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25/07/2007 | LUXEMBOURG | N°23207

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 25 juillet 2007, 23207


Numéro 23207 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2007 Audience publique du 25 juillet 2007 Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23207 du rôle et déposée le 16 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Valérie DEMEURE, avocat

à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …,...

Numéro 23207 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 16 juillet 2007 Audience publique du 25 juillet 2007 Recours formé par Monsieur … contre un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 23207 du rôle et déposée le 16 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Valérie DEMEURE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, …, né le … (Haïti), de nationalité haïtienne, actuellement placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, tendant à la réformation d’un arrêté du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 6 juillet 2007 prorogeant son placement audit Centre de séjour provisoire pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 19 juillet 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment l’arrêté entrepris ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître et Monsieur le délégué du gouvernement en leurs plaidoiries respectives.

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Une demande d’asile présentée le 1er avril 2005 par Monsieur …, préqualifié, auprès du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration fut rejetée par une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », du 16 septembre 2005, confirmée sur recours gracieux par une décision du 7 décembre 2005. Le recours contentieux formé par Monsieur … contre ces décisions de rejet fut définitivement rejeté par un arrêt de la Cour administrative du 3 octobre 2006.

Des demandes formulées par le mandataire de Monsieur … en obtention d’une autorisation de séjour voire d’une tolérance en faveur de ce dernier furent rejetées par deux décisions ministérielles des 26 et 28 février 2007.

En date du 14 mars 2007, le ministre s’adressa à l’ambassade de la République d’Haïti pour solliciter la délivrance d’un laissez-passer pour Monsieur … en vue de son rapatriement. Suite à l’envoi par le ministre de documents complémentaires par courrier du 27 mars 2007, l’ambassadeur de la République d’Haïti informa le ministre par courrier du 3 avril 2007 de ce que « le laissez-passer en question lié au rapatriement du ressortissant haïtien, Monsieur …, est finalisé », mais que « pour des raisons d’ordre procédural, sa présence se révèle indispensable au Service Consulaire de l’Ambassade … pour la signature de ce document de voyage ».

En date du 12 avril 2007, le ministre prit le même jour à son encontre un arrêté de refus d’entrée et de séjour fondé sur les motifs tirés du défaut de moyens d’existence personnels légalement acquis dans son chef, de son séjour irrégulier au pays et de sa susceptibilité de compromettre la sécurité et l’ordre publics.

Le même jour, le ministre prit à l’égard de Monsieur … un arrêté prononçant une mesure de placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification dudit arrêté qui fut motivé par les considérations suivantes :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 12 avril 2007 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;

- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;

- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;

- que l’éloignement immédiat de l’intéressé n'est pas possible ;

Considérant qu’un accord de réadmission a été donné par les autorités haïtiennes ;

Considérant qu’un laissez-passer sera demandé dans les meilleurs délais auprès des autorités haïtiennes ;

- qu’en attendant l’émission de ce document de voyage, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Cet arrêté ministériel fut notifié à Monsieur … le 6 juin 2007 à 20.00 heures et mis en exécution à partir du même moment.

Suite à un courrier du ministre du 11 juin 2007 quant à la présentation de Monsieur … à l’ambassade de la République d’Haïti pour son audition et la signature du laissez-passer, l’ambassadeur proposa le 29 juin 2007, date à laquelle Monsieur … fut effectivement présenté à l’ambassade. A la suite de l’audition de ce dernier, le consul confirma la nationalité haïtienne de Monsieur … et souhaita lui laisser encore un délai de réflexion supplémentaire afin de retourner volontairement dans son pays d’origine avant l’émission d’un laissez-passer.

Par arrêté du 6 juillet 2007, le ministre prorogea la mesure de placement de Monsieur … au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification aux motifs suivants :

« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière;

Vu mon arrêté pris en date du 12 avril 2007, notifié le 6 juin 2007 décidant du placement temporaire de l'intéressé;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités haïtiennes;

- qu’en attendant l’émission de ce document, l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible;

Considérant qu'il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ; (…) ».

Cet arrêté fut notifié le 6 juillet 2007 à Monsieur … qui déclara à cette occasion qu’il ne consentirait en aucun cas à son rapatriement.

Suite à l’information, suivant courrier du 9 juillet 2007, par le ministre à l’adresse de l’ambassade de la République d’Haïti que Monsieur … ne consent pas à un retour volontaire, ladite ambassade adressa, par courrier du 13 juillet 2007, le laissez-passer au nom de Monsieur … en vue de son rapatriement escorté.

Par transmis du 17 juillet 2007, le ministre chargea le service de police judiciaire d’organiser le rapatriement de Monsieur ….

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 juillet 2007, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la décision de prorogation prévisée du 6 juillet 2007.

Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.

l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre l’arrêté litigieux.

Si c’est à bon droit que le délégué du gouvernement critique le défaut du dépôt d’une quelconque pièce, dont l’arrêté ministériel déféré, à l’appui du recours et le caractère « vague et flou » des moyens, il y a lieu de constater que le demandeur a fait verser en cause le 19 juillet l’arrêté entrepris du 6 juillet 2007 et que les moyens formulés dans la requête introductive sont certes concis mais néanmoins suffisamment précis pour suffire aux exigences de l’article 2 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Par voie de conséquence, la recevabilité du recours sous analyse ne s’en trouve pas affectée.

Il s’ensuit que le recours est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir qu’il serait « parfaitement intégré à la vie luxembourgeoise » et qu’il serait inscrit comme étudiant en informatique à l’université de Luxembourg.

Si l’intégration d’une personne et les études par elle envisagées peuvent, le cas échéant, constituer des éléments d’appréciation dans le cadre d’une décision sur une autorisation de séjour, ces circonstances sont cependant entièrement étrangères aux conditions légales pour prononcer une mesure de rétention et ne sauraient partant pas affecter la validité d’une telle mesure. Ce moyen du demandeur est partant à rejeter.

Le demandeur conteste ensuite l’existence d’un risque de fuite dans son chef au motif qu’il « ne dispose pas de moyens financiers suffisants pour fuir ».

Force est de constater à cet égard qu’il n’est pas contesté que le demandeur était en situation irrégulière au regard de la loi prévisée du 28 mars 1972 et qu’il a subi une mesure de rétention administrative sur base de l’article 15 de ladite loi en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait et rentre directement dans les prévisions de la définition des « retenus » telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-

delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fût-il minime, justifiant en principe leur rétention dans un centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise. Ce moyen du demandeur est partant à rejeter.

Le demandeur affirme encore qu’il ne constituerait pas une menace pour la sécurité et l’ordre publics, de manière qu’aucune nécessité absolue pour la prorogation de son placement ne serait vérifiée dans son cas.

Ce moyen laisse cependant également d’être fondé, étant donné que la dangerosité dans le chef de la personne faisant l’objet d’une décision de placement n’est pas exigée par l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée.

Par ailleurs, l’article 15, paragraphe 2 de la loi prévisée du 28 mars 1972 dispose que « la décision de placement (…) peut, en cas de nécessité absolue, être reconduite par le ministre [compétent] à deux reprises, chaque fois pour la durée d’un mois ».

Or, il résulte de l’exposé des faits ci-dessus que les démarches en vue du rapatriement du demandeur ont été entamées dès après son placement, qu’elles ont été continuées de manière diligente, le rallongement de la procédure s’expliquant essentiellement par l’exigence procédurale de l’ambassade de la République d’Haïti d’une audition du demandeur et par le refus de celui-ci de consentir à un retour volontaire, qu’un laissez-passer a été délivré entretemps et que le service de police judiciaire a été saisi de l’organisation du rapatriement. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la nécessité absolue d’une prorogation de la mesure de placement du demandeur se trouve vérifiée.

Il découle des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 juillet 2007 par:

M. RAVARANI, président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme THOMÉ, juge, en présence de M. SCHMIT, greffier en chef.

s. SCHMIT S. RAVARANI 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23207
Date de la décision : 25/07/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-07-25;23207 ?

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