Tribunal administratif N° 22442 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 janvier 2007 Audience publique du 17 octobre 2007
=============================
Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre une décision du ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire ainsi que contre un votre du conseil communal d'Echternach en matière d'urbanisme
--------------------------------------
JUGEMENT
Vu la requête déposée le 16 janvier 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire de l'Etat, demeurant à L-…, de Monsieur … …, employé privé, demeurant à L-…, et de Mademoiselle … …, employée privée, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire du 27 juillet 2006 par laquelle celui-ci a approuvé la délibération du conseil communal d'Echternach portant adoption définitive du plan d'aménagement général, parties écrite et graphique, du 10 juin 2005, ledit vote étant également attaqué par le recours en question;
Vu l'exploit de l'huissier de justice Alex MERTZIG, demeurant à Diekirch, du 18 janvier 2007, portant signification dudit recours à l'administration communale d'Echternach, représentée par son bourgmestre actuellement en fonctions, sinon par son collège des bourgmestre et échevins, établie à L-6501 Echternach, 2, Place du Marché;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2007;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2007 au nom des demandeurs;
Vu les pièces versées et notamment les décisions attaquées;
Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître David YURTMAN, en remplacement de Maître Georges KRIEGER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-
Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l'audience du 8 octobre 2007.
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Se basant sur le projet du plan d'aménagement général d'octobre 2001, partie écrite, règlement sur les bâtisses et plan, et sur l'avis et les recommandations de la commission d'aménagement des 18 juillet 2000 et 16 avril 2002, le conseil communal d'Echternach, dans sa séance du 12 juillet 2002, approuva provisoirement ledit projet.
2 Dans le cadre de la procédure de commodo et incommodo qui s'ensuivit, le bourgmestre de la Ville d'Echternach entendit, entre autres, Monsieur … au sujet de terrains sis à Echternach, lieu-dit O., nos. cadastraux …, destinés à être classés de la zone I de verdure et de récréation en zone agricole, pour présenter ses réclamations, celles-ci tendant au classement des terrains en question en zone d'habitation.
Dans sa séance du 10 juin 2005, le conseil communal approuva définitivement le projet d'aménagement initié en 2001. En particulier, il ne tint pas compte de la réclamation de Monsieur … en motivant comme suit sa décision: "Le terrain est situé en pente et se trouve à l'extérieur de la limite projetée du périmètre de l'agglomération: l'aspect naturel du terrain mérite d'être conservé." Le 4 août 2005, Messieurs Jean … et … introduisirent une réclamation contre la décision de classement concernant leurs terrains auprès du ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire, ci-après dénommé «le ministre», communiquée à l'administration communale qui, dans sa séance du 19 juin 2006, décida de ne pas faire droit à cette réclamation et approuva définitivement le projet d'aménagement avec maintien des terrains … en zone agricole.
Dans son avis du 24 juillet 2006, la commission d'aménagement près le ministre de l'Intérieur et de l'Aménagement du territoire avisa défavorablement la demande de classement des terrains … en zone d'habitation et proposa de "maintenir les terrains en zone agricole et (…) de rejeter la réclamation puisque les terrains visés sont situés en une zone «Natura 2000»." Le 27 juillet 2006, le ministre approuva la délibération du conseil communal d'Echternach portant adoption définitive du projet d'aménagement, parties écrite et graphique, et rejeta comme non fondée la réclamation de MM. Jean et …, dans les termes suivants:
"Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire droit à la réclamation présentée par Monsieur … s'opposant au classement en zone agricole de fonds sis à Echternach, au lieu-dit «O.», alors qu'il s'impose de maintenir les terrains en zone agricole; que les fonds se situent en une zone «Natura 2000»; que par ailleurs l'urbanisation des terrains concernés contribuerait au développement tentaculaire et désordonné de la localité, ce qu'il importe d'éviter." Par requête déposée le 16 janvier 2007, Monsieur …, Monsieur … … et Mademoiselle … …, ci-après dénommés «les consorts …», ont introduit un recours en annulation contre la décision d'approbation ministérielle du 27 juillet 2006 ainsi que contre le vote définitif du conseil communal du 10 juin 2005.
Le recours, introduit dans les formes et délai de la loi et non autrement critiqué à cet égard, est recevable.
Au fond, les consorts … font valoir que ce serait à tort que le ministre a retenu que les fonds litigieux se situeraient dans une zone «Natura 2000», dès lors qu'il ne saurait invoquer une disposition de la législation sur la protection de la nature.
Ce moyen n'est pas fondé en tant qu'il tend à interdire à l'autorité de tutelle de vérifier la conformité d'une décision administrative d'une instance inférieure à l'ensemble de la réglementation en vigueur. En effet, l'autorité communale exerce ses compétences sous l'approbation du ministre de l'Intérieur. Il appartient à celui-ci, en tant qu'autorité de tutelle, de 3 veiller à ce que les décisions de l'autorité communale ne violent aucune règle de droit et ne heurtent pas l'intérêt général (v. Cour adm. 17 juin 1997, Pas. adm. 2006, V° Tutelle, n° 2 et les autres références y citées).
Le problème de l'effectivité de la zone en question et de la situation des terrains litigieux dans cette zone reste cependant entier.
Le délégué du gouvernement a expliqué qu'il serait vrai que suite à une erreur matérielle il a été affirmé que la totalité des terrains seraient situés dans la zone «Natura 2000» alors qu'en réalité, une petite partie des terrains seraient situés dans une zone d'intérêt paysager.
Outre le problème de la délimitation effective de la zone «Natura 2000», l'Etat reste en défaut de verser la moindre pièce de nature à documenter l'existence même de cette zone ainsi que les servitudes en découlant pour les fonds visés, ce qui ne saurait rester sans conséquence au vu des contestations y relatives formulées par les demandeurs et réitérées à l'audience.
Il suit des considérations qui précèdent que le motif de la situation des terrains litigieux dans une zone «Natura 2000» ne saurait justifier le classement de ces terrains en zone agricole.
Les consorts … estiment encore que le motif tiré de ce que l'inclusion de leurs terrains dans le périmètre d'agglomération soit de nature à contribuer au développement tentaculaire de la localité n'est pas justifié.
Le délégué du gouvernement rétorque que les fonds en question n'ont aucun rapport direct avec le périmètre bâti. Il rappelle que le gouvernement s'efforce de suivre une politique urbanistique qui tend à éviter le développement d'une urbanisation désordonnée, souvent tentaculaire le long des principales voies de circulation, au détriment d'une évolution concentrique des localités. En particulier, l'extension dispersée en mitage ou le développement d'îlots d'habitation aurait pour effet un gaspillage foncier. La décision du ministre s'inscrirait partant dans la préservation de l'intérêt général. Le reclassement des terrains, situés en dehors de la localité d'Echternach, contribuerait indéniablement au développement désordonné de la localité.
Il se dégage des pièces versées qu'en ayant égard au plan renseignant la délimitation des zones d'habitation, on pourrait à première vue suivre l'argumentation des demandeurs qui soutiennent que cette délimitation interrompt le tissu urbain en contournant la zone dans laquelle sont situés les terrains des demandeurs. En réalité cependant, comme l'a souligné le conseil communal à l'occasion de son vote définitif concernant la modification du plan d'aménagement général le 19 juin 2006, les terrains non inclus dans le périmètre d'agglomération sont situés en pente et l'aspect naturel du site mérite d'être conservé. Il s'agit en l'occurrence d'une motivation qui se base sur une situation factuelle objective qui est de nature à motiver légalement la décision attaquée. La décision apparaît comme proportionnée aux intérêts en cause, la zone litigieuse se trouvant dans un ensemble boisé et en pente surplombant la localité d'Echternach.
Les décisions attaquées sont partant légalement motivées et les demandeurs sont par conséquent à débouter de leur recours en annulation dirigé contre celles-ci.
4 Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement;
reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l'audience publique du 17 octobre 2007 par:
M. Ravarani, président, M. Spielmann, premier juge, Mme Gillardin, juge, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Ravarani