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29/08/2007 | LUXEMBOURG | N°23367

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 août 2007, 23367


Tribunal administratif Numéro 23367 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2007 Audience publique du 29 août 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23367 du rôle et déposée le 24 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 13 mars 1980 à XXX (AlgÃ

©rie), de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire po...

Tribunal administratif Numéro 23367 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 août 2007 Audience publique du 29 août 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23367 du rôle et déposée le 24 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 13 mars 1980 à XXX (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 9 août 2007 prorogeant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 août 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frank WIES et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 août 2007.

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A la suite d’une demande d’asile présentée auprès du service compétent du ministère de la Justice le 20 juillet 2004, Monsieur XXX XXX, préqualifié, se vit refuser la délivrance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés suivant décision du 20 décembre 2004 du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre ». Un recours contentieux dirigé contre ladite décision ministérielle du 20 décembre 2004 fut rejeté comme étant non fondé par un jugement du tribunal administratif du 11 juillet 2005, confirmé sur appel par un arrêt de la Cour administrative du 24 novembre 2005.

Une demande en obtention d’une autorisation de séjour présentée par Monsieur XXX fut refusée par le ministre suivant décision du 15 mars 2007.

Suivant jugement du tribunal correctionnel de Luxembourg du 4 janvier 2007, Monsieur XXX fut condamné à une peine d’emprisonnement de 9 mois du chef de vols simples, recel et usage de faux.

Le 15 mars 2007, le ministre prit un arrêté de refus d’entrée et de séjour à l’encontre de Monsieur XXX, fondé sur les motifs tirés du défaut de moyens d’existence personnels légalement acquis, du séjour irrégulier au pays et du danger pour la sécurité et l’ordre publics.

Par courrier du 4 mai 2007, le ministre fit parvenir au Consulat de la République d’Algérie à Bruxelles la fiche individuelle d’identification, la fiche signalétique, ainsi que 2 photos de Monsieur XXX, tout en sollicitant la délivrance d’« un laissez-passer permettant son rapatriement vers l’Algérie en cas de mise en liberté ».

En date du 6 juillet 2007, le ministre ordonna le placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 15 mars 2007 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités algériennes ;

- qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Par courrier du même jour, le ministre s’adressa au Consulat de la République d’Algérie à Bruxelles aux fins de rappeler la délivrance d’un laissez-passer en faveur de Monsieur XXX en vue de son rapatriement.

L’arrêté ministériel du 6 juillet 2007 fut notifié à Monsieur XXX le 9 juillet 2007 et mis en exécution à partir de cette date.

Par courrier du 7 août 2007, le ministre rappela une nouvelle fois au Consulat de la République d’Algérie à Bruxelles sa demande de délivrance d’un laissez-passer pour Monsieur XXX.

En date du 9 août 2007, le ministre prit un arrêté ordonnant la prorogation de la mesure de placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification aux motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté pris en date du 6 juillet 2007 décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités algériennes;

- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur XXX le même jour.

Par requête déposée le 24 août 2007, Monsieur XXX A fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de prorogation prévisée du 9 août 2007.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté litigieux, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant (cf. trib. adm 27 octobre 1999, n° 11231 du rôle, confirmé par Cour adm. 18 mai 2000, n° 11707C du rôle, Pas. adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n° 471 et autres références y citées).

A l’appui de son recours, Monsieur XXX conteste l’existence d’un danger de fuite dans son chef aux motifs qu’il n’existerait « aucun élément objectif ou subjectif pouvant laisser croire qu’il aurait tenté d’une quelconque manière de se soustraire à la mesure d’éloignement », qu’il serait toujours resté à la disposition des autorités administratives luxembourgeoises « depuis qu’il est au pays », qu’il aurait constamment collaboré avec les autorités et qu’à aucun moment il n’aurait essayé de se soustraire à une quelconque mesure administrative prise à son encontre.

Cependant, il convient de rappeler que dans la mesure où le demandeur, en sa qualité de demandeur d’asile définitivement débouté et sous le coup d’un arrêté de refus d’entrée et de séjour, se trouve en situation irrégulière au Luxembourg au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972, il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 précité, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence éventuelle de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.

Dans ce contexte, il convient encore de signaler qu’il ressort d’un transmis de la police judiciaire, section police des étrangers, du 9 août 2007 que le demandeur « n’est pas d’accord de contacter son ambassade et de retourner volontairement en Algérie », de sorte que le risque de soustraction à la mesure d’éloignement se trouve encore renforcé dans le cas d’espèce.

Le demandeur conteste ensuite l’existence de circonstances permettant de justifier la nécessité absolue d’une prorogation de la mesure de placement à son égard. Il fait valoir que la première demande d’un laissez-passer auprès du Consulat de la République d’Algérie à Bruxelles daterait du 4 mai 2007, qu’un rappel adressé audit consulat en date du 6 juillet 2007 serait resté sans réponse et que depuis cette date « aucune démarche ne semble avoir été effectuée auprès des autorités algériennes ».

L’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre [compétent] à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal appelé à statuer sur la prorogation d'une mesure de placement doit analyser si le ministre compétent a pu se baser sur des circonstances permettant de justifier qu’une nécessité absolue rend la prorogation de la décision de placement inévitable (trib.

adm. 6 novembre 2002, n° 15509 du rôle, confirmé par Cour adm. 21 novembre 2002, n° 15593C du rôle, Pas. adm. 2006, v° Etrangers, n° 404). En outre, le ministre doit entreprendre des démarches nécessaires et utiles afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum la privation de liberté (trib.

adm. 20 novembre 2002, n° 15592 du rôle, confirmé par Cour adm. 5 décembre 2002, n° 15649C du rôle, Pas. adm. 2006, v° Etrangers, n° 404, 2e tiret).

En l’espèce, il se dégage des éléments du dossier que le ministre avait déjà sollicité par courrier du 4 juin 2007 auprès du Consulat de la République d’Algérie à Bruxelles la délivrance d’un laissez-passer en faveur de Monsieur XXX en vue de son rapatriement vers l’Algérie « en cas de mise en liberté » et au vu du défaut de réaction de la part des autorités algériennes, le ministre a encore rappelé cette demande par 2 courriers des 6 juillet et 7 août 2007.

S’il est vrai qu’au vu des diligences effectuées jusqu’au 7 août 2007, la décision de proroger la rétention du demandeur se trouvait justifiée à la date du 9 août 2007 par la demande de laissez-passer en cours soumise aux autorités algériennes et l’expectative de son traitement utile par ces dernières, il n’en reste pas moins qu’aucune autre démarche documentée auprès des autorités algériennes depuis le courrier prévisé du 7 août 2007 ne ressort des éléments du dossier administratif soumis, malgré le fait qu’aucune réaction de la part des autorités algériennes ne ressort du dossier. Ainsi, tout en admettant que fondamentalement le ministre est confiné à attendre les suites données à sa demande de laissez-passer par les autorités étrangères sans pouvoir prendre des démarches permettant de clôturer la procédure de rapatriement sans l’aide desdites autorités, il lui incombe néanmoins de rappeler dans des délais utiles et de manière documentée sa demande de délivrance d’un laissez-passer et la situation de la personne concernée. Or, en laissant s’écouler un délai de 22 jours depuis la dernière démarche auprès des autorités algériennes, le ministre n’a pas satisfait aux exigences de l’article 15 paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972, de manière que la nécessité absolue du maintien de la rétention du demandeur laisse d’être établie à l’heure actuelle.

Il découle de ces développements que le recours est justifié et que l’arrêté ministériel entrepris encourt la réformation en ce sens que la libération immédiate du demandeur est à ordonner.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant, par réformation de l’arrêté ministériel critiqué du 9 août 2007, dit que la mesure de rétention du demandeur n’est plus justifiée à l’heure actuelle et ordonne la libération immédiate de Monsieur XXX XXX ;

condamne l’Etat aux frais.

Ainsi jugé par :

Mme Lenert, vice-président, M. Spielmann, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 29 août 2007 par le vice-président, en présence de M.

May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23367
Date de la décision : 29/08/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-08-29;23367 ?

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