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01/08/2007 | LUXEMBOURG | N°23270

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 août 2007, 23270


Tribunal administratif Numéro 23270 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2007 Audience publique du 1er août 2007 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23270 du rôle et déposée le 26 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscri

t au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de natio...

Tribunal administratif Numéro 23270 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 juillet 2007 Audience publique du 1er août 2007 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23270 du rôle et déposée le 26 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le …, de nationalité monténégrine, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation sinon à l'annulation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 juillet 2007 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée maximale d’un mois à partir de la notification de cette décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 juillet 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAZADEH et Monsieur le délégué du Gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 1er août 2007.

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Monsieur … présenta une demande en reconnaissance du statut de réfugié en date du 7 avril 2005, qui fut rejetée comme n’étant pas fondée par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 22 avril 2005. Il présenta ensuite par courrier de son mandataire du 27 mai 2005 une demande en obtention d’une autorisation de séjour, demande qui lui fut refusée par décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 mai 2005.

Le 21 juin 2007, Monsieur … fut intercepté par la Police grand-ducale lors d’un contrôle d’identité, au cours duquel il présenta des documents d’identité slovènes établis au nom de … et le lendemain, 22 juin 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit un arrêté de refus d’entrée et de séjour à son encontre ainsi qu’une décision de placement pour la durée d’un mois sur base des motifs et considérations suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour ;

Vu le rapport n° 2ES-TEH/172 du 21 juin 2007 établi par la police grand-ducale, service de police judiciaire ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

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qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

-

qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; ».

La rétention de Monsieur … fut prorogée suivant décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 19 juillet 2007 pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification de la décision sur base des motifs et considérations suivantes :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 22 juin 2007 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités serbo-

monténégrines ;

-

qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ; ».

Par requête déposée le 26 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l'encontre de la décision de prorogation de son placement du 19 juillet 2007.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est dès lors irrecevable.

A l’appui de son recours, le demandeur conteste tout d’abord l’existence d’une nécessité absolue, telle qu’exigée par l’article 15, paragraphe 2 de la loi précitée du 28 mars 1972, sur base duquel une prorogation de la décision de placement initiale a pu être décidée. Il soutient dans ce contexte qu’il ne ressortirait pas du dossier administratif que l’autorité compétente ait entamé des démarches suffisantes en vue d’assurer son refoulement vers son pays d’origine dans les meilleurs délais, tout en insistant sur le fait que l’exécution matérielle de la décision dépendrait de la délivrance d’un laissez-passer par les autorités du Monténégro et que les autorités luxembourgeoises n’auraient pas démontré qu’elles disposeraient d’un tel laissez-passer alors que la délivrance d’un tel document pourrait prendre plusieurs mois, de sorte que la prévisibilité minimale du refoulement du demandeur ferait défaut en l’espèce.

Ensuite, le demandeur conclut au caractère inapproprié du lieu de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, au motif qu’il subirait en violation de l’article 15 de la loi précitée du 28 mars 1972 un régime de détention étant donné qu’il serait détenu plus de 16 heures sur 24 dans sa cellule ce qui serait contraire à la notion même de rétention. Il expose que dans le cadre des activités sportives il serait en contact avec les détenus et que le repas lui serait servi par des détenus de droit commun.

Le délégué du Gouvernement rétorque que contrairement aux allégations du demandeur, les autorités luxembourgeoises auraient accompli les diligences nécessaires afin d’organiser son refoulement.

En ce qui concerne le moyen tiré du caractère inapproprié du lieu de placement, le délégué du Gouvernement relève que le Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière serait, aux termes de la jurisprudence, à considérer comme établissement approprié.

L’article 15, paragraphe 2 de la loi précitée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre [compétent] à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Le tribunal vérifie si l’autorité compétente a veillé à ce que toutes les mesures appropriées soient prises afin d’assurer un éloignement dans les meilleurs délais, en vue d’éviter que la décision de placement ne doive être prorogée, étant donné que la prorogation d’une mesure de placement doit rester exceptionnelle et ne peut être décidée que lorsque des circonstances particulièrement graves ou autrement justifiées la rendent nécessaire (cf. trib. adm. 6 novembre 2002, n° 15509 du rôle, confirmé par Cour adm. 21 novembre 2002, n° 15593C du rôle, Pas.

adm. 2006 V° Etrangers, n° 404 et autres références y citées), étant relevé qu’une mesure de rétention est indissociable de l’attente de l’exécution de l’éloignement d’un étranger non autorisé à séjourner légalement sur le territoire luxembourgeois, de sorte qu’il incombe à l’autorité administrative de faire état et de documenter les démarches qu’elle estime requises et qu’elle est en train d’exécuter, afin de mettre le tribunal en mesure d’apprécier si un éloignement valable est possible et est en voie d’organisation, d’une part, et que les autorités luxembourgeoises entreprennent des démarches suffisantes en vue d’un éloignement ou transfert rapide du demandeur, c’est-à-dire de façon à écourter au maximum sa privation de liberté, d’autre part.

Il résulte des pièces du dossier que, suite à la demande de reprise du 26 juin 2007 adressée par les autorités luxembourgeoises aux autorités du Monténégro, celles-ci ont fait parvenir le 12 juillet 2007 un accord écrit de reprise de Monsieur …. Le délégué du Gouvernement précise que le laisser-passez devrait parvenir incessamment. A l’audience à laquelle l’affaire a été plaidée, le délégué du Gouvernement a versé une copie du laissez-passer valable du 24 juillet 2007 au 24 août 2007 transmis aux autorités luxembourgeoises. En date du 1er août 2007, les autorités luxembourgeoises ont demandé au service de police judiciaire d’organiser le transfert de Monsieur … vers Podgorica.

Au vu des diligences ainsi déployées, des démarches suffisantes ont été entreprises en vue d’un transfert rapide du demandeur vers son pays d’origine, de sorte que le moyen mettant en cause l’absence de nécessité absolue est à rejeter pour être non fondé.

En ce qui concerne ensuite le moyen soulevé ayant trait au caractère inapproprié du lieu de placement ainsi retenu par le ministre, force est au tribunal de constater que les conditions de rétention résultent en leurs grandes lignes du régime spécifique tel qu’instauré par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, règlement qui renvoie en son article 5 directement pour toutes les questions qu’il ne règle pas lui-même au règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Or, l’autorité chargée de l’application de ces règlements grand-ducaux n’est pas le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, mais conformément à l’article 18 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 le ministre de la Justice, dont dépend l’administration des établissements pénitentiaires, ainsi qu’en application de l’article 19 du même règlement grand-ducal le procureur général d’Etat, chargé de la direction générale et de la surveillance des établissements pénitentiaires.

En ce qui concerne les modalités pratiques de la rétention, telles que par exemple la question litigieuse du placement pendant plus de 16 heures sur 24 dans une cellule fermée et le contact avec des détenus, force est de constater que ces modalités, en ce qu’elles concernent la gestion journalière du centre de rétention intégré au centre pénitentiaire, relèvent conformément à l’article 68 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 des compétences du directeur de l’établissement qui, aux termes de cet article, assure, sous l’autorité du procureur général d’Etat, la direction et l’administration de l’établissement et qui est responsable du bon fonctionnement de l’établissement en question.

Force est par ailleurs de constater que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 instaure une voie de recours spécifique auprès du procureur général d’Etat au profit des détenus et, en application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, également au profit des retenus, qui s’estiment lésés par une décision du directeur1.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief mis en avant par le demandeur, qui s’analyse en un grief relatif aux modalités concrètes et matérielles de son placement, est étranger à la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration telle que déférée et au cadre légal dans lequel la décision déférée a été prise, à savoir la loi modifiée du 28 mars 1972 précitée.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

déclare le recours en annulation irrecevable ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er août 2007 par :

M. Spielmann, juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Legille, greffier s. Legille s. Spielmann 1 Cf. TA 13 juin 2007, n° 23011 du rôle et TA 18 juillet 2007, n° 23199 du rôle.


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23270
Date de la décision : 01/08/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-08-01;23270 ?

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