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02/07/2007 | LUXEMBOURG | N°22041

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 juillet 2007, 22041


Tribunal administratif Numéro 22041 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2006 Audience publique du 2 juillet 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 22041 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2006 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeuran

t à L-…, tendant à la réformation d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires...

Tribunal administratif Numéro 22041 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 19 octobre 2006 Audience publique du 2 juillet 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête, inscrite sous le numéro 22041 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 19 octobre 2006 par Maître Nicolas DECKER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 11 juillet 2006 prononçant à son égard la sanction disciplinaire de la révocation « et confirmée par l’arrêté ministériel subséquent du 25 juillet 2006 prononçant sa révocation avec effet immédiat » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé le 12 janvier 2007 au greffe du tribunal administratif ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 9 février 2007 au greffe du tribunal administratif pour compte du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision du Conseil de discipline entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport ainsi que Maître Nicolas DECKER et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Par courrier du 22 juillet 2004, le ministre du Travail et de l’Emploi, ci-après désigné par « le ministre », saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après désigné par le « commissaire du gouvernement », aux fins de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur …, … affecté au service Placement de l’administration de l’Emploi, ci-après dénommée l’« Adem », Monsieur … ayant été informé de l’ouverture de cette instruction par courrier du commissaire du gouvernement du 27 juillet 2004.

Par courriers des 11 août 2004, 27 janvier et 22 septembre 2005, le ministre saisit le commissaire du gouvernement de nouveaux faits à charge de Monsieur ….

Le 15 novembre 2005, le commissaire du gouvernement clôtura l’instruction disciplinaire et décida de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désigné par le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe 5 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après désignée par le « statut général ».

A son audience publique du 11 juillet 2006, le Conseil de discipline, statuant à l’unanimité de ses membres, prononça à l’encontre de Monsieur … la sanction disciplinaire de la révocation, au terme de la motivation suivante :

« Vu le dossier disciplinaire constitué à charge d'… par le commissaire du Gouvernement chargé de l'instruction disciplinaire, ci-après le commissaire du Gouvernement, régulièrement saisi en application de l'article 56.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, ci-après le statut, les 22 juillet 2004, 11 août 2004 et 27 avril 2005 par le Ministre du Travail et de l'Emploi d'une instruction disciplinaire à charge du fonctionnaire … et transmis pour attribution au Conseil de discipline par lettre du 5 décembre 2005.

Vu le rapport d'instruction dressé en date du 11 novembre 2005.

Bien que régulièrement convoqué par lettre recommandée du 23 mai 2006, … ne s'est pas présenté à l'audience publique du Conseil du mardi, 27 juin 2006, à laquelle le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER fut entendu en ses conclusions.

L'article 68, alinéa 2, du statut prévoit que la procédure disciplinaire suit son cours, même en l'absence du fonctionnaire inculpé.

Il y a lieu dès lors de procéder en l'absence d'….

Le Conseil est régulièrement saisi de l'affaire par lettre du commissaire du Gouvernement du 5 décembre 2005, conformément aux dispositions de l'article 56, paragraphe 5, du statut.

Il résulte du dossier disciplinaire, librement discuté devant le Conseil, qu'…, … affect é au servi ce Placement de l'Administration de l'Emploi, qui n'est actuellement pas suspendu de ses fonctions, s'est absenté à de multiples reprises sans autorisation de son poste de travail en violation de l'article 12 du statut. Entendu en date du 13 octobre 2005 par le commissaire du Gouvernement, … n'a d'ailleurs contesté aucun des faits décrits au rapport d'instruction du 11 novembre 2005.

… était ainsi absent, sans avertir son employeur et sans lui présenter de justification, fût-ce a posteriori, entre la fin du mois d'avril 2004 et le 24 mai 2004, entre le 9 juillet 2004 et le 15 juillet 2004, entre le 6 janvier 2005 et le 13 janvier 2005, entre le 17 janvier 2005 et le 4 août 2005 ainsi qu'entre le 21 août 2005 et le 11 novembre 2005.

Ses périodes d'absence du 24 mai 2004 au 1er juin 2004, du 1er juin 2004 au 8 juin 2004, du 8 juin 2004 au 29 juin 2004, du 29 juin 2004 au 5 juillet 2004, du 6 juillet 2004 au 9 juillet 2004, du 6 décembre 2004 au 5 janvier 2005, étaient certes couvertes par des certificats médicaux, mais compte tenu de ce que ces certificats n'ont soit pas été établis conformément aux prescriptions énoncées aux articles 17 et 18 du règlement grand -

ducal du 22 août 1985 fixant les congés des fonctionnaires et employés d'Etat, soit pas été remis à l'employeur dans les délais prévus à l'article 22 dudit règlement, elles constituent des absences non autorisées au sens de l'article 12 du statut.

2La demande d'… pour se voir accorder un congé du 13 janvier 2005 jusqu'au 17 janvier 2005 ayant été rejetée, son absence du service pendant cette période constitue également une absence non autorisée au sens de l'article 12 du statut. Il en est de même de la période du 4 août 2005 au 20 août 2005 où il a omis d'informer d'urgence son supérieur hiérarchique de son empêchement d'exercer ses fonctions par suite de maladie et n'a demandé un congé pour raisons de santé qu'en date du 12 août 2005.

… a enfin transgressé les prescriptions énoncées à l'article 6 du règlement grand-

ducal du 13 avril 1984 portant fixation de la durée normale de travail et des modalités de l'horaire mobile dans les services de l'Etat, en accumulant à la fin du mois de décembre 2004 un solde négatif de 174.06 heures de travail.

Aux termes de l'article 53 du statut, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé.

Les manquements retenus à charge d'… s'étalent sur une période de près de deux ans et sont d'une gravité extrême compte tenu de ce que le fonctionnaire inculpé ne s'est pas manifesté pendant des mois auprès de son employeur et a laissé celui-ci dans l'ignorance la plus complète sur ses possibilités et intentions de reprendre son travail, état de fait qui perdure par ailleurs encore à l'heure actuelle étant donné qu'… n'a pas repris contact avec ses supérieurs hiérarchiques depuis l'expiration de sa dernière période de maladie en date du 17 mai 2006 et ne s'est pas non plus présenté devant le Conseil pour s'expliquer.

Il en résulte un mépris manifeste de la part du fonctionnaire inculpé à l'égard de ses fonctions et des responsabilités en découlant, de sorte que le Conseil décide de prononcer en l'occurrence la sanction disciplinaire de la révocation (article 47, point 10, du statut). (…) » Par arrêté du 25 juillet 2006, le ministre mit à exécution avec effet immédiat la sanction disciplinaire de la révocation prononcée par le Conseil de discipline.

Par requête déposée le 19 octobre 2006 au greffe du tribunal administratif, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre de la prédite décision du Conseil de discipline du 11 juillet 2006, telle que « confirmée » par l’arrêté ministériel précité du 25 juillet 2006.

L’article 54 paragraphe 2 du statut général prévoyant un recours au fond contre les décisions du Conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, le demandeur fait exposer que toutes les absences retenues à sa charge par le Conseil de discipline seraient justifiées par des raisons de santé et il reproche ainsi au Conseil de discipline de ne pas avoir tenu compte de ses problèmes de santé lors de l’appréciation de son comportement fautif. Il précise qu’en juin 2001, il aurait été hospitalisé pour une insuffisance cardiaque qui l’obligerait à se soumettre à des contrôles réguliers et à prendre des médicaments, qu’en automne 2002, il aurait été atteint d’une pneumonie qui aurait laissé des séquelles et qu’au printemps 2004, après sa séparation de sa compagne, suite à une relation ayant duré plus de 27 ans, il aurait connu des problèmes d’alcool et de dépression, que depuis cette époque, il suivrait un traitement psychiatrique 3notamment à base d’antidépresseurs et d’anxiolytiques et qu’en juillet 2005, il aurait été hospitalisé par son médecin traitant au service psychiatrique. Il souligne que l’Adem aurait été au courant de son état de santé déficient et estime qu’il ne saurait être regardé comme un « fainéant », mais comme une personne malade à laquelle d’autres mesures que des sanctions disciplinaires devraient être appliquées. Il conclut finalement que la sanction de la révocation prononcée à son encontre par le Conseil de discipline constituerait une sanction inadéquate et injuste.

Le délégué du gouvernement, pour sa part, estime que la décision du Conseil de discipline, même si elle paraissait sévère, serait néanmoins justifiée au vu des nombreuses absences injustifiées du demandeur et de son attitude à l’égard de son administration.

Il expose que le directeur de l’Adem, dans son courrier du 16 juillet 2004 au ministre pour demander l’ouverture d’une instruction disciplinaire, aurait fait état de nombreuses absences injustifiées dans le chef du demandeur, dont notamment une absence d’environ 3 semaines laquelle n’aurait pas été couverte par un certificat médical. Ayant invoqué son état dépressif, le demandeur aurait alors été convoqué à l’Adem où, au cours de l’entrevue, il aurait été convenu d’imputer cette absence sur son congé annuel de récréation pour régulariser sa situation et le psychologue de l’Adem aurait été chargé par le directeur d’accompagner le demandeur au Centre Hospitalier de Luxembourg pour consulter un spécialiste. Porté malade par la suite, l’intéressé n’aurait repris son travail que le 16 juillet à la suite d’une injonction du directeur.

Le représentant étatique précise qu’au cours de l’année 2005, le demandeur aurait également accumulé de nombreuses absences sans certificat médical, et ce entre le 6 et le 13 janvier 2005, entre le 17 janvier 2005 et le 4 août 2005, ainsi qu’entre le 21 août 2005 et le 11 novembre 2005.

Il ajoute qu’un certain nombre d’absences du demandeur devraient être considérées comme des absences non autorisées au sens de l’article 12 du statut général dans la mesure où les certificats médicaux soumis n’auraient pas rempli les conditions des articles 17, 18 et 22 du règlement grand-ducal modifié du 22 août 1985 fixant le régime des congés des fonctionnaires et employés de l’Etat en ce que, soit ils auraient été établis rétroactivement, soit ils ne portaient pas les mentions requises, soit ils auraient été présentés hors délai. En outre, pour la période allant du mois de septembre 2004 au mois de décembre 2004, le demandeur aurait accumulé un solde négatif de 174,06 heures à l’horaire mobile.

Le délégué du gouvernement souligne que le demandeur serait en aveu de ces faits, ainsi que cela ressortirait du rapport d’instruction et d’un courrier émanant de l’intéressé dans lequel celui-ci reconnaîtrait l’exactitude des faits lui reprochés ainsi que leur gravité et qu’il essaierait de les justifier par sa rupture avec sa compagne.

Il estime par ailleurs que les faits à l’origine de l’instruction disciplinaire seraient encore aggravés par le comportement adopté par le demandeur au cours de ladite instruction.

Ainsi, celui-ci ne se serait pas présenté aux rendez-vous que lui fixait le commissaire du gouvernement qui, le 16 juin 2005, aurait même chargé les autorités de police de vérifier que le demandeur ne se trouvait pas dans un état de détresse psychologique. Or, la police de Dudelange aurait trouvé l’intéressé à son domicile en bonne santé promettant même aux agents de police de se présenter chez le commissaire du gouvernement, ce qu’il ne fit cependant pas. Ce ne serait que suite à de nouveaux faits qui lui étaient reprochés que le demandeur aurait comparu devant le commissaire du gouvernement le 13 octobre 2005. Il aurait toutefois à nouveau fait défaut devant le Conseil de discipline en date du 11 juillet 2006. Le représentant étatique conclut que ces différents défauts de comparaître devant les autorités disciplinaires sans aucune justification démontreraient dans le chef du demandeur un mépris total vis-à-vis de l’autorité hiérarchique.

Quant aux raisons d’ordre privé ou personnel invoquées par le demandeur pour expliquer son comportement irresponsable, le délégué du gouvernement fait valoir que son hospitalisation en 2001 et sa pneumonie de 2002, resteraient non seulement à l’état de simple allégation, mais qu’elles seraient également sans lien avec les faits reprochés, lesquels seraient postérieurs. Quant à la justification tirée de la rupture avec sa compagne, intervenue en automne 2003 et concrétisée en mai 2004, il soutient que cette allégation ne serait pas non plus prouvée et qu’elle serait d’ailleurs contredite par une attestation de l’agent de police du 1er juillet 2005 figurant au dossier, selon laquelle le demandeur aurait une « copine » qui habiterait chez lui.

Le délégué du gouvernement estime en outre que même à admettre qu’il y aurait eu rupture entre le demandeur et sa compagne, si cette rupture était de nature à expliquer son comportement, elle ne le justifierait pas dans la mesure où l’employeur ne devrait pas avoir à subir les problèmes personnels de ses agents.

Concernant l’unique certificat médical produit en cause par le demandeur, établi en date du 17 octobre 2005 par le Dr. M. G., le représentant étatique estime que ce certificat, tenant sur 6 lignes, ne serait pas de nature à fournir une raison valable pour les nombreux mois pendant lesquels le demandeur aurait été absent sans justification aucune ou sans être couverts par des certificats médicaux conformes à la réglementation en vigueur.

Il précise encore que le demandeur aurait été absent sans autorisation du 10 septembre 2005 au 11 novembre 2005, qu’il ne se serait pas présenté devant le Conseil de discipline en date du 27 juin 2006 et qu’il n’aurait pas fourni d’excuse ou d’explication, de sorte que le Conseil de discipline aurait été dans l’impossibilité de le questionner une nouvelle fois sur ces nombreuses absences injustifiées, de sorte que ce serait à bon droit que le Conseil de discipline a prononcé la sanction disciplinaire de la révocation.

Le délégué du gouvernement résiste au reproche formulé à l’encontre de l’Adem de ne pas avoir tenu compte des problèmes de santé du demandeur, en faisant valoir que l’Adem aurait eu un entretien avec le demandeur et lui aurait proposé l’aide du psychologue de son administration pour l’accompagner à l’hôpital afin de consulter un spécialiste, qu’elle lui aurait même offert une autre tâche au vu de ses problèmes familiaux et de santé. Or, le demandeur n’aurait pas profité de cette offre et aurait continué à laisser son employeur dans l’ignorance totale de sa situation ce qui aurait conduit à une désorganisation du service dans lequel il était affecté. Il estime finalement qu’il serait inadmissible qu’une personne, même si elle est malade, omet d’informer son employeur de la raison de son absence, alors qu’un des devoirs élémentaires d’un fonctionnaire serait de tenir son patron informé de son état de santé et de soumettre les certificats médicaux en cas d’incapacité de travail pour raisons de santé.

Dans son mémoire en réplique, le demandeur insiste sur ses problèmes de santé, lesquels seraient documentés à suffisance par des certificats médicaux et dont l’administration aurait été parfaitement au courant. Il soutient qu’en aucun cas, on ne pourrait déduire de ses absences un mépris à l’égard de ses fonctions. En effet, sa maladie, qui s’accompagnerait d’angoisses, expliquerait pourquoi, à plusieurs reprises, il ne se serait pas présenté au dernier moment devant les autorités qui le convoquaient. Il sollicite encore en ordre subsidiaire, l’institution d’une expertise médicale afin de cerner sa maladie et sa personnalité.

Concernant la rupture avec sa compagne, le demandeur affirme avoir dit la stricte vérité dans la mesure où il se serait effectivement séparé de sa compagne en 2003/2004 et que la dame qui aurait les clefs de son appartement serait sa compagne actuelle.

Enfin, le demandeur souligne qu’il serait entré au service de l’Etat en 1985 et qu’il n’aurait pas d’antécédent disciplinaire, de sorte que la sanction de la révocation prononcée à son encontre serait disproportionnée et injuste.

Concernant les griefs retenus à charge du demandeur par le Conseil de discipline, il se dégage du dossier d’instruction et plus particulièrement du rapport d’instruction du 11 novembre 2005 que le demandeur s’est absenté à de multiples reprises de son poste de travail sans avertir son supérieur hiérarchique et sans lui présenter de justification, même a posteriori, qu’il a également accumulé de nombreuses absences pour lesquelles un certificat médical a été présenté tardivement ou s’il a présenté un certificat médical, celui-ci ne remplissait pas les prescriptions du règlement grand-ducal précité du 22 août 1985 et qu’il a accumulé des soldes négatifs d’un total de 174,06 sur l’horaire mobile.

Le tribunal est de prime abord amené à constater que le demandeur ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés, mais qu’il invoque en substance le moyen tiré d’une violation du principe de proportionnalité en ce que la sanction prononcée serait disproportionnée eu égard à sa situation personnelle et à l’absence d’antécédents disciplinaires dans son chef.

D’après l’article 53, alinéa 1er du statut général, « l’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé ».

Dans le cadre d’un recours en réformation, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le demandeur en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du demandeur (cf. trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Fonction publique n° 173).

Concernant les nombreuses absences non autorisées, le demandeur argumente que ses absences seraient la conséquence directe de son état dépressif dont il souffrirait depuis sa rupture avec sa compagne après une vie commune de 27 ans.

A cet égard, il ressort d’un certificat neuro-psychiatrique du Dr. M.G. du 17 octobre 2005 que « Monsieur … a été admis en juillet 2005 au CHEM dans un état mélancolique avec idéation psychotique. Cet état dépressif perdurait depuis de nombreux mois et a provoqué chez ce patient un état de prostration et de retrait social complet. Dans cet état mélancolique, Monsieur … n’a pas produit de certificat ITT. Après une longue hospitalisation en CHEM, le patient est en voie de récupération ».

Si les nombreuses absences non autorisées du demandeur de son poste de travail sur une période de près de deux ans constituent certes un manquement à l’article 12 du statut général et une faute grave commise dans l’exercice de ses fonctions, cette gravité est cependant atténuée par le fait que le demandeur souffrait d’une dépression, état qui l’empêchait justement de respecter les prescriptions applicables en matière de congé pour raisons de santé et de déférer à chaque convocation des autorités disciplinaires. Le tribunal ne saurait partant suivre le Conseil de discipline lorsqu’il retient dans le chef du demandeur un « mépris manifeste à l’égard de ses fonctions et des responsabilités en découlant ».

S’y ajoute qu’il n’est pas contesté en cause que la carrière professionnelle du demandeur, qui est, selon le rapport d’instruction, entré au service de l’Etat le 1er avril 1985 et qui est classé au grade 8 de l’échelon 12 de la carrière de l’expéditionnaire, n’a accusé, jusqu’à la survenance des faits à la base de la décision litigieuse, aucun antécédent disciplinaire proprement dit et que la partie défenderesse ne fait pas non plus état d’autres reproches susceptibles, le cas échéant, de ternir l’image du demandeur au cours de sa vie professionnelle antérieurement aux faits litigieux.

Or, si ce constat n’est certes pas de nature à amoindrir la gravité des faits à la base d’une action disciplinaire, ils constituent néanmoins un des éléments déterminants à prendre en considération pour apprécier le comportement global du fonctionnaire en vue de la détermination de la sanction disciplinaire à retenir parmi l’échelle afférente prévue à la loi à travers les dispositions de l’article 58 du statut général et allant du simple avertissement à la révocation (cf. trib. adm. 3 juin 2002, n° 14153 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Fonction publique, n° 175).

Comme aucune procédure disciplinaire formelle n’a été intentée antérieurement contre le demandeur, et comme il ne semble pas avoir fait l’objet de reproches disciplinaires par le passé, et compte tenu de son grade et de son ancienneté, la sanction de la révocation, qui constitue la sanction disciplinaire la plus grave prévue par l’article 47 du statut général, notamment dans la mesure où du fait de cette mesure, le demandeur perd non seulement son emploi, mais également le droit à la pension avant l’âge de 65 ans, apparaît disproportionnée par rapport aux circonstances entourant les faits commis.

Le tribunal arrive dès lors à la conclusion que la sanction de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération, pour une période de six mois, est plus appropriée par rapport aux faits de l’espèce.

Il y a partant lieu à réformation de la décision du Conseil de discipline du 11 juillet 2006 et de prononcer, avec effet à partir de la date du 25 juillet 2006, l’exclusion temporaire du demandeur de ses fonctions avec privation totale de la rémunération, pour une période de six mois.

Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et de les imposer à raison de deux tiers au demandeur et d’un tiers à l’Etat.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare partiellement justifié ;

partant, par réformation de la décision déférée du Conseil de discipline du 11 juillet 2006, prononce à l’encontre de Monsieur … la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération, pour une période de six mois, à partir du 25 juillet 2006 ;

renvoie le dossier au ministre du Travail et de l’Emploi en prosécution de cause ;

fait masse des frais et les impose à raison de deux tiers au demandeur et d’un tiers à l’Etat.

Ainsi jugé par:

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 2 juillet 2007 par le premier vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22041
Date de la décision : 02/07/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-07-02;22041 ?

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