GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG COUR ADMINISTRATIVE Numéro du rôle: 22686C Inscrit le 13 mars 2007
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AUDIENCE PUBLIQUE DU 7 JUIN 2007 Recours formé par Mme XXX XXX-XXX et consorts, XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale Appel (jugement entrepris du 14 février 2007, no 22181 du rôle)
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Vu l’acte d’appel déposé au greffe de la Cour administrative le 13 mars 2007 par Maître Adrian SEDLO, avocat à la Cour, au nom de Mme XXX XXX-XXX, née le 10 janvier 1970 à XXX (Kosovo/Etat de Serbie), et de ses enfants mineurs XXX et XXX, tous de nationalité serbe, demeurant actuellement ensemble à L-XXX, contre un jugement rendu en matière de statut de réfugié par le tribunal administratif le 14 février 2007, à la requête de Mme XXX XXX-XXX tendant 1) à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration du 20 octobre 2006 lui refusant une protection internationale et 2) à l’annulation de l'ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mars 2007 par M.
le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER ;
Vu les pièces versées en cause et notamment le jugement entrepris ;
Le conseiller rapporteur entendu en son rapport et Maître Emmanuel HANNOTIN, en remplacement de Maître Adrian SEDLO, ainsi que Mme le délégué du gouvernement Claudine KONSBRUCK en leurs plaidoiries respectives.
Par jugement rendu le 14 février 2007, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, a débouté Mme XXX XXX-XXX de son recours en réformation dirigé contre la décision du ministre des Affaires Etrangères et de l'Immigration du 20 octobre 2006 lui refusant une protection internationale; a déclaré irrecevable le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire contre cette décision et a débouté la demanderesse initiale de son recours en annulation dirigé contre l'ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ministérielle.
Maître Adrian SEDLO a déposé le 13 mars 2007 une requête d’appel en nom et pour compte de Mme XXX XXX-XXX et de ses enfants mineurs XXX et XXX.
Les appelants demandent à la Cour d’ordonner une nouvelle audition de Mme XXX-XXX et de s’adresser à l’unité départementale criminelle de l’Unmik à Mitrovica pour obtenir des informations complémentaires relatives au dossier ayant été ouvert dans le cadre du « meurtre » de M. XXX, de réformer le jugement entrepris « conformément aux motifs à la base du présent acte d’appel » et de dire que les trois appelants remplissent les conditions pour se voir reconnaître le statut de réfugié et « en conséquence, leur accorder la protection internationale sollicitée », sinon d’accorder la protection subsidiaire demandée, subsidiairement d’annuler la décision ministérielle en son refus et de renvoyer le dossier devant le ministre compétent.
L’Etat a pris position dans un mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 23 mars 2007. Dans son mémoire, le délégué du gouvernement demande la confirmation du jugement entrepris et le rejet de l’appel pour manquer de fondement.
Lors des plaidoiries à l’audience du 3 mai 2007, la Cour, après avoir relevé que la décision ministérielle litigieuse du 20 octobre 2006 avait été rendue dans le cadre légal tracé par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, a invité les parties à prendre position par rapport à la question de savoir si l’appel, tel que formulé, est recevable dès lors que l’article 19 (4) de la susdite loi de 2006 délimite le pouvoir de la Cour administrative face à un appel contre un jugement du tribunal administratif rendu en la matière à celui d’un juge d’annulation.
Le mandataire des appelants et le délégué du gouvernement se sont rapportés à la sagesse de la Cour y relativement.
En général, aux termes de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif « le tribunal administratif statue sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible d’après les lois et règlements », l’article 2 (3) de ladite loi du 7 novembre 1996 précisant que « sauf dispositions contraires de la loi, appel peut être intenté devant la Cour administrative contre les décisions du tribunal administratif ».
Selon l’article 3 de la loi précitée du 7 novembre 1996 « 1) le tribunal administratif connaît en outre comme juge du fond des recours en réformation dont les lois spéciales attribuent connaissance au tribunal administratif » et « 2) sauf dispositions contraires de la loi, appel peut être interjeté devant la Cour administrative contre les décisions visées au paragraphe premier ».
En particulier, concernant la matière spécifique dont il est question en cause, l’article 19 (3) de la loi précitée du 5 mai 2006 dispose que « contre les décisions de refus de la demande de protection internationale, un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Contre l’ordre de quitter le territoire, un recours en annulation est ouvert devant le tribunal administratif. Les deux recours doivent faire l’objet d’une seule requête introductive, sous peine d’irrecevabilité du recours séparé (…) ».
D’après le paragraphe (4) du même article 19 « contre les décisions du tribunal administratif, appel peut être interjeté devant la Cour administrative statuant comme juge de l’annulation (…) ».
Par essence l’appel remet la chose jugée en question devant les juridictions d’appel pour qu’il soit à nouveau statué en fait et en droit.
Ainsi, sans préjudice de ce que l’appel peut être général ou partiel, suivant l’étendue des prétentions de la partie appelante formulées dans la requête d’appel – article 41 (1) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives –, le contrôle à exercer par la juridiction d’appel est donc a priori le même que celui exercé par les premiers juges, sauf à l’être par une juridiction d’un degré supérieur.
Il s’agit donc, en principe, pour la juridiction d’appel de statuer à nouveau en fait et en droit à l’instar des juges de première instance.
Il appert cependant que tant en ce qui concerne les décisions de refus de la demande de protection internationale que celles portant ordre de quitter le territoire, la loi prévoit à chaque fois que sur appel interjeté contre un jugement du tribunal administratif, la Cour administrative statue comme juge de l’annulation.
La mission de juge de l’annulation ne correspondant pas à la définition classique d’un appel, état des choses devenant d’autant plus apparent en matière de refus de la demande de protection internationale, où les premiers juges ont connu d’un recours en réformation, le bout de phrase de l’article 19 (4) suivant lequel « appel peut être interjeté devant la Cour administrative statuant comme juge de l’annulation » est dès lors sujet à interprétation, afin de circonscrire la mission attribuée en la matière spécifique à la Cour administrative.
L’intention du législateur peut être dégagée du commentaire des articles (doc. parl. 5437, page 33) aux termes duquel « les paragraphes 3 et 4 maintiennent le principe de double degré de juridiction tout en apportant certains aménagements à la procédure actuelle. L’appel peut être interjeté devant la Cour administrative qui statuera comme juge de l’annulation, c’est-à-
dire elle examinera uniquement les moyens de légalité mais ne se prononcera pas sur le fond.
Le Gouvernement s’inspire notamment de la loi française qui prévoit un recours et une possibilité de cassation devant le Conseil d’Etat. Les délais de recours, ainsi que l’effet suspensif des recours sont maintenus. » Par référence à l’article 2 (1) de loi précitée du 7 novembre 1996, la juridiction administrative appelée à statuer comme juge de l’annulation connaît des moyens tirés de l’incompétence, de l’excès et détournement de pouvoir, de la violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, par opposition au recours en réformation prévu par l’article 3 (1) de la même loi, suivant lequel la juridiction administrative statue comme juge du fond.
Afin de ménager à l’appel ainsi désigné par l’article 19 (4) de la loi du 5 mai 2006 précitée un caractère effectif, compte tenu de l’intention exprimée par le législateur, il convient de le considérer comme étant dirigé, en tant que recours en annulation suivant les 5 cas d’ouverture prévus par l’article 2 (1) de la loi précitée du 7 novembre 1996 non pas à l’encontre de la décision déférée au fond, mais du jugement entrepris.
Par conséquent la mission de la Cour – dans la limite des prétentions formulées – consiste, d’une part, à contrôler la régularité externe du jugement entrepris comprenant les questions de compétence juridictionnelle, de procédure et de forme et, d’autre part, à contrôler le bien-
fondé dudit jugement comprenant, au titre essentiellement de la violation de la loi, un contrôle de l’erreur de droit avec détermination du champ d’application de la règle de droit et interprétation de cette dernière, ainsi qu’un contrôle de l’exactitude matérielle des faits pris en considération, en tenant compte de la situation de droit et de fait au jour où le jugement a été rendu, la vérification des faits matériels incluant le contrôle de la proportion entre la situation de fait telle qu’elle se présente et l’application du droit par le jugement entrepris.
En l’espèce, force est de constater que l’appel interjeté tend exclusivement à la remise en cause de la décision ministérielle contestée en ce qu’elle porte refus de reconnaître le statut de réfugié revendiqué et l’octroi d’une mesure de protection internationale, mais qu’il n’est pas dirigé contre le jugement, de même qu’il ne se dégage pas de l’acte d’appel un quelconque moyen d’annulation susceptible d’être considéré comme visant ledit jugement, de sorte qu’il incombe à la Cour, au regard des développements qui précédent, de déclarer l’appel irrecevable.
Par ces motifs, la Cour, statuant à l’égard de toutes les parties en cause ;
déclare l’appel du 13 mars 2007 irrecevable ;
condamne les appelants aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Marion Lanners, présidente, Francis Delaporte, premier conseiller, Henri Campill, conseiller rapporteur, et lu par la présidente Marion Lanners en l’audience publique au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en tête en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.
le greffier en chef la présidente 4