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08/10/2007 | LUXEMBOURG | N°22973

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 08 octobre 2007, 22973


Tribunal administratif N° 22973 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mai 2007 Audience publique du 8 octobre 2007 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale ( art. 19, L.5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22973 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … (Iran), de

nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à la réformation d’u...

Tribunal administratif N° 22973 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 mai 2007 Audience publique du 8 octobre 2007 Recours formé par Monsieur … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale ( art. 19, L.5.5.2006)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22973 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … … (Iran), de nationalité iranienne, demeurant actuellement à L-…, tendant 1) à la réformation d’une décision du ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration du 24 avril 2007 lui refusant une protection internationale et 2) à l’annulation de l'ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 juillet 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 24 septembre 2007.

Le 20 juin 2006, Monsieur …introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après la loi du 5 mai 2006.

En date du même jour, Monsieur …fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu les 6 décembre 2006 et 3 janvier 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 24 avril 2007, notifiée par lettre recommandée expédiée le 25 avril 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur …de ce que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée au sens de l’article 19, paragraphe 1 de la loi du 5 mai 2006 après l’avoir évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire. Par la même décision, le ministre a enjoint à Monsieur …de quitter le territoire.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 mai 2007, Monsieur …a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 24 avril 2007 lui refusant une protection internationale et à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1. Quant au recours dirigé contre la décision portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée.

Il s’ensuit que le recours en réformation introduit à titre principal est recevable dans la mesure où il est dirigé contre ce volet de la décision déférée pour avoir été par ailleurs introduit dans les formes et délai prévus par loi.

Monsieur …fait valoir qu’il éprouverait des craintes en raison des activités politiques menées par ses parents en Iran. En effet, sa mère, après avoir milité en faveur des groupes d’opposition iraniens moudjahidines, se serait fait licencier de son poste d’enseignant et elle aurait été assignée à résidence avec l’obligation de se présenter régulièrement au bureau des renseignements iraniens. Il relate encore que son père aurait été emprisonné pendant 8 ans en raison de ses activités politiques et aurait été tué par les membres du service de renseignement après sa libération sous couvert d’un accident de circulation. Il précise qu’en raison des activités politiques de ses parents il aurait fait l’objet de diverses persécutions. Il ajoute qu’il aurait été emprisonné du fait de sa participation dans une manifestation d’étudiants et que suite à cet emprisonnement il aurait été renvoyé de l’école, de sorte qu’il serait privé de son droit de poursuivre ses études.

Il estime que la décision ministérielle litigieuse devrait être réformée pour violation de la loi sinon pour erreur manifeste d’appréciation des faits dans la mesure où l’autorité administrative aurait fait une appréciation erronée des faits d’espèce pour n’avoir pas tiré les conséquences qui se seraient imposées du fait de la persécution dont aurait été victime sa famille et cela d’autant plus que la situation des droits de l’homme en Iran se serait endurcie depuis la nomination du nouveau Président. A ce sujet, il se réfère à un rapport d’Amnesty International de 2006 et à un autre rapport de Human Rights Watch de 2007.

Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur, de sorte que celui-ci serait à débouter de son recours.

1.1. Quant au statut de réfugié Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

Les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 précisent également le contenu de la notion de réfugié.

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale lors de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, paragraphe 2 de la Convention de Genève, et que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

Une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal.

L’examen de l’entretien du 6 décembre 2006 de Monsieur …fait ressortir que le motif principal invoqué par le demandeur pour justifier la fuite de son pays d’origine est le fait d’avoir participé le 8 juillet 2004 à une manifestation d’étudiants et d’avoir été renvoyé de l’école suite à l’emprisonnement qui s’en est suivi. En effet, le demandeur répond à la question : « Que voulez-vous de la part des autorités luxembourgeoises ? », « Je demande que le Luxembourg me laisse continuer mes études » et à la question « Pour quelle raison avez-

vous quitté votre pays d’origine ou de provenance ? », « C’est aussi pour retrouver ma mère, mais la raison principale est que je ne pouvais plus continuer mes études. J’avais un dossier et il m’a collé une étiquette comme quelqu’un impliqué en politique alors que ce n’était pas le cas. Je me suis présenté dans diverses écoles mais aucune d’entre elles n’a voulu m’inscrire et je ne pouvais donc plus continuer mes études ». Or, les faits d’avoir été mis en garde à vue après une manifestation d’étudiants qui a eu lieu le 8 juillet 2004 et d’avoir été ensuite renvoyé de l’école sont insuffisants pour être assimilés à une persécution au sens de la Convention de Genève.

Dans le cadre de son recours contentieux, le demandeur se prévaut également des activités politiques menés par ses parents pour afin de bénéficier de la protection prévue par la Convention de Genève.

Or, des faits non personnels mais vécus par d’autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur d’asile établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières1.

1 Cf. TA 21 mars 2001, Pas.adm. 2006, V° Etrangers, n° 81, p. 251.

A défaut par le demandeur d’asile d’avoir concrètement étayé un lien entre le traitement de membres de sa famille et d’éléments liés à sa propre personne l’exposant à des actes similaires, ces faits ne sont pas de nature à constituer des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécution.

Enfin, les craintes dont il fait état, en cas de retour dans son pays, se résument à des considérations d’ordre général insuffisantes pour fonder une crainte de persécution éminente et personnelle.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

1.2. Quant au statut conféré par la protection subsidiaire En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses littéra a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Monsieur …soutient qu’il serait susceptible de faire l’objet d’atteintes graves. Il estime que cela découlerait des faits de l’espèce et plus particulièrement des sanctions visant le non-

respect de la loi islamique en Iran et son soutien public à des manifestations publiques ayant eu lieu au Luxembourg.

Force est de constater que le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit, au vu de la conclusion ci-avant dégagée, qu’il court un risque réel de subir en cas de renvoi dans son pays d’origine l’une des atteintes graves prévues à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006.

En ce qui concerne le risque mis en avant de subir des mauvais traitements à cause de son soutien à des manifestations publiques au Luxembourg, force est encore de constater que ces considérations restent en l’état de pure allégation. Le tribunal ne saurait dès lors mettre en cause la légalité de la décision déférée considérée sous cet aspect.

Au vu de ce qui précède sous les points 1 et 2, le ministre a dès lors valablement pu au terme de l’analyse de la situation de Monsieur …rejeter la demande de protection internationale comme non fondée au sens de l’article 19, paragraphe 1 de la loi du 5 mai 2006, de sorte que le recours est à rejeter comme étant non fondé.

2. Quant au recours dirigé contre la décision portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 19, paragraphe 3 de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire et que le recours a été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 19, paragraphe 1 de ladite loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Le demandeur se contente de solliciter l’annulation de l’ordre de quitter le territoire au motif que sa sécurité serait mise en danger en cas de retour dans son pays d’origine. Or, le tribunal vient, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur ne remplit pas les conditions pour prétendre à une protection internationale, de sorte qu’en l’état actuel du dossier, le demandeur ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation contre la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 8 octobre 2007 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22973
Date de la décision : 08/10/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-10-08;22973 ?

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