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16/08/2007 | LUXEMBOURG | N°23313

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 août 2007, 23313


Tribunal administratif Numéro 23313 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2007 Audience publique du 16 août 2007 Recours formé par Monsieur …, alias …, Schrassig, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23313 du rôle et déposée le 8 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au

tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, prétendant être n...

Tribunal administratif Numéro 23313 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 août 2007 Audience publique du 16 août 2007 Recours formé par Monsieur …, alias …, Schrassig, contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23313 du rôle et déposée le 8 août 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Charles KAUFHOLD, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, alias …, prétendant être né le … et être de nationalité serbe, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 3 août 2007 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée maximale d’un mois à partir de la notification de cette décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 10 août 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Cathy EHRMANN, en remplacement de Maître Charles KAUFHOLD, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 août 2007.

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Le 4 juillet 2007, Monsieur …, alias …, fut intercepté par la police grand-ducale lors d’un contrôle d’identité sur l’aire de Capellen, lors duquel il ne put pas présenter de documents d’identité.

Le même jour, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre » ordonna le placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision en question, en attendant son éloignement du territoire luxembourgeois. Cette décision de placement est fondée sur les considérations et motifs suivants :« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu le procès-verbal n° 30426 du 4 juillet 2007 établi par la Police grand-ducale, C.I. Capellen ;

Considérant que le Parquet a prononcé une mesure de rétention en date du 4 juillet 2007 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

-

qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’en attendant le résultat des recherches quant à l’identité et à la situation de l’intéressé, l’éloignement immédiat n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

Cet arrêté fut notifié à Monsieur … le 5 juillet 2007 et mis à exécution à partir de cette date.

Suivant courrier du 16 juillet 2007 à l’adresse du Centre pénitentiaire de Luxembourg, le mandataire belge de Monsieur … communiqua une copie du passeport de ce dernier et sollicita la libération de celui-ci « afin que celui-ci puisse regagner la Belgique où s’y trouvent toutes ses attaches ».

A la suite d’une recherche concluante au système Eurodac, le ministre sollicita en date du 24 juillet 2007 de la part des autorités autrichiennes la reprise de Monsieur … en exécution du règlement (CE) n° 334/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers.

La rétention administrative de Monsieur … fut prorogée suivant arrêté du ministre du 3 août 2007, notifié le même jour, pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision sur base des motifs et considérations suivantes :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 4 juillet 2007 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu des dispositions du règlement n° CE 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 a été adressée aux autorités autrichiennes ;

- qu’en attendant l’accord de reprise, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».

En date du 7 août 2007, les autorités compétentes autrichiennes firent droit à la demande de reprise de Monsieur … sur base du prédit règlement (CE) n° 343/2003.

En date du 8 août 2007, le ministre prit encore un arrêté de refus d’entrée et de séjour pour le territoire du Grand-Duché de Luxembourg à l’encontre de Monsieur ….

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 août 2007, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de la décision de prorogation de son placement du 3 août 2007.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur conclut tout d’abord au caractère inapproprié du lieu de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière au motif que le régime auquel il serait soumis serait similaire voire identique à celui applicable aux détenus normaux et qu’il ne pourrait téléphoner qu’une seule fois par semaine.

Pour le surplus, le demandeur estime qu’il incomberait au ministre de faire état et de documenter les démarches qu’il estime requises et qu’il est en train d’exécuter afin de le mettre en mesure « d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation » et qu’il ne serait nullement établi que le ministre aurait déjà fait une quelconque démarche quant à son éloignement.

Le délégué du gouvernement rétorque que contrairement aux allégations du demandeur, les autorités luxembourgeoises auraient accompli les diligences nécessaires afin d’organiser son refoulement vers l’Autriche. Dans ce contexte, le représentant étatique relève que les autorités luxembourgeoises n’auraient été informées qu’en date du 24 juillet 2007 de ce que le demandeur, qui avait caché sa véritable identité, est connu au système Eurodac pour avoir déposé une demande d’asile en Autriche en date du 9 décembre 2005, que le même jour les autorités autrichiennes auraient été saisies d’une demande de reprise en charge, que les autorités autrichiennes auraient accepté en date du 7 août 2007 la reprise en charge de Monsieur … et que la police judiciaire aurait été chargée dès le 8 août 2007 à organiser le transfert du demandeur vers l’Autriche.

Concernant le moyen tiré du caractère inapproprié du lieu de placement, le délégué du gouvernement relève que le Centre de séjour pour étrangers en situation irrégulière serait, aux termes de la jurisprudence, à considérer comme établissement approprié.

L’article 15 paragraphe (2) de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre [compétent] à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (cf. trib. adm. 6 novembre 2002, n° 15509 du rôle, confirmé par Cour adm. 21 novembre 2002, n° 15593C du rôle, Pas. adm. 2006 V° Etrangers, n° 404 et autres références y citées), étant relevé qu’une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution de l’éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois, de sorte qu’il incombe à l’autorité administrative de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

Il résulte des pièces du dossier que suite à la demande de reprise du 24 juillet 2007 adressée par les autorités luxembourgeoises aux autorités d’Autriche, celles-ci ont fait parvenir le 7 août 2007 un accord écrit de reprise de Monsieur ….

Il ressort encore du dossier versé en cause que les autorités luxembourgeoises ont demandé en date du 8 août 2007 au service de police judiciaire d’organiser le transfert de Monsieur … vers l’Autriche.

Au vu des diligences ainsi déployées, des démarches suffisantes ont été entreprises en vue d’un transfert rapide du demandeur vers son pays d’origine, de sorte que le moyen mettant en cause l’absence de nécessité absolue est à rejeter pour être non fondé.

Concernant ensuite le moyen soulevé ayant trait au caractère inapproprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, force est au tribunal de constater que les conditions de rétention résultent en leurs grandes lignes du régime spécifique tel qu’instauré par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, règlement qui renvoie en son article 5 directement pour toutes les questions qu’il ne règle pas lui-même au règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Or, l’autorité chargée de l’application de ces règlements grand-ducaux n’est pas le ministre, mais conformément à l’article 18 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 le ministre de la Justice, dont dépend l’administration des établissements pénitentiaires, ainsi qu’en application de l’article 19 du même règlement grand-ducal le procureur général d’Etat, chargé de la direction générale et de la surveillance des établissements pénitentiaires.

En ce qui concerne les modalités pratiques de la rétention, telles que par exemple la question litigieuse de l’usage du téléphone, force est de constater que ces modalités, en ce qu’elles concernent la gestion journalière du centre de rétention intégré au centre pénitentiaire, relèvent conformément à l’article 68 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 des compétences du directeur de l’établissement qui, aux termes de cet article, assure, sous l’autorité du procureur général d’Etat, la direction et l’administration de l’établissement et qui est responsable du bon fonctionnement de l’établissement en question.

Force est par ailleurs de constater que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 instaure une voie de recours spécifique auprès du procureur général d’Etat au profit des détenus et, en application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, également au profit des retenus, qui s’estiment lésés par une décision du directeur (cf. trib. adm. 13 juin 2007, n° 23011 du rôle et trib. adm. 18 juillet 2007, n° 23199 du rôle, non encore publiés).

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief mis en avant par le demandeur, qui s’analyse en un grief relatif aux modalités concrètes et matérielles de son placement, est étranger à la décision du ministre telle que déférée et au cadre légal dans lequel la décision déférée a été prise, à savoir la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Finalement, la demande de Monsieur … tendant à éviter son éloignement vers l’Autriche au motif que sa famille résiderait en Belgique, formulée oralement par son mandataire à l’audience des plaidoiries, est à déclarer irrecevable, la procédure devant les juridictions administratives étant essentiellement écrite. En effet, le défaut de moyen formulé avec précision ne saurait être comblé, ni par une prise position de la partie défenderesse, ni par des explications orales fournies par le mandataire du demandeur à l’audience, sauf le cas d’un moyen d’ordre public (cf. trib. adm. 8 décembre 2004, Pas.

adm. 2006, V° Procédure contentieuse, n° 486).

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, juge, M. Sünnen, juge, et lu à l’audience publique du 16 août 2007 par le premier vice-président, en présence de Mme Wiltzius, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.

Wiltzius Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23313
Date de la décision : 16/08/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-08-16;23313 ?

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