et contraire aux décisions rendues en la matière.

L’Etat rétorque qu’au terme de son contrat de travail conclu en date du 14 juillet 2005, soit à partir du 14 septembre 2006, Madame … n’aurait plus été liée à l’Etat par un quelconque contrat. Elle n’aurait, par conséquent, plus pu demander en date du 19 avril 2007 la requalification d’un contrat à durée indéterminée, étant donné qu’aucun contrat n’aurait existé à ce moment entre elle et la partie défenderesse. Le délégué du Gouvernement se réfère à cet égard à l’article L-122-12 du Code de travail qui dispose que « Le contrat à durée déterminée cesse de plein droit à l’échéance du terme », pour soutenir qu’il ne serait pas possible de solliciter après le terme d’un contrat à durée déterminée une requalification de ce contrat ayant cessé de plein droit. Conformément encore aux dispositions de l’article 122-6 du Code de 6travail, la requalification d’un contrat de travail ne pourrait se concevoir qu’en cas de poursuite de la relation de travail au-delà de l’échéance du terme. L’Etat ajoute dans ce contexte que si la partie demanderesse considérait qu’elle était liée par un contrat à durée indéterminée elle aurait dû se présenter à son poste de travail après l’échéance du terme du contrat. Or, dans la mesure où elle ne s’est plus présentée à son poste de travail aucune relation de travail n’aurait pu être poursuivie au-delà de la date du 14 septembre 2006.

Suivant arrêt du 20 octobre 2006, la Cour Constitutionnelle du Grand-Duché de Luxembourg a dit que la modification apportée par l’article 50 de la loi du 20 décembre 1996 concernant le budget des recettes et des dépenses de l’Etat pour l’exercice 1997 à l’article 17 de la loi du 5 juillet 1991 portant a) fixation des modalités d’une formation préparant transitoirement la fonction d’instituteur, b) fixant les modalités d’une formation préparant transitoirement au certificat de qualification de chargé de direction, c) création d’un pool de remplaçants pour l’éducation préscolaire et l’enseignement primaire, d) dérogation à la loi du 24 mai 1989 sur le contrat de travail, n’est pas conforme à l’article 10bis (1) de la Constitution.

Dans la mesure où la déclaration de non-conformité d’une loi à la Constitution a un effet relatif élargi en ce sens que l’arrêt de la Cour Constitutionnelle s’impose non seulement à la juridiction qui a posé la question préjudicielle, mais que de surcroît, suivant l’article 6 de la loi du 27 juillet 1997 portant organisation de la Cour constitutionnelle, toute juridiction est dispensée de saisir la Cour Constitutionnelle lorsqu’elle estime que celle-ci a déjà statué sur une question ayant le même objet, il y a lieu de retenir en l’espèce la non application de l’article 17 modifié de la loi du 5 juillet 1991 précitée en ce qui concerne les chargés d’éducation des lycées et lycées techniques, ceci avec effet dès l’entrée en vigueur de l’article 50 de la loi budgétaire du 20 décembre 1996 ayant véhiculé la modification législative invalidée à travers l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 20 octobre 2006.

Compte tenu de la non-application des dispositions de l’article 17 modifié de la loi du 5 juillet 1991 aux chargés d’éducation des lycées et lycées techniques issue de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle précité du 20 octobre 2006, et en l’absence de prévision afférente dans la loi modifiée du 27 janvier 1972 fixant le régime des employés de l’Etat, il convient dès lors, à partir notamment de l’article 4 de cette même loi, de faire application des dispositions de la loi générale du 24 mai 1989 sur le contrat de travail concernant plus précisément les possibilités de renouvellement de l’engagement du chargé d’éducation, employé de l’Etat, engagé à durée déterminée2.

Concernant ensuite le moyen basé sur l’imprécision alléguée de l’objet des contrats successivement souscrits par la demanderesse devant entraîner, selon elle, ab initio la non-

admissibilité du caractère à durée déterminée de son engagement sur base de l’article 6 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée au regard des causes d’ouverture définies à son article 5, il a été retenu par la Cour administrative dans une affaire similaire en date du 30 janvier 2007 (n° 20688C du rôle) qu’il est constant, plus particulièrement à partir des dispositions de l’alinéa 1er de l’article 52 de la loi modifiée du 4 septembre 1990 portant réforme de l’enseignement secondaire et de la formation professionnelle continue, que les chargés d’éducation des lycées et lycées techniques ne sont engagés qu’en dehors du cadre ordinaire et régulier du personnel de ces établissements scolaires suivant les besoins a priori ponctuels et 2 cf. Cour adm. 30 janvier 2007, n° 20688C du rôle 7provisoires afférents, de sorte que lors de la conclusion des différents contrats de travail, ayant eu lieu dans l’espèce toisée par la Cour durant les années 2003 à 2004, l’employeur était appelé à avoir égard au caractère subsidiaire de l’engagement des chargés d’éducation, appelés, par essence, à combler les vides laissés par l’absence de personnel enseignant régulier et compte tenu des éléments imprévisibles de dernière minute inhérents à cette situation, tout comme il a été appelé à tenir compte pour le surplus de l’exigence se dégageant de l’article 4.1. de cette même loi portant que le contrat de travail doit être constaté par écrit pour chaque chargé de cours individuellement au plus tard au moment de son entrée en service, sous peine, pour un contrat à durée déterminée, d’être requalifié à durée indéterminée ab initio.

La Cour ayant retenu dans ce même arrêt du 30 janvier 2007 par rapport à des contrats d’engagement ayant présenté un libellé identique, sinon essentiellement similaire à celui sous examen, que compte tenu des spécificités ci-avant dégagées, ensemble le contexte d’emploi en matière d’enseignement public de l’époque, l’objet des contrats d’engagement itératifs a été fixé, à chaque fois, avec un caractère de précision suffisante par rapport aux exigences légales telles que découlant plus précisément des articles 5 et 6 de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée, le tribunal, en suivant cette jurisprudence, arrive à la conclusion que l’engagement de Madame … n’est pas à considérer comme ayant été à durée indéterminée ab initio en raison d’une imprécision vérifiée de l’objet de ses contrats de travail successifs.

Le caractère subsidiaire de l’engagement d’un chargé d’éducation étant basé sur un besoin en personnel enseignant appelé à ne revêtir qu’un caractère provisoire, ce caractère provisoire n’étant cependant pas, a priori, susceptible de perdurer, il y a lieu d’examiner plus en avant l’incidence des renouvellements d’engagement itératifs d’un tel chargé d’éducation sur la nature du contrat, ceci eu égard notamment à la non-applicabilité des dispositions dérogatoires inscrites à l’article 17 de la loi du 5 juillet 1991 tel que modifié à travers la loi budgétaire du 20 décembre 1996, telle que se dégageant de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle du 20 octobre 2006.

Conformément aux dispositions de l’article 8 (1) de la loi modifiée du 24 mai 1989 précitée « la durée du contrat conclu pour une durée déterminée sur la base de l’article 5 ne peut, pour un même salarié, excéder 24 mois, renouvellement compris », ceci à l’exception du contrat à caractère saisonnier.

Conformément encore aux dispositions de l’article 9 (1) de la même loi « le contrat conclu pour une durée déterminée peut être renouvelé deux fois pour une durée déterminée », à condition que « le principe du renouvellement et/ou les conditions du renouvellement doivent faire l’objet d’une clause du contrat de travail initial ou d’un avenant ultérieur à ce contrat », étant entendu que conformément aux dispositions de l’article 13 de la même loi « tout contrat conclu en violation des dispositions des articles 5, 7, 8, 9 et 11 est réputée à durée indéterminée ».

Sur base d’une application combinée des dispositions légales prérelatées il y a partant lieu de retenir en l’espèce que le contrat initial à durée déterminée conclu par la demanderesse avec l’Etat en date du 14 septembre 1998 pour une durée précise de 12 mois et renouvelé conformément à une clause de renouvellement expressément prévue dans le contrat initial, a créé une relation de travail qui est devenue à durée indéterminée par l’effet de la loi au plus tard après 24 mois à partir de la prise d’effet du premier engagement fixée au 15 septembre 81998, c’est-à-dire avec effet à partir du 15 septembre 2000, ceci nonobstant la conclusion ultérieure d’itératifs contrats à durée déterminée.

La mutation de la relation de travail initiale à durée déterminée en relation de travail à durée indéterminée s’opérant en effet directement par l’effet de la loi, l’Etat ne saurait utilement se prévaloir d’une cessation de plein droit de la relation de travail de Madame … avec l’Etat qui serait intervenue postérieurement à cette mutation, à l’échéance du dernier contrat à durée déterminée par elle signé en date du 14 juillet 2005, étant donné que la relation de travail était dores et déjà devenue à durée indéterminée au moment de la conclusion de ce dernier contrat, les dispositions afférentes de la loi de 1989, en tant que protectrices des salariés, étant à considérer comme étant d’ordre public à cet égard.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de dire, par réformation de la décision ministérielle déférée, que la relation de travail de la partie demanderesse avec l’Etat ayant pris effet en date du 15 septembre 1998 à partir de la conclusion d’un premier contrat à durée déterminée en date du 14 septembre 1998, est devenue une relation de travail à durée indéterminée à partir du 15 septembre 2000.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, par réformation de la décision du Ministre de l’Education nationale et de la Formation professionnelle du 2 mai 2007, dit que la relation de travail entre la partie demanderesse et l’Etat s’est transformée en contrat à durée indéterminée après 24 mois avec effet au 15 septembre 2000;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 décembre 2007 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23001
Date de la décision : 19/12/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-12-19;23001 ?

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