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05/12/2007 | LUXEMBOURG | N°23405

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 décembre 2007, 23405


Tribunal administratif N° 23405 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2007 Audience publique du 5 décembre 2007 Recours formé par Monsieur et Madame …, Weilerbach contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L. 5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23405 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au

nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie), et de son épouse, Madame …, né...

Tribunal administratif N° 23405 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2007 Audience publique du 5 décembre 2007 Recours formé par Monsieur et Madame …, Weilerbach contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 19, L. 5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23405 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Kosovo/Etat de Serbie), et de son épouse, Madame …, née le … (Bosnie-Herzégovine), demeurant actuellement ensemble à L- … , tendant 1) à la réformation d’une décision du ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration du 1er août 2007 leur refusant une protection internationale et 2) à l’annulation de l'ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 5 novembre 2007;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame la déléguée du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 novembre 2007.

Le 18 juin 2007 Monsieur … et son épouse, Madame …, introduisirent oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après la loi du 5 mai 2006.

Ils furent entendus le 2 juillet 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 1er août 2007, notifiée par lettre recommandée expédiée le 9 août suivant, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur et Madame … de ce que leur demande avait été rejetée comme étant non fondée après l’avoir évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire et précisa en outre que la décision valait ordre de quitter le territoire.

La décision en question a la teneur suivante:

«J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 18 juin 2007.

En application de la prédite loi, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d'obtention du statut de réfugié et de celles d'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains les rapports d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 2 juillet 2007.

Monsieur, il résulte de vos déclarations que des albanais vous reprocheraient d'avoir voulu aider un ami qui se serait bagarré à l'école avec un autre albanais le 24 septembre 2003. Quelques jours plus tard vous auriez été frappé par une quinzaine d'albanais qui vous auraient attendu en sortant de l'école. Depuis vous auriez été menacé par ces albanais, vous précisez même avoir été menacé quelques fois par téléphone. Vous expliquez que vers le 25 ou le 28 octobre 2003 vous auriez changé de numéro de téléphone et que depuis vous n'auriez plus été menacé. Vous ajoutez que vous n'auriez pas osé sortir, dès lors vous n'auriez jamais travaillé. Vous dites qu'en tant que bochniaque vous ne pourriez pas circuler librement.

Enfin, vous ne faites pas état d'autres problèmes et admettez avoir subi aucune persécution ou mauvais traitement. Vous ne seriez pas membre d'un parti politique.

Madame vous confirmez les dires de votre mari et précisez être venue uniquement à cause de ses problèmes.

Vous auriez quitté le Kosovo en date du 12 juin 2007 pour vous rendre en camion au Luxembourg où vous seriez arrivés vers le 15 juin 2007. Le dépôt de vos demandes de protection internationale date du 18 juin 2007. Monsieur, vous présentez une carte d'identité délivrée par I'UNMIK. Madame, vous présentez une carte d'identité de la Bosnie-Herzégovine.

La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécutés dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi modifiée précitée du 5 mai 2006. En effet, Monsieur, le fait que vous auriez été mêlé à un bagarré en septembre 2003 et menacé peu de temps après n'est pas d'une gravité telle pour fonder à lui seul une demande en obtention du statut de réfugié. Vous dites vous-même que depuis octobre 2003 vous n'auriez plus été menacé et vous ne faites pas état d'autres problèmes. Par ailleurs, des albanais non autrement identifiés ne sauraient être considérés comme agents de persécutions. En effet, en application de l'article 28 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection : au cas de l'espèce, il ne ressort pas du rapport d'entretien que l'Etat ou d'autres organisations gouvernementales présentes sur le territoire de votre pays ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection.

Monsieur, vous dites ne pas pouvoir circuler librement parce que vous seriez bochniaque. Or, il y a lieu de soulever que ceux-ci ont, dans tout le Kosovo non seulement le droit à la participation et à la représentation politique mais encore accès à l'enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, ce qui fait qu'une discrimination à leur égard ne saurait pas être retenue pour fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s'ajoute qu'il ressort du rapport de l'UNHCR de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo qu'en règle générale les bochniaques ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité. Par ailleurs, le rapport de l'UNHCR de juin 2006 intitulé « UNHCR's Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo » ne mentionne pas la situation des bochniaques et on peut en conclure que l'UNCHR ne les considère plus comme courant de risque particulier. D'ailleurs, l'UNHCR ne s'oppose pas à un retour de bochniaques au Kosovo. De même, il ressort du UK « Operational Guidance Note Republic of Serbia » du 12 février 2007 que « although Bosniaks may be subject to discrimination and/or harassment in Kosovo this does not generally reach the level of persecution. Considering the sufficiency of protection available and the option of internal relocation, in the majority of cases it is unlikely that a claim based solely on the feat of persecution because of Bosniak ethnicity will qualify for a grant of asylum or Humanitarian Protection and cases from this category of claim are likely to be clearly unfounded ».

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

Par ailleurs, il ne ressort pas de votre dossier qu'il vous aurait été impossible de vous installer en Bosnie-Herzégovine, pays d'origine de Madame et où vous ne faites pas état de problèmes.

En outre, vos récits ne contiennent pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, vous ne faites tous les deux pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort, ni de risques concrets et probables de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour au Kosovo. Par ailleurs, la Serbie-Monténégro a aboli la peine de mort dans sa législation nationale. Vous ne faites également pas état de risques émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. Rappelons dans ce contexte que la situation actuelle au Kosovo est calme.

Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l'article 19§1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité.

Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n'interrompt pas les délais de la procédure.» Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 septembre 2007 Monsieur et Madame … ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 1er août 2007 leur refusant une protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1. Quant au recours dirigé contre la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Il s’ensuit que le recours en réformation est recevable dans la mesure où il est dirigé contre ce volet de la décision déférée pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par loi.

A l’appui de leur recours, Monsieur et Madame … font valoir qu'ils auraient été forcés de quitter leur pays d'origine en raison des persécutions dont notamment Monsieur … aurait été victime en raison de son appartenance à la minorité bosniaque du Kosovo.

Les droits les plus élémentaires leur auraient de ce fait été refusés. Ils auraient fait l'objet quotidien d'insultes, d'agressions et de menaces de mort de la part des Albanais du Kosovo. Leur liberté de circulation aurait été entravée et Monsieur … aurait dû quitter l'école et n'aurait pas trouvé de travail. Son épouse serait à considérer comme victime par ricochet de la situation de son mari. Née dans la République Srpska de Bosnie elle n'aurait aucune possibilité de retourner vers son lieu de résidence antérieur, ceci suite aux accords de Dayton. Selon les dernières appréciations de l'UNHCR, les Bosniaques du Kosovo seraient à considérer comme minorité persécutée, essentiellement à cause de leur ancienne alliance avec les Serbes.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre a fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.

1.1. Quant au statut de réfugié Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 précisent également le contenu de la notion de réfugié.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par les demandeurs à l’appui de leur demande en obtention d’une protection internationale lors de l’audition de Monsieur et Madame …, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, paragraphe 2 de la Convention de Genève, ainsi que les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006.

En effet, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs de protection internationale.

En ce qui concerne la situation générale actuelle du Kosovo, il y a lieu de rappeler qu’une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, un demandeur d’asile risque de subir des persécutions. Force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, dès lors que le récit des demandeurs traduit essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans qu’ils aient fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays de provenance.

Ainsi, concernant la crainte générale exprimée par les demandeurs d’être victimes d’actes de persécution de la part de la majorité albanaise en raison de leur origine bosniaque, il convient de relever que si la situation sécuritaire actuelle des minorités ethniques du Kosovo demeure toujours difficile et que les membres de minorités continuent à souffrir d’incidents motivés par leur appartenance ethnique, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi précitée du 5 mai 2006.

A cet égard, l’UNHCR note, dans un rapport daté du 16 juin 2006 réactualisant sa position en matière de protection des minorités au Kosovo, que : ”Since the issuance of UNHCR’s March 2005 position paper, the overall security situation in Kosovo has progressively improved. The number of members of minorities working at the central Institutions of Provisional Self-Government (PISG) and in the Kosovo Protection Corps (KPC) has increased; freedom of movement has generally progressed; a number of important steps have been taken to reinforce the protection of property rights; and an Inter-Ministerial Commission to monitor minorities’ access to public services has been established”1.

En outre, en ce qui concerne la minorité bosniaque, l’UNHCR ne mentionne plus les membres de cette minorité au chapitre des « Groups at risk », estimant qu’ils ne sont plus désormais à considérer comme courant en général des risques de persécution. En effet, il limite ses considérations à la minorité serbe, ainsi qu’aux Roms et aux Albanais se trouvant dans une situation de minorité et à celle des Ashkalis et Egyptiens.

C’est également à tort que les demandeurs affirment faire partie d’une des catégories de personnes reconnues comme plus particulièrement vulnérables par le prédit rapport de l’UNHCR, du fait d’être associées à la minorité serbe au Kosovo ou aux anciennes ou nouvelles structures serbes après 1990, ce qui devrait leur valoir sur cette seule base la reconnaissance du statut de réfugié. En effet, s’il est vrai que l’UNHCR, dans sa prise de position de 2006, fait encore état d'autres groupes à risque, telles les personnes mariées avec des personnes d'autres ethnies, les personnes issues d'une mixité ethnique ou celles perçues comme ayant eu des liens avec les autorités de Serbie-et-

Monténégro après 1990 et enfin les victimes de trafics, les demandeurs n’ont pas fait état d’un quelconque élément permettant de considérer qu’ils aient eu des liens avec les autorités de Serbie-et-Monténégro après 1990, de sorte qu’ils ne sauraient être considérés, d’après la classification retenue par l’UNHCR, comme faisant partie d’une catégorie de personnes vulnérables justifiant une protection internationale.

En ce qui concerne les autres faits concrets exposés par les demandeurs, à savoir les menaces, insultes et agressions, ceux-ci s’analysent en substance en des harcèlements de la part d’Albanais lesquels constituent certes des pratiques condamnables, mais ne revêtent pas, en l’espèce, à défaut d’autres faits ou éléments, un degré de gravité tel que la vie leur serait, à raison, rendue intolérable dans leur pays de provenance.

En outre, le tribunal est amené à constater que les auteurs de ces agissements, à savoir des individus d’origine albanaise, ne sont pas à considérer comme étant des agents étatiques, de sorte qu’ils ne peuvent être considérés comme acteurs de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006 que dans l’hypothèse où « il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b) (l’Etat ou des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves », ceci conformément aux dispositions de l’article 28, c) de ladite loi.

Or, les époux … n’ont soumis aucun indice concret dont il ressortirait une incapacité ou un refus actuels des autorités compétentes à leur fournir une protection adéquate. En effet, il ne ressort pas de leurs récits qu’ils aient recherché une protection effective des autorités en place au Kosovo.

1 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, June 2006, p.3 , n° 8 Les demandeurs font encore état de discriminations liées à leur origine bosniaque dont ils auraient été victimes au Kosovo. Ainsi, concernant leur affirmation que Monsieur … aurait dû quitter l'école et n'aurait pas trouvé de travail, il convient de retenir que le récit des demandeurs reste essentiellement vague et ne permet pas d'apprécier, à partir d'un récit concret, son degré de crédibilité.

Le tribunal est partant amené à conclure que les craintes éprouvées par les demandeurs en raison de la situation sécuritaire prévalant au Kosovo constituent en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que les demandeurs n'aient établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable dans leur pays de provenance.

1.2. Quant au statut conféré par la protection subsidiaire En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder aux demandeurs le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sub a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Au vu des développements qui précèdent et en l’absence de moyens précis formulés à ce titre, force est encore de retenir que c’est à juste titre que le ministre a estimé qu’en cas d’un retour dans leur pays, les demandeurs ne courent pas un risque réel de se voir infliger la peine de mort ou de se faire exécuter ou encore de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants respectivement de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre leur vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Au vu de ce qui précède sous les points 1. et 2., le ministre a dès lors valablement pu, au terme de l’analyse de la situation de Monsieur et Madame …, rejeter la demande de protection internationale comme non fondée au sens de l’article 19, paragraphe 1 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours dirigé contre la décision portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire et que le recours a été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19, paragraphe 1 de ladite loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Les demandeurs se contentent de solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire au motif que la décision ministérielle litigieuse serait à réformer sinon à annuler.

Le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que les demandeurs ne remplissent pas les conditions pour prétendre à une protection internationale, de sorte qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 décembre 2007 par :

M. Ravarani, président, Mme Thomé, juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 5.12.2007 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23405
Date de la décision : 05/12/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-12-05;23405 ?

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