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06/09/2007 | LUXEMBOURG | N°23393

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 septembre 2007, 23393


Tribunal administratif Numéro 23393 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2007 Audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23393 du rôle et déposée le 30 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Co

ur, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX,...

Tribunal administratif Numéro 23393 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 30 août 2007 Audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23393 du rôle et déposée le 30 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né à XXX le 14 mai 1988, de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 août 2007 ordonnant son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de cette décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 août 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 4 septembre 2007 par Maître Nicky STOFFEL pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 5 septembre 2007.

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En date du 14 juin 2006, Monsieur XXX XXX présenta auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, laquelle demande fut rejetée comme n’étant pas fondée par application de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi précitée du 5 mai 2006 suivant décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 5 juillet 2006, ladite décision négative valant également ordre de quitter le territoire.

Le recours contentieux formé par Monsieur XXX contre cette décision de rejet fut rejeté comme non fondé par jugement du tribunal administratif du 11 octobre 2006, numéro 21756 du rôle.

Le 4 août 2007, Monsieur XXX fut intercepté par la Police grand-ducale lors d’un contrôle d’identité et une mesure de placement fut ordonnée à son encontre le même jour par le Parquet.

En date du 6 août 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ordonna le placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. La décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le procès-verbal no 20492/07 du 4 août 2007 établi par la Police grand-ducale ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 4 août 2007 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités algériennes ;

- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur XXX le 6 août 2007 et mis en exécution à partir de cette date.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 30 août 2007, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle de placement prévisée du 6 août 2007.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

Le tribunal n’étant pas tenu de suivre l’ordre dans lequel les moyens sont présentés par une partie demanderesse mais, dans l’intérêt de l’administration de la justice, sinon de la logique inhérente aux éléments de fait et de droit touchés par les moyens soulevés, pouvant les traiter suivant un ordre différent (cf. trib. adm. 21 novembre 2001, n° 12921 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n° 276 et autres références y citées), il convient d’examiner en premier lieu le moyen tiré de l’absence de motivation.

Le demandeur reproche à cet égard à la décision ministérielle de ne pas être suffisamment motivée, le ministre s’étant limité à énoncer dans l’arrêté litigieux qu’il serait susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement dans l’attente de l’émission d’un laissez-

passer par les autorités algériennes et qu’il existerait de ce fait un danger de fuite, sans préciser les raisons concrètes susceptibles de justifier en l'espèce sa décision.

Force est cependant de constater qu’il se dégage du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 6 août 2007 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, notamment par les démarches administratives à entreprendre auprès des autorités algériennes ainsi que par le fait de devoir attendre la délivrance d’un laissez-passer par les autorités algériennes au profit du demandeur, de sorte que celui-ci n’a pas pu se méprendre sur la nature et la portée de l’arrêté et a pu assurer en parfaite connaissance de cause la défense de ses intérêts.

Le moyen afférent du demandeur laisse partant d’être fondé.

Le demandeur, après avoir exposé être placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » et après avoir affirmé que le régime auquel il y serait soumis serait « similaire voire identique » à celui des détenus normaux et qu’il ne serait autorisé qu’à téléphoner qu’une seule fois par semaine, conclut encore à ce que le placement « au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg » devrait rester une mesure d’exception indiquée uniquement au cas où l’étranger serait susceptible de compromettre la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Il reproche dès lors au ministre de ne pas avoir motivé sa décision par un quelconque risque à l’ordre public dans son chef et estime que la simple référence à un risque de fuite ne saurait à lui seul justifier la mesure de rétention. Dans ce contexte, le demandeur fait valoir qu’il aurait déposé une demande d’asile au pays ce qui établirait l’inexistence dans son chef de l’intention de se soustraire à la mesure d’éloignement.

Or, il convient de relever qu’il ressort des éléments du dossier que la demande de protection internationale formulée par le demandeur en date du 14 juin 2006 a été rejetée comme étant non fondée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 8 juillet 2006 et que le recours contentieux introduit contre ladite décision de rejet a été définitivement rejeté comme étant non fondé par jugement du tribunal administratif du 11 octobre 2006.

Il est en l’espèce constant que le demandeur est placé non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Or, force est de constater que le centre en question est a priori à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972.

Il convient par ailleurs de rappeler que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Le demandeur n’ayant pas contesté en l’espèce entrer dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, le moyen basé sur l’absence de risque de fuite dans son chef laisse encore d’être fondé.

Pour le surplus, il échet de retenir que le demandeur, hormis l’affirmation vague et non circonstanciée qu’il serait soumis à un régime « similaire voire identique » à celui des détenus de droit commun, n’a fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les limites apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif d’une mesure de placement, si ce n’est d’affirmer n’avoir accès au téléphone qu’une seule fois par semaine.

Force est au tribunal de constater que les conditions de rétention résultent en leurs grandes lignes du régime spécifique tel qu’instauré par le règlement grand-ducal précité du 20 septembre 2002, règlement qui renvoie en son article 5 directement pour toutes les questions qu’il ne règle pas lui-même au règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Or, l’autorité chargée de l’application de ces règlements grand-ducaux n’est pas le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, mais conformément à l’article 18 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 le ministre de la Justice, dont dépend l’administration des établissements pénitentiaires, ainsi qu’en application de l’article 19 du même règlement grand-ducal le procureur général d’Etat, chargé de la direction générale et de la surveillance des établissements pénitentiaires.

En ce qui concerne les modalités pratiques de la rétention, telles que par exemple la question litigieuse de l’accès concret au téléphone, force est de constater que ces modalités, en ce qu’elles concernent la gestion journalière du centre de rétention intégré au centre pénitentiaire, relèvent conformément à l’article 68 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 des compétences du directeur de l’établissement qui, aux termes de cet article, assure, sous l’autorité du procureur général d’Etat, la direction et l’administration de l’établissement et qui est responsable du bon fonctionnement de l’établissement en question.

Force est par ailleurs de constater que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 instaure une voie de recours spécifique auprès du procureur général d’Etat au profit des détenus et, en application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, également au profit des retenus, qui s’estiment lésés par une décision du directeur.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief mis en avant par le demandeur, qui s’analyse en un grief relatif aux modalités concrètes et matérielles de son placement, est étranger à la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, telle que déférée et au cadre légal dans lequel la décision déférée a été prise, à savoir la loi précitée du 28 mars 1972, de sorte que le moyen tiré du caractère inapproprié du Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière est à rejeter comme étant non fondé.

Le demandeur soutient ensuite qu’il aurait appartenu au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration de justifier les circonstances de fait qui rendraient impossible son éloignement immédiat et que le ministre resterait en défaut de justifier l’accomplissement des démarches nécessaires en vue de son éloignement du pays dans les meilleurs délais et afin d’écourter au maximum sa privation de liberté. Il fait valoir dans ce contexte que dans la mesure où l’arrêté litigieux ferait état de ce qu’un laissez-passer serait demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités algériennes, il serait dès lors évident que les autorités luxembourgeoises ne se verraient pas délivrées un tel laissez-passer avant l’expiration de la mesure de placement litigieuse. Il reproche en outre au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration de n’avoir contacté l’ambassade algérienne qu’en date du 16 août 2007, soit dix jours après son placement au Centre de séjour provisoire, en soutenant qu’une telle démarche devrait intervenir dans les 24 heures de son arrestation, estimant qu’il ne devrait pas subir les lenteurs de l’administration et qualifiant ce retard comme contraire aux droits de l’homme. Il soutient en outre que dans la mesure où il se trouverait au pays depuis le mois de juin 2006, des démarches en vue de l’établissement d’un laissez-passer auraient pu être entreprises depuis longtemps.

En vertu de l’article 15, paragraphe (1) de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou d’éloignement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait, l’étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour une durée maximale d’un mois.

Le ministre compétent est dans l’impossibilité de procéder à l’éloignement immédiat d’un étranger lorsque ce dernier ne dispose pas des documents d’identité et de voyage requis pour permettre son éloignement immédiat et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise de l’intéressé et desdits documents. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur lui a conféré un délai initial maximal d’un mois pour obtenir de la part des autorités étrangères concernées les documents de voyage nécessaires.

En l’espèce, l’arrêté de placement litigieux indique expressément que le demandeur est dépourvu d’un titre de voyage valable. Or, à défaut de documents de voyage dans le chef du demandeur, le ministre se voyait effectivement dans l’impossibilité d’une exécution immédiate de la mesure d’éloignement prise et il est tenu d’obtenir des autorités algériennes un laissez-

passer pour que la mesure d’éloignement puisse être exécutée.

Il s’ensuit que la condition légale de l’impossibilité d’un éloignement immédiat se trouve vérifiée en l’espèce, de sorte que le ministre a pu ordonner le placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et le moyen afférent du demandeur est à rejeter.

Quant aux démarches entreprises par le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, il ressort du dossier administratif versé en cause que le ministre s’est adressé en date du 16 août 2007 au Consulat général d’Algérie à Bruxelles afin d’obtenir un laissez-passer au profit de Monsieur XXX, en leur soumettant la fiche individuelle d’identification, avec l’information que la fiche signalétique ainsi que deux photographies de l’intéressé leur parviendraient dans les meilleurs délais, de sorte que les autorités luxembourgeoises ne sauraient se voir reprocher en l’état actuel du dossier un manque de diligences en vue de l’éloignement du demandeur, en raison du fait qu’elles n’ont pas encore enregistré de réponse de la part des autorités algériennes.

Quant à l’absence de réponse à ce jour de la part des autorités algériennes compétentes à la demande adressée au consulat algérien à Bruxelles, force est de relever que la certitude quant à l’aboutissement effectif de la mesure d’éloignement n’est pas une prémisse conditionnant la validité d’une mesure de rétention.

Il s’ensuit que le moyen relatif à l’insuffisance des démarches accomplies par le ministre laisse également d’être fondé.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le dit non justifié et en déboute ;

déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Gillardin, juge, M. Fellens, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

May Lenert 7


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23393
Date de la décision : 06/09/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-09-06;23393 ?

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