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18/07/2007 | LUXEMBOURG | N°23199

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 juillet 2007, 23199


Tribunal administratif Numéro 23199 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2007 Audience publique du 18 juillet 2007 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 13 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 23199 du rôle, par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au t

ableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité...

Tribunal administratif Numéro 23199 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 juillet 2007 Audience publique du 18 juillet 2007 Recours formé par Monsieur …, Schrassig contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative

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JUGEMENT

Vu la requête déposée le 13 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif, inscrite sous le numéro 23199 du rôle, par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l'Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité guinéenne, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation d'une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 juin 2007 ordonnant la prorogation de son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une nouvelle durée d’un mois à partir de la notification de cette décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Caroline LECUIT, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame la déléguée du gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l'audience publique du 18 juillet 2007.

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Le 7 mars 2005, Monsieur …, de nationalité guinéenne, présenta une demande en reconnaissance du statut de réfugié qui fut définitivement rejetée par arrêt de la Cour administrative du 17 août 2005.

Se basant sur ses antécédents judiciaires, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration prit en date du 9 mars 2006 un arrêté de refus d’entrée et de séjour à son encontre.

Le 1er juin 2007, le même ministre ordonna son placement au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig pour une durée maximale d’un mois et par arrêté ministériel du 29 juin 2007, la rétention de Monsieur … fut prorogée pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision sur base des motifs et considérations suivants :

« Vu l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l’entrée et le séjour des étrangers ;

Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;

Vu mon arrêté pris en date du 1er juin 2007 décidant du placement temporaire de l’intéressé ;

Vu mon arrêté de refus d'entrée et de séjour du 9 mars 2006;

Considérant que l'intéressé est démuni de toute pièce d'identité et de voyage valable;

- qu'il ne dispose pas de moyens d'existence personnels légalement acquis;

- qu'il se trouve en séjour irrégulier au pays;

Considérant qu’un laissez-passer a été demandé auprès des autorités guinéennes à plusieurs reprises ;

- qu’en attendant l'émission de ce document de voyage, l'éloignement immédiat de l'intéressé n'est pas possible;

Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l’intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement ».

Par requête déposée le 13 juillet 2007 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l'encontre de la décision de prorogation de la mesure de rétention du 29 juin 2007.

Etant donné que l'article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l'entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3. l'emploi de la main-d'œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre les décisions de placement ainsi que contre les décisions de prorogation des mesures de placement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit contre la décision litigieuse.

Ledit recours ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Le demandeur, après avoir exposé être placé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig "au sein du Centre pénitentiaire de Luxembourg" et après avoir affirmé que le régime auquel il y serait soumis serait "similaire voire identique" à celui des détenus normaux et qu’il ne serait autorisé qu’à téléphoner qu’une seule fois par semaine, conclut encore à ce que "la privation de liberté par l'incarcération dans un centre pénitentiaire doit constituer une mesure d'exception à appliquer seulement en cas d'absolue nécessité" et qu'il faudrait éviter une telle mesure dans tous les cas où la personne visée par une mesure de placement ne constituerait pas un danger pour la sécurité, la tranquillité ou l’ordre publics.

Il reproche dès lors au ministre de ne pas avoir motivé sa décision par un quelconque risque à l’ordre public dans son chef et estime que la simple référence à un risque de fuite ne saurait à elle seule justifier la mesure de rétention.

Il est en l’espèce cependant constant que le demandeur est placé non pas dans un établissement pénitentiaire, mais au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière. Or, force est de constater que le centre en question est a priori à considérer comme un établissement approprié au sens de la loi précitée de 1972.

Pour le surplus, il échet de retenir que le demandeur, hormis l’affirmation vague et non circonstanciée qu’il serait soumis à un régime « similaire voire identique » de celui des détenus de droit commun, n’a fait état d’aucun élément personnel duquel il ressortirait que les limites apportées à sa liberté de circulation seraient disproportionnées par rapport à l’objectif d’une mesure de placement, si ce n’est d’affirmer n’avoir accès au téléphone qu’une seule fois par semaine.

Il convient de rappeler que si le juge du fond peut se livrer à un examen du bien-fondé d'une décision sous le double aspect de sa légalité et de son opportunité, avec pouvoir d'y substituer sa propre décision, il ne saurait cependant dépasser son rôle de juge qui consiste à statuer par rapport à une espèce donnée. Il ne saurait, en particulier, étendre son contrôle de l'opportunité de manière à empiéter sur le terrain des choix de politique générale, en imposant à une matière des orientations qui dépassent le cadre d'une décision limitée à une espèce donnée (trib. adm 12 juillet 2000, n° 11322, Pas. adm. 2006, V° Recours en réformation, n° 18).

En application de ce principe, le tribunal constate être saisi, d’une part, d’une décision émanant du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ayant pour seul contenu décisionnel la prorogation du placement du demandeur au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et, d’autre part, de griefs concernant non pas le principe même du placement de l’intéressé audit Centre, mais les modalités concrètes du régime de rétention telles qu’appliquées au demandeur.

Force est au tribunal de constater que les conditions de rétention résultent en leurs grandes lignes du régime spécifique tel qu’instauré par le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière, règlement qui renvoie en son article 5 directement pour toutes les questions qu’il ne règle pas lui-même au règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne des établissements pénitentiaires.

Or l’autorité chargée de l’application de ces règlements grand-ducaux n’est pas le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, mais conformément à l’article 18 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 le ministre de la Justice, dont dépend l’administration des établissements pénitentiaires, ainsi qu’en application de l’article 19 du même règlement grand-

ducal le procureur général d’Etat, chargé de la direction générale et de la surveillance des établissements pénitentiaires.

En ce qui concerne les modalités pratiques de la rétention, telles que par exemple la question litigieuse de l’accès concret au téléphone, force est de constater que ces modalités, en ce qu’elles concernent la gestion journalière du centre de rétention intégré au centre pénitentiaire, relèvent conformément à l’article 68 du prédit règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 des compétences du directeur de l’établissement qui, aux termes de cet article, assure, sous l’autorité du procureur général d’Etat, la direction et l’administration de l’établissement et qui est responsable du bon fonctionnement de l’établissement en question.

Il y par ailleurs lieu de constater que le règlement grand-ducal modifié du 24 mars 1989 instaure une voie de recours spécifique auprès du procureur général d’Etat au profit des détenus et, en application de l’article 5 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002, également au profit des retenus, qui s’estiment lésés par une décision du directeur.

Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le grief mis en avant par le demandeur, qui s’analyse en un grief relatif aux modalités concrètes et matérielles de son placement, est étranger à la décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration telle que déférée et au cadre légal dans lequel la décision déférée a été prise, à savoir la loi modifiée du 28 mars 1972, précitée, de sorte que le moyen tiré du caractère inadapté du Centre de séjour pour étrangers en situation irrégulière est à rejeter comme étant non fondé.

Monsieur … reproche encore à la décision ministérielle de ne pas être suffisamment motivée, le ministre s’étant limité à énoncer dans l’arrêté critiqué qu’il serait susceptible de se soustraire à la mesure d’éloignement dans l'attente de l'établissement d'un document de voyage par les autorités guinéennes et qu’il existerait de ce fait un danger de fuite, sans préciser les raisons concrètes susceptibles de justifier en l'espèce sa décision.

Le reproche en question n'est pas fondé. Il se dégage en effet du libellé ci-avant transcrit de l’arrêté ministériel du 29 juin 2007 que ce dernier est motivé à suffisance tant en droit qu’en fait, notamment par les démarches administratives entreprises auprès des autorités guinéennes ainsi que par le fait de devoir attendre la délivrance d'un laissez-passer par les autorités du pays d'origine du demandeur, de sorte que celui-ci n’a pas pu se méprendre sur la nature et la portée de l’arrêté et a pu assurer en parfaite connaissance de cause la sauvegarde de ses intérêts légitimes.

Le demandeur soutient ensuite qu’il aurait appartenu au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration de justifier les circonstances de fait qui rendraient impossible son éloignement immédiat.

Or, il ressort du dossier administratif versé en cause que le ministre a contacté, le 6 juin 2007, l'ambassade de Guinée à Bruxelles en vue de faire établir la nationalité guinéenne de Monsieur …, qu'il a chargé, le 18 juin 2007, le consul général de la République de Guinée à Luxembourg de rendre visite à celui-ci, tout ceci en vue de la délivrance d'un laissez-passer au profit de Monsieur …, de sorte que le demandeur ne saurait se plaindre de l’absence de démarches en vue de son rapatriement, les autorités luxembourgeoises ne pouvant se voir reprocher en l’état actuel du dossier un manque de diligences en vue de l’éloignement du demandeur.

Dans ce contexte, il y a lieu de constater que du fait de l’absence de toute coopération du demandeur, celui-ci ayant tergiversé sur sa nationalité réelle, ayant déclaré pendant une certaine période être de nationalité sierra-léonaise, situation imposant aux autorités luxembourgeoises des démarches impliquant certains délais afin d’établir avec certitude ses nationalité et identité, de sorte qu’il est à présent malvenu à se plaindre des longueurs des procédures actuellement entamées par le ministre afin d’obtenir les documents requis pour son rapatriement.

Il y a lieu d'ajouter que les antécédents judiciaires de Monsieur …, qui a été poursuivi et condamné du fait d'une infraction contre la législation relative aux stupéfiants, ont raisonnablement pu faire craindre au ministre qu'il ne tente de se soustraire à la mesure d'éloignement.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours sous analyse n’est justifié en aucun de ses moyens et est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, chambre de vacation, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 juillet 2007 par :

M. Ravarani, président, M. Schroeder, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Ravarani Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 18.7.2007 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5


Synthèse
Formation : Chambre de vacation
Numéro d'arrêt : 23199
Date de la décision : 18/07/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-07-18;23199 ?

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