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12/11/2007 | LUXEMBOURG | N°23202

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 novembre 2007, 23202


Tribunal administratif Numéro 23202 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2007 Audience publique du 12 novembre 2007 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23202 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2007 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l

Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né … (Kosovo/Serbie), de nationali...

Tribunal administratif Numéro 23202 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2007 Audience publique du 12 novembre 2007 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23202 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2007 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né … (Kosovo/Serbie), de nationalité serbo-montenégrine, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 juin 2007 portant refus de sa demande de protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois contenu dans la même décision;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 septembre 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Emmanuel HANNOTIN, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 1er octobre 2007.

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Le 12 avril 2007, Monsieur … introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Il fut entendu en date du 23 avril 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 28 juin 2007, expédiée par lettre recommandée du même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre », informa Monsieur … que sa demande de protection internationale avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« En mains le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 23 avril 2007.

Il ressort des informations en nos mains que vous auriez quitté votre pays en date du 8 avril 2007. Vous auriez payé la somme de € 2.500.- à un inconnu, pour qu'il vous fasse passer les frontières. Vous auriez voyagé en voiture, en camionnette et à pieds. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 12 avril 2007. Vous présentez votre carte d'identité de l'UNMIK.

Il résulte de vos déclarations qu'il y a deux ou trois ans vous auriez été agressé par cinq ou six personnes alors que vous seriez revenu de l'école. Ils vous auraient battu et ainsi cassé votre bras gauche. Vous pensez qu'ils seraient des albanais, puisqu'ils vous auraient adressé la parole en albanais. Vous n'auriez pas porté plainte, car ils auraient menacé de tuer vos parents. Puis, le 21 août 2006, vous auriez à nouveau été agressé par ces mêmes individus près d'une forêt à Pec. Alors, vous auriez décidé de quitter le Kosovo. Vous pensez qu'ils vous auraient agressé car vous auriez suivi vos études dans une école serbe, vous ne parleriez pas l'albanais et vous auriez des amis serbes.

Enfin, vous admettez n'avoir subi aucune autre persécution ni mauvais traitement, et ne pas être membre d'un parti politique.

Concernant la situation particulière des musulmans slaves au Kosovo il convient de souligner que la reconnaissance du statut de réfugié politique n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur, qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1. § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, le fait que des personnes non autrement identifiées vous auraient menacé, ne saurait suffire et n'est pas d'une gravité telle pour fonder une demande en protection internationale. Vous avez plutôt été victime d'une infraction de droit commun et non d'un acte de persécution.

A cela s'ajoute que des personnes non autrement identifiées, vous pensez des albanais, ne sauraient être considérées comme agents de persécution. En effet, des acteurs non étatiques ne sauraient être considérés comme acteurs de persécution, que lorsque l'Etat ou des partis ou organisation qui contrôlent l'Etat, ou une partie importante du territoire de celui-ci, ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre des persécutions ou atteintes graves.

En outre, ressort-il de votre dossier que vous n'auriez pas requis la protection des autorités de votre pays. Il n'est ainsi pas démontré que les forces onusiennes, ou bien la KPS (Kosovo Police Service), auraient été dans l'incapacité de vous fournir une protection.

Vos motifs et votre peur des albanais traduisent donc plutôt un sentiment général d'insécurité qu'une crainte de persécution. Or, un sentiment d'insécurité ne constitue pas une crainte fondée de persécution au sens de la prédite Convention.

Enfin, vous n'apportez en l'espèce aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de votre pays d'origine pour ainsi profiter d'une fuite interne.

Il convient de mettre en évidence, en ce qui concerne la situation particulière des bosniaques du Kosovo, il ressort qu'actuellement ceux-ci ont, dans tout le Kosovo non seulement le droit à la participation et à la représentation politique, mais encore accès à la l'enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, ce qui fait qu'une discrimination à leur égard ne saurait pas être retenue pour fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s'ajoute qu'il ressort du rapport de l'UNHCR de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo qu'en règle générale les bochniaques ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité. Par ailleurs, le rapport de l'UNHCR de juin 2006 intitulé « UNHCR's Position on the Continued International Protection Needs of Individuels from Kosovo » ne mentionne pas la situation des bosniaques et on peut en conclure que l'UNCHR ne les considère plus comme courant de risque particulier. D'ailleurs, l'UNHCR ne s'oppose pas à un retour de bosniaques au Kosovo. De même, il ressort du « UK Operational Guidance Note Republic of Serbie » du 12 février 2007 que « although Bosniaks may be subject to discrimination and/or harassment in Kosovo this does flot generally reach the level of persecution. Considering the sufficiency of protection available and the option of internai relocation, in the majority of cases it is unlikely that a claim based solely on the feat of persecution because of Bosniak ethnicity will qualify for a grant of asylum or Humanitarian Protection and cases from this category of daim are likely to be clearly unfounded ».

De manière plus générale, il convient également de souligner qu'une force armée internationale, agissant sous l'égide des Nations Unies, est installée au Kosovo pour assurer la coexistence pacifique entre les différentes communautés et une administration civile, placée sous l'autorité des Nations Unies, a été mise en place. La situation des minorités ethniques du Kosovo s'est améliorée par rapport à l'année 1999. Les élections municipales du 28 octobre 2000 se sont conclues avec la victoire des partis modérés et une défaite des partis extrémistes. A cela s'ajoute qu'à la suite des élections parlementaires du 17 novembre 2001 les minorités nationales du Kosovo, à savoir les Roms, les Bochniaques, les Turcs et autres se sont vues attribuer quelques sièges leur assurant une représentation au sein du parlement du Kosovo. Après les violences généralisées de mars 2004, « la situation en matière de sécurité est restée, dans l'ensemble, calme et stable » a indiqué Hédi Annabi, sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l'ONU le 5 août 2004. Il faut également souligner que la police des Nations Unies au Kosovo a arrêté environ 270 personnes soupçonnées d'être impliquées dans les violences meurtrières de mars 2004 et qu'une enquête est en cours.

Ainsi une persécution systématique de minorités ethniques est actuellement à exclure.

Ainsi, vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19§1 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l'ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d'irrecevabilité.

Je vous informe par ailleurs que le recours gracieux n'interrompt pas les délais de la procédure. » Par requête déposée le 13 juillet 2007, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 28 juin 2007 par laquelle il s’est vu refuser la reconnaissance d’un statut de protection internationale et un recours tendant à l’annulation de la décision du même jour, incluse dans le même document, portant à son encontre l’ordre de quitter le territoire luxembourgeois.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 13 juin 2007 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de son recours, Monsieur … fait exposer qu’il aurait été agressé à plusieurs reprises à la fin de la guerre et il y a deux ou trois ans, en revenant de l’école, par cinq ou six inconnus qui lui auraient cassé le bras gauche. Le 21 août 2006, il aurait été agressé encore une fois auprès d’une petite forêt et il aurait eu partout des bleus au visage. Le demandeur s’explique ces agressions par le fait qu’il ne parlerait pas l’albanais, qu’il aurait suivi son enseignement dans une école serbe et que ses amis seraient serbes. Il explique qu’il n’aurait pas osé porter plainte, comme les inconnus auraient menacé de tuer ses parents et de jeter une bombe sur la maison de ceux-ci. Le demandeur fait encore état de la situation minoritaire des Serbes au Kosovo et de leur situation précaire due au fait que la KFOR serait impuissante à empêcher les exactions à l’encontre de la minorité serbe. D’autre part, l’incertitude du statut futur du Kosovo présenterait le risque de nouveaux conflits interethniques.

En conclusion, le demandeur estime que les faits et motifs par lui invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale justifieraient à suffisance de droit la reconnaissance dans son chef du statut de réfugié, sinon du statut de la protection subsidiaire.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 2 a) de la loi précitée du 5 mai 2006, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme visant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…). » En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale lors de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, ainsi que le prévoit l’article 2 c) de la loi précitée du 5 mai 2006.

En effet, saisie d’un recours en réformation, la juridiction administrative est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité de la décision querellée à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs de protection internationale.

En effet, en ce qui concerne la situation générale actuelle du Kosovo, il échet de rappeler qu’une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, alors que le récit du demandeur traduit essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans qu’il ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays de provenance.

Ainsi, concernant la crainte générale exprimée par le demandeur d’être victime d’actes de persécution de la part de la majorité albanaise en raison de son origine bosniaque, il convient de relever que si la situation sécuritaire actuelle des minorités ethniques du Kosovo demeure toujours difficile et que les membres de minorités continuent à souffrir d’incidents motivés par leur appartenance ethnique, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi précitée du 5 mai 2006.

A cet égard, l’UNHCR note, dans un rapport daté du 16 juin 2006 réactualisant sa position en matière de protection des minorités au Kosovo, que : ”Since the issuance of UNHCR’s March 2005 position paper, the overall security situation in Kosovo has progressively improved. The number of members of minorities working at the central Institutions of Provisional Self-Government (PISG) and in the Kosovo Protection Corps (KPC) has increased; freedom of movement has generally progressed; a number of important steps have been taken to reinforce the protection of property rights; and an Inter-Ministerial Commission to monitor minorities’ access to public services has been established”1.

En outre, en ce qui concerne la minorité bosniaque, l’UNHCR ne mentionne plus les membres de cette minorité au chapitre des « Groups at risk », estimant qu’ils ne sont plus désormais à considérer comme courant en général des risques de persécution. En effet, il limite ses considérations à la minorité serbe, ainsi qu’aux Roms et aux Albanais se trouvant dans une situation de minorité et à celle des Ashkalis et Egyptiens.

Quant à la situation individuelle du demandeur, il fait état de deux faits concrets, à savoir deux agressions par des inconnus qu’il pense être des Albanais. Force est de constater que ces faits se sont déroulés à deux ou trois ans d’intervalle. En ce qui concerne surtout le premier fait, qui selon les dires du demandeur se situe il y a deux à trois ans avant l’introduction de la demande de reconnaissance du statut de réfugié politique, celui-ci est trop éloigné dans le temps pour constituer un motif d’un risque actuel de persécution. L’autre fait isolé ne saurait constituer une raison suffisante pour accorder le statut de réfugié politique alors qu’il traduit un sentiment général d’insécurité nourri par un acte criminel de droit commun et non une crainte de persécution fondée au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne l’autre fait exposé par le demandeur lors de son audition et à travers son recours, à savoir la menace subie en ville trois mois avant son départ, à côté de l’agression physique, celui-ci s’analyse en substance en un harcèlement de la part d’Albanais, lequel constitue certes un incident condamnable, mais ne revêt pas, en l’espèce, à défauts d’autres faits ou éléments, un degré de gravité tel que la vie lui serait, à raison, rendue intolérable dans son pays de provenance.

En outre, le tribunal est amené à constater que les auteurs de ces agissements, à savoir des individus apparemment d’origine albanaise, ne sont pas à considérer comme étant des agents étatiques, de sorte qu’ils ne peuvent être considérés comme acteurs de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 5 mai 2006 que dans l’hypothèse où « il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b) (l’Etat ou des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves », ceci conformément aux dispositions de l’article 28, c) de ladite loi. Or, le demandeur n’a soumis aucun indice concret dont il ressortirait une incapacité ou un refus actuels des autorités compétentes de lui fournir une protection adéquate. En effet, il ne ressort pas de son récit qu’il ait recherché une protection effective des autorités en place au Kosovo, étant donné que le demandeur indique uniquement ne pas avoir porté plainte par crainte que les agresseurs tuent ses parents. Il échet de rappeler à ce sujet que le corps de police est composé de façon à prendre en compte la composition ethnique de la population. Ainsi la simple profération de menaces des agresseurs pour le cas où ce dernier se décidait à porter plainte n’est pas suffisante pour dissuader une victime de porter plainte contre ses agresseurs. D’autre part le demandeur relate que les forces de l’ordre l’auraient protégé contre la menace d’agression en ville trois mois avant son départ.

Le tribunal est partant amené à conclure que les craintes éprouvées par le demandeur en raison de la situation sécuritaire prévalant au Kosovo constituent en substance l’expression d’un sentiment général d’insécurité, sans que le demandeur ait établi un état de persécution personnelle vécu dans un passé récent ou une crainte qui serait telle que la vie lui 1 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, June 2006, p.3 , n° 8 serait, à raison, intolérable dans son pays de provenance.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi précitée du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de ladite loi, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Selon l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, sont considérées comme atteintes graves la peine de mort ou l’exécution, la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine et les menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Au vu des développements qui précèdent, il échet de retenir que le demandeur n’invoque aucun élément ou circonstance autres que ceux à l’appui de sa demande de statut de réfugié politique, indiquant qu’il existe de sérieux motifs de croire qu’il serait exposés, en cas de retour au Kosovo, à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens de l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006.

En effet, la situation en matière de relations interethniques prévalant au Kosovo n’est pas, à elle seule, suffisante pour établir une impossibilité de retour à l’heure actuelle au Kosovo dans le chef de demandeur.

Pour le surplus, il convient encore de relever que celui-ci n’apporte aucune raison valable justifiant une impossibilité de s’installer dans une autre partie du Kosovo.

De tout ce qui précède, il se dégage à juste titre que le ministre, au terme de l’analyse de la situation de Monsieur …, a déclaré sa demande de protection internationale comme non fondée.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 13 juin 2007 portant l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle entreprise. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19 (1) de ladite loi, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Le demandeur n’invoque pas de moyens propres à l’appui de son recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire et le tribunal vient d’autre part, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre au statut conféré par la protection internationale, de sorte qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 13 juin 2007 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 13 juin 2007 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et lu à l’audience du 12 novembre 2007 par :

Mme Lenert, vice-président, M. Sünnen, juge, M. Fellens, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 8


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 23202
Date de la décision : 12/11/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-11-12;23202 ?

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