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05/12/2007 | LUXEMBOURG | N°22758

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 05 décembre 2007, 22758


Tribunal administratif N° 22758 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2007 Audience publique du 5 décembre 2007 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22758 du rôle et déposée le 2 avril 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas BAUER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Portugal), demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un arrÃ

ªté du 4 janvier 2007 par lequel le ministre des Transports a limité la durée de validité de...

Tribunal administratif N° 22758 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 avril 2007 Audience publique du 5 décembre 2007 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Transports en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22758 du rôle et déposée le 2 avril 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicolas BAUER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Portugal), demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’un arrêté du 4 janvier 2007 par lequel le ministre des Transports a limité la durée de validité de son permis de conduire des catégories A, B et F à une durée de dix-huit mois, cette durée pouvant être prorogée par la suite ;

Vu le mémoire en réponse du délégué de Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2007;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2007 par Maître Nicolas BAUER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de Monsieur …;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elisabeth ALEX en remplacement de Maître Nicolas BAUER, et Monsieur le délégué de Gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 novembre 2007.

En date 23 mars 2006, le ministre des Transports sollicita de la part du procureur général d’Etat son avis au sujet d’un retrait administratif éventuel du permis de conduire de Monsieur …, suite à une interdiction de conduire prononcée à son encontre le 10 juin 2005 par le tribunal correctionnel de et à Luxembourg.

Le 14 juillet 2006 le procureur général d’Etat communiqua au ministre des Transports son avis dans lequel il conclut qu’il aurait lieu à retrait administratif du permis de conduire du demandeur.

Par lettre recommandée du 6 novembre 2006, Monsieur … a été convoqué par le ministre des Transports à se présenter le 11 décembre 2006 devant la commission spéciale des permis de conduire, ci-après « la commission spéciale ».

La commission spéciale dressa en date du 11 décembre 2006 un procès-verbal de l’audition du demandeur.

En date du 15 décembre 2006, la commission spéciale précitée émit son avis dans le dossier du demandeur proposant de faire limiter la durée de la validité du permis de conduire de Monsieur … à 18 mois. Cet avis est libellé comme suit :

« Considérant que Monsieur … est titulaire d'un permis de conduire de la catégorie B depuis le 17 juillet 1976 ;

Considérant qu'en date du 11 février 2005 l'intéressé s'est vu adresser un avertissement écrit de la part de Monsieur le Ministre des Transports ;

Considérant que par arrêté ministériel du 31 mai 2005 le droit de conduire de l’intéressé a été suspendu pour une durée de 12 mois, suite à l'épuisement des 12 points du capital de son permis de conduire ;

Considérant que lors de la notification de l'arrêté ministériel précité, l'intéressé a déclaré avoir perdu son permis de conduire, de façon à ce que les agents de police chargés de la notification n' ont pas pu procéder au retrait matériel du document ;

Considérant qu'à titre de pièce justificative, l'intéressé a présenté une déclaration de perte datant du 18 mars 2005 ;

Considérant que la suspension du droit de conduire, susmentionnée, a été livrée avec effet au 28 juin 2006 ;

Considérant que l'intéressé a été informé de son casier judiciaire qui renseigne en date du 3 avril 2006 sur 8 condamnations pour infractions aux dispositions du Code de la Route dont le détail est plus amplement repris au procès-verbal joint ;

Considérant qu'un rapport de la Police grand-ducale de Dudelange du 17 mars 2006 renseigne que l'intéressé a été verbalisé en date du 17 mars 2006 pour conduite malgré une interdiction de conduire administrative et que son permis de conduire luxembourgeois, apparemment retrouvé, lui a été retiré ;

Considérant que le rapport d'enquête de la Police grand-ducale d'Esch-sur-Alzette/Nord du 17 mai 2006 renseigne que l'intéressé ne s'est pas présenté au commissariat, mais qu'il a demandé par voie téléphonique d'excuser son absence étant donné qu'il se trouvait au Portugal jusqu'en septembre 2006 ;

Considérant que les faits reprochés à l'intéressé permettent d'admettre qu'il est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l'intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d'un véhicule ;

Considérant que le besoin professionnel de l'intéressé est de nature à moduler la décision administrative à intervenir ;

Vu l'avis de Monsieur le Procureur Général d'Etat du 14 juillet 2006 ;

Considérant que l'intéressé a été entendu le 11 décembre 2006 dans ses explications et moyens de défense ;

La Commission spéciale des permis de conduire, composée de Monsieur … , de Madame … et de Monsieur … , propose à l'unanimité de faire limiter la durée de validité du permis de conduire de Monsieur … à 18 mois. » Par arrêté du 4 janvier 2007, le ministre des Transports limita la durée de validité du permis de conduire des catégories A, B et F du demandeur à dix-huit mois. Cette décision est libellée comme suit :

« Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Vu l'article 90 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Considérant que Monsieur …, né le … (Portugal) et demeurant à L-…, a à plusieurs reprises enfreint les règles de la circulation routière ;

Vu l'avis du 14 juillet 2006 de Monsieur le Procureur Général d'État ;

Considérant que l'intéressé a été entendu le 11 décembre 2006 dans ses explications et moyens de défense par la Commission spéciale prévue à l'article 90 de l'arrêté grand- ducal du 23 novembre 1955 précité;

Vu l'avis du 15 décembre 2006 de ladite Commission spéciale ;

Considérant que pour la raison reprise sous 3) du paragraphe let de l'article 2 de la loi du 14 février 1955 précitée, la validité du permis de conduire de l'intéressé est à restreindre;

Arrête:

Art. 1er.- La durée de validité du permis de conduire des catégories A, B et F délivré à Monsieur … préqualifié est limitée à dix-huit mois. Le cas échéant, la durée de validité du permis de conduire pourra être prorogée dans la suite.

Art. 2. - Le présent arrêté est expédié à l'intéressé qui est tenu de présenter ou de faire présenter dans la quinzaine son permis de conduire au Service des permis de conduire pour y faire inscrire la restriction précitée.

L'omission de faire effectuer l'inscription est susceptible de poursuites judiciaires et pourra être punie d'une amende de 63 euros à 1.250 euros. Le refus d'exécuter la présente décision entraînera en outre des mesures administratives pouvant aller jusqu'au retrait administratif pur et simple du permis de conduire.

Art. 3. - Le présent arrêté est susceptible d'un recours gracieux à présenter par écrit au des Transports. Il est en outre susceptible d'un recours en annulation devant le tribunal administratif, à exercer par ministère d'avocat inscrit endéans les trois mois à partir du jour de la notification du présent arrêté.

Art. 4. - Ampliation en sera adressée à Monsieur le Procureur Général d'État et à Monsieur le Directeur de la Police grand-ducale pour information. » Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 avril 2007, Monsieur … a fait introduire un recours en annulation contre la décision du ministre du 4 janvier 2007.

Ledit recours ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours le demandeur estime principalement que la décision déférée est à annuler pour défaut de motivation dans la mesure où le ministre aurait omis de décrire et de qualifier en quoi son comportement serait dangereux. Subsidiairement, il est d’avis que la mesure prise par la ministre ne se justifierait pas étant donné que son aurait été préalablement sanctionné. A ce titre, il soutient que suite à certaines erreurs de conduite, les douze points de son permis de conduire furent perdus. En conséquence, son droit de conduire aurait été suspendu pour une durée de douze mois par arrêté ministériel du 31 mai 2005. A l’expiration de cette sanction, le ministre aurait décidé de le sanctionner une nouvelle fois en restreignant son droit de conduire. Une telle sanction supplémentaire ne se justifierait pas. Plus subsidiairement, il soutient qu’il n’aurait jamais fait courir un quelconque risque à un autre usager de la route étant donné que les infractions qui ont été à l’origine des retraits de points ne présentaient pas une gravité caractérisée, qu’il n’aurait pas eu d’accident dont il serait responsable depuis des années, qu’il respecterait les limitations de vitesse, ne consommerait jamais d’alcool et que par conséquent il ne présenterait manifestement aucun danger pour la circulation routière.

Le délégué du Gouvernement estime que la décision ministérielle est fondée en fait et en droit et qu’en conséquence le recours en annulation est à rejeter.

Aux termes de l’article 2 paragraphe 1er, 3) de la loi du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, telle que modifiée, ci-après « la loi du 14 février 1955 » : « le ministre des transports ou son délégué délivre les permis de conduire civils ; il peut refuser les permis de conduire, restreindre leur emploi ou leur validité, les suspendre et les retirer, ou refuser leur restitution, leur renouvellement ou leur transcription et même refuser l’admission aux épreuves si l’intéressé :

[…] 3) est dépourvu du sens des responsabilités requis, dans l’intérêt de la sécurité routière, pour la conduite d’un véhicule. » Le demandeur estime que le ministre aurait dû démontrer en quoi son comportement serait à qualifier de dangereux pour pouvoir limiter la durée de validité de son permis de conduire, concluant ainsi à l’annulation de l’arrêté déféré pour manque de motivation.

Force est cependant de constater que l’arrêté du 4 janvier 2007 se rallie à l’avis de la commission spéciale des permis de conduire du 15 décembre 2006 qui énumère de façon exhaustive les infractions à la charge du demandeur, motivant ainsi à suffisance la décision.1 D’autre part l’article 2 de la loi du 14 février 1955 précitée n’oblige pas le ministre des transports de démontrer le caractère dangereux d’une personne mais lui impose d’examiner le comportement global de la personne concernée, sa décision devant être assise en principe sur 1 TA 3 mars 1997, n° 9693, Pas. adm. 2006, n° 60, v° Procédure administrative non contentieuse, et les références y citées des éléments suffisamment récents pour être susceptibles de renseigner en ce moment sur l’attitude actuelle de l’intéressé,2 de sorte que le moyen du demandeur ne saurait être accueilli.

Subsidiairement, le demandeur estime que la mesure ne se justifierait pas dans la mesure où le comportement du requérant aurait déjà été préalablement sanctionné.

Force est cependant de constater que par décision du 31 mai 2005, le ministre des Transports a suspendu le droit du demandeur de conduire un véhicule automoteur en vertu de l’article 2bis, paragraphe 3 de la loi du 14 février 1955 précitée, comme le capital de points affecté au permis de conduire de celui-ci était épuisé. La décision déférée est basée sur l’article 2, 1er, 3) de la loi du 14 février 1955 précité qui permet au ministre de prendre les mesures y prévues si ce dernier juge que le concerné est, notamment, dépourvu du sens des responsabilités requis pour la conduite d’un véhicule. Il s’en suit que la décision déférée ne sanctionne pas une nouvelle fois les infractions citées dans l’arrêté du 31 mai 2005, mais se base sur le comportement global du demandeur, étant précisé que celui-ci n’a pas respecté la suspension de son droit de conduire en conduisant néanmoins un véhicule en date du 17 mars 2006, de sorte que son moyen ne saurait être accueilli.

Finalement, le demandeur estime qu’il n’aurait jamais fait courir un quelconque risque à un autre usager de la route dans la mesure où les infractions qui furent à l’origine des retraits de points ne présenteraient pas une gravité caractérisée.

Comme exposé ci-avant, la dangerosité d’une personne n’est pas un critère érigé par l’article 2, paragraphe 1er, 3) de la loi du 14 février 1955 précitée.

D’autre part, au vu de la multitude d’infractions au Code de la route commises par le demandeur, et plus spécialement la conduite d’un véhicule malgré une suspension du droit de conduire et la condamnation pour un délit de fuite postérieurement à la perte de tout le capital des points du permis de conduire, constituent des éléments permettant de retenir valablement que le titulaire d’un permis de conduire est dépourvu du sens des responsabilités nécessaire pour la conduite d’un véhicule au vu des infractions constatées et pour limiter la durée de validité de son permis de conduire à une durée de dix-huit mois.

Au vu de ce qui précède, le recours n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute;

condamne le demandeur aux frais ;

2 TA 26 janvier 1998, n° 10139, Pas. adm 2006, n° 18, v° Transports, et les références y citées Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 décembre 2007 par :

M. Ravarani, président, Mme Thomé, juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22758
Date de la décision : 05/12/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-12-05;22758 ?

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