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06/09/2007 | LUXEMBOURG | N°23191

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 septembre 2007, 23191


Tribunal administratif Numéro 23191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2007 Audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX, XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, Loi du 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2007 par Maître Mich

el KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a...

Tribunal administratif Numéro 23191 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2007 Audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX, XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, Loi du 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23191 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2007 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 4 mai 1978 à XXX (Kosovo/République de Serbie), de nationalité serbe, demeurant à L-XXX, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 28 juin 2007 lui refusant une protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 août 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Michel KARP et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 septembre 2007.

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Le 5 juin 2007, Monsieur XXX XXX introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Monsieur XXX fut entendu en date du 18 juin 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 28 juin 2007, notifiée par lettre recommandée du 29 juin 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur XXX que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée par application de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi précitée du 5 mai 2006. Cette décision est libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 5 juin 2007.

En vertu des dispositions de l’article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu’il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée parce qu’il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale », b) « il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ».

En mains le rapport de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration du 18 juin 2007.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté votre pays d'origine fin mai 2007 pour vous rendre en voiture au Luxembourg. Vous auriez payé 2000 EUR pour le voyage. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 5 juin 2007. Vous présentez votre passeport établi par l'UNMIK en date du 13 décembre 2006.

Il résulte de vos déclarations transcrites dans le rapport de l'entretien du 18 juin 2007 que vous auriez eu une liaison avec une femme mariée. Au début vous auriez ignoré qu'elle serait mariée. Son époux aurait pris connaissance de votre relation et il l'aurait battue. Il aurait également menacé de vous tuer. Le 30 mai 2007 vous auriez été agressé par deux hommes masqués. Puisque vous n'auriez pas eu d'autres problèmes vous pensez que le mari de cette femme ou sa famille serait à l'origine de cette agression. Vous n'auriez pas porté plainte. Le lendemain vous auriez quitté le Kosovo.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d'un parti politique et ne faites pas état d'autres problèmes.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, votre demande de protection internationale n'est basée que sur des motifs d'ordre purement personnel ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi. La vengeance du mari trompé ou de sa famille n'est pas de nature à constituer un acte de persécution au sens de la Convention et loi précitées. Ces personnes ne sauraient d'ailleurs être considérées comme agents de persécutions. A cela s'ajoute que vous ne vous êtes pas adressé à la police pour porter plainte contre les agissements de ces personnes. Il ne ressort donc pas de votre dossier que les autorités compétentes du Kosovo auraient refusé ou seraient dans l'incapacité de vous fournir une protection quelconque.

Je constate ainsi que vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de votre demande d'asile, des raisons personnelles ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 20 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée n’est susceptible d’aucun recours.

Néanmoins, la décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d’un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai de quinze jours à partir de la notification de la présente.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l’ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d’irrecevabilité.

Je vous informe par ailleurs que la décision du Tribunal administratif ne sera susceptible d’aucun appel, et que le recours gracieux n’interrompt pas les délais de la procédure ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 juillet 2007, Monsieur XXX XXX a fait introduire un recours contentieux tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du 28 juin 2007 en ce que le ministre lui a refusé le statut conféré par la protection internationale.

Il y a lieu de relever liminairement que le recours sous examen, introduit contre la décision prévisée du 28 juin 2007, tend exclusivement à l’annulation, sinon à la réformation de cette décision dans la mesure où le statut de la protection internationale n’a pas été accordé au demandeur, de sorte que le tribunal n’est utilement saisi que de ce seul volet de la décision déférée.

Encore que le demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision litigieuse. En effet, comme l’article 2 (1) de la loi du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, l’existence d’une telle possibilité d’un recours en réformation rend irrecevable l’exercice d’un recours en annulation contre la même décision.

Etant donné que l’article 20 (4) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours subsidiaire en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le recours en annulation introduit à titre principal à l’encontre de la décision critiquée est partant à déclarer irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur soutient qu’il aurait quitté son pays d’origine, le Kosovo, au motif que sa vie y aurait été en danger dans la mesure où les autorités en place dans son pays ne seraient pas en mesure de lui offrir une protection contre la pratique de la vendetta ayant toujours cours dans son pays.

En substance, il reproche au ministre d'avoir fait une appréciation erronée des faits se trouvant à la base de la décision, de sorte à lui avoir refusé à tort la reconnaissance d’un statut de protection internationale.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, « le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants : a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale », tandis qu’aux termes de l’article 2 a) de la même loi, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, la notion de « réfugié » est définie à l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Il se dégage des termes de l’article 20 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006 que le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée notamment lorsqu’il est manifeste (« apparaît clairement ») que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons de nature à fonder dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social dans son pays de provenance.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale lors de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il apparaît clairement que le demandeur n’a pas fait état de raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécutions dans son pays de provenance au sens de la loi et qu’il ne remplit dès lors pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, lors de son audition telle que celle-ci est relatée dans le rapport d’audition figurant au dossier, le demandeur affirme avoir quitté son pays d’origine, le Kosovo, en raison de sa crainte d’être victime d’actes de vengeance de la part du mari de la femme avec laquelle il entretenait une liaison amoureuse.

Force est de constater que la vendetta dont le demandeur déclare faire l’objet de la part du mari de la femme avec laquelle il aurait eu une liaison ne peut être considérée comme un motif de persécution au sens de l’article 2 c) de la loi précitée du 5 mai 2006. Dès lors, les craintes énoncées en raison de ces faits ne sont pas susceptibles de voir reconnaître au demandeur le statut de réfugié. L’agression relatée ainsi que le risque de vengeance mis en avant s’inscrivent en effet dans un cadre purement privé et le demandeur, bien qu’insistant dans le cadre de son recours contentieux sur un prétendu défaut de protection de la part des autorités de son pays, a clairement répondu lors de son audition qu’il n’avait pas demandé la protection des autorités de son pays, de sorte que le tribunal ne saurait utilement retenir que le demandeur serait réellement en danger dans son pays.

Il résulte des développements qui précèdent que le demandeur reste clairement en défaut d’établir une persécution ou un risque de persécution dans son pays de provenance et que la décision ministérielle est fondée sur des motifs valables à cet égard.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate que le demandeur n’a même pas allégué qu’il serait susceptible d’être exposé, en cas de retour dans son pays d’origine aux atteintes graves définies à l’article 37 de ladite loi du 5 mai 2006 et que les éléments mis en avant par le demandeur sont également insuffisants pour établir dans son chef un risque réel de subir encore à l’heure actuelle l’une des atteintes graves visées à l’article 37 et qu’en conséquence c’est à juste titre que le ministre, dans la décision critiquée, a estimé que le demandeur ne court pas, en cas de retour éventuel au Kosovo, un risque réel de se voir infliger la peine de mort ou de se faire exécuter ou encore de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants respectivement de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre sa vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Au vu de ce qui précède, le ministre a dès lors valablement pu rejeter la demande de protection internationale comme non fondée au sens de l’article 20 de la loi précitée du 5 mai 2006, étant donné qu’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours en réformation formé par le demandeur à l’encontre du refus de lui reconnaître un statut de protection internationale est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 28 juin 2007 en ce qu’elle porte refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Gillardin, juge, M. Fellens, juge, et lu à l’audience publique extraordinaire du 6 septembre 2007 par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

May Lenert 7


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23191
Date de la décision : 06/09/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-09-06;23191 ?

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