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17/10/2007 | LUXEMBOURG | N°22598

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 octobre 2007, 22598


Tribunal administratif Numéro 22598 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 février 2007 Audience publique du 17 octobre 2007 Recours formé par Madame … contre deux décisions du ministre de la Fonction publique en matière de dispense de remboursement de traitements indûment touchés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22598 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 2007 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant à L-â€

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Tribunal administratif Numéro 22598 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 février 2007 Audience publique du 17 octobre 2007 Recours formé par Madame … contre deux décisions du ministre de la Fonction publique en matière de dispense de remboursement de traitements indûment touchés

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22598 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 2007 par Maître Roger NOTHAR, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, …, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre de la Fonction publique du 2 octobre 2006 refusant de faire droit à la demande de dispense de remboursement de l’allocation familiale perçue indûment par Madame … de septembre 2004 à juin 2006 ainsi que d’une décision confirmative du même ministre prise le 1er décembre 2006 sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 juin 2007 par Maître Roger NOTHAR au nom de Madame … ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2007 ;

Vu les pièces versées et notamment les décisions critiquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Roger NOTHAR, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 septembre 2007.

Madame …, …, était mariée avec Monsieur…, qui décéda le 24 août 2004. Le couple n’avait pas d’enfants.

En application de l’article 9 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l’Etat, Madame … n’eut plus droit à l’allocation de famille à partir du décès de son mari.

Néanmoins Madame … continua à bénéficier du versement mensuel de l’allocation de famille jusqu’au mois de juin 2006 inclusivement.

Le 20 juin 2006, l’Administration du personnel de l’Etat (APE) commença à pratiquer des retenues mensuelles sur le traitement de Madame … afin de récupérer l’allocation de famille versée indûment.

Le 31 août 2006, Madame … s’adressa par l’intermédiaire de son avocat au ministre de la Fonction publique afin de pouvoir bénéficier d’une dispense de remboursement de l’allocation de famille perçue malgré le décès de son mari.

Par une décision du 2 octobre 2006, le ministre de la Fonction publique refusa de faire droit à cette demande.

La décision est libellée comme suit :

« Objet :

Demande de dispense de remboursement présentée par Madame …, Institutrice de l’école primaire de la commune de Mamer … Maître, Comme suite à votre courrier du 31 août 2006 relatif à l'objet sous rubrique, j'ai l'honneur de vous informer de ce qui suit.

En vertu de l'article 1er du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 fixant les conditions et modalités de renonciation à la récupération des rémunérations indûment touchées, « le fonctionnaire qui a indûment touché des rémunérations de la part de l'Etat est tenu de les restituer dans leur intégralité ». Il est en outre précisé que les montants concernés seront déduits de la ou des rémunérations futures.

De même, l'article 8 paragraphe 4 du règlement grand-ducal du 22 juin 1988 déterminant les conditions et les modalités d'attribution de l'allocation de famille aux fonctionnaires, employés et ouvriers de l'Etat prévoit que « le paiement indû de l'allocation de famille est sujet à restitution de la part de son bénéficiaire ».

En application de ces dispositions, l'Administration du Personnel de l'Etat procède à une récupération de l'allocation de famille depuis juillet 2006 que votre mandante a continué à toucher sans se manifester depuis septembre 2004 malgré le décès de son mari intervenu en date du 24 août 2004.

Contrairement à vos affirmations, l'Administration du Personnel de l'Etat n'était nullement au courant de la situation de Madame …, aucun certificat de décès du mari de cette dernière n'ayant été versé. Même si à l'époque cette omission d'information sur le changement intervenu dans la situation familiale de votre mandante trouvait certainement son origine dans un simple oubli de la part de cette dernière, il n'en reste pas moins que l'Administration du Personnel de l'Etat, ne disposant pas des documents et données exactes, se trouvait dans ces conditions dans l'impossibilité de procéder à une adaptation subséquente de la rémunération.

Ce n'est qu'en 2006, à l'occasion du questionnaire annuel envoyé aux agents de l'Etat pour qu'ils indiquent s'ils remplissent encore les conditions pour toucher l'allocation de famille, rempli par votre mandante en date du 10 mars 2006 et retourné à l'Administration du Personnel de l'Etat, que cette dernière s'est rendue compte de la situation réelle de l'intéressée. Il s'ensuit que la procédure en vue de récupérer les allocations perçues indûment entre septembre 2004 et juin 2006 a été lancée et se traduit actuellement par les retenues effectuées sur le traitement de Madame ….

S'il est vrai que l'article 2 du règlement de 2004 précité prévoit, en cas d'une erreur matérielle de la part de l'administration, la possibilité d'une dispense de rembourser tout ou partie des rémunérations indûment touchées, force est cependant de constater que la continuation du versement d'une allocation de famille suite à une communication tardive des informations à la base du calcul des rémunérations ne saurait être qualifiée d'erreur matérielle. En effet, les situations reprises par la liste des erreurs matérielles de l'article 2 diffèrent sensiblement de celle exposée ci-dessus.

Finalement, je me permets de remarquer que l'échéancier proposé à Madame …, à savoir un remboursement étalé sur une période de douze mois, est assez favorable au vu des pratiques applicables en la matière, d'autant plus que son traitement net, une fois la somme à rembourser déduite, devrait lui permettre de vivre confortablement sans lui imposer des restrictions majeures.

Au regard de ces considérations, je ne puis réserver une suite favorable à votre demande de dispense de remboursement. Il s'ensuit qu'il y a lieu d'appliquer les principes généraux prévus à l'article 1235 du Code Civil relatifs à la répétition de l'indu en vertu desquels tout ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.

La présente décision est susceptible d'un recours à exercer par ministère d'avocat à la Cour dans un délai de trois mois devant le Tribunal administratif.

Veuillez agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée. » Le 9 octobre 2006, Madame … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision.

Le ministre de la Fonction publique confirma sa décision de refus par une décision prise le 1er décembre 2006 libellée comme suit :

« Maître, Comme suite à vos courriers des 9 et 26 octobre 2006 relatifs à l'objet sous rubrique, j'ai l'honneur de vous faire tenir la prise de position du Ministre de la Fonction publique et de la Réforme administrative.

Afin de démontrer que l'Administration du Personnel de l'Etat (APE) aurait eu connaissance, dès le début, de l'état de veuvage de Madame …, vous soutenez tout d'abord que le Centre Informatique de l'Etat aurait ou aurait dû communiquer les informations y relatives à l'Administration du Personnel de l'Etat. Or, force est de constater qu'un tel transfert d'informations entre ces deux services, en dehors d'un transfert informatique automatique concernant les fichiers, n'existe pas de sorte que l'Administration du Personnel de l'Etat n'était pas en mesure d'arrêter en connaissance de cause le versement de l'allocation de famille en septembre 2004. Vous conviendrez qu'il relève de l'impossible de vérifier quotidiennement les fichiers de milliers d'agents afin de s'assurer qu'aucun changement relatif à la situation personnelle pouvant avoir un impact sur la rémunération générale ne s'est produit. En outre, votre mandante ne saurait se décharger de son obligation lui incombant personnellement d'indiquer dans les meilleurs délais tout changement de sa situation et susceptible d'être intégré dans son dossier personnel.

C'est d'ailleurs justement en vue d'actualiser les données détenues par l'Administration du Personnel de l'Etat et servant de base à l'attribution d'une allocation de famille que le questionnaire annuel est envoyé aux agents de l'Etat pour qu'ils indiquent s'ils remplissent encore les conditions pour toucher cette allocation. Après concertation avec l'Administration du Personnel de l'Etat et une vérification dans le dossier de Madame …, je me dois cependant de constater que ni le questionnaire de 2005 ni le certificat de décès de son époux dont vous faites état n'y figurent. A défaut de toute trace de ces documents dans le dossier personnel, il est donc permis d'en déduire que ces données n'ont jamais été portées à la connaissance de l'Administration du Personnel de l'Etat. Il s'ensuit que cette dernière, au regard de laquelle votre mandante était toujours mariée, a continué à verser ladite allocation.

Comme je l'avais déjà précisé dans mon avis du 2 octobre 2006, ce n'est que lors du questionnaire annuel de 2006, reçu en mars 2006 et classé dans le dossier de Madame …, que l'Administration du Personnel de l'Etat n'a pu se rendre compte du changement de situation de l'intéressée.

Il est vrai qu'avant de procéder à la récupération échelonnée des allocations indûment perçues entre septembre 2004 et juin 2006, l'Administration du Personnel de l'Etat aurait dû, en conformité avec l'article 1er du règlement grand-ducal du 5 mars 2004, informer Madame … de la procédure ainsi que lui proposer un échéancier. Cette omission regrettable n'affecte cependant en rien les principes applicables en matière de dispense de remboursement.

En effet, cette mesure de faveur prévue par l'article 2 du règlement de 2004 ne s'applique qu'en cas d'erreur matérielle de la part de l'administration. Il y a lieu de se référer à ce sujet aux explications plus détaillées de mon courrier du 2 octobre 2006. Or, étant donné que l'Administration du Personnel de l'Etat ne peut procéder à un arrêt du paiement d'une allocation que si elle dispose de l'information écrite requise, et en l'absence de toute preuve que l'Administration du Personnel de l'Etat fut informée du changement de situation de votre mandante avant mars 2006, il s'ensuit qu'en l'espèce on n'est pas en présence d'une erreur matérielle, mais d'une information tardive. Par conséquent, je me dois de vous rappeler que le fait de ne pas divulguer des données, même sans intention malveillante, s'oppose à toute dispense de remboursement.

Au regard de ces considérations, je ne puis que confirmer ma première prise de position de sorte qu'il m'est impossible de faire droit à votre demande de dispense de remboursement.

La présente décision est susceptible d'un recours à exercer par ministère d'avocat à la Cour dans un délai de trois mois devant le Tribunal administratif.

Veuillez agréer, Maître, l'expression de ma considération distinguée ».

4 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 2007, Madame … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus, à savoir celle du 2 octobre 2006 et celle confirmative du 1er décembre 2006.

Si le juge administratif est saisi d’un recours en réformation dans une matière dans laquelle la loi ne prévoit pas un tel recours, il doit se déclarer incompétent pour connaître du recours.

En l’espèce, aucune disposition légale ne prévoit un recours en réformation en cette matière. S’il est certes exact que l'article 26 de la loi modifiée 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat1, institue un recours en réformation à l’encontre des décisions relatives à la fixation des traitements en principal et accessoires et des émoluments des fonctionnaires, il n’en reste pas moins qu’une décision prise par le ministre de la Fonction publique en matière de dispense de remboursement de tout ou partie de rémunération indûment touchée en application de l’article 2 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 fixant les conditions et modalités de renonciation à la récupération des rémunérations indûment touchées2 ne saurait être assimilée à une décision relative à la fixation des traitements, de sorte que l’article 26 du statut général des fonctionnaires de l’Etat n’est pas applicable en l’espèce.

Il s’ensuit que le tribunal n’est pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit.

Le recours en annulation, introduit en ordre subsidiaire, régulier par rapport aux exigences de forme et de délai, est recevable.

Quant au fond, Madame … fait d’abord valoir que l’APE aurait violé l’article 1er du règlement grand-ducal du 5 mars 2004, sans cependant formuler un moyen précis permettant au tribunal de dégager les conséquences juridiques qu’elle entend tirer de la violation épinglée.

La partie publique, tout en ne contestant pas que l’APE n’a pas agi conformément aux dispositions applicables en la matière, fait cependant remarquer que cette carence ne saurait affecter les décisions litigieuses.

L’article 1er du règlement du 5 mars 2004 a la teneur suivante :

« Le fonctionnaire qui a indûment touché des rémunérations de la part de l'Etat est tenu de les restituer dans leur intégralité.

Si, au moment de la constatation de montants dus, le fonctionnaire continue à bénéficier d'une rémunération de la part de l'Etat, les montants indûment touchés seront déduits de la ou des rémunérations futures.

1 Ci-après le statut général des fonctionnaires de l’Etat 2 Ci-après le règlement grand-ducal du 5 mars 2004 Si le fonctionnaire ne bénéficie plus de rémunération de la part de l'Etat, il est tenu de rembourser à l'Etat les montants indûment touchés.

Le remboursement prévu aux alinéas 2 et 3 du présent article se fait conformément à un échéancier établi par le créancier, après concertation avec le débiteur. Cet échéancier tient compte des échelonnements et plafonds arrêtés annuellement par le ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions ».

Il est constant que Madame … ne s’est pas vue notifier de demande de restitution proposant un échéancier de remboursement. Il n’en reste pas moins que le moyen ainsi soulevé est inopérant dans le cadre du présent litige, étant donné que le tribunal n’est pas saisi d’un recours à l’encontre de la décision de restitution. En effet l’analyse du moyen soulevé aurait pu éventuellement avoir une influence sur la légalité de la décision de restitution, mais ne saurait avoir une incidence, au vu du moyen exposé, sur la légalité des décisions actuellement litigieuses ayant pour objet un refus de dispense de remboursement. A cela s’ajoute que la partie demanderesse n’a pas étendu l’objet de son recours à la mise en cause de la décision de restitution et n’a à aucun moment soulevé que la mise en cause de la légalité de la décision de restitution pourrait, le cas échéant, avoir une incidence sur la légalité de la décision de refus de dispense de remboursement.

En deuxième lieu, Madame … fait valoir qu’elle rentrerait dans les prévisions de l’article 2 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004.

L’article 2 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 est libellé comme suit :

« Par dérogation aux dispositions de l’article 1er ci-dessus, et en cas de la constatation d’une d'erreur matérielle de la part de l'administration lors du calcul de la rémunération, une dispense de rembourser tout ou partie des rémunérations indûment touchées peut être accordée par le ministre ayant la Fonction publique dans ses attributions.

La dispense est accordée par décision ministérielle suite à la demande écrite du fonctionnaire à introduire dans un délai d'un mois à compter de la notification de la demande de restitution de la part de l’Etat.

Par erreur matérielle de l'administration, il y a lieu d'entendre notamment - l'établissement erroné de la carrière - l'allocation d’échelons et de majorations de l’indice ou de primes non dues - l'application erronée de la valeur du point indiciaire - le calcul erroné d’indemnités ou d’accessoires de rémunération - l'attribution erronée de grades, d'allongements de grade ou de promotions.

En cas d’erreur matérielle, l’agent a droit à une dispense de remboursement suivant les modalités prévues à l'alinéa 2 ci-dessus, lorsqu'un délai de plus d'un an s'est écoulé entre la date du virement de la somme indue et la date à laquelle elle a été réclamée ».

Madame … fait préciser qu’elle serait victime d’un calcul erroné de sa rémunération, dans la mesure où l’APE aurait dû prendre note du changement intervenu dans sa situation personnelle suite au décès de son mari, de sorte qu’elle aurait pu arrêter le paiement de l’allocation de famille de sa propre initiative à partir de septembre 2004.

La partie publique répond que l’APE, ignorant le changement intervenu dans la situation personnelle de Madame …, aurait été dans l’impossibilité de procéder à une adaptation subséquente de sa rémunération. Elle estime dès lors que la continuation du versement de l’allocation de famille suite à une communication tardive des informations nécessaires au calcul exact de la rémunération ne saurait être qualifiée d’erreur matérielle.

Madame … rétorque que l’APE aurait dû être au courant du décès de son mari, étant donné que le Centre informatique de l’Etat (CIE) aurait eu connaissance du décès de son mari en date du 31 août 2004 et que cette information aurait été transmise à l’APE.

Le délégué du Gouvernement répond que le texte applicable en matière d’allocation de famille instaure une obligation d’information dans le chef du bénéficiaire de l’allocation de famille, de sorte que Madame … ne saurait se décharger de l’obligation lui incombant et se cacher derrière un échange d’informations supposé entre le CIE et l’APE et imputer un défaut d’information de l’APE à un prétendu fonctionnement défectueux du prédit échange.

L’article 8 du règlement grand-ducal modifié du 22 juin 1988 déterminant les conditions et modalités d’attribution de l’allocation de famille aux fonctionnaires, employés et ouvriers de l’Etat3 est libellé comme suit :

« 1. Au début de chaque année le ministre de la Fonction publique fait parvenir à tous les agents publics une formule qui doit indiquer le cas échéant la nature et le montant certifié exact de toute indemnité versée par l´employeur privé sous quelque dénomination que ce soit en raison de la charge de famille de son bénéficiaire. Elle doit parvenir au ministre de la Fonction publique au plus tard pour le 1er avril de l´année en cours.

2. A défaut de réponse dans le délai préindiqué, le paiement de l´allocation de famille due conformément à l´article 9 de la loi du 22 juin 1963 précitée est suspendu.

3. Tout changement dans la relation de travail du conjoint de l´agent public doit être immédiatement notifié au ministre de la Fonction publique.

4. Le paiement indû de l´allocation de famille est sujet à restitution de la part de son bénéficiaire. » Si le demandeur estime que l’article 8, paragraphe 3 n’indique pas expressément que cette obligation d’information repose sur l’agent public, la lecture de l’ensemble de l’article en question permet cependant de retenir que cette obligation repose précisément sur l’agent public, bénéficiaire de l’allocation de famille. En effet c’est pour tenir à jour les informations nécessaires aux modalités d’attribution de l’allocation de famille qu’a été introduit un questionnaire adressé au début de chaque année à tous les agents publics pour que ceux-ci fassent parvenir au ministre de la Fonction public les changements intervenus dans leur situation de couple. Cependant il n’en reste pas moins que malgré l’introduction de ce questionnaire annuel, tout changement dans la relation de travail du conjoint ou partenaire 3 Ci-après le règlement grand-ducal du 22 juin 1988 doit être immédiatement notifié au ministre. Etant donné que le premier paragraphe de l’article 8 vise expressément l’agent public, le contexte général de l’article en question permet de retenir que l’obligation d’information générale repose également sur celui-ci. A cela s’ajoute que l’agent public est la personne la mieux placée pour faire parvenir au ministre compétent les changements intervenus. En effet si en l’espèce le CIE a été informé du décès de l’époux de Madame …, il n’en reste pas moins qu’on ne saurait soutenir que le CIE serait informé de tous les changements intervenus dans la relation de travail du conjoint de l’agent public.

Au vu de ce qui précède, il y a donc lieu de retenir que l’article 8, paragraphe 3 du règlement grand-ducal du 22 juin 1988 impose une obligation d’information générale dans le chef de l’agent public de tout changement dans la relation de travail de son conjoint ou partenaire, de sorte que c’est à bon droit que le délégué du Gouvernement a relevé que Madame … ne saurait se décharger de l’obligation lui incombant à ce titre, étant entendu que le décès d’une personne a nécessairement des répercussions sur sa relation de travail au sens de cette disposition.

Même si le tribunal a retenu que l’agent public ne peut pas se décharger de son obligation d’information générale au détriment du CIE, il n’en reste pas moins qu’il y a lieu d’analyser si le transfert de données, allégué par la partie demanderesse entre le CIE et l’APE, a pu avoir une incidence sur la connaissance par l’APE du changement intervenu dans la situation de Madame … avant que celle-ci ne lui en fasse personnellement part.

En effet Madame … fait valoir qu’étant donné que l’APE aurait disposé, dès septembre 2004, de toutes les informations nécessaires pour procéder à un calcul correct de son traitement, le fait d’avoir omis de le redresser constituerait une erreur matérielle imputable à l’administration rentrant dans les cas de figure de la dispense de remboursement tel que prévus par l’article 2 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004. Elle ajoute qu’elle serait en droit d’admettre que l’APE traite correctement les informations reçues de la part du CIE.

La partie publique, tout en admettant qu’il y a un échange d’informations entre le CIE et l’APE dans la mesure où certaines données, dont celles relatives à l’état civil, seraient modifiées par le CIE et s’afficheraient automatiquement dans les fichiers de l’APE, souligne cependant que ces modifications ne s’accompagneraient pas d’un courrier officiel contenant un relevé des changements opérés. Elle fait ajouter qu’il n’existerait pas de système informatique destiné à repérer et signaler les éventuels changements intervenus.

Aux termes de l’article 7 de la loi modifiée du 30 mars 1979 organisant l’identification numérique des personnes physiques et morales, « le centre informatique de l’Etat est chargé de toutes les opérations relatives à la détermination, à l’attribution et à la conservation du numéro d’identité, ainsi que de la gestion et de la communication des données du répertoire général ».

Il résulte des pièces versées au dossier que le CIE, Répertoire des personnes physiques et morales, a informé Madame … en date du 31 août 2004 du fait qu’elle figure désormais en tant que veuve au répertoire général des personnes physiques suite au décès de son mari intervenu le 24 août 2004.

Cette information a été transmise par l’administration communale de Mamer au CIE, transmission à laquelle elle est tenue en vertu de l’article 5, paragraphe 1 du règlement grand-

ducal du 21 décembre 1987 fixant les modalités d’application de la loi du 30 mars 1979 organisant l’identification numérique des personnes physiques et morales.

Aux termes de l’article 1er du règlement grand-ducal du 7 juin 1979 déterminant les actes, documents et fichiers autorisés à utiliser le numéro d’identité des personnes physiques et morales, les fichiers du personnel de l’Etat du Ministère de la Fonction publique sont autorisés à utiliser le numéro d’identité des personnes physiques et morales.

L’article 9 du règlement grand-ducal du 21 décembre 1987 fixant les modalités d’application de la loi du 30 mars 1979 organisant l’identification numérique des personnes physiques et morales sous le chapitre 4 intitulé « Modalités de la communication des données du répertoire général des personnes par le Centre informatique de l’Etat » est libellé comme suit :

« Le Centre informatique de l’Etat communique dans les quinze jours aux administrations publiques et aux établissements de sécurité sociale autorisés à utiliser le numéro d’identité, les nouvelles inscriptions, les modifications et les rectifications qu’il a opérées au répertoire général des personnes, pour autant que ces organismes soient habilités à avoir accès à ces données et que celles-ci les concernent directement ».

Dans la mesure où l’APE est autorisée à utiliser le numéro d’identité, qu’elle est habilitée à avoir accès aux données du répertoire général des personnes et dans la mesure où ces données la concernent directement, il y a lieu d’admettre qu’elle a été en possession de la modification intervenue au plus tard le 15 septembre 2004.

Si l’APE ne conteste pas qu’elle a été en possession de la modification intervenue, elle fait cependant valoir qu’elle n’aurait pas pu avoir connaissance de ladite modification, étant donné qu’il relèverait de l’impossible de vérifier quotidiennement les fichiers de milliers d’agents afin de s’assurer qu’aucun changement relatif à la situation personnelle pouvant avoir un impact sur la rémunération n’ait eu lieu.

Dans la mesure où le texte réglementaire pertinent prévoit une communication des données du répertoire général des personnes notamment aux administrations publiques directement concernées par ces données, il n’y a pas lieu d’admettre les considérations pratiques avancées par la partie publique sous peine de méconnaître la finalité de cette disposition. La transmission des données aux administrations publiques n’est en effet pas une fin en soi, mais tend à l’utilisation immédiate de ces données par le destinataire de la communication.

Au vu des considérations qui précèdent il y a dès lors lieu de retenir qu’étant donné que l’APE a été en possession de l’information relative au décès du mari de Madame … au plus tard à partir du 15 septembre 2004, le fait qu’elle n’a procédé à un premier recalcul de la rémunération en déduisant le montant de l’allocation de famille non due qu’en juin 2006, est à considérer comme une erreur matérielle de la part de l’administration lors du calcul de la rémunération.

En effet l’APE a procédé pendant 19 mois à un calcul erroné d’indemnités ou d’accessoires de rémunération, hypothèse d’ailleurs expressément prévue par l’énumération non limitative prévue par l’article 2 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004.

Le cas de figure de Madame … rentre donc bien dans le champ d’application de l’article 2 du règlement grand-ducal du 5 mars 2004.

A titre subsidiaire, la partie publique fait valoir, au cas où le tribunal devait conclure à l’existence d’une erreur matérielle, que l’article 2 in fine du règlement grand-ducal du 5 mars 2004 n’a prévu un droit à dispense de remboursement que lorsqu’un délai de plus d’un an s’est écoulé entre la date du virement de la somme indue et la date à laquelle elle a été réclamée, de sorte que Madame … ne pourrait valablement faire valoir un droit à dispense de remboursement portant sur l’ensemble de la somme indûment versée.

Il résulte des pièces versées au dossier que l’APE a procédé le 20 juin 2006 à un premier recalcul et a déduit de la rémunération du mois de juillet 2006 l’allocation de famille du mois de juin 2006.

Il y a donc lieu de retenir qu’étant donné qu’à partir de juin 2006, l’APE a commencé à déduire de la rémunération de Madame … les montants de l’allocation de famille non due, une décision de restitution relative au montant total à restituer, fût-elle de nature implicite, existait également à partir de juin 2006. En effet la mise en œuvre pratique du remboursement suppose en droit l’existence d’une décision y relative.

Les différentes fiches de rémunération mensuelles ne sauraient être considérées comme des décisions de restitution individuelles, étant donné que les fiches ne mettent en œuvre que les modalités pratiques de la restitution de la somme due en procédant à son échelonnement sur plusieurs mois du montant total de la somme afin de ne pas grever la rémunération d’une déduction trop importante.

Il s’ensuit que Madame … a droit, en application de l’article 2 in fine du règlement grand-ducal du 5 mars 2004, à une dispense de remboursement pour les seules allocations de famille versées entre septembre 2004 et mai 2005. Pour les allocations familiales versées entre juin 2005 et juin 2006, le ministre de la Fonction publique dispose d’une faculté d’accorder une dispense de rembourser tout ou partie des rémunérations indûment touchées en vertu de l’article 2, alinéa 1er du règlement grand-ducal du 5 mars 2004.

Au vu de ce qui précède, il y a dès lors lieu d’annuler la décision du ministre de la Fonction publique du 2 octobre 2006 ainsi que celle confirmative du 1er décembre 2006 refusant en totalité la dispense de remboursement sollicitée.

Dans le cadre de son mémoire en réponse la partie publique quant à la photocopie versée du questionnaire relative à l’allocation familiale dûment remplie par les soins de Madame … et datée au 14 mars 2005 relate ce qui suit : « La pertinence de cette pièce dans le litige est donc contestable, car même remplie et datée, il n’y a aucune preuve qu’elle ait été remplie à l’époque et qu’elle ait été envoyée et qu’elle soit arrivée à destination. L’APE est formelle qu’une telle pièce ne figure pas au dossier de Madame … ».

Madame … demande au tribunal de déclarer calomnieux et de supprimer dans le mémoire en réponse de la partie publique le bout de phrase « qu’elle ait été remplie à l’époque, qu’elle ait été envoyée et ».

Aux termes de l'article 31 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives : « le tribunal, suivant la gravité des circonstances, peut, dans les causes dont il sera saisi, prononcer, même d'office, des injonctions, supprimer des écrits, les déclarer calomnieux et ordonner l'impression et l'affiche de ses jugements ».

Le bout de phrase visé ne dépasse pas, au vu des circonstances de la cause, le cadre d'une défense normale et légitime des intérêts de la partie publique, et ne peut par conséquent être considéré comme suffisamment calomnieux, pour justifier la demande en radiation formulée. A cela s’ajoute qu’il appartient à la partie qui se prévaut d’un envoi à prouver que cet envoi est arrivé à destination si l’autre partie à laquelle l’envoi était destiné conteste l’avoir reçu.

Il n’y a dès lors pas lieu de faire droit à la demande.

La demanderesse demande en outre une indemnité de procédure d’un montant de 2.500 €. Etant donné que les conditions légales telles qu’exigées par l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives pour obtenir une indemnité de procédure ne sont pas remplies en l’espèce, la demande afférente est à rejeter.

Par ces motifs le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation introduit ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit justifié ;

partant annule les décisions déférées du ministre de la Fonction publique des 2 octobre et 1er décembre 2006 et renvoie l’affaire devant le ministre de la Fonction publique ;

dit qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de Madame … tendant à la radiation des termes suivants : « qu’elle ait été remplie à l’époque, qu’elle ait été envoyée et » du mémoire en réponse de la partie publique ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 octobre 2007 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, s. Schmit s. Lenert 12


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22598
Date de la décision : 17/10/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-10-17;22598 ?

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