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16/08/2007 | LUXEMBOURG | N°23085,23227

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 août 2007, 23085,23227


Tribunal administratif Nos 23085 et 23227 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 21 juin et 18 juillet 2007 Audience publique du 16 août 2007 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers et de protection internationale

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 23085 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2007 par Maître A

rdavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg,...

Tribunal administratif Nos 23085 et 23227 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits les 21 juin et 18 juillet 2007 Audience publique du 16 août 2007 Recours formé par Madame …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers et de protection internationale

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 23085 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Belgrade (Serbie), de nationalité serbe, demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une décision implicite de refoulement, respectivement d’expulsion sous-jacente à la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 juin 2007 déclarant sa demande de protection internationale irrecevable ;

Vu l’ordonnance du président du tribunal administratif du 29 juin 2007 déclarant une requête en institution d’une mesure de sauvegarde introduite par Madame … justifiée et l’autorisant à résider sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg en attendant que le tribunal administratif se soit prononcé au fond sur le mérite du recours inscrit sous le numéro 23085 du rôle ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 juillet 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juillet 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH pour compte de Madame … ;

Vu les pièces versées en cause ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 23227 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, préqualifié, au nom de Madame …, préqualifiée, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 juin 2007 ayant déclaré irrecevable sa demande en obtention d’une protection internationale déposée le 1er juin 2007 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 août 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;

I. et II.

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Nadine REITER, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 12 janvier 2004, Monsieur … … et son épouse, Madame …, introduisirent en leurs noms personnels et pour compte de leurs enfants mineurs … auprès du service compétent du ministère de la Justice une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-

après dénommé « la Convention de Genève ».

Cette demande fut rejetée suivant décision du 29 octobre 2004 du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après dénommé « le ministre ».

Le recours contentieux introduit par les époux …-… à l’encontre de cette décision ministérielle fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 27 avril 2005 (n° 19197 du rôle), confirmé en appel par un arrêt de la Cour administrative du 6 octobre 2005 (n° 19857C du rôle).

Les époux …-… furent rapatriés ensemble avec leurs enfants vers Belgrade en date du 22 août 2006.

En date du 8 novembre 2006, les époux …-…, ainsi que Madame …, introduisirent auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Les époux …-… furent entendus le même jour par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leur demande de protection internationale.

Par décision du 8 novembre 2006, notifiée le 9 novembre 2006, le ministre rejeta la demande des époux …-…, présentée en leurs noms personnels et pour compte de leurs enfants mineurs, pour être irrecevable sur base de l’article 23 de la loi précitée du 5 mai 2006 au motif que « vous n’avez présenté aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissez les conditions requises pour prétendre à une protection internationale ».

Le 1er juin 2007, Madame … introduisit une nouvelle demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.

Madame … fut entendue le 4 juin 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 15 juin 2007, le ministre rejeta cette nouvelle demande pour être irrecevable, décision libellée en les termes suivants :

« J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 1erjuin 2007.

Il ressort d’informations en nos mains que vos parents ont déposé une première demande d'asile le 12 janvier 2004 alors que vous avez encore été mineur d’âge. Cette demande a été rejetée comme non fondée par une décision du 29 octobre 2004. Le rejet de la demande d'asile a été confirmé par la Cour administrative en date du 6 octobre 2005. Vous avez été rapatriée avec votre famille à Belgrade le 22 juillet 2006. Un refus d'entrée et de séjour a été émis en date du 17 août 2006 à l’encontre de votre famille.

Le 8 novembre 2006 vos parents présentent également en votre nom une deuxième demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006, demande qui fut rejetée comme irrecevable le même jour. Vos parents ont invoqué à la base de cette demande être retournés au Kosovo fin août 2006 après avoir été rapatriés à Belgrade. Votre père a déclaré avoir été menacé et agressé par des albanais. Votre mère n’a pas fait état de problèmes. Aucun recours n'a été introduit à l'encontre de cette décision d'irrecevabilité.

Le 15 novembre 2006 vos parents introduisent une demande d'asile en France. Vous avez déclaré y séjourner depuis le 13 novembre 2006. Les autorités françaises ont sollicité votre réadmission au Luxembourg en vertu du règlement communautaire dit Dublin II en date du 19 décembre 2006. Les autorités luxembourgeoises ont accepté cette réadmission en date du 27 décembre 2006. Le 3 mai 2007 vous avez tous été transférés au Luxembourg.

Le 10 mai 2007 vos parents déposent une demande en obtention du statut de tolérance par l'intermédiaire de Maître Nicky Stoffel, demande qui fut rejetée par décision du 24 mai 2007.

En cette même date, Maître Ardavan Fatholahzadeh demande à son tour une demande en obtention du statut de tolérance pour le compte de votre famille.

Finalement, vous vous présentez le 1 er juin 2007 au Service des Réfugiés et demandez conformément à l’article 6§2 de la loi précitée du 5 mai 2006 qu’une demande de protection internationale distincte de celle de vos parents soit enregistrée. Un entretien a eu lieu le 4 juin 2007.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez née à Belgrade et que vous y auriez vécu jusqu’en 2001. Vous dites y avoir été humiliée, insultée et menacée parce que vous seriez de confession musulmane et originaire du Kosovo. Au Kosovo, vous auriez été insultée et menacée parce que vous seriez née à Belgrade et parce que vous ne parleriez pas l’albanais. En été 2004 un groupe d’albanais vous aurait agressée et donné plusieurs coups sur le ventre et sur la tête.

Vous n’auriez pas porté plainte. A votre retour au Kosovo en août 2006 la situation n’aurait pas changé et se serait empirée, vous ne seriez plus sortie de chez vous.

Il y a tout d’abord lieu de relever que vous n’apportez pas de preuve quant à votre retour au Kosovo en janvier 2007 après que votre famille ait déposé une demande d’asile en France.

Par ailleurs, votre famille a été transférée au Luxembourg en date du 2 mai 2007 et vous n’introduisez votre demande de protection internationale qu’en date du 1er juin 2007 après que le statut de tolérance fut refusé à votre famille le 24 mai 2007. Vous auriez donc pu introduire votre nouvelle demande de protection internationale plus tôt, mais ne le faites qu’après que le statut de tolérance fut refusé. Il peut également être supposé que vous avez déposé votre demande de protection internationale dans l’unique but de retarder votre éloignement imminent du territoire luxembourgeois. En effet, votre deuxième demande d’asile du [8 novembre 2006] fut déclarée comme irrecevable et aucun recours n’a été introduit.

Même si le 1er juin 2007 vous présentez une demande de protection distincte de celle de vos parents, vous avez pu bénéficier par le biais des différentes demandes déposées par vos parents d’une analyse de votre situation.

Selon l'article 3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, le ministre ayant l'asile dans ses attributions est compétent pour enregistrer et traiter des demandes de protection internationale. Les paragraphes a) et g) de l'article 2 de la prédite loi définissent cette demande protection internationale comme une demande « visant à obtenir le statut de réfugié ou le statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur ne sollicitant pas explicitement un autre type de protection hors du champ d'application de la présente loi et pouvant faire l'objet d'une demande séparée ». Dans le cadre d'une procédure unique, la demande de protection internationale est d'abord analysée au sens de la Convention de Genève et seulement en cas de rejet, au sens de la protection subsidiaire.

En vertu de l'article 23 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, votre demande de protection internationale, en tant qu'elle est basée sur la Convention de Genève est irrecevable aux motifs que vous ne présentez aucun élément nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié. En effet, les faits que vous invoquez ressemblent à ceux invoqués par vos parents lors de leurs différentes demandes.

En tant que demande en obtention d'une protection subsidiaire, votre demande n'a pas été toisée sous l'empire de l'ancienne loi. Il y a néanmoins lieu de constater que le dossier de vos parents tel qu'instruit dans le cadre de leurs différentes demandes d'asile ne correspond pas aux critères nécessaires à l'obtention du statut conféré par la protection subsidiaire. Vous ne présentez actuellement aucun élément ou fait nouveau augmentant de manière significative la probabilité que vous remplissiez les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection subsidiaire.

En effet, vous n'invoquez pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de votre demande d’asile les faits que vous invoquez ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu'ils n'établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Ainsi, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort, ni de risques concrets et probables de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour au Kosovo. Par ailleurs, la Serbie-Monténégro a aboli la peine de mort dans sa législation nationale. Vous ne faites également pas état de risques émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. Rappelons dans ce contexte que la situation actuelle au Kosovo est calme.

La nouvelle demande en obtention d'une protection internationale est dès lors déclarée irrecevable.

La présente décision est susceptible d'un recours en annulation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente. La décision du Tribunal administratif ne sera susceptible d'aucun appel ».

Par une première requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2007, enregistrée sous le numéro 23085 du rôle, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation d’une décision implicite de refoulement respectivement d’expulsion sous-jacente à la décision prérelatée du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 15 juin 2007 déclarant sa demande de protection internationale irrecevable.

Par une deuxième requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 juillet 2007, enregistrée sous le numéro 23227 du rôle, Madame … a encore fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 15 juin 2007.

Aucune disposition législative ou réglementaire ne déterminant la forme d’une décision de refoulement, celle-ci est censée avoir été prise par le ministre compétent à partir du moment où les conditions de forme et de fond justifiant un refoulement, telles que déterminées par l’article 12 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2.

le contrôle médical des étrangers ; 3. l’emploi de la main-d’oeuvre étrangère sont remplies.

En l’espèce, il n’est pas contesté en cause qu’un arrêté d’expulsion n’a pas été pris à l’encontre de Madame …, de sorte que l’on peut retenir qu’une décision de refoulement implicite se dégage de la décision ministérielle du 15 juin 2007, le recours en annulation, tel que prévu par l’article 23 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 n’ayant pas d’effet suspensif.

Aucun recours au fond n’étant prévu en matière de refoulement d’un étranger, seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de la décision implicite litigieuse. Le recours en annulation, introduit sous le numéro 23085 du rôle, l’ayant été par ailleurs dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Etant donné que l’article 23 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation en matière de nouvelles demandes déclarées irrecevables, seul un recours en annulation a pu être dirigé contre la décision ministérielle attaquée du 15 juin 2007.

Le recours en annulation, introduit sous le numéro 23227 du rôle, l’ayant par ailleurs été dans les formes et délai de la loi, il est dès lors recevable.

Dans la mesure où les deux recours introduits concernent les mêmes parties et qu’ils visent de manière explicite respectivement implicite la même décision ministérielle du 15 juin 2007, il convient, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, d’ordonner la jonction des deux affaires introduites sous les numéros 23085 et 23227 du rôle.

Il appartient au tribunal, au vu de l’ensemble des actes de procédure et pièces versés au dossier, de déterminer la suite de traitement des moyens et arguments des parties, compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent. Dès lors, comme la décision implicite de refoulement se dégage de la décision ministérielle du 15 juin 2007, il convient en premier lieu d’examiner le recours introduit sous le numéro 23227 du rôle et visant de manière explicite ladite décision ministérielle.

Quant au recours introduit en date du 18 juillet 2007 sous le numéro 23227 du rôle :

A l’appui de ce recours, Madame … soutient remplir les conditions pour être admis au statut de réfugié, au motif qu’elle aurait été et risquerait d’être victime de persécutions au Kosovo du fait de son appartenance à la minorité goranaise. A ce sujet, elle expose plus particulièrement avoir vécu jusqu’en 2001 à Belgrade pour s’installer par la suite avec ses parents et son frère et sa sœur à Dragas au Kosovo, qu’auparavant elle aurait subi quotidiennement des menaces à Belgrade en raison de ses origines goranaises. Après son retour au Kosovo, elle aurait été victime de reproches verbaux et de menaces, voire d’harcèlements et d’attouchements de la part des Albanais et en 2004 elle aurait même été battue et menacée de mort. La demanderesse expose ensuite que suite à un premier séjour au Luxembourg et à son rapatriement vers Belgrade en date du 22 août 2006, elle serait retournée vivre au Kosovo près de la ville de Dragas dans la localité de Mlike, que des Albanais auraient continué à harceler sa famille, qu’elle n’aurait plus pu faire de courses étant donné que les Albanais voleraient les provisions et qu’elle aurait été menacée de viol, de sorte qu’elle se serait résignée à s’enfermer dans sa maison. La demanderesse précise que les plaintes déposées par sa famille n’auraient pas connu de suites et s’étant retrouvée dans une situation sans issue, elle serait retournée au Luxembourg avec sa famille pour y présenter une demande de protection internationale en date du 8 novembre 2006. Finalement, la demanderesse précise être retournée encore une fois pendant 2 mois au Kosovo entre janvier et mars 2007, mais que de nouveau sa famille n’aurait pas pu s’y déplacer et serait restée enfermée à longueur de journée.

La demanderesse conclut ensuite à la nullité de la décision ministérielle du 15 juin 2007 au motif que ce serait à tort que le ministre aurait déclaré irrecevable sa nouvelle demande introduite le 1er juin 2007. Dans ce contexte, elle expose que s’il est exact qu’elle a été définitivement déboutée ensemble avec ses parents de sa première demande d’asile suivant arrêt de la Cour administrative du 6 octobre 2005, elle ne se serait cependant jamais vu refuser définitivement la protection internationale au sens de la loi précitée du 5 mai 2006, étant donné qu’elle n’aurait jamais déposé auparavant une demande en obtention du statut de la protection subsidiaire. Partant, sa demande aurait dû être analysée au regard des dispositions des articles 19 et suivants de la loi précitée du 5 mai 2006.

La demanderesse expose encore en ordre subsidiaire que son intégrité physique ne serait pas garantie à l’heure actuelle au Kosovo en raison de « son appartenance ethnique », de sorte qu’elle devrait pouvoir bénéficier du statut de la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement relève que c’est à tort que la demanderesse estime avoir déposé pour la première fois en date du 1er juin 2007 une demande en protection internationale au sens de la loi précitée du 5 mai 2006, étant donné qu’il ressortirait clairement du dossier administratif que pareille demande aurait déjà été déposée une première fois en date du 8 novembre 2006 et que cette demande aurait déjà été déclarée irrecevable par décision ministérielle du même jour sur base de l’article 23 de la loi précitée du 5 mai 2006. Partant, ce serait à juste titre que le ministre aurait traité le dossier dans le cadre d’une procédure de recevabilité sur base de l’article 23 de la loi précitée du 5 mai 2006 et non pas dans le cadre d’une procédure au fond.

Aux termes de l’article 23 de la loi précitée du 5 mai 2006 :

« (1) Le ministre considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle la protection internationale a été définitivement refusée ou d’une personne qui a explicitement ou implicitement retiré sa demande de protection internationale, à moins que des éléments ou des faits nouveaux apparaissent ou sont présentés par le demandeur et qu’ils augmentent de manière significative la probabilité que le demandeur remplisse les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire, à condition que le demandeur concerné a été, sans faute de sa part, dans l’incapacité de les faire valoir au cours de la précédente procédure, y compris durant la phase contentieuse.

(2) Le demandeur concerné devra indiquer les faits et produire les éléments de preuve à la base de sa nouvelle demande de protection internationale dans un délai de 15 jours à compter du moment où il a obtenu ses informations. Le ministre peut procéder à l’examen préliminaire prévu au paragraphe (1) en le limitant aux seules observations écrites présentées hors du cadre d’un entretien ».

Il se dégage du libellé de la disposition légale prérelatée qu’il y a lieu de vérifier en l’espèce si Madame … est une personne à laquelle la protection internationale a été définitivement refusée, étant entendu que c’est par rapport à ce cas d’ouverture que le ministre a eu recours aux dispositions de l’article 23 (1) prérelaté pour déclarer sa nouvelle demande irrecevable.

L’article 2, a) de la loi précitée du 5 mai 2006 définit la protection internationale aux fins de cette même loi comme étant « le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire », de sorte que le refus définitif visé par l’article 23 (1) de la même loi s’entend nécessairement par rapport à ces deux statuts.

Or, force est de constater que Madame … n’invoque pas des « éléments ou faits nouveaux » par rapport aux motifs ayant été à la base de la première demande de protection internationale du 8 novembre 2006, tels que transcrits dans la première décision d’irrecevabilité du ministre même jour. En effet, il y a lieu de constater que par ladite décision du 8 novembre 2006 le ministre a considéré comme irrecevable la demande en obtention d’une protection internationale de Madame … et de sa famille, de sorte que le statut de la protection internationale, englobant à la fois le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, ladite décision du 8 novembre 2006 n’ayant pas fait l’objet d’un recours de la part des consorts …. Il s’ensuit que celle-ci n’a pas apporté un quelconque élément nouveau par rapport à la demande du 8 novembre 2006, de sorte que du fait que sa nouvelle demande du 1er juin 2007 ne contient pas des éléments ou faits nouveaux au sens de l’article 23 cité ci-avant, elle ne saurait dès lors fonder une nouvelle demande de protection internationale.

Partant, c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale sous analyse comme étant irrecevable par application de l’article 23 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, Madame … n’ayant fourni aucun élément ou fait nouveau qui augmenterait de manière significative la probabilité qu’elle remplit les conditions requises pour prétendre au statut de réfugié ou au statut conféré par la protection subsidiaire.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours introduit sous le numéro 23227 du rôle par la demanderesse est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Quant au recours introduit en date du 21 juin 2007 sous le numéro 23085 du rôle :

A l’appui de ce recours, Madame … soutient que la décision ministérielle du 15 juin 2007 la priverait illégalement de son droit fondamental de pouvoir être protégé contre un refoulement vers un pays où elle court de graves dangers pendant le temps de l’examen de sa demande au fond par le tribunal, la décision ministérielle litigieuse n’étant pas assortie d’un effet suspensif.

Partant, la décision ministérielle implicite de refoulement, sous-jacente à la décision ministérielle du 15 juin 2007, devrait être annulée pour violation de la loi.

Force est de constater en l’espèce que la demanderesse, outre qu’elle soutient que la décision implicite de refoulement serait contraire à la loi et à l’article 33 de la Convention de Genève, n’a présenté aucun moyen spécifique à l’appui de ce recours.

Si l’article 14 de la loi précitée du 28 mars 1972 prévoit certes que certains étrangers ne sauraient être expulsés ou rapatriés ou, d’une manière générale, éloignés ou transférés vers un pays où leur vie ou leur liberté seraient gravement menacés ou s’ils y étaient exposés à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme ou encore à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la demanderesse n’a nullement établi que l’exécution de la décision ministérielle du 15 juin 2007 constitue pour elle une menace grave pour sa vie ou sa liberté.

Comme pour le surplus le tribunal a retenu ci-avant que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale de Madame … du 1er juin 2007 comme étant irrecevable par application de l’article 23 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, le recours introduit sous le numéro 23085 du rôle n’est à son tour pas fondé, de sorte qu’il est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties ;

ordonne la jonction des recours introduits sous les numéros 23085 et 23227 du rôle ;

reçoit les recours en annulation en la forme ;

au fond, les déclare non justifiés et en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, juge, M. Sünnen, juge, et lu à l’audience publique du 16 août 2007 par le premier vice-président, en présence de Mme Wiltzius, greffier de la Cour administrative, greffier assumé.

s. Wiltzius s. Schockweiler 9


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23085,23227
Date de la décision : 16/08/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-08-16;23085.23227 ?

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