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13/06/2007 | LUXEMBOURG | N°21372,22377

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 13 juin 2007, 21372,22377


Tribunal administratif Nos 21372 et 22377 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg inscrits respectivement les 8 mai 2006 et 4 janvier 2007 Audience publique du 13 juin 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 21372 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2006 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de M

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Tribunal administratif Nos 21372 et 22377 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg inscrits respectivement les 8 mai 2006 et 4 janvier 2007 Audience publique du 13 juin 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre des décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 21372 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2006 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Togo), de nationalité togolaise et demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision implicite lui refusant l’octroi du statut de réfugié résultant du silence gardé suite à l’introduction d’une demande y relative déposée le 17 juillet 2003, demande rappelée par courriers de son mandataire les 2 septembre et 23 septembre 2005 ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 22377 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2007 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Togo), de nationalité togolaise et demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 septembre 2006 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée au sens de l’article 11 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire et lui ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 29 novembre 2006 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 mars 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2007 par Maître Ardavan FATHOLAZADEH ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Ardavan FATHOLAZADEH et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 mai 2007.

Le 17 juillet 2003, Monsieur … introduisit oralement une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

En date du même jour, Monsieur … fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité.

Il fut entendu le 30 septembre 2003 par un agent du ministère de la Justice sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le conseil de Monsieur … s’adressa par courriers des 2 et 23 septembre 2005 à l’autorité ministérielle compétente pour réclamer une décision relative à la demande d’asile introduite.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, entretemps en charge du dossier, informa Monsieur … par décision du 29 septembre 2006, lui envoyée par courrier recommandé expédié le 23 octobre 2006, de ce qu’il ne saurait bénéficier ni de la protection prévue par la Convention de Genève ni de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Les faits sont résumés de la façon suivante dans la décision ministérielle du 29 septembre 2006 :

« Il résulte de vos déclarations que vous seriez membre de la « Ligue togolaise des droits de l’homme » (LTDH) depuis 1992 ou 1993 et de la « Ligue togolaise pour la promotion et la défense des droits de l’homme ». Pour prouver ces adhésions, vous apportez une attestation de l’« Association Togolaise pour la Défense et la Promotion Des Droits Humains (ATDPDH) » émise à Lomé le 29 novembre 2003 témoignant que vous seriez militant de la ATDPDH et une carte de membre de celle-ci (pas de date d’émission). Vous auriez été porte-parole de ces deux associations à Bé. De même, vous auriez participé à l’établissement d’un rapport d’Amnesty International, publié en 1998 dénonçant les violations de droits de l’homme par le gouvernement. Vous auriez enquêté auprès d’habitants et fait des recherches concernant la découverte de cadavres dans la lagune de Bé, personnes soupçonnées d’avoir été tuées par des militaires.

De 1994 à 1996 vous auriez été membre du parti politique d’opposition CAR et auriez exercé la fonction de secrétaire de la jeunesse à Ahépé. Vous auriez également été un « membre de sécurité » du « COD II », un collectif rassemblant tous les partis politiques d’opposition.

Vous auriez été chargé avec d’autres personnes de protéger les leaders de ces différents partis politiques. En 1994, vous auriez été arrêté lors d’un contrôle d’identité à Lomé et les policiers auraient trouvé sur vous votre carte de membre du « COD II », carte que vous avez remise dans le cadre de votre demande d’asile. Vous auriez été retenu pendant 7 mois à la « Sûreté » et vous faites état de mauvais traitements. Vous auriez été libéré grâce à l’intervention de la LTDH et du CAR. A la suite de cet évènement, vous auriez décidé de quitter le CAR. Vous ajoutez que votre oncle, député élu du CAR aurait été assassiné en février 1994 lors des élections législatives.

En 1998 vous auriez adhéré à un autre parti politique d’opposition, à savoir l’UFC (« Union de Forces de Changement »). Vous présentez une carte de membre de l’UFC établie en août 2001. Vous auriez été porte-parole, trésorier de la jeunesse à Bé et coordinateur de ce quartier. Ainsi, vous auriez rassemblé les jeunes, organisé des manifestations et débats et participé à la campagne électorale des présidentielles de juin 2003. Le 22 avril 2003, lors de cette campagne vous auriez été arrêté et gardé pendant 3 jours à la gendarmerie. Vous dites avoir été arrêté à cause de vos liens avec la LTDH et on vous aurait reproché le fait d’avoir participé au rapport d’Amnesty International de 1998 cité plus haut. On vous aurait également sommé d’arrêter vos activités. Vous auriez été libéré.

Dans la nuit du 27 au 28 avril 2003 des militaires seraient venus à votre domicile et vous auriez été emmené à la gendarmerie de Lomé à cause de vos activités pour l’UFC durant la campagne électorale. On vous aurait accusé de sabotage contre le régime, d’être le pivot de l’opposition et d’avoir organisé des manifestations. Vous faites état de tortures et d’interrogatoires. Vous auriez été libéré après 4 jours de détention grâce à l’intervention de l’UFC. A votre sortie, vous dites avoir vécu dans la clandestinité et ne pas avoir dormi à la maison, mais vous auriez continué vos activités.

Le 1er juin 2003, lors des élections présidentielles vous auriez été envoyé par l’UFC comme membre du CONEL, un comité d’observation des élections créé par l’opposition non reconnu par le gouvernement. Vous auriez été observateur dans les préfectures de Zio, Wawa, Moyen Mono et Haho. Des membres de l’UFC auraient constaté des irrégularités à Tévié, préfecture de Zio et auraient appelé le vice-président du CENI, le Comité des élections créé par le gouvernement. Quelques dirigeants de l’UFC seraient venus sur place et la presse aurait été appelée. Le vote aurait été arrêté et des jeunes auraient commencé à manifester. Des troubles auraient éclaté et deux personnes auraient été tuées. Vous dites que les militaires auraient voulu vous arrêter mais que vous auriez réussi à vous échapper et que vous vous seriez caché chez un ami. Votre femme vous aurait reporté que par la suite des militaires seraient passés à votre domicile tous les jours et qu’ils y auraient laissé des convocations afin que vous vous présentiez à la gendarmerie. Vous apportez une telle convocation du 10 juin 2003 établie à Lomé par la Gendarmerie nationale, Service de recherche et d’investigations que votre femme vous aurait donnée. Votre famille aurait également été menacée. Le 14 juin 2003, puis vous dites le 30 juin 2003 des militaires seraient de nouveau passé à votre domicile et votre femme et enfants ainsi que votre frère auraient été arrêtés et emmenés dans un camp militaire. Depuis, vous ne seriez sans nouvelle de votre famille. Votre maison aurait également été saccagée.

Le 14 juillet 2003 vous auriez décidé de quitter le Togo et vous auriez été emmené à Accra/Ghana où le lendemain vous auriez pris un avion pour Zurich/Suisse… » Le 23 novembre 2006, Monsieur … fit introduire un recours gracieux à l’encontre de cette décision. Le Ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision antérieure par une décision prise le 29 novembre 2006.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mai 2006, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre de la décision implicite de refus du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 4 janvier 2007, Monsieur … a fait déposer un recours en réformation à l’encontre des deux décisions ministérielles de refus des 29 septembre et 29 novembre 2006.

Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il y a lieu de joindre les deux rôles introduits sous les numéros 21372 et 22377, dans la mesure où les faits sous-jacents aux deux décisions prises sont identiques.

La décision de refus implicite d’accorder à Monsieur … le statut de réfugié ayant entre-

temps fait l’objet d’une décision explicite de refus prise par le ministre en date du 29 septembre 2006, confirmée le 29 novembre 2006, le recours introduit le 8 mai 2006 sous le numéro 21372 du rôle contre la décision implicite de refus est devenu sans objet. Le tribunal est amené à se limiter ainsi à l’analyse du recours introduit sous le numéro 22377 refusant à Monsieur … le statut de réfugié.

Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de demandes de protection subsidiaire déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur … fait valoir que le départ de son pays d’origine aurait été notamment motivé par ses activités politiques. Il précise :

- qu’il aurait été membre actif et militant des droits de l’homme au Togo - qu’il aurait été membre actif du parti d’opposition des Unions des Forces de Changement (UCF) - qu’il aurait été membre fondateur depuis 1990 de la Ligue togolaise des droits de l’homme (LTDH) et fondateur depuis 1998 de l’association togolaise pour la défense et la promotion des droits humains et vice-président de ladite association - qu’il aurait participé dans un rapport d’Amnesty International sur le Togo intitulé « Togo pays de la terreur ».

Il affirme qu’il aurait dû fuir son pays après la dernière élection présidentielle du 1er juin 2003 du fait qu’en raison de sa qualité de délégué de l’UFC à Lomé il aurait fait l’objet de menaces réelles pour sa vie. En premier lieu Monsieur … invoque l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et demande au tribunal de prononcer l’annulation des décisions litigieuses au motif que sa demande d’asile n’aurait pas fait l’objet d’une instruction dans un délai raisonnable.

L’article 6 de la CEDH est libellé comme suit :

« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ».

Dans la mesure où la cause de Monsieur … a été entendue, dans un délai raisonnable, par un tribunal, en occurrence le tribunal administratif compétent en matière de recours dirigé à l’encontre d’une décision en matière de réfugié, le moyen tel que présenté en l’espèce manque en fait et en droit et doit dès lors être rejeté.

Pour le surplus Monsieur … reproche à l’autorité administrative une appréciation erronée des faits d’espèce et renvoie à un certain nombre de pièces déposées par ses soins devant attester de la véracité des craintes par lui éprouvées. Quant à la violation systématique des droits de l’homme au Togo il renvoie à un rapport de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH).

Le délégué du Gouvernement se réfère à la décision ministérielle en ce qu’elle a souligné des contradictions et invraisemblances dans le récit de Monsieur …, de sorte que le ministre aurait mis, à bon droit, en cause la véracité du récit du demandeur. Il ajoute que la situation au Togo se serait nettement améliorée et que les dires de Monsieur … pourraient tout au plus s’analyser en l’expression d’un sentiment général d’insécurité.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … fait de nouveau référence aux pièces versées par ses soins et s’explique sur les incohérences concernant son vol au départ d’Accra.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Même à admettre la véracité des dires de Monsieur …, l’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet la détention de 7 mois en 1994 dont Monsieur … fait état est trop éloignée dans le temps pour fonder une crainte actuelle de persécution au moment où le tribunal statue.

Ensuite en ce qui concerne l’arrestation en date du 22 avril 2003 en raison de sa participation à un rapport d’Amnesty International publié en 1998, force est de constater d’un côté qu’il peu probable, au vu du laps de temps de 5 ans s’étant écoulé entre la participation au dit rapport et l’arrestation commise, que cette arrestation soit motivée par ladite participation et d’un autre côté cette arrestation ne revêt pas un caractère de gravité suffisant pour être considéré comme acte de persécution au sens de la Convention de Genève.

En ce qui concerne les menaces dont Monsieur … relève avoir fait l’objet en tant que défenseur des droits de l’homme au Togo et en tant que membre de l’Union des Forces de Changement (UFC) en 2003, il y a lieu de constater qu’il n’établit pas de manière suffisamment précise des menaces actuelles à son encontre au moment où le tribunal statue.

En effet en ce qui concerne l’attestation du président d’Amnesty International – Togo à laquelle le demandeur se réfère, force est de constater que les pièces du demandeur renseignent deux attestations non datées du président d’Amnesty International – Togo au contenu légèrement différent. Si les deux attestations sont signées par Monsieur Guy , celui-ci rédige la première attestation en sa qualité de « secrétaire général de la section togolaise d’Amnesty International – Togo, de février 2002 à février 2004 » et la deuxième en tant que « Président » de la dite section. Les deux attestations ont un contenu identique en ce qu’ils indiquent que :

« Nous soussignés, En notre qualité de …, nous avions été contacté par le nommé ….

Nous l’avions connu depuis 2000, lorsqu’il s’est approché du bureau, en nous faisant savoir qu’il avait travaillé avec la mission d’Amnesty International qui a fait des recherches au Togo en 1998-1999 et qui a produit le rapport titré « Togo, Etat de terreur », en tant que personne ressource.

En 2003, il nous a fait état de ce qu’il se sentait menacé.

Nous attestons donc le connaître comme défenseur des droits humains au Togo.

En foi de quoi nous recommandons que l’aide nécessaire lui soit apportée pour sa protection et que la présente déclaration est faite pour servir de droit ».

La première attestation renseigne en plus : « En 2003, il nous a fait état de ce qu’il se sentait menacé, mais nous lui avions dit que nous ne pouvions rien pour lui, étant donné que nous ne sommes pas censés travailler pour des cas de violations commises au Togo. Nous lui avions alors suggéré de contacter les services internationaux du mouvement. Depuis lors, nous avions perdu sa trace, avant qu’il ne nous fasse signe dernièrement, fin 2005, pour nous dire qu’il a pu se réfugier au Luxembourg ».

A ce titre il peu paraître peu compréhensible pourquoi Monsieur … ne s’est adressé qu’à la fin de l’année 2005, c’est-à-dire presque 2 ans et demi après sa venue au Luxembourg, à ladite association et pourquoi Monsieur invoque sa qualité de secrétaire étant donné qu’au moment où il a été contacté il n’a plus revêtu cette qualité. Il n’en reste pas moins que les deux attestations versées attestent seulement le fait que Monsieur … était connu comme défenseur des droits humains au Togo et qu’il s’est adressé à ladite association en 2003 parce qu’il se sentait menacé, mais ne font pas état de persécutions directes dont ils auraient connaissance et qui attesteraient que Monsieur … pourrait faire état d’une crainte légitime et actuelle de persécution dans son chef.

Il en est de même du mandat d’arrêt daté du 25 août 2003 qui fait seulement état du fait que Monsieur … est inculpé de « participation à une manifestation interdite », infraction commise à Lomé au courant du mois de mai 2003, mais il ne contient aucune information permettant au tribunal de retenir que Monsieur … serait encore recherché à l’heure actuelle.

En ce qui concerne l’attestation de poursuite établie par le secrétaire administratif de l’UFC du 13 janvier 2006 à laquelle le demandeur se réfère, force est de nouveau au tribunal de constater que les pièces versées renseignent trois attestations de l’UFC deux datées respectivement des 25 juin 2003 et 13 janvier 2006 et l’autre datée du 5 décembre 2006.

Les attestations des 25 juin 2003 et 13 janvier 2006 ont le même contenu et sont libellées comme suit : « Nous, soussignés, UNION DES FORCES DE CHANGEMENT (UFC), attestons que le nommé … …, né le 11 septembre 1972 à AHEFE, Tâcheron de profession, est membre actif du parti de l’UFC sous-section N° 1 de Bè-Kpota Lomé.

En raison des activités du sieur … depuis la relance du processus démocratique au TOGO, et suite au climat d’insécurité qui entoure les militants de l’opposition, Mr. … est actuellement recherché pour ses activités politiques contre le régime militaro – dictatorial en place.

Nous prions toutes institutions démocratiques de lui porter SECOURS ET ASSISTANCE.

En foi de quoi, la présente ATTESTATION a été délivrée à Mr. … pour servir et valoir ce que de droit. ».

Celle du 5 décembre 2006 est libellée comme suit : « Nous, soussignés, UNION DES FORCES DE CHANGEMENT (UFC), attestons par la présente que le nommé … , né le…, Tâcheron de profession, est un membre actif de l’UFC, Porte-Parole de la Sous-Section UFC-Bè Kpota, Commune de Lomé.

En raison du dynamisme et de l’intransigeance dont notre militant … a régulièrement fait preuve pendant les activités politiques du Parti, ce dernier qui est également membre de la LIGUE TOGOLAISE DES DROITS DE L’HOMME (LTDH), est désigné par son Parti UFC comme délégué du bureau de vote de la ville de TSEVIE (préfecture du Zio), à l’occasion des élections présidentielles du 1er juin 2003, où il a été victime de menaces, intimidations, arrestations, répressions, poursuites et autres le contraignant finalement à l’exil afin de sauvegarder sa vie.

C’est pourquoi notre militant … mérite d’être protégé par la Convention de Genève. Prions, en conséquence, les Autorités du pays d’accueil de ce dernier de bien vouloir accorder une attention toute particulière à la demande d’asile qu’il aurait déposée pour obtenir son statut de réfugié.

En foi de quoi, la présente attestation lui est délivrée pour servir et valoir ce que de droit jusqu’à la normalisation définitive de la situation socio-politique et judiciaire au TOGO ».

Etant donné que l’attestation datée du 5 décembre 2006 est la plus récente et en plus beaucoup plus explicite que celles dressées respectivement le 25 juin 2003 et 13 janvier 2006, il y a seulement lieu de considérer celle établie en dernier lieu. L’attestation établie le 5 décembre 2006 fait bien état des événements ayant eu lieu en 2003 mais ne donne aucun renseignement quant à la spécificité du risque actuellement encouru par Monsieur … au Togo.

Enfin s’il est certes exact qu’une attestation de l’Association togolaise pour la défense et la promotion des droits de l’homme (ATDPTH) datée du 22 janvier 2006 renseigne que « Monsieur … ne peut pas retourner aujourd’hui au Togo, sans qu’il ne mette sa vie en danger », cette affirmation à caractère très général et non autrement explicite quant à la nature du danger concrètement encouru par rapport à la situation actuelle ne saurait suffire, au vu de l’évolution de la situation politique au Togo après le décès en 2005 du président Gnassingbé EYADEMA et du processus de réconciliation nationale amorcé par la signature de l’Accord Politique Global au mois d’août 2006, situation d’ailleurs exhaustivement décrite par le ministre dans les décisions litigieuses, pour mettre en évidence de façon suffisante un risque individualisé de persécution dans le chef de Monsieur … pour l’un des motifs visés par la Convention de Genève.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

Concernant le volet de la décision portant refus du statut de protection subsidiaire, il convient de relever que l’article 2, e) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit qu’est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate que le demandeur, au-delà de l’allégation non circonstanciée qu’il serait susceptible d’être exposé, en cas de retour dans son pays d’origine, aux atteintes graves définies au prédit article 37, omet d’établir concrètement la réalité d’un tel risque dans son chef, étant donné que le demandeur, au-delà de renvoyer à ses développements relatifs au statut de réfugié, ne précise même pas dans sa requête quelles seraient les conséquences concrètes de son retour dans son pays d’origine.

Il s’ensuit que le demandeur reste en défaut d’établir qu’il court un risque réel de subir en cas de renvoi dans son pays d’origine l’une des atteintes graves telles que prévues à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 et qu’il n’est partant pas fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.

Au vu de ce qui précède, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs ;

le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

prononce la jonction des deux rôles introduits sous les numéros 21372 et 22377 ;

déclare les recours en réformation recevables en la forme ;

dit que le recours introduit sous le numéro du rôle 21372 est devenu sans objet ;

au fond déclare le recours introduit sous le numéro du rôle 22377 non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 13 juin 2007 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21372,22377
Date de la décision : 13/06/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-06-13;21372.22377 ?

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