Numéro 23736 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 3 décembre 2007 Audience publique du 10 décembre 2007 Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative
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JUGEMENT
Vu la requête déposée le 3 décembre 2007 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 23736 du rôle, par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Debar (Macédoine), de nationalité macédonienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 novembre 2007, ordonnant la seconde prorogation de son placement audit Centre de séjour pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de cette décision ;
Vu le dossier administratif déposé le 7 décembre 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Louis TINTI en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 décembre 2007.
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Après avoir obtenu un titre de séjour au Grand-Duché de Luxembourg suite à son mariage en date du 25 août 2003 avec Madame …, de nationalité luxembourgeoise, Monsieur … s’est vu adresser en date du 30 novembre 2006 un courrier recommandé de la part du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », de la teneur suivante :
« Après réexamen de votre dossier, je dois constater que vous avez divorcé en date du 10 mai 2006, mais que vous avez omis de me communiquer ce changement de votre état civil.
Il s'ensuit de votre divorce de votre épouse de nationalité luxembourgeoise que vous n'avez plus droit à votre carte de séjour de membre de famille d'un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, vous délivrée en date du 18 mars 2004 en application de l'article 1er, sub 8 du règlement grand-ducal modifié relatif aux conditions d'entrée et de séjour de certaines catégories d'étrangers faisant l'objet de conventions internationales.
Je vous invite en conséquence à remettre votre carte de séjour à l'administration communale de votre lieu de résidence.
Par ailleurs, j'envisage de ne pas vous accordez (sic) un permis de séjour, alors que vous étiez marié moins de 3 ans et qu'il résulte des éléments du dossier que vous avez uniquement contracter (sic) mariage dans le but d'obtenir une autorisation de séjour au Luxembourg. Pour le surplus vous ne disposez pas de moyens d'existence suffisants légalement acquis conformément à l'article 2 de la loi du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers.
Je tiens à vous informer que mon ministère a saisi la commission consultative en matière de police des étrangers de la question de votre séjour ultérieur au pays. Comme l'avis de la commission consultative en matière de police d'étrangers doit obligatoirement être pris avant une telle décision en application du règlement grand-ducal du 28 mars 1972 relatif à la composition, l'organisation et le fonctionnement de la commission consultative en matière de police des étrangers, vous serez invitée dans les meilleurs délais par ladite commission de vous présenter devant elle pour y faire valoir vos moyens de défense ».
Le 7 mars 2007, la commission consultative en matière de police des étrangers estima à l’unanimité qu’il « est indiqué de ne pas accorder de permis de séjour à … ».
Le 16 mars 2007, le ministre informa Monsieur … qu’un permis de séjour ne saurait lui être accordé et l’invita à quitter le pays dans la quinzaine.
En date du 10 septembre 2007, le ministre prit un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur ….
Par arrêté du même jour, le ministre ordonna le placement de l’intéressé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :
« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour pris en date de ce jour ;
Vu mon courrier du 16 mars 2007 invitant l’intéressé à quitter le pays ;
Considérant que l’intéressé ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;
- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».
Ledit arrêté fut notifié à Monsieur … en date du 25 septembre 2007 et mis à exécution à partir de cette date.
Par arrêté du ministre du 25 octobre 2007, la rétention de Monsieur … fut prorogée pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification.
Le ministre prorogea une seconde fois la rétention de Monsieur … à travers un arrêté du 21 novembre 2007 fondé sur les motifs suivants :
« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu mes arrêtés pris en dates des 10 septembre 2007 et 25 octobre 2007 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;
Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités macédoniennes ;
- qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 décembre 2007, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision du 21 novembre 2007 portant une seconde prorogation de la mesure de rétention.
Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.
l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre les décisions de placement ainsi que contre les décisions de prorogation de mesures de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse. Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours, le demandeur reproche au ministre que les démarches par lui accomplies afin d’organiser son éloignement seraient insuffisantes au motif que les autorités macédoniennes auraient donné leur accord pour la délivrance d’un laissez-passer par courrier du 2 novembre 2007, que le maintien de la mesure de placement à l’heure actuelle « doit se comprendre par l’inertie fautive des autorités ministérielles luxembourgeoises, sinon celle des autorités consulaires macédoniennes » et qu’il ne devrait pas subir les conséquences de cette inertie à travers l’atteinte excessive portée à sa liberté de mouvement.
Il s’ensuivrait qu’une juste interprétation de l’article 15 (2) de la loi précitée du 28 mars 1972 ne devrait pas permettre au ministre de proroger purement et simplement une première mesure de rétention « sans que cette éventuelle prorogation ne s’inscrive dans une situation nouvelle de « nécessité absolue » », situation qui ne serait pas donnée en l’espèce.
Finalement, le demandeur estime que l’arrêté entrepris serait « totalement disproportionné » compte tenu des considérations qu’il séjournerait au Luxembourg depuis 1998 et qu’il y travaillerait de façon régulière et continue depuis 2003 suite à son mariage avec Madame …, et qu’en raison de ses attaches socio-culturelles, il n’y aurait aucune raison de craindre qu’il tenterait de se soustraire à la mesure d’éloignement, d’autant plus qu’il a introduit plusieurs recours contentieux contre les décisions de refus de lui reconnaître le droit de rester au pays.
Aux termes de l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972, « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre (…) à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».
Afin d’apprécier l’existence d’une nécessité absolue justifiant la prise de la décision litigieuse, le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire.
En l’espèce, il ressort des éléments du dossier que le demandeur a été placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à partir du 25 septembre 2007.
Il se dégage encore d’un rapport du service de police judiciaire, police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale, no 15/2007/9418/HEN du 12 octobre 2007 que lors d’un entretien avec Monsieur … en date du 5 octobre 2007, celui-ci a prétendu que son passeport macédonien se trouverait auprès d’un membre de sa famille au Luxembourg et qu’il a catégoriquement refusé de le rendre aux autorités luxembourgeoises respectivement de dévoiler l’identité de la personne en possession de son passeport, tout en déclarant s’opposer à un retour dans son pays d’origine.
Ainsi, le rapatriement du demandeur vers la Macédoine avait été initialement prévu pour le 11 octobre 2007, n’a pas pu être exécuté en raison du fait que Monsieur … a refusé de remettre son passeport aux autorités luxembourgeoises. Partant, un laissez-passer au profit de Monsieur … a dû être sollicité, par courrier du 9 octobre 2007, auprès de la Chancellerie diplomatique de l’Ambassade de l’ancienne République de Macédoine à Bruxelles et les autorités macédoniennes ont donné leur accord pour la délivrance d’un laissez-passer par courrier du 2 novembre 2007.
En date du 21 novembre 2007, les autorités macédoniennes ont émis un laissez-
passer pour Monsieur … valable jusqu’au 23 décembre 2007 et le ministre chargea le 26 novembre 2007 le service de police judiciaire, section des étrangers et des jeux, d’organiser le rapatriement du demandeur. D’après un courrier télécopié du service de police judiciaire du 5 décembre 2007 adressé à la direction de l’Immigration du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, l’exécution du rapatriement du demandeur est prévue pour le mardi 11 décembre 2007 par avion.
Au vu des diligences ainsi déployées et de l’imminence du rapatriement de Monsieur …, celui-ci ne saurait se plaindre de l’absence de démarches suffisantes et d’un défaut d’une nécessité absolue, de sorte que le moyen mettant en cause l’absence de démarches nécessaires en vue d’un transfert rapide du demandeur laisse d’être fondé.
Dans ce contexte, il y a lieu de constater que la décision de prorogation de placement a dû être prise en raison de la non-collaboration du demandeur, de sorte que celui-ci est à présent malvenu à se plaindre des longueurs des procédures actuellement entamées par le ministre afin d’organiser son rapatriement.
C’est encore à tort que le demandeur invoque le caractère disproportionné de la mesure de placement et l’absence d’un danger qu’il se soustraie à la mesure d’éloignement.
En effet, eu égard au fait qu’il a déjà tenté de se soustraire à une mesure de rapatriement en dissimulant son passeport, ce danger ne saurait être exclu, de sorte qu’il ne saurait raisonnablement affirmer qu’une décision basée sur ce qu’il présente un risque de se soustraire à une mesure d’éloignement serait totalement disproportionnée.
Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par:
M. SCHOCKWEILER, premier vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 10 décembre 2007 par le premier vice-président, en présence de M. LEGILLE, greffier.
LEGILLE SCHOCKWEILER 5