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15/11/2007 | LUXEMBOURG | N°23634

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 novembre 2007, 23634


Tribunal administratif Numéro 23634 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2007 Audience publique du 15 novembre 2007 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 8 novembre 2007 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 23634 du rôle, par Maître Alexandra CORRE, avocat à la Cour, inscrite au t

ableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le …...

Tribunal administratif Numéro 23634 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2007 Audience publique du 15 novembre 2007 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 8 novembre 2007 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 23634 du rôle, par Maître Alexandra CORRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Oran (Algérie) et être de nationalité algérienne, alias …, né le …, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 5 novembre 2007 ordonnant une deuxième prorogation de son placement audit Centre de séjour pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de cette décision ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport et Maître Alexandra CORRE en sa plaidoirie à l'audience publique du 14 novembre 2007.

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Par une ordonnance du 17 juillet 2007, la chambre du conseil du tribunal d’arrondissement de Luxembourg ordonna la mise en liberté sous caution de Monsieur … qui se trouvait à ce moment en détention préventive. Par courrier du 6 septembre 2007, le procureur d’Etat demanda à l’administrateur des établissements pénitentiaires à Luxembourg de mettre Monsieur … immédiatement en liberté dans la mesure où le parquet ne ferait pas appel contre l’ordonnance prévisée du 17 juillet 2007.

Par arrêté du 6 septembre 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la nationalité de l’intéressé, l’éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur … le 6 septembre 2007 et mis en exécution à partir de cette date.

Par transmis du 6 septembre 2007, le ministre demanda également au service de police judiciaire, section des étrangers et des jeux, d’enquêter sur l’identité de Monsieur … et de lui faire connaître le résultat EURODAC.

Il résulte de plusieurs fiches de demandes de renseignements du centre de coopération policière et douanière du Luxembourg que Monsieur … est connu des autorités françaises pour avoir commis 31 faits de séjour irrégulier, violences et vols commis entre 1988 et 2004, qu’il avait été condamné à un an de prison pour vol par effraction le 11 juin 2004, qu’il avait fait l’objet de plusieurs mesures de reconduite à la frontière et de deux interdictions du territoire, dont la dernière valable jusqu’au 13 novembre 2007, et qu’il avait été reconduit en Algérie en 2004 « sous sa réelle identité de … ». Lesdites fiches renseignent encore que Monsieur … était également connu des autorités françaises sous les alias de Faouzi …, de nationalité non précisée, Chaker HANI, de nationalité égyptienne, Bagdad OURIACHI, de nationalité marocaine, Mhamed MRAH, de nationalité algérienne, et Mhamed MIRAM, de nationalité non précisée.

Par lettre du 26 septembre 2007, le ministre s’adressa au consulat algérien à Bruxelles pour demander la délivrance d’un laissez-passer en vue du rapatriement de Monsieur ….

En date du 5 octobre 2007, le ministre prit un arrêté ordonnant la prorogation de la mesure de placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification aux motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté pris en date du 6 septembre 2007 décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités algériennes ;

- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Cet arrêté fut notifié le même jour à Monsieur ….

Par jugement du tribunal administratif du 10 octobre 2007, un recours contentieux dirigé contre l’arrêté de placement précité du 6 septembre 2007 fut déclaré sans objet, au motif que la décision de placement avait cessé dans ses effets le 6 octobre 2007.

Par jugement du tribunal administratif du 24 octobre 2007, un recours contentieux dirigé contre l’arrêté précité du 5 octobre 2007 portant prorogation de la mesure de placement initiale fut déclaré non justifié et le demandeur en fut partant débouté.

Par requête déposée le 8 novembre 2007 au greffe du tribunal administratif, Monsieur …, alias …, a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de prorogation de la mesure de rétention du 5 novembre 2007.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre les décisions de placement ainsi que contre les décisions de prorogation des mesures de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que la décision d’éloignement du territoire serait manifestement disproportionnée, au motif qu’il ne résulterait d’aucun élément du dossier qu’il serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité, l’ordre ou la santé publics, d’autant plus qu’il aurait obtenu sa libération provisoire à travers l’ordonnance précitée du 17 juillet 2007.

Ce moyen laisse cependant d’être fondé, étant donné que la dangerosité dans le chef de la personne faisant l’objet d’une décision de placement n’est pas érigée en condition pour une mesure de placement par l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972.

Le demandeur affirme ensuite que son éloignement immédiat serait parfaitement possible au regard des pièces versées en cause qui établiraient à suffisance de droit son identité, à savoir un extrait d’un acte de mariage et d’un acte de naissance.

Force est néanmoins de constater qu’alors même que les renseignements pris auprès des autorités françaises et des pièces invoquées par le demandeur corroborent la véritable identité du demandeur sous laquelle il avait été reconduit en Algérie en 2004, il n’en reste pas moins que ces documents ne constituent pas des titres de voyage lui permettant d’entrer sur le territoire d’un autre Etat et notamment de son Etat d’origine, de manière que le ministre était amené à solliciter la délivrance d’un document de voyage au nom du demandeur auprès des autorités algériennes et que l’éloignement de celui-ci n’est pas possible jusqu’à l’obtention de ce document. Il s’ensuit que ce moyen du demandeur est à rejeter.

En troisième lieu, le demandeur conteste l’existence dans son chef d’un danger réel de soustraction à une mesure de rapatriement ultérieure. Il invoque à cet égard l’ordonnance précitée du 17 juillet 2007 ayant subordonné sa libération provisoire au dépôt d’un cautionnement de 4.000,- € pour garantir sa représentation à tous les actes de procédure et il affirme qu’il « n’a ni le profil, ni le comportement d’une personne qui risque de se soustraire à une mesure d’éloignement ».

Force est de constater à cet égard qu’il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de rétention administrative sur base de l’article 15 de ladite loi en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, étant relevé que la mise en place d’un tel centre repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-

il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Cette conclusion n’est pas énervée par le paiement de la caution invoqué par le demandeur, étant donné que le délégué du gouvernement relève à bon droit que le risque de fuite dans le chef du demandeur résulte à suffisance de droit des informations obtenues auprès des autorités françaises. Ce moyen du demandeur est partant à rejeter.

Le demandeur fait alors valoir que l’incarcération d’une personne sous le coup d’une mesure de placement dans un centre pénitentiaire ne se justifierait qu’au cas où cette personne constitue un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics et qu’elle devrait constituer une mesure d’exception à appliquer seulement en cas d’absolue nécessité, de sorte que le Centre pénitentiaire ne serait pas à considérer comme établissement approprié.

Il convient cependant de relever que le demandeur n’a pas été incarcéré au Centre pénitentiaire, mais placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, établissement créé par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire et qui est distinct du Centre pénitentiaire à travers l’existence d’un bloc réservé à ces fins même s’il se trouve localisé matériellement dans l’enceinte du Centre pénitentiaire.

Le moyen du demandeur relatif au placement dans un centre pénitentiaire est partant à écarter.

Le demandeur relève finalement que « les autorités compétentes doivent faire tous les efforts et toutes les démarches nécessaires en vue d’assurer que la mesure d’éloignement puisse être exécutée sans retard, dans les délais les plus brefs ».

Dans la mesure où le demandeur se limite à énoncer ce principe concernant les obligations des autorités compétentes sans néanmoins indiquer d’une quelconque manière en quoi cette obligation de diligence n’aurait pas été respectée en l’espèce, ce moyen est à écarter pour défaut de précision.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et qu’il est à rejeter comme non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 15 novembre 2007 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

Legille Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 23634
Date de la décision : 15/11/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-11-15;23634 ?

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