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29/08/2007 | LUXEMBOURG | N°23281

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 août 2007, 23281


Tribunal administratif Numéro 23281 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2007 Audience publique du 29 août 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, Loi du 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23281 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2007 par Maître Ardavan FATHOLAH

ZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif Numéro 23281 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 31 juillet 2007 Audience publique du 29 août 2007 Recours formé par Monsieur XXX XXX, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale (art. 20, Loi du 5.05.2006)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23281 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX XXX, né le 22 septembre 1975 à XXX (Monténégro), de nationalité monténégrine, actuellement détenu au Centre pénitentiaire de Luxembourg à Schrassig, tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 juillet 2007 lui refusant une protection internationale et, d’autre part, à l’annulation d’une décision du même ministre, datée du même jour et portant ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 août 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 août 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH pour compte de Monsieur XXX ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 29 août 2007.

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Le 26 juin 2007, Monsieur XXX XXX introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Monsieur XXX fut entendu en date du 27 juin 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 13 juillet 2007, notifiée en mains propres le 16 juillet 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur XXX que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée par application de la procédure accélérée prévue par l’article 20 de la loi précitée du 5 mai 2006. Cette décision est libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 26 juin 2007.

Le Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration a décidé d’examiner votre demande de protection internationale quant au fond et plus seulement au titre de la recevabilité.

En application de la loi précitée du 5 mai 2006, votre demande de protection internationale a été évaluée par rapport aux conditions d’obtention du statut de réfugié et de celles d’obtention du statut conféré par la protection subsidiaire.

En mains les rapports du Service de Police Judiciaire des 20, 21 et 22 juin 2007, ainsi que le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 27 juin 2007.

Il ressort de votre dossier que vous avez déposé une demande d’asile le 29 juin 1999, demande qui a été rejetée comme non fondée par décision du 15 janvier 2001. Vous aviez invoqué à la base de cette demande d’asile la crainte d’une poursuite judiciaire, suite à votre désertion de la réserve de la police civile, ainsi que la crainte de persécutions en raison de votre appartenance religieuse.

Le rejet de la demande a été confirmé par la Cour administrative en date du 11 avril 2002. Vous aviez été rapatrié à Podgorica en date du 17 janvier 2007. Un arrêté de refus d’entrée et de séjour a été pris en date du 16 août 2005.

Il ressort des rapports du Service de Police Judiciaire que vous avez été arrêté en date du 20 juin 2007 lors d’un contrôle d’identité, où vous avez présenté une carte d’identité française falsifiée. Vous faites l’objet d’un arrêté de mise à la disposition du Gouvernement au Centre de rétention pour étrangers en situation irrégulière, où vous déposez une demande de protection internationale en date du 26 juin 2007. Vous dites que votre vie serait toujours en danger au Monténégro.

En effet, vous invoquez à la base de cette demande, que vous auriez des problèmes au Monténégro avec un groupe de personnes albanaises du Kosovo, que vous connaîtriez pourtant pas personnellement. Selon vos dires, une famille albanaise aurait été tuée par l’armée yougoslave en 1999. Vous supposez que ce groupe, qui appartiendrait à cette famille, vous reproche le fait que vous n’auriez pas pu empêcher la mort de cette famille. Cependant, selon vos déclarations, vous n’avez jamais fait partie de l’armée yougoslave. Par ailleurs, force est de constater que vos déclarations restent très vagues et que vous n’êtes pas capable de faire un lien entre vous-même et cette famille assassinée.

Vous ajoutez que vos problèmes seraient les mêmes que ceux qui vous ont menés à quitter votre pays d’origine une première fois en 1999. Il convient pourtant de mettre en évidence que vous n’aviez pas évoqué ces problèmes précis lors de votre demande d’asile déposée en 1999 ! Cependant vous insistez quand même, lors de l’entretien du 27 juin 2007, que votre demande de protection internationale s’appuierait sur les mêmes raisons que votre demande d’asile en 1999.

En vertu des dispositions de l’article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu’il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée parce qu’il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale » ;

b) « il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » i) « le demandeur ne dépose une demande qu’afin de retarder ou d’empêcher l’exécution d’une décision antérieure ou imminente qui entraînerait son éloignement du territoire ; » k) « le demandeur est entré ou a prolongé son séjour illégalement sur le territoire du Grand-

Duché et, sans motif valable, ne s’est pas présenté aux autorités et/ou introduit sa demande de protection internationale dans les délais les plus brefs compte tenu des circonstances de son entrée sur le territoire ; » l) « le demandeur constitue un danger pour la sécurité nationale ou constitue un danger pour l’ordre public ; » En effet, il est établi que vous n’avez déposé votre demande de protection internationale que dans le seul but de retarder ou d’empêcher l’expulsion du territoire luxembourgeois. Il convient de rappeler que vous aviez été rapatrié en date du 22 janvier 2007 et que vous avez été arrêté en date du 20 juin 2007. Force est de constater que vous êtes entré illégalement au territoire du Grand-Duché et que vous n’avez pas introduit votre demande de protection internationale dans les délais les plus brefs, mais que vous avez déposé votre demande de protection seulement après avoir été arrêté. Il convient de souligner que ce comportement doit être interprété dangereux pour l’ordre public.

Ainsi, la Police Judiciaire a souligné dans le rapport du 20 juin 2007 :

“ XXX verhielt sich während der gesamten Untersuchungszeit nicht sehr kooperativ, u.a.

weigerte er sich Amtierenden seinen derzeitigen Aufenthaltsort/Wohnort anzugeben. Zudem drohte er Amtierungsbeamten immer wieder, man würde sich zwei Mal im Leben wiedersehen.

Zudem gab er Protokollierenden zu verstehen, dass dies das letzte Mal gewesen sei, dass die Polizei ihn in Handschellen gelegt habe. (…) Erwähnenswert ist auch noch, dass XXX der festen Überzeugung ist, das eine Prostituierte “italienischer Abstammung” ihn denunziert hätte und er deutete mehrmals an, diese Frau im Nachhinein ermorden zu wollen.

Bei XXX dürfte es sich, augrund seines Verhaltens, um eine sehr gefährliche und gewaltbereite Person handeln.” Les motifs exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, établir dans votre chef une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d'origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006.

En effet, le fait que vous auriez eu des problèmes au Monténégro avec un groupe de personnes albanaises du Kosovo, que vous ne connaîtriez pas personnellement, ne saurait être considéré comme acte de persécution au sens de la Convention de Genève et la prédite loi du 5 mai 2006. En effet, toutes vos déclarations restent très vagues et vous n’êtes pas capable de faire un lien entre vous -même et la famille assassinée, laquelle serait la raison pour vos problèmes.

A cela s’ajoute qu’il n’est pas établi que les autorités compétentes du Monténégro, auxquelles vous n’avez pas demandé de protection, seraient dans l’incapacité, ou auraient refusé de vous fournir une protection quelconque.

Par ailleurs, la situation politique est stable au Monténégro. Il n’existe plus d’affrontements entre les différentes communautés ethniques ou religieuses. Il a ainsi été jugé par le Tribunal administratif le 4 septembre 2002 que « la situation politique a favorablement évolué au Monténégro suite à la signature d’un accord serbo -

monténégrin au mois de mars 2002 prévoyant l’adoption d’une nouvelle Constitution et l’organisation d’élections permettant de donner plus d’indépendance au Monténégro, de sorte que des risques sérieux de persécution ne sont plus à craindre dans le pays d’origine du demandeur ». Le 3 avril 2003 la Serbie-Monténégro a adhéré au Conseil de l’Europe et par là, sa signature de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

Enfin et surtout, le Monténégro a proclamé son indépendance le 3 juin 2006 après un référendum organisé dans le calme et la paix le 21 mai 2006 qui a vu 55,5% des électeurs apporter leur soutien à la séparation avec la Serbie. Organisé en étroite coopération avec l’Union Européenne, ce scrutin a été le signe de l’engagement des monténégrins à intégrer les structures européennes et plus largement à rejoindre les rangs de la communauté internationale. Le 28 juin 2006 le Monténégro est devenu le 192ième Etat membre des Nations Unies.

Je constate ainsi que vous n’alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d’opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d’appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n'invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, il ne ressort pas de votre dossier que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 20 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée n’est susceptible d’aucun recours.

Néanmoins, la décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d’un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai de quinze jours à partir de la notification de la présente.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l’ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d’irrecevabilité.

Je vous informe par ailleurs que la décision du Tribunal administratif ne sera susceptible d’aucun appel, et que le recours gracieux n’interrompt pas les délais de la procédure ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 juillet 2007, Monsieur XXX a fait introduire un recours contentieux tendant, d’une part, à la réformation de la décision précitée du 13 juillet 2007 par laquelle il s’est vu refuser une protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 juillet 2007 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce recours, le demandeur soutient qu’il aurait quitté son pays d’origine, le Monténégro, après y avoir été rapatrié début 2007, en raison des menaces quotidiennes émanant d’un groupe de personnes albanaises originaires du Kosovo qui lui reprocheraient de ne pas avoir empêché au courant de l’année 1999, époque à laquelle il aurait été policier, l’assassinat d’une famille albanaise au moment de la guerre du Kosovo. Il expose plus particulièrement que ladite famille serait originaire de la région de XXX et qu’en tant que policier il aurait été envoyé dans ladite région afin d’éviter que des incidents s’y produisent. Or, comme des membres de ladite famille albanaise auraient néanmoins été tués, il serait toujours recherché à l’heure actuelle par cette famille qui se serait même rendue au domicile de sa mère pour le retrouver.

Il soutient ainsi éprouver une forte crainte d’être poursuivi, voire d’être tué en cas de retour au Monténégro, tout en relevant encore que la situation politique actuelle dans son pays d’origine serait loin d’être sécurisée.

En substance, il reproche au ministre d'avoir fait une appréciation erronée des faits se trouvant à la base de la décision, de sorte à lui avoir refusé à tort la reconnaissance d’un statut de protection internationale.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, « le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants : a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale », tandis qu’aux termes de l’article 2 a) de la même loi, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

Enfin, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Il se dégage des termes de l’article 20 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006 que le ministre peut statuer sur le bien-fondé d’une demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée notamment lorsqu’il est manifeste (« apparaît clairement ») que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons de nature à fonder dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social dans son pays de provenance.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale lors de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il apparaît clairement que le demandeur n’a pas fait état de raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécutions dans son pays de provenance au sens de la loi et qu’il ne remplit dès lors pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

En effet, le demandeur fait état de sa crainte d’être victime d’actes de vengeance de la part de membres d’une famille albanaise qui lui reprocheraient de ne pas avoir su empêcher l’assassinat de membres de leur famille au courant de l’année 1999. Or, dans ce contexte, la simple allégation que des membres de cette famille se seraient rendus au domicile de sa mère pour le retrouver, à la supposer établie, n’est pas d’une gravité suffisante pour établir un état de persécution personnelle vécue ou une crainte qui serait telle que la vie du demandeur lui serait à raison intolérable dans son pays d’origine.

Force est encore de constater que la menace supposée proviendrait de membres de la communauté albanaise, donc de personnes privées et non pas de l’Etat, et que dans ce contexte il n’est pas démontré que les autorités administratives chargées du maintien de la sécurité et de l’ordre publics en place au Monténégro ne soient ni disposées ni capables de lui assurer un niveau de protection suffisant, étant donné que le demandeur n’a soumis aucun indice concret relativement à l’incapacité actuelle des autorités compétentes de lui fournir une protection adéquate, voire allégué une démarche concrète en vue d’obtenir leur protection.

Il convient de relever en outre sur base des déclarations faites par le demandeur que celui-

ci a affirmé avoir quitté le Monténégro pour plusieurs raisons et qu’il n’aurait « aucune perspective là-bas », de sorte que les raisons ayant motivé le demandeur à quitter son pays sont également à rechercher dans sa situation matérielle.

Or, des considérations d’ordre matériel et économique, tel qu’en l’espèce, le désir de trouver du travail devant lui permettre de rembourser ses dettes, bien que humainement compréhensibles, ne constituent pas un motif d’obtention du statut de protection internationale.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Or, force est de constater que les éléments ainsi mis en avant par le demandeur sont également insuffisants pour établir dans son chef un risque réel de subir encore à l’heure actuelle les atteintes graves définies à l’article 37 de ladite loi du 5 mai 2006 et qu’en conséquence c’est à juste titre que le ministre, dans la décision critiquée, a estimé que le demandeur ne court pas, en cas de retour éventuel au Monténégro, un risque réel de se voir infliger la peine de mort ou de se faire exécuter ou encore de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants respectivement de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre sa vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Au vu de ce qui précède, le ministre a dès lors valablement pu rejeter la demande de protection internationale comme non fondée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, étant donné qu’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 13 juillet 2007 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 13 juillet 2007 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi précitée du 5 mai 2006, une décision négative du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prise dans le cadre de la procédure accélérée vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Le demandeur se contente à ce sujet de solliciter l’annulation de cet ordre de quitter le territoire.

Le tribunal vient cependant, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur n’a pas fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, ni d'atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, de sorte qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 13 juillet 2007 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 13 juillet 2007 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

Mme Lenert, vice-président, M. Spielmann, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 29 août 2007 par le vice-président, en présence de M. May, greffier en chef de la Cour administrative, greffier assumé.

s. May s. Lenert 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23281
Date de la décision : 29/08/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-08-29;23281 ?

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