Tribunal administratif Numéro 22155 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 novembre 2006 Audience publique du 10 décembre 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de discipline
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 22155 du rôle, déposée le 16 novembre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, premier artisan principal, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 juillet 2006 par laquelle a été confirmée la sanction disciplinaire de l’avertissement prononcée par le collège échevinal à son encontre ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Frank SCHAAL, demeurant à Luxembourg, du 24 novembre 2006, portant signification dudit recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Nicolas DECKER en sa plaidoirie.
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Monsieur …, né le 6 septembre 1964, fut engagé comme apprenti-ouvrier puis comme fonctionnaire communal en dates respectivement des 1er novembre 1981 et 1er février 1986 auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg.
Par décision du 23 février 2005, le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg décida d’entamer une enquête administrative à l’encontre notamment de Monsieur …, ladite décision étant libellée comme suit :
« Considérant que deux agents de la ville, membres du personnel du service des parcs et promenades sont soupçonnés d'avoir dépecé et vidé un sanglier dans l'enceinte du parc Neuman à Limpertsberg et d'avoir jeté les abats et la peau dans les conteneurs y installés ; que d'après les premiers résultats d'une enquête interne il ne s'agirait pas d'un cas unique ; qu'après des cas qui remonteraient à trois mois les faits présentement signalés se seraient produits la semaine dernière avec comme témoin Mme M., conseillère communale et des voisins, M. et Mme D. qui ont surpris les deux intéressés lorsqu'ils ont promené leur chien ;
Considérant que d'après les premiers éléments en sa possession il s'agirait en l'occurrence de M. …, premier artisan principal et de M. (…), ouvrier, tous deux rattachés à l'équipe du parc Neuman ;
estime en tout état de cause qu'il s'agit d'entamer en premier lieu une enquête administrative approfondie par M. le conseiller première classe P. qui voudra également entendre les témoins prénommés ;
décidera à la suite de ce rapport des mesures à entreprendre étant donné que dès à présent il s'agit de relever les deux de leur fonction actuelle et de les transférer dans d'autres équipes du service ;
prie M. l'ingénieur-directeur des services du géomètre - parcs et promenades de faire en sorte à opérer les transferts des deux intéressés dans l'immédiat ;
reviendra à ce dossier une fois en possession du rapport d'enquête de M. le conseiller première classe P. ; ».
En date du 31 mars 2005, Monsieur … fit l’objet d’une audition par Monsieur P., chargé par le collège des bourgmestre et échevins d’entamer l’enquête administrative notamment à son encontre.
Par courrier du 4 avril 2005, le mandataire de Monsieur … sollicita une copie du dossier administratif « ayant trait à l’enquête administrative diligentée par [les soins de Monsieur P., conseiller première classe de l’administration communale de la Ville de Luxembourg] ». Le contenu de cette lettre fut réitéré par des lettres postérieures du même mandataire des 15 avril et 10 mai 2005.
Par une note adressée le 10 mai 2005 au collège échevinal de la Ville de Luxembourg, Monsieur P. proposa de ne pas réserver une suite favorable aux demandes précitées du mandataire de Monsieur …, au motif notamment que l’enquête administrative en cours avait pour objet « de recueillir des renseignements, et non pas d’affecter des droits des agents de la Ville », de sorte qu’il n’y aurait pas lieu à autoriser la communication du dossier administratif au fonctionnaire communal concerné, à savoir à Monsieur ….
En date du 11 mai 2005, Monsieur P. fit parvenir le résultat de son enquête au collège échevinal de la Ville de Luxembourg, ainsi que ses propositions quant à une procédure disciplinaire à intenter contre Monsieur ….
En date du 3 juin 2005, le collège échevinal, après avoir entendu Monsieur P. en ses conclusions concernant l’enquête administrative dont il avait été chargé « pour vérifier l’exactitude des rumeurs circulant au quartier de Limpertsberg selon lesquelles deux agents de la Ville, membres du personnel des parcs et promenades, auraient dépecé et vidé des sangliers dans l’enceinte du parc Neuman », décida que les éléments de preuve recueillis au cours de cette enquête administrative étaient insuffisants pour justifier le déclenchement d’une instruction disciplinaire. Le collège échevinal constata toutefois qu’au cours de cette enquête, d’autres faits ont pu être mis « en lumière », qui, s’ils s’avéraient être exacts, constitueraient des infractions à la discipline « telles des occupations accessoires rémunérées non autorisées avec utilisation supposée de matériel et plantes appartenant au service, injures à l’égard des visiteurs du parc, absences injustifiées du lieu de travail et pauses exagérées, refus d’ordre suite à [une] décision de mutation du collège (…), ainsi que négligences dans l’exécution des travaux d’entretien du parc telles que documentées [par un rapport d’huissier de justice] », en décidant qu’au sujet de ces faits, il y aurait lieu de procéder à une « enquête disciplinaire en bonne et due forme ». Le collège échevinal désigna ainsi un avocat à la Cour « comme délégué chargé de procéder à l’instruction telle que prévue par le statut des fonctionnaires communaux » dirigée contre Monsieur …, après avoir décidé de faire procéder à une enquête disciplinaire notamment à l’encontre de Monsieur … au sujet des faits ci-après énoncés : pour avoir « dépecé et vidé des sangliers dans l’enceinte du parc Neuman », « d’autres faits qui, s’ils s’avéraient exacts, constitueraient des infractions à la discipline, tels des occupations accessoires rémunérées non autorisées avec utilisation supposée de matériel et plantes appartenant au service, injures à l’égard des visiteurs du parc, absences injustifiées du lieu de travail et pauses exagérées, refus d’ordre suite à la décision de mutation du collège du 23 février 2005, ainsi que négligences dans l’exécution des travaux d’entretien du parc telles que documentées dans le rapport dressé par l’huissier de justice », le collège échevinal ayant toutefois décidé « de classer le dossier pour autant qu’il concerne le soupçon de dépeçage de sangliers dans l’enceinte du parc Neuman par des agents de la Ville y affectés ».
A la suite du refus de l’avocat de la Cour ainsi désigné par le collège échevinal d’accepter le mandat lui ainsi conféré, le collège échevinal décida en date du 22 juillet 2005 de charger un fonctionnaire du service du personnel de l’administration communale de l’instruction disciplinaire.
Par courrier du 3 août 2005 lui communiqué par le délégué à l’instruction, Monsieur … fut informé de ce qu’une procédure disciplinaire avait été ordonnée à son encontre par le collège échevinal en date du 3 juin 2005 et que les faits ci-après libellés lui ont été reprochés :
1) « de procéder à des occupations accessoires rémunérées non autorisées par le collège échevinal tel l'entretien de jardins et verdures de personnes privées habitant notamment au Limpertsberg, (p.ex. rue Pierret, rue Hansen) avec utilisation supposée de matériel et plantes appartenant au service des parcs de la Ville, ceci au moins partiellement pendant la plage de travail ;
2) d'avoir fait preuve à plusieurs reprises d'un comportement indigne d'un fonctionnaire communal vis-à-vis des visiteurs du parc, notamment en prononçant des injures verbales contre Mme D. au cours du mois de février 2005, en mettant en danger des promeneurs en circulant avec votre voiture privée sur les chemins du parc, en y laissant courir votre chien ;
3) de faire régulièrement des pauses et interruptions de travail exagérées et non autorisées, notamment en vous rendant souvent au supermarché Cactus sis au Limpertsberg vers 11.00 heures et en procédant par après à des grillades en y accueillant d'autres personnes, ainsi qu'en regardant des programmes télévisés captés par antenne satellite montée sur le toit de l'abri ;
4) de négliger l'entretien du parc Neuman tel qu'il résulte d'un rapport dressé par l'huissier de justice Mme Petry-Scholtes le 21 mars 2005 ( branches mortes risquant de tomber, entretien non exécuté selon les règles de l'art, massifs mal bêchés, feuilles mortes non enlevées à la fin de l'hiver, coupes mal exécutées, absence ou désordre des pancartes, plan d'eau sali etc) ainsi que des témoignages de plusieurs visiteurs du parc ;
5) de ne pas avoir obtempéré à la décision du collège échevinal du 23 février 2005 de quitter de suite le parc Neuman pour reprendre votre travail au site Kockelscheuer alors que vous avez encore été vu au parc Neuman début mars 2005 ; ».
Par cette lettre, le délégué à l’instruction l’informa de ce que ces faits étaient susceptibles de constituer des infractions à la discipline conformément aux articles 11, 12 et 14 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, dénommé ci-après le « statut général », tout en l’invitant à assister à un interrogatoire.
En date du 15 septembre 2005, Monsieur … fut entendu par le délégué à l’instruction au sujet des faits lui reprochés.
En date des 24 et 25 octobre, 7, 10 et 11 novembre 2005, plusieurs personnes ont été entendues par le délégué à l’instruction dans le cadre de l’instruction disciplinaire qui fut clôturée en date du 2 février 2006 par le délégué à l’instruction, tel que cela ressort d’un courrier adressé par celui-ci à Monsieur …, par lequel il fut également informé de ce qu’il était autorisé à prendre inspection de son dossier dans les bureaux du service du personnel de l’administration communale de la Ville de Luxembourg et qu’il pouvait présenter ses observations voire demander un complément d’instruction.
Suivant attestation du 10 février 2006, Monsieur … déclare avoir pris inspection de son dossier conformément à l’article 68 du statut général.
Par courrier de son mandataire du 16 février 2006, Monsieur … fit soumettre au délégué à l’instruction des commentaires par rapport aux auditions des témoins.
En date du 28 février 2006, le délégué à l’instruction disciplinaire fit parvenir au collège échevinal ses conclusions au sujet de l’affaire disciplinaire ainsi menée contre Monsieur …. En conclusion à ce rapport, il proposa, au vu des manquements à la discipline, de prononcer une amende à l’encontre de Monsieur ….
En date du 3 avril 2006, le collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg décida de prononcer à l’encontre de Monsieur … la sanction disciplinaire de l’avertissement aux motifs suivants :
« Considérant qu'en date du 3 juin 2005, il avait pris acte des conclusions de Monsieur le conseiller P. qui avait été chargé d'une enquête administrative contre Messieurs …, artisan, et (…), ouvrier communal, affectés tous les deux à l'entretien du parc Neuman ; qu'il résultait notamment de ces conclusions que le soupçon relatif au dépeçage d'un sanglier dans l'enceinte du dit parc ne tenait pas la route ; qu'il avait néanmoins décidé de procéder à leur égard à une enquête disciplinaire alors que l'enquête précitée avait fait ressortir des faits susceptibles de constituer des manquements à la discipline ;
Considérant qu'en date du 28 février 2006 Monsieur Steichen, délégué à l'instruction, a présenté les résultats de l'enquête menée contre Monsieur … ; qu'il résulte dudit rapport que la culpabilité de celui-ci semble établie en ce qui concerne l'exécution de travaux accessoires non autorisés en dehors de la plage normale de travail, la profération d'injures à l'égard d'un visiteur du parc, des interruptions de travail exagérées et non justifiées ainsi que des travaux d'entretien du parc donnant partiellement lieu à critique tel qu'il résulte du constat dressé par l'huissier de justice, Mme Petry-Scholtes ;
Considérant qu'en ce qui concerne l'ouvrier (…), travaillant avec Monsieur …, il est en aveu, lors de l'interrogatoire du 31 mars 2005, d'effectuer également des travaux de jardinage pour le compte de particuliers après les heures normales de travail et ceci également sans autorisation préalable ; que sa culpabilité doit pareillement être considérée comme acquise en ce qui concerne les interruptions excessives de travail et la qualité de ses prestations plus amplement documentée dans le rapport d'huissier précité ;
Etant d'avis, après examen du dossier, que si les manquements établis à l'égard des deux agents ne justifient pas l'application d'une sanction pécuniaire, compte tenu également de leur dossier disciplinaire vierge, en revanche leur maintien dans le parc Neuman risquerait fort de faire renaître les tensions entre les intéressés et les visiteurs du parc, ».
Par courrier du 2 mai 2006 lui adressé par le collège échevinal de la Ville de Luxembourg, Monsieur … fut informé de ce que la sanction disciplinaire de l’avertissement avait été prononcée à son encontre le 3 avril 2006 par ledit collège échevinal, au motif que ce dernier avait « retenu comme établis les faits vous reprochés d'avoir exécuté des travaux accessoires non autorisés en dehors de votre plage normale de travail, d'avoir proféré des injures à l'égard d'un visiteur du parc Tony Neuman, d'avoir eu des interruptions de travail exagérées et non justifiées ainsi que d'avoir exécuté des travaux d'entretien du parc donnant partiellement lieu à critique tel qu'il résulte d'un constat dressé par l'huissier de justice, Madame Petry-Scholtes. Vous avez contrevenu de la sorte aux articles 11,12 et 14 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux ».
Par courrier du 6 juin 2006, le mandataire de Monsieur … adressa au conseil communal de la Ville de Luxembourg un recours contre la décision précitée du collège échevinal du 3 avril 2006.
Au cours de sa séance du 28 juillet 2006, le conseil communal de la Ville de Luxembourg confirma la sanction disciplinaire de l’avertissement prononcée par le collège échevinal à l’encontre de Monsieur …, au motif que « l’instruction a montré à suffisance que les manquements à la discipline mis à charge de l’intéressé sont établis et méritaient assurément et pour le moins la sanction de l’avertissement ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 novembre 2006, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 juillet 2006 confirmant la sanction disciplinaire de l’avertissement prononcée à son encontre par la décision également précitée du 3 avril 2006.
L’article 66.1 du statut général disposant expressément qu’aucun recours au fond n’est admis de la part d’un fonctionnaire frappé d’un avertissement, le recours en annulation est recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi.
Malgré le fait que le recours en annulation a été signifié à l’administration communale de la Ville de Luxembourg par acte d’huissier de justice du 24 novembre 2006, l’administration communale de la Ville de Luxembourg n’a pas constitué avocat ni déposé un mémoire en réponse. Il n’en demeure toutefois pas moins que conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le présent jugement est néanmoins rendu contradictoirement à l’égard de l’administration communale de la Ville de Luxembourg.
Le demandeur conclut tout d’abord à l’annulation de la décision confirmative du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 juillet 2006, au motif qu’il n’aurait pas eu accès, au cours de la phase d’instruction de son affaire disciplinaire, à l’intégralité de son dossier administratif. Il souligne dans ce contexte que ce ne serait qu’après le jugement du tribunal administratif du 1er mars 2006 (n° 20041 du rôle) qu’il aurait eu obtenu communication d’une copie du dossier relatif à l’enquête administrative menée à son encontre, ainsi que des éléments de l’enquête disciplinaire diligentée par la suite à son encontre par le délégué à l’instruction spécifiquement chargé par le collège échevinal de la Ville de Luxembourg. Il estime que dans la mesure où une enquête administrative préalable à la procédure disciplinaire proprement dite aurait été diligentée au cours de l’année 2000 par un haut fonctionnaire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, autre que le délégué à l’instruction de l’affaire disciplinaire elle-même, il aurait eu intérêt à avoir accès à ces données.
S’il est vrai qu’à la suite d’une demande afférente adressée en date du 4 avril 2005 par le mandataire du demandeur au haut fonctionnaire communal ayant été initialement chargé d’une enquête administrative notamment à l’encontre du demandeur, tendant à obtenir une copie du dossier administratif « ayant trait à l’enquête administrative diligentée par [ses] soins à l’encontre [de Monsieur …] », réitérée par des courriers postérieurs des 15 avril et 2 mai 2005, l’administration communale de la Ville de Luxembourg n’a pas fait droit à la demande afférente, tel que cela ressort d’ailleurs d’une note adressée par ledit haut fonctionnaire au collège échevinal en date du 10 mai 2005, ce comportement ayant abouti, à la suite de l’introduction d’une requête afférente auprès du tribunal administratif par le mandataire du demandeur, à un jugement dudit tribunal du 1er mars 2006 annulant la décision du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 26 mai 2005 refusant au demandeur la communication du dossier administratif établi dans le cadre d’une enquête administrative diligentée à son encontre, en renvoyant l’affaire devant ladite administration communale en prosécution de cause, le demandeur a pris inspection de son dossier conformément à l’article 68 du statut général, en date du 10 février 2006, tel que cela ressort d’une déclaration afférente figurant au dossier soumis au tribunal.
Cette prise de connaissance de son dossier a eu lieu après que le demandeur a été informé, par courrier du 2 février 2006, que l’instruction de son dossier disciplinaire était terminée et qu’il pouvait encore présenter des observations ou demander un complément d’instruction.
Abstraction faite de ce que la question de la communication du dossier personnel du demandeur a été réglée par une instance contentieuse séparée qui s’est soldée par le jugement précité du 1er mars 2006, de sorte qu’il n’y a pas lieu de revenir dans le cadre de cette instance sur cette question litigieuse, il échet encore de constater, sur base des éléments relevés ci-avant, qu’avant la clôture définitive de la procédure d’instruction de l’affaire disciplinaire menée contre Monsieur …, celui-ci avait non seulement eu accès à l’intégralité de son dossier personnel tenu par l’administration communale de la Ville de Luxembourg, mais était également autorisé à formuler des observations par rapport à ce dossier voire à demander un complément d’instruction. Ainsi, l’accès au dossier administratif a pu se faire par le demandeur avant qu’une décision administrative n’a été prise à son encontre par les autorités communales, en conformité avec l’article 11, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, suivant lequel « tout administré a droit à la communication intégrale du dossier relatif à sa situation administrative, chaque fois que celle-ci est atteinte, ou susceptible de l’être, par une décision administrative prise ou en voie de l’être », ainsi qu’en conformité avec l’article 68, paragraphe (4) du statut général prévoyant que « le fonctionnaire a le droit de prendre inspection du dossier dès que l’instruction est terminée ».
Comme pour le surplus, aucune violation des droits de la défense du demandeur ne peut être constatée, le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
En deuxième lieu, le demandeur conclut à l’annulation de la décision litigieuse, au motif que le conseil communal, qui aurait siégé comme « juge disciplinaire d’appel » aurait également compris les membres du collège échevinal, qui auraient participé au vote litigieux du conseil communal, de sorte qu’il serait porté atteinte à l’article 6, alinéa 1er de la Convention européenne des droits de l’homme, puisqu’il serait « inconcevable que les mêmes juges siègent en première instance et en instance d’appel ». Ainsi, sa cause n’aurait pas été entendue « par un tribunal indépendant et impartial ».
Il échet tout d’abord de relever que le champ d’application de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme est cerné par son paragraphe 1 disposant que «toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».
L’argumentation du demandeur tend en substance à voir les deux organes de la Ville de Luxembourg ayant statué en l’espèce, à savoir le collège des bourgmestre et échevins, ainsi que le conseil communal, qualifier de juridictions au sens du paragraphe 1er de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Pareille interprétation de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme méconnaît néanmoins le fait que cette disposition ne requiert pas que l’auteur de toute décision prise à l’égard d’une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil réponde aux exigences d’un tribunal indépendant et impartial, mais impose l’existence d’une autorité revêtant les qualités d’indépendance et d’impartialité et pouvant être saisie par une personne estimant qu’une première décision existante ne respecte pas ses droits ou lui impose une obligation excessive, aucune décision ne pouvant acquérir un effet définitif avant que l’agent visé n’ait du moins eu la possibilité de saisir un tribunal indépendant et impartial d’un recours contre cette décision.
En outre, la notion de contestation implique nécessairement une opposition entre deux positions différentes sur un droit ou une obligation de l’agent. Or, dans la mesure où la Ville de Luxembourg agit à l’égard de ses agents en qualité d’employeur habilité à assurer l’accomplissement correcte des tâches leur confiées, elle n’arrête sa position qu’à travers la procédure disciplinaire aboutissant à une décision finale affectant les droits ou obligations de caractère civil de son agent concerné. C’est dès lors précisément dans l’hypothèse où l’agent concerné n’entend pas accepter la décision finale ainsi prise par son employeur et affectant ses droits ou lui imposant des obligations excessives que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme lui garantit l’existence d’une juridiction indépendante et impartiale devant laquelle il peut contester cette décision par le biais d’une procédure répondant aux critères posés par la Convention.
Enfin, la Ville de Luxembourg revêt la forme d’une collectivité publique dotée de la personnalité juridique et doit ainsi nécessairement agir, même en sa qualité d’employeur, à travers ses organes de décision, en l’occurrence le collège des bourgmestre et échevins et le conseil communal. Les interventions successives de ces deux organes de la Ville de Luxembourg constituent partant les étapes d’un processus décisionnel – organisé par la loi – purement interne à cette collectivité publique aboutissant à une décision finale quant à sa relation avec l’agent concerné, laquelle est de nature à affecter les droits et obligations à caractère civil de ce dernier.
Il résulte des développements qui précèdent que le collège des bourgmestre et échevins et le conseil communal de la Ville de Luxembourg n’ont pas statué en l’espèce en qualité d’instance judiciaire, mais en tant qu’organes représentatifs de la collectivité publique agissant en tant qu’employeur du demandeur, soumise à son égard par un lien de subordination, prenant une décision de nature purement administrative, n’ayant par la force des choses aucun caractère juridictionnel.
Si l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme impose dès lors en faveur du demandeur l’existence d’une voie de recours devant un tribunal indépendant et impartial contre la sanction disciplinaire lui infligée à travers la décision du collège des bourgmestre et échevins du 3 avril 2006 et la décision attaquée du conseil communal du 28 juillet 2006, les garanties afférentes ne trouvent pas application au niveau des décisions précitées des organes de la Ville de Luxembourg mais au niveau de l’instance compétente pour connaître d’un recours dirigé à leur encontre.
Il s’ensuit que les critiques avancées par le demandeur, à savoir la circonstance que les membres du collège des bourgmestre et échevins aient assisté à la délibération du conseil communal statuant sur les mérites du recours du demandeur contre la première décision du 3 avril 2006 ne sont partant pas de nature à rendre la décision du conseil communal du 28 juillet 2006 incompatible avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Ce moyen est ainsi à rejeter, étant donné que contrairement à ce qui a été soutenu par le demandeur, ni le collège échevinal ni le conseil communal ne sont à considérer comme juridiction siégeant en matière disciplinaire.
Quant au fond, le demandeur soutient que la motivation de la décision du conseil communal serait imprécise en ce qui concerne les reproches ayant trait, d’une part, aux menaces proférées à l’encontre « d’un visiteur du parc » et, d’autre part, aux interruptions de travail, de sorte que le tribunal administratif serait dans l’impossibilité de contrôler la légalité de la décision sous ces aspects.
Il échet de relever que tant la décision litigieuse du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 juillet 2006, que celle antérieurement prise par le collège échevinal en date du 3 avril 2006 que la décision du conseil communal a entendu confirmer, ne précisent ni l’identité du visiteur du parc qui se serait fait injurier par le demandeur ni le lieu, la date ainsi que les circonstances exactes dudit fait. Il en est de même des interruptions de travail « exagérées et non justifiées » retenues par les deux décisions litigieuses. Il s’ensuit qu’à défaut par lesdites décisions de contenir en elles-mêmes les éléments requis devant permettre au tribunal administratif d’en vérifier la légalité, étant relevé par ailleurs que l’administration communale de la Ville de Luxembourg a estimé ne pas devoir intervenir dans le cadre de la présente procédure contentieuse, le tribunal administratif se trouve dans l’impossibilité d’apprécier la légalité des deux décisions quant à ses deux ensembles de faits, de sorte que ceux-
ci ne sauraient justifier les décisions en question.
Enfin, le demandeur soutient que la motivation concernant les autres reproches sur lesquels les décisions sous analyse sont fondées serait fausse. Ainsi, les décisions litigieuses se seraient basées sur des faits matériels inexacts, de sorte qu’elles devraient encourir l’annulation.
Ainsi, il ne ressortirait tout d’abord d’aucun élément du dossier que le demandeur aurait effectué des travaux « accessoires » sans avoir obtenu les autorisations requises.
En ce qui concerne ainsi le reproche lui adressé par les autorités compétentes de l’administration communale de la Ville de Luxembourg quant à de prétendus travaux accessoires non autorisés que le demandeur aurait exécutés en dehors de sa plage normale de travail, il y a lieu de relever que le délégué à l’instruction a retenu dans son rapport adressé le 28 février 2006 au collège échevinal de la Ville de Luxembourg que « Monsieur … n’a pas pu produire une autorisation expresse du collège échevinal concernant ses occupations accessoires telle que requise par l’article 16 du statut général des fonctionnaires communaux. Il est en aveu de procéder occasionnellement à des travaux de jardinage pour le compte de personnes privées, mais ceci prétendument en dehors des plages de travail. Il affirme avoir procédé à ces travaux en utilisant son propre matériel ainsi que des plantes achetées auprès d’une entreprise à Echternach. Toutefois Monsieur … n’est pas à même de fournir de telles factures. Par contre plusieurs témoins ont affirmé avoir vu l’intéressé dans le parc hors des plages de travail, tel un jour férié, des weekends ou après 14.00 heures transférer des fleurs dans une voiture BMW.
(Mme R., les époux S., MM. G., E. et D.).
Il est certes difficile pour un témoin d’identifier la provenance exacte des plantes, mais l’absence de pièces à décharge entérine le soupçon que l’intéressé s’est servi, du moins occasionnellement, de plantes et fleurs provenant de son service d’attache pour effectuer des travaux accessoires de surcroît non autorisés ».
En ce qui concerne les allégations du demandeur suivant lesquelles l’administration communale de la Ville de Luxembourg aurait eu connaissance de ce que certains de ses agents chargés de l’entretien des parcs auraient accompli des travaux dans des jardins privés, et même auprès de certains fonctionnaires et autres représentants de la Ville de Luxembourg en dehors de leur plage normale de travail et aurait toléré lesdits travaux accessoires de ses agents municipaux, il échet tout d’abord de relever qu’il ressort d’une déclaration effectuée en date du 11 novembre 2005 par Monsieur N., ingénieur-directeur auprès de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, à l’agent chargé de l’instruction disciplinaire que lors d’une réunion qui s’est tenue en date du 2 mars 2005, le bourgmestre lui a déclaré « qu’il était connu de l’administration communale et toléré par elle qu’en dehors des heures de service certains des agents du Service des Parcs s’occupent de l’entretien des jardins de particuliers mais à la condition que ce soit avec leur propre matériel ». Il se dégage des mêmes déclarations de Monsieur N., signées par lui en date du 1er février 2006, que notamment Monsieur …, convoqué par lui à une réunion en date du 14 mars 2005 pour lui signifier son transfert à un autre département, lui a confirmé qu’il achetait à ses frais « les plantes destinées aux jardins des particuliers dont il (…) [s’occupait] ». Il ressort encore de ladite audition de Monsieur N. que le chef de service du service des parcs, Monsieur D., déclara que « toutes les plantes en provenance de la station de Reckenthal et destinées au parc Neuman s’y trouvent effectivement ».
Il se dégage encore d’une audition de Monsieur M., chef-jardinier au service des parcs et promenades, qui a eu lieu en date du 11 novembre 2005 par le délégué à l’instruction disciplinaire, au sujet de l’exercice d’« occupations accessoires rémunérées en dehors des heures de travail », que Monsieur M. s’est souvent « livré à ce genre d’activités et qu’il lui est également arrivé dans ce contexte de travailler ensemble avec M. … ». Monsieur M. a également informé à cette occasion le délégué à l’instruction disciplinaire « que ce genre de travail est toléré par la Ville, qu’approximativement 2/3 des agents du parc se livreraient à des occupations accessoires et que maints travaux de jardinage leur seraient d’ailleurs procurés par le truchement de M. D., chef de service, et auparavant par son prédécesseur M. D. ». Il ressort encore desdites déclarations de Monsieur M. que pour limiter les risques de vol de plantes appartenant à la Ville, le service des parcs et promenades « procède en principe une seule fois par année à une commande sur base des besoins signalés à l’avance par les différents chefs de secteur », de sorte qu’il ne serait pas possible d’utiliser de telles plantes à des fins privées.
Il ressort des déclarations effectuées par Monsieur B., ouvrier au service des parcs de la Ville de Luxembourg, au délégué à l’instruction disciplinaire, que la pratique des « occupations accessoires auprès de particuliers » « a toujours été tolérée de la part des autorités communales, à condition que ceci se passe en dehors des heures normales de travail et avec l’utilisation de matériel privé ». Au cours de cette audition de Monsieur B., le délégué à l’instruction disciplinaire a déclaré « qu’il est exact qu’il y a de nombreuses années il a également eu recours à des ouvriers du service du parc pour procéder à l’aménagement du gazon de son jardin, mais que ce travail a été réalisé à l’époque en dehors des heures normales de travail et bien entendu moyennant rétribution ».
Il ressort encore de déclarations faites par Monsieur G., ouvrier au service des parcs, et par Monsieur Albert B., également ouvrier au service des parcs, en date du 10 novembre 2005 à l’agent chargé de l’instruction que tous les deux ont effectué des travaux accessoires, en dehors de leurs heures de travail au profit d’un ancien membre du collège échevinal de la Ville de Luxembourg.
Au cours de son audition par le délégué à l’instruction disciplinaire en date du 15 septembre 2005, le demandeur a déclaré, au sujet de « l’exercice d’occupations accessoires rémunérées non autorisées par le collège échevinal, tel l’entretien de jardins et verdures de personnes privées habitant notamment au Limpertsberg (p. ex. rue Pierret, rue Hansen), avec l’utilisation de matériel et plantes appartenant au service des parcs de la Ville, ceci au moins partiellement pendant la plage de travail », qu’il « n’a jamais travaillé pour compte de particuliers pendant les heures de service ». Il poursuit qu’il n’a plus travaillé à Limpertsberg, rue Hansen, depuis approximativement 5 années, tandis qu’il continue à ce faire pour compte d’une dame dénommée Th., mais toujours en dehors des plages de travail, tout en utilisant son propre matériel. Il relate qu’il aurait des fois travaillé à partir de 10.00 heures du matin auprès de particuliers, notamment le jour du « Biergerdag », où il était libre dès 10.00 heures, ou pendant d’autres journées, mais seulement après avoir sollicité préalablement du congé auprès de M. le chef du service des parcs ou d’autres supérieurs hiérarchiques. Il réfute l’assertion d’un témoin, suivant laquelle il aurait été observé en train de transférer des plantes d’un véhicule de la Ville vers une voiture privée, puisque toutes les plantes utilisées à des fins privées proviendraient d’une entreprise de jardinage d’Echternach.
Il ressort d’une audition de Monsieur Jean D., en date du 2 mars 2005, effectuée par un haut fonctionnaire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, que celui-ci s’était « à maintes reprises » rendu compte « que du matériel de jardinage, telles des tondeuses à gazon, fut transporté hors de l’enceinte du parc », en présumant que ce matériel devait servir « à l’accomplissement de travaux de jardinage pour le compte de particuliers ».
Monsieur et Madame S. ont déclaré lors de leur audition du 9 mars 2005 effectuée par un haut fonctionnaire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg, qu’il serait d’usage « que du matériel de la Ville, en l’occurrence des tondeuses à gazon, soit transporté hors de l’enceinte du parc, après 14.00 heures et les weekends sur des remorques privées aux fins, [comme ils le présument] d’être utilisées à des travaux de jardinage pour compte de particuliers ».
Monsieur E. a déclaré lors de son audition du 21 mars 2005 à un haut fonctionnaire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg chargé d’une enquête administrative dirigée notamment à l’encontre de Monsieur … qu’il a pu constater que « des plantes ont été enlevées », en présumant que celles-ci ont été « réutilisées à des fins privées », sans toutefois « pouvoir donner des exemples concrets ».
Monsieur R., quant à lui, a déclaré en date du 21 mars 2005 audit haut fonctionnaire, qu’il a pu constater « que certains agents occupés au parc Tony Neuman entretiennent, pendant leur plage de travail, des jardins de personnes privées et qu’ils utilisent (…) à ces occasions des machines de la Ville », sans toutefois indiquer les identités des agents auxquels il a ainsi été fait référence. Monsieur R. a encore indiqué à cette occasion qu’il pourrait citer « à ce sujet les noms de deux familles connues à Limpertsberg », sans fournir toutefois de plus amples informations à ce sujet.
Au cours de son audition en date du 23 mars 2005 par un haut fonctionnaire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg dans le cadre de l’enquête administrative entamée à l’encontre de Monsieur …, Madame L. a déclaré qu’elle avait vu de ses « propres yeux que Monsieur … a entretenu le jardin d’une maison à façade bleue, sise dans la rue Pierret, et qu’il a sorti à cette occasion des grandes jardinières de sa voiture », sans toutefois indiquer plus précisément les dates et heures desdits travaux.
Lors de son audition du 31 mars 2005 par le prédit haut fonctionnaire, le demandeur a admis avoir effectué des « travaux de jardinage (…) pour compte de particuliers et en dehors de [ses] heures de service », en précisant toutefois avoir utilisé à ces fins des plantes provenant non pas de la Ville de Luxembourg mais d’une entreprise de jardinage située à Echternach et d’avoir utilisé exclusivement du matériel qui lui appartient personnellement.
Il se dégage de l’ensemble de ces constatations et éléments relevés ci-avant, que tout d’abord il ne semble pas être contestable en cause que le demandeur ait procédé, en dehors de son horaire de travail, à des travaux de jardinage auprès de personnes privées, sans que toutefois le dossier tel que soumis au tribunal ne permette de vérifier ni les identités des personnes ainsi visées auprès desquelles lesdits travaux ont été effectués par le demandeur ni la fréquence et l’importance desdits travaux. Il se dégage en outre des éléments ci-avant relatés que non seulement le bourgmestre avait connaissance de cette pratique, mais qu’en plus celle-ci était tolérée par lui. Il se dégage encore des auditions ci-avant énumérées que le demandeur n’était pas le seul ouvrier communal à procéder ainsi à des travaux auprès de personnes privées en dehors de l’horaire normal de travail, mais qu’il s’agissait d’une pratique courante à laquelle environ deux tiers des ouvriers communaux auraient participé. S’il est toutefois vrai que le demandeur aurait dû obtenir une autorisation, conformément à l’article 16 du statut général, afin de pouvoir exercer lesdites occupations accessoires, il n’en reste pas moins vrai qu’au vu de la tolérance ainsi affichée officiellement par les autorités communales vis-à-vis de telles activités, le comportement du demandeur ne saurait être considéré comme étant fautif, puisqu’il y a lieu de partir du principe qu’il y avait pour le moins une autorisation tacite du collège échevinal vis-
à-vis de telles activités.
En ce qui concerne en deuxième et dernier lieu les reproches adressés, à la base des décisions litigieuses, au demandeur du fait des travaux d’entretien par lui exécutés au parc Tony Neuman, et plus particulièrement du fait de l’état délabré de ce parc, il échet de constater, à la lecture des nombreuses auditions effectuées par les agents chargés de l’instruction de l’affaire disciplinaire et de l’enquête administrative préalable qu’une partie des personnes ainsi auditionnées sont d’avis que notamment le demandeur a entretenu le parc d’une manière tout à fait convenable et appropriée et que l’état du parc n’est pas sujet à critique, alors qu’une autre partie de ces personnes est d’avis que le parc s’est trouvé dans un état délabré au cours de la période pendant laquelle le demandeur était, ensemble avec une autre personne, en charge de l’entretien dudit parc. Au vu de ces déclarations contradictoires, le tribunal n’est pas à même de vérifier la réalité des faits se trouvant à la base de ces reproches.
Il y a en effet tout d’abord lieu de relever que suivant les déclarations de l’ingénieur-
directeur responsable notamment du service des parcs municipaux au délégué à l’instruction, en date du 11 novembre 2005, « l’entretien [du parc Neuman] n’est pas seulement l’affaire des deux agents concernés mais de toute l’équipe y compris leurs supérieurs hiérarchiques, à savoir le chef de secteur, le chef de service et bien entendu le directeur », en relevant par ailleurs que « tout le monde est d’accord à confirmer que le parc Neuman est aussi bien entretenu que les autres parcs municipaux ».
Suivant les déclarations de Monsieur M., chef-jardinier au service des parcs et promenades, telles que reçues en date du 11 novembre 2005 par le fonctionnaire délégué à l’instruction disciplinaire, « du temps où MM. … et (…) étaient affectés au parc Neuman, celui-
ci était l’un des parcs les mieux entretenus et les plus beaux se trouvant sur le territoire de la Ville, tant du point de vue de la qualité d’entretien au niveau des plantations que par les soins que M. … y apportait à certaines plantes et arbres rares ».
Lors de son audition par le délégué à l’instruction disciplinaire en date du 11 novembre 2005, Monsieur B., ouvrier au service des parcs a déclaré « qu’il lui arrive de travailler également de temps à autre au parc Neuman, et (…) que celui-ci serait un des parcs municipaux les mieux entetenus ». Ces déclarations sont d’ailleurs corroborées par celles de Monsieur G., ouvrier au service des parcs, faites au délégué à l’instruction disciplinaire en date du 10 novembre 2005, suivant lequel « le parc en question [à savoir le parc Neuman] est correctement entretenu, mais que maints visiteurs ont tendance à y laisser courir leurs chiens librement et qu’il lui est même arrivé de se faire mordre par l’un d’entre eux ».
Monsieur B., ouvrier au service des parcs, a quant à lui confirmé cette appréciation lors de son audition en date du 10 novembre 2005 par le délégué à l’instruction disciplinaire, puisqu’il a affirmé que « le parc en question [à savoir le parc Neuman] est correctement entretenu, à l’instar des autres parcs municipaux ».
En date du 7 novembre 2005, Maître N. a confirmé cette appréciation au délégué à l’instruction disciplinaire, en affirmant que « le parc en question était très bien entretenu, à savoir que les portes d’entrée étaient ouvertes et fermées ponctuellement, également pendant les weekends, que le gazon était toujours correctement tondu et que les chemins étaient en ordre ;
qu’enfin l’étang était propre et que les plantations étaient également soigneusement entretenues, avec rentrée des plantes dans les serres au commencement de la mauvaise saison et leur sortie au printemps », Maître N. faisant remarquer « que les chiens courant librement dans le parc ont malheureusement causé beaucoup de dégâts aux plantations ».
Le témoin, Monsieur B. a déclaré en date du 25 octobre 2005 au délégué à l’instruction disciplinaire « que le parc en question était bien entretenu et que depuis la mutation de MM. … et (…) dans un autre département du service des parcs, les plantations et l’architecture du paysage continuent à y être correctement entretenues ».
Suivant le témoin, Monsieur T., auditionné par le délégué à l’instruction disciplinaire en date du 25 octobre 2005, « les agents y occupés [à savoir au parc Neuman] travailleraient beaucoup, mais que depuis le départ de MM. … et (…) l’état d’entretien des plantations et alentours se seraient progressivement dégradés ». Au sujet de M. …, il a dit « dass schuet dass dé Mann daat een gudden Aarbechter war, net mei am Parc ass ». Ces appréciations positives au sujet de l’état d’entretien du parc Neuman ont encore été confirmées par Monsieur S., garde-
parc, telles que soumises au délégué à l’instruction disciplinaire en date du 24 octobre 2005, suivant lequel « les chemins du parc ont toujours fait l’objet de salage en hiver et que d’après lui le parc Tony Neuman était correctement entretenu et qu’un photographe professionnel y avait même fait des photos ».
Une appréciation positive de l’état du parc Neuman a également été donnée par le témoin Monsieur B., garde-parc en retraite, lors de son audition en date du 24 octobre 2005 par le délégué à l’instruction disciplinaire, qui a affirmé que « d’après lui le parc Neuman se trouverait dans un bon état d’entretien et que les agents y occupés auraient toujours procédé à la tonte du gazon, nettoyé les installations et même procédé à la réfection des chemins d’accès », en précisant toutefois « que les écoliers fréquentant le parc auraient malheureusement tendance à ne pas jeter leurs détritus dans les bacs », en ajoutant « qu’à l’époque où MM …, (…) étaient occupés à l’entretien du parc Neuman, les installations se trouvaient dans un parfait état, que cette situation aurait été confirmée par les visiteurs du parc (…) ».
L’ensemble de ces appréciations positives de l’état d’entretien du parc se trouve toutefois en opposition avec des déclarations faites par d’autres témoins au cours de l’instruction de l’affaire disciplinaire et notamment par les déclarations de Monsieur Jean D., auditionné par le haut fonctionnaire de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ayant initialement été chargé d’une enquête administrative préalable, en date du 2 mars 2005, suivant lequel « à maintes reprises déjà des plantes furent mises en terre sans arrosage, de sorte à les faire périr au bout de quelques jours ». Une appréciation négative de l’état d’entretien du parc a également été donnée par Monsieur et Madame S., auditionnés par le prédit haut fonctionnaire en date du 9 mars 2005, suivant lesquels « au cours des dernières années (…) l’état du parc s’est constamment dégradé et nous regrettons que la nouvelle équipe s’occupant de l’entretien ces dernières années n’exécutent pas les travaux avec le même soin que M.H. à l’époque ». Les époux S.-N.N ont encore déclaré au cours de ladite audition que « les mauvaises herbes poussent un peu partout et il semble bien que le personnel n’effectue pas correctement son travail. Il est souvent arrivé qu’un habitant du quartier, de par soi même a arraché des brindilles, de mauvaises herbes, pour faire la démonstration d’un travail de jardinage mal fait ».
Cette appréciation négative du parc Neuman a été confirmée par Monsieur Gustave E., lors de son audition par ledit haut fonctionnaire en date du 21 mars 2005, suivant lequel il aurait pu remarquer « le dépôt de déchets de jardinage et également de corps étrangers tels que déblais de chantiers, briques, murs etc., sans pouvoir [se] rappeler l’époque de ces décharges » au parc Neuman. Il estime toutefois que « l’état déplorable du parc résulte (…) d’une mauvaise gestion à long terme de la part de quelques agents de la Ville qui s’adonnent plutôt à des occupations privées qu’à leurs tâches professionnelles journalières ». Il ajoute en précisant que les investissements en activité dans l’intérêt du parc notamment de Monsieur … « se résument principalement à tondre le gazon en été tandis que pendant les mois d’hiver on ne perçoit guère quelqu’un en dehors des locaux de service et les agents s’abstiennent même de s’occuper de façon opportune du salage des chemins en temps de verglas ».
Le témoin Monsieur Marc R. a déclaré audit haut fonctionnaire en date du 21 mars 2005 « que depuis environ un an et demi l’état du parc Tony Neuman s’est constamment détérioré. Je constate que l’équipe en place ne fait pas le moindre effort pour garantir un entretien convenable des lieux ce qui devrait être réalisable si les agents du parc se mettaient au travail pendant les huit heures quotidiennes du service ». Cette appréciation négative de l’état du parc est encore confortée par les déclarations de Messieurs H. et H. en date du 21 mars 2005 au prédit haut fonctionnaire, Monsieur H. s’étant plaint « de la dégradation de l’état du parc tant du point de vue des plantations négligées que de l’état des infrastructures qui portent partiellement atteinte à la sécurité des visiteurs », en précisant que « la clôture, qui se trouve à proximité de la rue Nicolas Ries et qui devrait protéger les citoyens devant la côte donnant sur Rollingergrund, présente des ouvertures que des enfants pourraient emprunter pour tomber dans une pente dangereuse ».
Madame Annemarie R. a déclaré quant à elle audit haut fonctionnaire, en date du 22 mars 2005, que lorsqu’elle avait aménagé, 16 ans auparavant dans son appartement situé au Limpertsberg, le parc Tony Neuman constituait « ein attraktiver, gut gepflegter Park », en regrettant que depuis l’état du parc s’est « stetig verschlechtert », en précisant que « manche Bäume sind ungepflegt und krank, Grünanlagen werden stellenweise stark vernachlässigt, das Unkraut steht manchmal meterhoch, und dadurch werden schöne Pflanzen immer weiter verdrängt. Ausserdem befinden sich der kleine und der große Teich in einem sehr schlechten Zustand ». Elle ajoute encore que « auch lässt der Zustand mancher Gehwege zu wünschen übrig. Zum Beispiel befindet sich im mittleren Teil des Parks, auf der Höhe eines kleinen Beckens, ein ungepflegter Pfad, welcher unbefestigt ist, und zum steilen Abhang hin in Richtung Rollingergrund eine Gefahr darstellt ».
Madame L. a précisé quant à elle lors de son audition en date du 23 mars 2005 que « l’état du parc Tony Neuman s’est constamment détérioré depuis le temps où le jardinier dénommé « den H. » (M.H.) ne s’occupe plus de l’entretien des plantations. Aussi la propreté et le nettoyage du parc laisse-t-il à désirer. En raison de la proximité des lycées et du campus universitaire le parc connaît une grande fréquentation d’élèves et d’étudiants ce qui entraîne malheureusement une certaine accumulation de déchets. Le personnel du parc devrait soit rappeler les jeunes à l’ordre, soit s’occuper avec plus de rigueur du nettoyage ».
Quant au demandeur lui-même, il échet de relever que celui-ci a déclaré en date du 31 mars 2005 audit haut fonctionnaire qu’« il est facile d’affirmer que le parc se serait trouvé dans un état meilleur il y a des années, étant donné que le nombre de visiteurs par jour se limitait à une dizaine en ces temps là et que de nos jours, bon nombre d’enfants et d’étudiants envahissent les installations par moments avec tous les effets négatifs que comportent cette grande affluence et le manque de discipline de certains », en regrettant « évidemment les actes de vandalisme [qu’il doit] constater tous les jours de même que la nonchalance des visiteurs qui laissent librement courir leurs chiens dans les plantations, les endommageant de la sorte ».
Le constat d’huissier de justice effectué en date du 21 mars 2005 par Madame Rolande PETRY-SCHOLTES afin de procéder à un état des lieux du parc municipal « Tony Neuman » et notamment à un constat de l’entretien général du parc, au niveau des plantations, des dépôts éventuels et de l’abri pour ouvriers situés dans l’enceinte du parc, il échet de retenir que le procès-verbal ainsi établi n’est pas non plus de nature à contredire notamment les déclarations claires et précises de la part d’un certain nombre de personnes suivant lesquelles au cours de la période pendant laquelle le demandeur était chargé de l’entretien du parc, ce dernier se trouvait dans un état impeccable. Il s’y ajoute que ledit constat d’huissier, qui s’est d’ailleurs fait en l’absence de la présence à la fois du demandeur et de son mandataire, a été établi à une période de l’année, à savoir après la fin de l’hiver, à laquelle ne font que commencer les travaux en vue de l’aménagement du parc pour la belle saison. Dans ce contexte, il y a lieu de se référer aux déclarations de l’ingénieur-directeur responsable notamment des parc municipaux qui s’est étonné de ce qu’un constat d’huissier de justice ait été effectué en mars 2005, à savoir « à une époque où les plantes n’avaient pas encore bourgeonné ». L’ingénieur-directeur a encore relevé, qu’en ce qui concerne « l’état prétendument négligé d’après le constat d’huissier du plan d’eau se trouvant dans le parc Neuman », que « le comportement inconsidéré de maints visiteurs du parc qui jettent n’importe quoi dans l’étang et le fait que des chiens courent librement dans le parc et utilisent l’étang pour y patauger », faits qui lui ont été « rapportés de différentes sources », en ajoutant que des « chiens courant librement dans le parc détruisent régulièrement les plantations ».
Au cours de son audition en date du 15 septembre 2005 par le délégué à l’instruction disciplinaire, le demandeur a précisé ce qui suit au sujet de l’état d’entretien du parc Neuman :
« l’apparence d’un état d’entretien contestable du parc Neuman résulte d’après M. … du fait que le constat du parc Neuman a été dressé par voie d’huissier de justice vers la mi-mars 2005, à un moment où lui et son collègue (…) avaient été transférés à Kockelscheuer approximativement trois semaines auparavant et que pendant ce laps de temps les plantations et verdures n’avaient plus été entretenues. D’autre part le constat par voie d’huissier a été dressé à la fin de l’hiver, donc à une époque où les plantations font encore défaut et où les véritables travaux saisonniers n’ont pas encore été entamés ».
Au vu de ce que les faits matériels se trouvant à la base de ce reproche n’ont pas pu être vérifiés en l’absence de tout doute sur base des pièces et éléments du dossier, il n’y a pas lieu de retenir ces faits comme pouvant justifier les décisions litigieuses.
D’une manière générale, le tribunal administratif a l’impression que l’affaire disciplinaire intentée à l’encontre du demandeur trouve son origine « dans une atmosphère tendue », comme l’a souligné Monsieur L. dans son audition du 22 mars 2005, qui semble être essentiellement due au comportement « de certains habitants du quartier Limpertsberg » qui « ont pris l’habitude de provoquer des situations délicates par des remarques déplacées à l’adresse du personnel communal » et qui « ont pris la mauvaise habitude de laisser filer leurs chiens à leur aise à travers le parc, voire les plantations malgré les panneaux d’interdiction qui invitent à prendre les chiens en laisse », situation dans laquelle l’ouvrier ou le jardinier se permettant de rappeler lesdits habitants à l’ordre se voient confrontés « à l’incompréhension du propriétaire de l’animal ce qui peut susciter des tensions », suivant les déclarations de Monsieur L. lors de son audition précitée du 22 mars 2005. Ces déclarations de Monsieur L. sont d’ailleurs confortées par d’autres déclarations ressortant des auditions des différents témoins suivant lesquels le comportement des différents habitants du quartier de Limpertsberg est pour le moins sujet à critique et que ce sont ces comportements de certaines de ces personnes qui sont à l’origine de l’affaire disciplinaire dont le tribunal se trouve saisi actuellement, comportements provocateurs de leur part qui ont pu, de manière compréhensible, avoir comme conséquence certaines réactions déplacées de la part des ouvriers chargés de l’entretien dudit parc, dont le demandeur.
Les déclarations de certains des témoins auditionnés au cours de l’affaire disciplinaire ont par ailleurs permis de révéler que l’état parfois imparfait du parc Tony Neuman s’explique également par l’utilisation dudit parc par de nombreuses personnes, dont des élèves et étudiants des écoles et université voisines ainsi que par le fait que de nombreux chiens s’y baladent en dehors du contrôle de leurs maîtres et causent ainsi des dommages aux plantations.
Il se dégage de l’ensemble des développements qui précèdent qu’aucun des reproches formulés par les décisions litigieuses à l’égard du demandeur ne se trouve fondé sur des faits matériels dont l’existence a pu être établie à l’exclusion de tout doute, de sorte que les décisions du collège échevinal du 3 avril 2006 et du conseil communal du 28 juillet 2006 encourent l’annulation.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant annule la décision du collège échevinal du 3 avril 2006 prononçant à l’égard de Monsieur … la sanction disciplinaire de l’avertissement ainsi que la décision confirmative du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 28 juillet 2006 ;
condamne l’administration communale de la Ville de Luxembourg aux frais.
Ainsi jugé par:
M. Schockweiler, premier vice-président, M. SchR., premier juge, M. Spielmann, premier juge, et lu à l’audience publique du 10 décembre 2007 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 18