GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 22809C Inscrit le 16 avril 2007
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AUDIENCE PUBLIQUE DU 21 JUIN 2007 Recours formé par M. XXX XXX, XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale Appel (jugement entrepris du 14 mars 2007, no 22310 du rôle)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 16 avril 2007 par Maître Katia AÏDARA, avocat à la Cour, au nom de M. XXX XXX, né le 24 mars 1978 à XXX (Nigeria), de nationalité nigériane, demeurant actuellement à L-XXX, contre un jugement rendu en matière de protection internationale par le tribunal administratif le 14 mars 2007, à la requête de l’actuel appelant tendant à la réformation sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 novembre 2006 rejetant sa demande en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondée et lui refusant le bénéfice d’une mesure de protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 avril 2007 par M.
le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le conseiller rapporteur entendu en son rapport et Maître Katia AÏDARA, ainsi que Mme le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives.
Par jugement rendu le 14 mars 2007, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a débouté M. XXX XXX de son recours tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 novembre 2006 rejetant sa demande en obtention d’une protection internationale comme n’étant pas fondée et lui refusant le bénéfice d’une mesure de protection subsidiaire telles que prévues par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, le recours en annulation dirigé contre la même décision ayant été déclaré irrecevable.
Maître Katia AÏDARA a déposé le 16 avril 2007 une requête d’appel en nom et pour compte de M. XXX.
L’appelant reproche en substance aux premiers juges d’avoir fait une mauvaise appréciation des motifs de persécution par lui invoqués à l’appui de sa demande.
Sur ce, il conclut à la réformation du jugement entrepris en ce sens que la décision ministérielle litigieuse de refus de lui accorder une protection internationale serait à réformer sinon à annuler, le tout avec renvoi du dossier en prosécution de cause devant le ministre compétent.
L’Etat a pris position dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 24 avril 2007. Dans son mémoire, le délégué du gouvernement demande la confirmation du jugement entrepris pour les motifs y contenus et par référence à son mémoire de première instance. Il précise que les pièces nouvelles produites par l’appelant ne feraient que documenter la situation générale régnant au Nigeria, mais qu’il ne s’en dégagerait pas que l’appelant serait personnellement exposé à des actes de persécution en cas de retour dans son pays d’origine.
Lors des plaidoiries à l’audience du 14 juin 2007, la Cour, après avoir relevé que la décision ministérielle litigieuse du 20 novembre 2006 a été rendue dans le cadre légal tracé par la loi précitée du 5 mai 2006, a invité les parties à prendre position par rapport à la question de savoir si l’appel, tel que formulé, est recevable dès lors que l’article 19 (4) de la susdite loi de 2006 délimite le pouvoir de la Cour administrative face à un appel contre un jugement du tribunal administratif rendu en la matière à celui d’un juge de l’annulation.
Le mandataire de l’appelant et le délégué du gouvernement se sont rapportés à la sagesse de la Cour y relativement.
En général, aux termes de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif « le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements », l’article 2 (3) de ladite loi du 7 novembre 1996 précisant que « sauf dispositions contraires de la loi, appel peut être intenté devant la Cour administrative contre les décisions du tribunal administratif ».
Selon l’article 3 de la loi précitée du 7 novembre 1996 « 1) le tribunal administratif connaît en outre comme juge du fond des recours en réformation dont les lois spéciales attribuent connaissance au tribunal administratif » et « 2) sauf dispositions contraires de la loi, appel peut être interjeté devant la Cour administrative contre les décisions visées au paragraphe premier ».
En particulier, concernant la matière spécifique dont il est question en cause, l’article 19 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 dispose que « contre les décisions de refus de la demande de protection internationale, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif. Les deux recours doivent faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé (…) ».
D’après le paragraphe (4) du même article 19 « contre les décisions du tribunal administratif, appel peut être interjeté devant la Cour administrative statuant comme juge de l’annulation (…) ».
Par essence l’appel remet la chose jugée en question devant les juridictions d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Ainsi, sans préjudice de ce que l’appel peut être général ou partiel, suivant l’étendue des prétentions de la partie appelante formulées dans la requête d’appel – article 41 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives –, le contrôle à exercer par la juridiction d’appel est donc a priori le même que celui exercé par les premiers juges, sauf à l’être par une juridiction d’un degré supérieur.
Il s’agit donc, en principe, pour la juridiction d’appel de statuer à nouveau en fait et en droit à l’instar des juges de première instance.
Il appert cependant que tant en ce qui concerne les décisions de refus de la demande de protection internationale que celles portant ordre de quitter le territoire, la loi prévoit à chaque fois que sur appel interjeté contre un jugement du tribunal administratif, la Cour administrative statue comme juge de l’annulation.
La mission de juge de l’annulation ne correspondant pas à la définition classique d’un appel, état des choses devenant d’autant plus apparent en matière de refus de la demande de protection internationale, où les premiers juges ont connu d’un recours en réformation, le bout de phrase de l’article 19 (4) suivant lequel « appel peut être interjeté devant la Cour administrative statuant comme juge de l’annulation » est dès lors sujet à interprétation, afin de circonscrire la mission attribuée en la matière spécifique à la Cour administrative.
L’intention du législateur peut être dégagée du commentaire des articles (doc. parl. 5437, page 33) aux termes duquel « les paragraphes 3 et 4 maintiennent le principe de double degré de juridiction tout en apportant certains aménagements à la procédure actuelle. L’appel peut être interjeté devant la Cour administrative qui statuera comme juge de l’annulation, c’est-à-
dire elle examinera uniquement les moyens de légalité mais ne se prononcera pas sur le fond.
Le Gouvernement s’inspire notamment de la loi française qui prévoit un recours et une possibilité de cassation devant le Conseil d’Etat. Les délais de recours, ainsi que l’effet suspensif des recours sont maintenus. » Par référence à l’article 2 (1) de loi précitée du 7 novembre 1996, la juridiction administrative appelée à statuer comme juge de l’annulation connaît des moyens tirés de l’incompétence, de l’excès et détournement de pouvoir, de la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, par opposition au recours en réformation prévu par l’article 3 (1) de la même loi, suivant lequel la juridiction administrative statue comme juge du fond.
Afin de ménager à l’appel ainsi désigné par l’article 19 (4) de la loi du 5 mai 2006 précitée un caractère effectif, compte tenu de l’intention exprimée par le législateur, il convient de le considérer comme étant dirigé, en tant que recours en annulation suivant les 5 cas d’ouverture prévus par l’article 2 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 non pas à l’encontre de la décision déférée au fond, mais du jugement entrepris.
Par conséquent la mission de la Cour – dans la limite des prétentions formulées – consiste, d’une part, à contrôler la régularité externe du jugement entrepris comprenant les questions de compétence juridictionnelle, de procédure et de forme et, d’autre part, à contrôler le bien-
fondé dudit jugement comprenant, au titre essentiellement de la violation de la loi, un contrôle de l’erreur de droit avec détermination du champ d’application de la règle de droit et interprétation de cette dernière, ainsi qu’un contrôle de l’exactitude matérielle des faits pris en considération, en tenant compte de la situation de droit et de fait au jour où le jugement a été rendu, la vérification des faits matériels incluant le contrôle de la proportion entre la situation de fait telle qu’elle se présente et l’application du droit par le jugement entrepris.
En l’espèce, force est de constater que l’appel interjeté ne tend pas à l’annulation du jugement a quo, mais exclusivement à sa réformation moyennant remise en cause de l’appréciation en fait et en droit des premiers juges, d’une part, de même qu’il ne se dégage de l’acte d’appel un quelconque moyen d’annulation susceptible d’être considéré comme visant ledit jugement, d’autre part, de sorte qu’au regard des développements qui précédent, il incombe à la Cour de déclarer l’appel irrecevable.
Par ces motifs, la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
déclare l’appel du 16 avril 2007 irrecevable ;
condamne l’appelant aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Francis Delaporte, premier conseiller, Marc Feyereisen, conseiller, Henri Campill, conseiller rapporteur, et lu par le premier conseiller Francis Delaporte en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.
le greffier en chef le premier conseiller 4