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18/10/2007 | LUXEMBOURG | N°22439

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 octobre 2007, 22439


Tribunal administratif N° 22439 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2007 Audience publique du 18 octobre 2007

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière d’employés communaux

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22439 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2007 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, insc

rit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, employé privé, demeurant à...

Tribunal administratif N° 22439 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2007 Audience publique du 18 octobre 2007

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Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière d’employés communaux

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22439 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2007 par Maître Romain ADAM, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, employé privé, demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du 9 octobre 2006, attribuée au bourgmestre de la Ville de Luxembourg, par laquelle la candidature de Monsieur … n’a pas été retenue « alors que ce dernier est au service de l’administration communale depuis 1999 en tant que chargé de cours de langue et culture luxembourgeoises » ;

Vu l’exploit de signification de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 30 janvier 2007 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à l’Hôtel de Ville à L-2090 Luxembourg, 42, place Guillaume II ;

Vu la constitution d’avocat déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 février 2007 par Maître Louis BERNS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 30 avril 2007 par Maître Louis BERNS pour compte de la Ville de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié le même jour par voie de télécopie au mandataire constitué du demandeur ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 mai 2007 par Maître Romain ADAM au nom du demandeur, lequel mémoire a été notifié le même jour au mandataire constitué de la Ville de Luxembourg ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 25 juin 2007 par Maître Louis BERNS au nom de la Ville de Luxembourg, lequel mémoire a été notifié par voie de télécopie en date du même jour au mandataire constitué du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Noémie DEBOUT, en remplacement de Maître Romain ADAM, et Maître Louis BERNS en leurs plaidoiries respectives.

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Depuis le mois de septembre 1999, Monsieur … fut au service de la Ville de Luxembourg comme chargé de cours de langue et culture luxembourgeoises, sans qu’un contrat de travail écrit n’ait été conclu entre les parties.

Par lettre du 1er juin 2004, Monsieur … s’adressa au collège échevinal de la Ville de Luxembourg afin de se voir octroyer un contrat d’emploi.

Suite à une décision des autorités communales de la Ville de Luxembourg du 16 juin 2006 d’adapter le statut des chargés de cours aux besoins actuels et futurs du Bierger-Center dans son rôle de gestionnaire des cours de langue et de culture luxembourgeoises, un appel de candidatures fut lancé en date des 26 et 29 juillet 2006, par lequel l’administration communale de la Ville de Luxembourg se proposa d’engager à temps partiel et à plein temps huit chargés de cours de langue et culture luxembourgeoises sous le régime de l’employé privé moyennant contrat de louage de service à durée indéterminée.

Par lettre du 1er août 2006, Monsieur … soumit au collège échevinal de la Ville de Luxembourg sa candidature pour un tel poste.

Lors de sa séance du 9 octobre 2006, le conseil communal de la Ville de Luxembourg pourvut à l’occupation des huit postes de chargés de cours de langue et de culture luxembourgeoises, sans retenir la candidature de Monsieur ….

Cette décision fut portée à la connaissance de Monsieur … par courrier du bourgmestre de la Ville de Luxembourg du 16 octobre 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 janvier 2007, Monsieur … a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 9 octobre 2006, énoncée comme émanant du bourgmestre de la Ville de Luxembourg.

Il convient toutefois de constater que la décision déférée du 9 octobre 2006 n’émane pas du bourgmestre, mais du conseil communal de la Ville de Luxembourg, le bourgmestre s’étant contenté par courrier du 16 octobre 2006 de porter ladite décision à la connaissance du demandeur.

A travers son mémoire en réponse, encore amplifié par le mémoire en duplique, la Ville de Luxembourg soumet des moyens portant exclusivement sur la question du statut du demandeur et de la compétence du tribunal administratif et sollicite la prise d’un premier jugement se limitant à trancher la question de la compétence du tribunal administratif et réservant aux parties le droit à prendre des mémoires supplémentaires au cas où le tribunal se déclarerait compétent et recevrait le recours.

Le demandeur ne s’étant pas opposé à cette manière de procéder, il y a lieu de faire droit à cette demande et de confiner l’objet du présent jugement à l’analyse de la question de la compétence du tribunal administratif pour connaître du présent litige.

La Ville de Luxembourg soulève en effet l’incompétence matérielle du tribunal administratif au motif que le recours viserait une contestation relative à un contrat de droit privé existant prétendument entre la Ville de Luxembourg et Monsieur …, tout en contestant dans le chef de ce dernier le statut d’employé communal et en lui imputant le statut d’employé privé, entraînant la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire, et plus particulièrement celle du tribunal du travail, pour connaître du litige sous analyse.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur estime qu’en application de la théorie de l’acte détachable, la juridiction administrative serait compétente « pour connaître de la régularité d’un acte de nature administrative intervenant comme préalable ou support nécessaire à la réalisation d’un rapport de droit privé ». Il expose que la décision litigieuse en ce qu’elle interviendrait « dans le cadre d’un appel à candidatures lancé pour l’engagement définitif de chargés de cours de langue et culture luxembourgeoises résulte du pouvoir d’appréciation de l’Administration Communale dans le choix des candidats » et constituerait dès lors « un préalable à la naissance d’un éventuel droit civil », s’analysant en une décision administrative de nature à faire grief justifiant la saisine du tribunal administratif. Ce serait dès lors à tort que la partie défenderesse retiendrait que le recours concernerait une contestation relative à un contrat de travail d’un employé privé, puisque la décision litigieuse constituerait un acte détachable relevant de la compétence des juridictions administratives.

Il donne encore à considérer que dans le courrier du 16 octobre 2006 par lequel il aurait été informé du refus de sa candidature, les autorités communales auraient expressément indiqué qu’un recours en annulation contre ladite décision serait ouvert devant le tribunal administratif.

Dans son mémoire en duplique, la Ville de Luxembourg affirme de nouveau que le demandeur se prévaudrait d’une relation de travail à durée indéterminée avec la Ville de Luxembourg et qu’il solliciterait au dispositif de sa requête introductive sa réintégration immédiate en tant que chargé de cours. Or, dans la mesure où le demandeur se fonderait sur un contrat de travail à durée indéterminée dont l’appréciation, en l’absence d’un statut d’employé communal, relèverait de l’appréciation des juridictions du travail, l’éviction de facto dont ferait état le demandeur comme conséquence immédiate du refus de sa candidature serait susceptible d’être qualifiée de résiliation d’un contrat de travail d’un employé privé et l’examen de cette résiliation et ses effets notamment quant à une éventuelle réintégration relèverait également des juridictions de travail. En acceptant de statuer sur la décision litigieuse, le tribunal administratif préjugerait nécessairement sur cet examen dont l’appréciation relèverait des seules juridictions du travail. Il s’ensuivrait que la théorie de l’acte détachable ne justifierait pas la saisine des juridictions administratives en l’espèce.

Elle conclut encore à l’irrecevabilité du recours dans la mesure où il est demandé au tribunal d’ordonner la réintégration du demandeur au motif qu’il s’agirait d’une question de droit privé.

Enfin, la Ville de Luxembourg soutient que l’indication erronée des voies de recours dans la décision litigieuse ne serait pas de nature à fonder la compétence des juridictions administratives.

Afin de pouvoir analyser sa propre compétence, le tribunal est tout d’abord amené à délimiter l’objet du recours sous examen.

Force est de constater à partir des explications du demandeur, telles que se dégageant notamment de la requête introductive d’instance, que le recours sous examen vise en substance la délibération déférée du conseil communal de la Ville de Luxembourg en ce qu’elle a pour effet de l’évincer de son poste de chargé de cours de langue et de culture luxembourgeoise qu’il occupait depuis 1999. En effet, le demandeur, en se prévalant des articles L-121-4 et L-122-2 du Code du travail, prétend être lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec la Ville de Luxembourg, faute de contrat de travail constaté par écrit.

Il estime ainsi qu’en refusant de retenir sa candidature, les autorités communales ont procédé à la résiliation de son contrat de travail qui le lie à la Ville de Luxembourg et il sollicite partant l’annulation de ladite décision et sa réintégration immédiate en tant que chargé de cours de langue et culture luxembourgeoises.

Le tribunal est partant amené à retenir que le recours a pour objet une contestation relative à un contrat de travail.

Le demandeur fait encore valoir que la décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg constituerait un acte administratif en vertu de la théorie de l’acte détachable qui veut que, par exception aux règles de compétence fixées par les articles 84 et 95bis de la Constitution, la juridiction administrative reste compétente pour connaître de la régularité d’un acte de nature administrative intervenant comme préalable ou support nécessaire à la réalisation d’un rapport de droit privé.

C’est cependant à tort que le demandeur invoque cette théorie en l’espèce, étant donné que si la décision attaquée constitue certes un acte posé par une autorité administrative, à savoir le conseil communal de la Ville de Luxembourg, elle s’analyse toutefois dans le chef du demandeur en une résiliation de son contrat de travail, de sorte qu’il ne saurait être question d’un acte détachable relevant dans cette mesure de la compétence du tribunal administratif.

Il convient ensuite de relever que le tribunal administratif est uniquement compétent pour analyser les contestations relatives au contrat d’emploi des employés communaux et pour toiser le contentieux relatif au statut général des fonctionnaires communaux, tandis que les contestations relatives au contrat d’emploi des employés privés relèvent de la compétence du tribunal du travail.

Il y a partant lieu de déterminer le statut de Monsieur …, étant donné que c’est le statut de l’intéressé qui détermine la compétence du tribunal administratif pour connaître du recours introduit.

Il est constant en cause que le demandeur est depuis 1999 au service de la Ville de Luxembourg comme chargé de cours de langue et culture luxembourgeoises, sans bénéficier d’un contrat de travail en bonne et due forme.

Etant donné qu’il n’est même pas allégué ni a fortiori établi en cause que le demandeur revêt le statut d’employé communal, voire celui de fonctionnaire communal, le demandeur estimant au contraire revêtir le statut d’employé privé, le tribunal est amené à se déclarer incompétent ratione materiae pour connaître du présent recours.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’indication erronée des voies de recours contenue dans la décision déférée, étant donné qu’une telle erreur ne saurait déroger à la répartition des compétences entre les juridictions de l’ordre judiciaire et celles de l’ordre administratif, et notamment à la compétence exclusive du tribunal du travail pour connaître d’une contestation relative à un contrat de travail d’un employé privé.

Le demandeur sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.500.- euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Au vu de l’issue du litige, cette demande est à rejeter.

S’il est vrai que le demandeur a succombé dans sa demande, il n’en reste pas moins qu’il a saisi le tribunal administratif à la suite de l’indication erronée sur les voies de recours faite en ce sens par la Ville de Luxembourg, de sorte que les frais de l’instance sont à supporter par l’administration communale de la Ville de Luxembourg.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’administration communale de la Ville de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 18 octobre 2007 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 5


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22439
Date de la décision : 18/10/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-10-18;22439 ?

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