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12/09/2007 | LUXEMBOURG | N°23404

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 septembre 2007, 23404


Tribunal administratif Numéro 23404 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2007 Audience publique extraordinaire du 12 septembre 2007 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23404 du rôle et déposée le 5 septembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Adrian SEDLO, avocat à la

Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né l...

Tribunal administratif Numéro 23404 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 septembre 2007 Audience publique extraordinaire du 12 septembre 2007 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23404 du rôle et déposée le 5 septembre 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Mbaize (Imo State, Nigeria), de nationalité nigériane, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 24 août 2007 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de cette décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 septembre 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 10 septembre 2007 par Maître Adrian SEDLO pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean-Philippe FRANCOIS, en remplacement de Maître Adrian SEDLO, et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 12 septembre 2007.

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Après s’être vu refuser définitivement d’abord le statut de réfugié et ensuite une autorisation de séjour sur base humanitaire, ainsi qu’un statut de tolérance au Grand-Duché de Luxembourg par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », Monsieur … s’est vu notifier en date du 28 août 2007 un arrêté pris en date du 24 août 2007 par le ministre qui, sur le fondement de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, décida de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois.

La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 24 août 2007 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

- Considérant qu’une demande pour un accord de réadmission sera adressée aux autorités nigérianes dans les meilleurs délais ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Cet arrêté fut exécuté à partir du 28 août 2007.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 septembre 2007, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement prévisée du 24 août 2007.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi précitée du 28 mars 1972 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours le demandeur critique d’abord le motif lui opposé de ne pas disposer de moyens d’existence personnels légalement acquis en faisant valoir que ses frais de séjour, d’hébergement, d’aide médicale et autres, ainsi que les frais de rapatriement éventuels seraient pris en charge par Monsieur …, demeurant à Luxembourg, tel que cela serait documenté par une déclaration de prise en charge datée du 29 décembre 2006 et valable pour une durée indéterminée.

Quant au motif de l’irrégularité de son séjour au pays, il estime qu’il ne constituerait pas une circonstance de nature à fonder une mesure de placement, étant donné que la rétention administrative serait une restriction apportée aux droits fondamentaux de l’homme et plus particulièrement aux droits à la liberté et à la sûreté garantis par l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de sorte que toute atteinte portée à ces droits devrait rester strictement circonscrite au cadre légal applicable.

Or, en l’espèce aucune circonstance de nature à établir l’impossibilité d’exécuter une mesure d’éloignement en raison de circonstances de fait ne serait établie.

Le demandeur estime finalement que le risque de fuite allégué par le ministre à l’appui de la décision litigieuse laisserait d’être établi et que le dossier ne permettrait pas non plus de vérifier si le ministre a pris toutes les mesures utiles et nécessaires afin d’assurer son éloignement dans les meilleurs délais.

Le délégué du Gouvernement relève d’abord qu’après avoir été définitivement débouté de sa demande d’asile par l’effet d’un arrêt de la Cour administrative rendu en date du 9 novembre 2006, Monsieur … avait disparu jusqu’au moment où les autorités tchèques ont demandé aux autorités luxembourgeoises de le reprendre, étant donné qu’il avait déposé une itérative demande d’asile en République Tchèque. Il fait valoir ensuite que les moyens d’existence allégués par le demandeur ne sauraient être considérés comme moyens d’existence personnels au sens de la loi, étant donné que la prise en charge versée au dossier émane d’une tierce personne. Dans la mesure où Monsieur … serait par ailleurs incontestablement en situation irrégulière sur le territoire luxembourgeois depuis qu’il a été débouté de sa demande d’asile et qu’il se serait dirigé vers la République Tchèque pour déposer une nouvelle demande d’asile sur base de fausses déclarations - le demandeur y ayant nié avoir jamais mis les pieds au Luxembourg - le représentant étatique estime que les conditions d’application de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 seraient remplies en l’espèce. Il signale pour le surplus que les formalités en vue du rapatriement de l’intéressé ont débuté au mois de février 2007, mais qu’elles n’ont pu se poursuivre en raison de la disparition de l’intéressé. Ces mêmes formalités auraient néanmoins été reprises dès son transfert au Luxembourg en ce sens que l’ambassade du Nigéria a été contactée en vue d’établir un laissez-passer en faveur de Monsieur ….

Dans son mémoire en réplique le demandeur relève qu’il n’a été transféré par les autorités de la République Tchèque aux autorités luxembourgeoises qu’en date du 28 août 2007, mais que l’arrêté ministériel litigieux daté du 24 août 2007 n’aurait pas été légalement pris et il reproche au ministre d’avoir statué in futurum ainsi que d’avoir nécessairement ignoré la situation de fait devant prévaloir au moment de la prise de décision, en l’occurrence le 24 août 2007, de sorte à avoir posé un acte « aléatoire » et avoir commis une erreur d’appréciation manifeste.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou d’éloignement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée maximale d’un mois.

Le ministre compétent est dans l’impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son éloignement immédiat et si des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur lui a conféré un délai initial maximal d’un mois pour obtenir de la part des autorités étrangères concernées les documents de voyage nécessaires.

En l’espèce, l’arrêté de placement litigieux indique expressément que le demandeur est dépourvu d’un titre de voyage valable. Or, à défaut de documents de voyage dans le chef du demandeur, le ministre se voyait effectivement dans l’impossibilité de procéder à une exécution immédiate de la mesure d’éloignement prise et il était obligé de s’adresser aux autorités nigérianes en vue de l’établissement d’un laissez-passer avant de pouvoir procéder utilement à l’exécution de la mesure d’éloignement projetée.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que Monsieur … ne fut remis aux autorités luxembourgeoises qu’en date du 28 août 2007, soit postérieurement à la prise de l’arrêté ministériel déféré, étant donné que l’irrégularité du séjour de l’intéressé au pays était patente dans son principe au jour de la prise de la décision litigieuse et que le principe d’une reprise de l’intéressé par les autorités luxembourgeoises, ainsi que de son éloignement subséquent étaient également acquis à ce moment. La légalité d’une décision administrative n’étant pas fonction de la présence de la personne concernée au pays et la mesure de placement n’ayant de toute façon été mise en exécution qu’à partir du transfert de Monsieur … vers le Grand-Duché de Luxembourg, le moyen de nullité soulevé par le demandeur à ce propos laisse d’être fondé.

Quant à l’absence alléguée d’un risque de fuite dans le chef du demandeur, force est de constater que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Le demandeur n’ayant par ailleurs pas contesté entrer dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le moyen basé sur l’absence de risque de fuite dans son chef laisse encore d’être fondé.

Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 12 septembre 2007 par :

M. Ravarani, président M. Schockweiler, premier vice-président Mme Lenert, vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Ravarani 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23404
Date de la décision : 12/09/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-09-12;23404 ?

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