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13/06/2007 | LUXEMBOURG | N°22200

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juin 2007, 22200


Tribunal administratif Numéro 22200 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 novembre 2006 Audience publique du 13 juin 2007 Recours formé par la société de personnes à responsabilité limitée … sprl, … contre une décision du directeur du service de l’Energie de l’Etat en matière de surveillance du marché des équipements électriques et de télécommunications

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22200 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2006 par Maître Claude BLESER, avocat à la Cour, inscrit au tab

leau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de personnes à responsabili...

Tribunal administratif Numéro 22200 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 novembre 2006 Audience publique du 13 juin 2007 Recours formé par la société de personnes à responsabilité limitée … sprl, … contre une décision du directeur du service de l’Energie de l’Etat en matière de surveillance du marché des équipements électriques et de télécommunications

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22200 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2006 par Maître Claude BLESER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société de personnes à responsabilité limitée … sprl, établie et ayant son siège social à B-…, (Belgique), représentée par son gérant actuellement en fonctions, inscrite au registre de commerce et des sociétés à Verviers sous le n° 72087, tendant à l’annulation sinon à la réformation d’une décision du directeur du service de l’Energie de l’Etat du 24 août 2006 informant la société XXX S.A. de ce que la vente d’un transmetteur vidéo-audio sans fil commercialisé est interdite au Grand-

Ducé de Luxembourg ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, huissier de justice, demeurant à Luxembourg, du 14 décembre 2006 portant signification de ce recours à la société anonyme XXX S.A. établie et ayant son siège social à L- … et à la société anonyme ZZZ S.A. établie et ayant son siège social à L-…;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 21 février 2007 par le délégué du Gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2007 par Maître Claude BLESER au nom de la société de personnes à responsabilité limitée … sprl ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision litigieuse ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Claude BLESER et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 juin 2007.

En décembre 2005, les magasins XXX débutèrent la vente d’un transmetteur vidéo-

audio « METRONIC 475273 Code EAN 3 420744 752732 » fabriqué par la société METRONIC SAS et distribué au Luxembourg par la société de personnes à responsabilité limitée … sprl, ci-après la société « … ».

Suite à un contrôle sur place dans un magasin XXX par le service de l’Energie de l’Etat et à la saisie d’un échantillon, la société XXX S.A., ci-après la société « XXX », se vit adresser le 24 août 2006, une décision libellée comme suit :

« Objet :

Surveillance du marché des équipements électriques et de télécommunications Retrait du marché … v. réf. :

Système de transmission sans fil vidéo « METRONIC 475273 » Code EAN 3 420744 752732 … Madame, Monsieur, Notre service, en tant qu’autorité responsable de la surveillance du marché des produits électriques et de télécommunications, a procédé à un contrôle du produit sous rubrique au terme du règlement grand-ducal modifié du 4 février 2000 portant application de la directive 1999/5/CE concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications, et la reconnaissance mutuelle de leur conformité.

Après analyse des exigences administratives et après vérification des exigences techniques auprès d’un laboratoire, nous avons dû constater que les exigences essentielles de la directive en vigueur ne sont pas respectées concernant le produit « METRONIC 475273 Code EAN 3 420744 752732 ».

Exigences administratives non remplies :

- le dossier technique n’a pas été présenté suivant Annexe II de la directive précitée.

Exigences essentielles techniques non remplies suivant Art 3.1 b) (CEM) EN 301489-3 V1.3.1 - Immunity – enclosure ports : Radio frequency electomagnetic field (EN 61000-4-3) - Immunity – AC power ports : Radio frequency common mode (ESD) (EN 61000-4-

6).

Conformément à l’article 9 du règlement précité, nous vous signalons que toute vente de ce produit est interdite au Grand-Duché de Luxembourg et que nous notifierions la présente décision à la Commission européenne et aux autres Etats membres.

Il nous semble nécessaire d’avoir un contact avec les responsables du fabricant de cet appareil pour l’informer de la situation actuelle et je vous invite à lui transmettre les informations nécessaires ainsi que le rapport d’essai.

Nous nous permettrons de surveiller le respect de ce retrait du marché. Ainsi, nous vous demandons de bien contrôler que l’équipement concerné ne figure plus dans les rayons de vente de vos magasins et que les équipements en stock soient retournés à votre fournisseur.

Les frais de contrôle et d’essais vous seront facturés conformément à l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 février 2000.

La présente décision est susceptible d’un recours devant le tribunal administratif. Le délai de recours est de trois mois à partir de la notification de la présente décision. Le recours est à former par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I des tableaux dressés par le conseil de l’Ordre des avocats.

Pour tout renseignement complémentaire, n’hésitez pas à nous contacter.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos sentiments distingués.

Le Directeur ff, Jean-Paul HOFFMANN Commissaire de Gouvernement à l’énergie Annexe(s) : rapport d’essais Phoenix TestLab E60660 Facture SEE 26750019 ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 novembre 2006, la société … fit introduire un recours en annulation sinon en réformation contre la prédite décision du 24 août 2006.

Malgré le fait que les sociétés anonymes XXX S.A. et ZZZ S.A. se sont vu signifier le recours, elles n’ont pas comparu, ne faisant déposer aucun mémoire dans le délai légal.

Conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, le tribunal est néanmoins amené à statuer à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’une décision contradictoire.

Aucun recours au fond n’étant prévu dans la présente matière, le tribunal n’est pas compétent pour analyser le recours en réformation introduit à titre principal.

Quant au recours subsidiaire en annulation, l’Etat conteste l’intérêt à agir dans le chef de la société …. Il se réfère à l’article 12 du règlement grand-ducal du 4 février 2000 concernant les équipements hertziens et les équipements terminaux de télécommunications et la reconnaissance mutuelle de leur conformité, ci-après « le règlement grand-ducal du 4 février 2000 » et soutient que les personnes directement concernées par la décision entreprise seraient le fabricant et le responsable de la mise sur le marché, pour soutenir que la société … n’aurait dès lors aucun intérêt direct à demander l’annulation de la décision. Il fait ajouter que la société … n’aurait pas non plus apposé le certificat de conformité sur le produit, de sorte qu’elle ne pourrait pas non plus se prévaloir d’un intérêt à ce titre.

La société … conteste l’argumentation tenue par la partie étatique et souligne qu’en tant que société responsable de la distribution du produit au Luxembourg, elle aurait un intérêt évident à exercer un recours à l’encontre de la décision litigieuse rendant impossible la commercialisation du produit et entraînant dans son chef et dans celui du groupe auquel elle appartient un préjudice financier important.

Toute partie intéressée peut attaquer une décision administrative devant le juge administratif. Cette qualité n'appartient pas seulement au destinataire direct de l'acte, mais encore à toutes les personnes dont les droits et même les simples intérêts peuvent être affectés par les effets de cet acte1.

Il résulte des pièces versées en cause que la société HF Company SA est la société qui détient le contrôle dans différentes filiales à travers le monde, parmi lesquelles la société de droit français Metronic SAS ainsi que la société …. Les sociétés Metronic et … sont détenues à 100 % par la société-mère HY Company SA. La société HF Company, à travers sa filiale Metronic, est le fabricant du transmetteur vidéo-audio incriminé et la société …, créée en 2000 en Belgique, distribue sur l’ensemble du territoire Benelux les différents produits du groupe. Il résulte également d’un courrier du 16 décembre 2005 de l’Institut luxembourgeois de régulation que la société … était en charge des notifications exigées dans le cadre de la législation européenne applicable en la matière. La société … verse par ailleurs des factures se rapportant à la période s’étalant du 4 novembre 2005 au 23 août 2006 renseignant que des transmetteurs audio-vidéos référencés sous le numéro 475273 visés par la décision litigieuse ont été vendus aux magasins XXX.

Il est dès lors établi que l’interdiction de vente du produit incriminé sur le marché luxembourgeois a un impact direct sur le chiffre d’affaires de la société …, de sorte que celle-

ci a en principe un intérêt à introduire un recours à l’encontre de la décision litigieuse.

Les considérations de la partie étatique relatives à l’article 12 du règlement grand-

ducal du 4 février 2000 ne sont pas de nature à énerver cette conclusion, étant donné que l’article 12 ayant trait au « marquage « CE » » n’est pas applicable en l’espèce et qu’il ne saurait pas non plus servir à déterminer, le cas échéant, les personnes concernées par la décision litigieuse et par ricochet les personnes admises à exercer un recours à l’encontre de celle-ci.

L’Etat fait encore valoir qu’étant donné que le produit litigieux aurait été marqué comme « utilisable en France et en Belgique » et que sur l’emballage figurait la mention « uniquement utilisable en France, Belgique et Italie », il serait évident que le produit n’aurait pas été destiné à la vente au Luxembourg, de sorte qu’en procédant comme elle l’a fait, la société … ne saurait se prévaloir d’un intérêt légitime, pourtant requis pour agir en justice.

Etant donné que l’intérêt à agir se mesure aux prétentions du demandeur, abstraction faite de leur caractère justifié au fond, force est de retenir que la considération avancée par le représentant étatique est à analyser dans le cadre de l’examen du fond de l’affaire, mais ne saurait conduire à la conclusion que la société requérante n’aurait d’emblée aucun intérêt à agir.

Au vu des considérations qui précèdent, il y a donc lieu de retenir que le recours en annulation est recevable pour avoir été introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi.

1 Cf. TA 26 janvier 1998, n° du rôle 10190, Pas. adm. 2006, V° Procédure administrative, Intérêt à agir, n° 3, p.657.

La société … invoque en premier lieu, en se référant aux textes applicables en la matière, le moyen de l’incompétence de l’auteur ayant pris la décision litigieuse, ce moyen ayant trait à la régularité externe de l’acte soumis au tribunal.

La partie étatique ne prend pas position face à ce moyen d’incompétence soulevé.

Aux termes de l’article 9 du règlement grand-ducal du 4 février 2000 : « Lorsque le ministre ayant dans ses attributions le Service de l’Energie de l’Etat constate qu’un appareil relevant du champ d’application du présent règlement n’est pas conforme aux exigences de celui-ci, il prend toutes les mesures utiles pour retirer l’appareil du marché ou du service, en interdire la mise sur le marché ou la mise en service ou en restreindre la liberté de circulation ».

Etant donné qu’il résulte explicitement du texte de loi prérelaté qu’il appartient au ministre ayant dans ses attributions le Service de l’Energie de l’Etat de prendre les mesures nécessaires, il y a lieu de retenir que le pouvoir décisionnel en la matière revient au seul ministre.

Il s’en suit que le directeur du Service de l’Energie de l’Etat ayant pris en l’espèce la décision litigieuse a empiété sur une compétence réservée au ministre, étant étendu que la prise de décision dans le cadre de l’article 9 du règlement du 4 février 2000 ne fait pas partie des missions du service de l’Energie de l’Etat.

C’est dès lors à bon droit que la partie demanderesse soulève l’incompétence de l’auteur ayant pris la décision litigieuse.

Au vu des considérations qui précèdent, la décision litigieuse encourt dès lors l’annulation pour incompétence de l’auteur ayant pris la décision.

L’annulation étant justifiée par cette seule considération, l’examen des autres moyens avancés devient sans objet.

En ce qui concerne la demande de la société … à voir condamner l’Etat à lui rembourser les frais qui lui auraient été mis en compte par la société ZZZ SA relatifs au rapport d’essai effectué, force est de constater que le tribunal administratif n’est pas compétent pour se prononcer sur une telle condamnation, cette condamnation relevant d’une question relative à des droits civils.

La demanderesse sollicite en outre une indemnité de procédure d’un montant de 6500 €. Les conditions légales telles qu’exigées par l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives pour obtenir une indemnité de procédure n’étant cependant pas remplies en l’espèce, la demande afférente est à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour analyser la demande de condamnation soumise au tribunal ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié ;

partant annule la décision ministérielle déférée du 24 août 2006 ;

écarte la demande en obtention d’une indemnité de procédure ;

se déclare incompétent pour analyser le recours en réformation introduit ;

condamne l’Etat aux frais ;

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juin 2007 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef s. Schmit s. Lenert 6


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22200
Date de la décision : 13/06/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-06-13;22200 ?

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