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24/05/2007 | LUXEMBOURG | N°s22395,22399

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 24 mai 2007, s22395,22399


Tribunal administratif N°s 22395 et 22399 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 8 janvier 2007 Audience publique du 24 mai 2007 Recours formés par Mme … et son époux, M. …, … contre des décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 22395 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avoca

t à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à...

Tribunal administratif N°s 22395 et 22399 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrits le 8 janvier 2007 Audience publique du 24 mai 2007 Recours formés par Mme … et son époux, M. …, … contre des décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 22395 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … à Bijelo Polje (République du Monténégro), se déclarant de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 octobre 2006, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et lui refusant le bénéfice de la protection subsidiaire, telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 6 décembre 2006, prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 février 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH au nom de la demanderesse ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 mars 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Louis TINTI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 avril 2007.

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 22399 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, préqualifié, au nom de Monsieur …, né le … à Bijelo Polje (République du Monténégro), se déclarant de nationalité serbo-monténégrine, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 20 octobre 2006, rejetant sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et lui refusant le bénéfice de la protection subsidiaire, telle que prévue par la loi précitée du 5 mai 2006, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 6 décembre 2006, prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2007 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH au nom du demandeur ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Marc MATHEKOWITSCH en leurs plaidoiries respectives à l’audience du 7 mai 2007.

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Le 6 février 2006, Monsieur … et son épouse, Madame …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Les époux …-… furent entendus séparément par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration respectivement en date des 14 et 23 février 2006 sur leur situation et sur les motifs se trouvant à la base de leurs demandes en reconnaissance du statut de réfugié.

Par décision du 20 octobre 2006, notifiée par lettre recommandée à la poste du 24 octobre 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame … que sa demande avait été rejetée comme non fondée aux motifs énoncés comme suit :

« En mains le rapport d’audition de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 23 février 2006.

Il ressort des informations en nos mains que début décembre 2005 vous auriez quitté le Kosovo pour vous rendre à Rozaje où vous auriez rencontré un ami de votre mari. Ce dernier vous aurait emmené à Sarajevo où vous seriez resté jusqu’au 3 février 2006. Ensuite, un passeur vous aurait conduit ensemble avec votre mari au Luxembourg. Vous auriez payé 2000 EUR. Le dépôt de votre demande d’asile date du 6 février 2006.

Il résulte de vos déclarations que vous seriez originaire de Bijelo Polje au Monténégro mais que depuis votre mariage en juin 2005 vous auriez vécu au Kosovo. Vous expliquez qu’en tant que musulmane vous n’auriez plus supporté la vie là-bas. Vous n’auriez pas trouvé de travail et n’auriez pas osé sortir. Vous auriez eu peur d’être agressée verbalement par des gens.

Votre mari aurait connu divers problèmes au Kosovo, mais vous ignorez lesquels puisqu’à cette époque vous n’auriez pas encore vécu avec lui.

Enfin, vous admettez n’avoir subi aucune persécution ni mauvais traitement, et ne pas être membre d’un parti politique.

Concernant la situation particulière des musulmans slaves au Kosovo, je souligne que la reconnaissance du statut de réfugié politique n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur, qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. Or, il ne résulte pas de vos allégations, qui ne sont par ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risqueriez d’être persécutée dans votre pays d’origine pour un des motifs énumérés à l’article 1er, A, §2 de la Convention de Genève. En effet, votre crainte de vous faire agresser verbalement par des inconnus n’est pas d’une gravité suffisante pour fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique. D’autant plus que des personnes en général, sans aucune singularisation, ne sauraient être considérées comme des acteurs de persécution au sens de la prédite Convention et de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

En outre, il ne ressort pas du rapport d’audition que vous auriez requis la protection du Gouvernement ou des forces onusiennes. Il n’est ainsi pas démontré que celles-ci ne voudraient ou ne pourraient pas vous accorder une protection.

Vos motifs traduisent donc plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution. Or, un sentiment d’insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la prédite Convention.

Par ailleurs, vous êtes sans emploi et vous dites ne pas pouvoir trouver de travail au Kosovo. Il n’est donc pas exclu que des motifs économiques sous tendent votre demande d’asile.

Enfin, vous n’apportez en l’espèce aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de votre pays d’origine pour ainsi profiter d’une fuite interne, notamment dans les régions où les boshniaques vivent sans aucune crainte ni entrave à leurs libertés. Soulignons également que votre famille réside encore à Bijelo Polje d’où vous êtes originaire et où vous viviez jusqu’à votre mariage. Vous n’apportez en l’espèce aucune raison tangible vous empêchant d’y retourner et de vous y installer avec votre mari qui lui-même y serait également né.

Quoiqu’il en soit, en ce qui concerne la situation particulière des bosniaques du Kosovo, il ressort qu’actuellement ceux-ci ont, dans tout le Kosovo non seulement le droit à la participation et à la représentation politique, mais encore accès à l’enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, ce qui fait qu’une discrimination à leur égard ne saurait pas être retenue pour fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s’ajoute qu’il ressort du rapport de l’UNHCR de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo qu’en règle générale les bosniaques ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité.

De manière plus générale, il convient également de souligner qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, est installée au Kosovo pour assurer la coexistence pacifique entre les différentes communautés et une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, a été mise en place. La situation des minorités ethniques du Kosovo s’est améliorée par rapport à l’année 1999. Les élections municipales du 28 octobre 2000 se sont conclues avec la victoire des partis modérés et une défaite des partis extrémistes. A cela s’ajoute qu’à la suite des élections parlementaires du 17 novembre 2001 les minorités nationales du Kosovo, à savoir les Roms, les Boshniaques, les Turcs et autres se sont vues attribuer quelques sièges leur assurant une représentation au sein du parlement du Kosovo. Après les violences généralisées de mars 2004, « la situation en matière de sécurité est restée, dans l’ensemble, calme et stable », a indiqué Hédi Annabi, sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l’ONU le 5 août 2004. Il faut également souligner que la police des Nations Unies au Kosovo a arrêté environ 270 personnes soupçonnées d’être impliquées dans les violences meurtrières de mars 2004 et qu’une enquête est en cours. Ainsi une persécution systématique de minorités ethniques est actuellement à exclure. De nouvelles élections législatives ont par ailleurs eu lieu en octobre 2004.

Ainsi, vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est par conséquent pas établie.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l’appui de votre demande ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé (…) ».

Ce même 20 octobre 2006, le ministre prit également à l’égard de Monsieur … une décision de refus de reconnaissance de la qualité de réfugié qui est motivée comme suit :

« En mains le rapport d’audition de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 14 février 2006.

Il ressort des informations en nos mains que fin décembre 2005 vous vous seriez rendu en bus jusqu’à Rozaje. De là vous seriez allé en voiture jusqu’à Sarajevo où vous seriez resté pendant un mois. Ensuite, un passeur vous aurait conduit ensemble avec votre femme via la Slovénie, la Croatie, l’Autriche et l’Allemagne jusqu’au Luxembourg. Vous auriez payé 2000 EUR par personne. Le dépôt de votre demande d’asile date du 6 février 2006.

Il résulte de vos déclarations que depuis 1997 vous auriez quitté le Monténégro pour aller vivre à Mitrovica au Kosovo. Vous expliquez que votre père y aurait exploité un restaurant. Les vitres de son commerce auraient été brisées à deux reprises. Depuis la fin du conflit le restaurant aurait été fermé. Alors, vous auriez effectué des travaux journaliers. De temps en temps vous auriez vendu des cigarettes dans la rue. Un jour, quelqu’un vous les aurait prises. Vous pensez que ceci serait dû à votre appartenance à une minorité, votre adhésion au SDA et les activités politiques de votre père au sein du même parti politique. Vous ajoutez qu’à cause de l’insécurité et parce que vous auriez eu peur de recevoir des menaces de la part des albanais et des serbes, vous seriez très rarement sorti. En plus, vous craignez d’éventuelles sanctions de la part des autorités militaires car vous ne vous seriez pas présenté au service après avoir reçu plusieurs appels.

Enfin, vous admettez n’avoir subi aucune autre persécution ni mauvais traitement.

Concernant la situation particulière des musulmans slaves au Kosovo, je souligne que la reconnaissance du statut de réfugié politique n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur, qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève. Or, il ne résulte pas de vos allégations, qui ne sont par ailleurs corroborées par aucun élément de preuve tangible, que vous risqueriez d’être persécuté dans votre pays d’origine pour un des motifs énumérés par l’article 1er, A, § 2 de la Convention de Genève. En effet, votre crainte de recevoir des menaces par des inconnus et votre peur des albanais et des serbes ne sont pas d’une gravité suffisante pour fonder une demande en obtention du statut de réfugié politique. D’autant plus que des albanais et des serbes en général, sans aucune singularisation, ne sauraient être considérés comme des acteurs de persécution au sens de la prédite Convention et de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. En outre, il ne ressort pas du rapport d’audition que vous auriez porté plainte auprès du Gouvernement ou des forces onusiennes. Il n’est ainsi pas démontré que celles-ci ne voudraient ou ne pourraient pas vous accorder une protection.

Vos motifs traduisent donc plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution. Or, un sentiment d’insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la prédite Convention.

A cela s’ajoute que l’incident lors duquel on vous aurait pris vos cigarettes ne saurait fonder votre demande en obtention du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève. En effet, vous restez en défaut d’établir que vous n’avez pas été victime que d’un simple vol. Aucun élément n’indique en effet que l’incident serait lié à votre race, votre religion, votre nationalité, votre appartenance à un certain groupe social ou vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, §2 de la Convention de Genève.

En outre, votre crainte de sanctions éventuelles parce que vous ne vous seriez pas présenté au service militaire ne constitue pas non plus un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié politique puisqu’elle ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la prédite Convention.

Par ailleurs, vous êtes sans emploi. Il n’est donc pas exclu que des motifs économiques sous tendent votre demande d’asile.

De plus, les incidents de 1998 et 2002 lorsque les vitres du restaurant de votre père auraient été brisées sont trop éloignés dans le temps pour être pris en compte dans l’examen de votre demande d’asile.

Enfin, vous n’apportez en l’espèce aucune raison valable justifiant une impossibilité de vous installer dans une autre région de votre pays d’origine pour ainsi profiter d’une fuite interne, notamment dans les régions où les boshniaques vivent sans aucune crainte ni entrave à leurs libertés. Soulignons également que vous seriez originaire du Monténégro qui est un Etat stable et indépendant dans lequel vous pourriez sans crainte trouver un refuge.

Quoiqu’il en soit, en ce qui concerne la situation particulière des bosniaques du Kosovo, il ressort qu’actuellement ceux-ci ont, dans tout le Kosovo non seulement le droit à la participation et à la représentation politique, mais encore accès à l’enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, ce qui fait qu’une discrimination à leur égard ne saurait pas être retenue pour fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s’ajoute qu’il ressort du rapport de l’UNHCR de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo qu’en règle générale les bosniaques ne doivent plus craindre des attaques directes contre leur sécurité.

De manière plus générale, il convient également de souligner qu’une force armée internationale, agissant sous l’égide des Nations Unies, est installée au Kosovo pour assurer la coexistence pacifique entre les différentes communautés et une administration civile, placée sous l’autorité des Nations Unies, a été mise en place. La situation des minorités ethniques du Kosovo s’est améliorée par rapport à l’année 1999. Les élections municipales du 28 octobre 2000 se sont conclues avec la victoire des partis modérés et une défaite des partis extrémistes. A cela s’ajoute qu’à la suite des élections parlementaires du 17 novembre 2001 les minorités nationales du Kosovo, à savoir les Roms, les Boshniaques, les Turcs et autres se sont vues attribuer quelques sièges leur assurant une représentation au sein du parlement du Kosovo. Après les violences généralisées de mars 2004, « la situation en matière de sécurité est restée, dans l’ensemble, calme et stable » a indiqué Hédi Annabi, sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l’ONU le 5 août 2004. Il faut également souligner que la police des Nations Unies au Kosovo a arrêté environ 270 personnes soupçonnées d’être impliquées dans les violences meurtrières de mars 2004 et qu’une enquête est en cours. Ainsi une persécution systématique de minorités ethniques est actuellement à exclure. De nouvelles élections législatives ont par ailleurs eu lieu en octobre 2004.

Ainsi, vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est par conséquent pas établie.

En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l’appui de votre demande ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé ».

Le 24 novembre 2006, Monsieur … et Madame … formulèrent séparément, par le biais de leur mandataire, un recours gracieux auprès du ministre à l’encontre des deux décisions ministérielles prévisées du 20 octobre 2006.

Suivant décisions séparées du 6 décembre 2006, notifiées le jour suivant par lettre recommandée à la poste, le ministre confirma ses décisions initiales de refus « à défaut d’éléments pertinents nouveaux ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2007, inscrite sous le numéro 22395 du rôle, Madame … a fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles de refus initiale prévisée du 20 octobre 2006 et confirmative du 6 décembre 2006.

Par requête déposée le même jour, inscrite sous le numéro 22399 du rôle, Monsieur … a également fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles de refus initiale prévisée du 20 octobre 2006 et confirmative du 6 décembre 2006.

Les deux recours déférés au tribunal ont pour objet des décisions ministérielles étroitement liées entre elles en ce qu’elles toisent les demandes en reconnaissance du statut de réfugié introduites par deux époux, la situation de Monsieur … étant susceptible d’influer sur celle de Madame … et vice versa, de sorte qu’il y a lieu dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice de joindre les deux recours et d’y statuer par un seul et même jugement, les parties ayant par ailleurs déclaré à l’audience des plaidoiries du 7 mai 2007 ne pas s’opposer à la jonction des deux recours.

Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de protection subsidiaire déclarées non fondées, seule une demande en réformation a pu être dirigée contre les décisions ministérielles entreprises.

Ces deux recours ayant par ailleurs été introduits dans les formes et délai de la loi, ils sont recevables.

Le mandataire des demandeurs se rapporte à prudence de justice dans les deux affaires quant au dépôt dans le délai légal des mémoires en réponse du délégué du gouvernement.

C’est toutefois à bon droit que le délégué du gouvernement fait valoir que ses mémoires en réponse auraient été déposés dans les deux affaires dans le délai légal, étant donné que l’Etat dispose d’un délai de trois mois pour répondre.

En effet, l’article 5 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives prévoit en son paragraphe (1) que :

« (1) Sans préjudice de la faculté, pour l’Etat, de se faire représenter par un délégué, le défendeur et le tiers intéressé sont tenus de constituer avocat et de fournir leur réponse dans le délai de trois mois à dater de la signification de la requête introductive.

L’article 4 (1) de la même loi dispose encore que « le dépôt de la requête vaut signification à l’Etat ».

Il se dégage des dispositions précitées que le délai dont dispose l’Etat pour répondre est de trois mois à dater du dépôt de la requête introductive d’instance au greffe du tribunal administratif.

En l’espèce, les deux requêtes introductives d’instance ont été déposées au greffe du tribunal administratif en date du 8 janvier 2007, de sorte que le délai dont disposait l’Etat pour répondre a commencé à courir le 8 janvier 2007 et a expiré le 10 avril 2007, les 8 et 9 avril 2007 étant des jours fériés légaux.

Il s’ensuit que le dépôt des mémoires en réponse de l’Etat en date des 13 respectivement 20 février 2007 est intervenu dans le délai légal et le moyen afférent est partant à rejeter comme non fondé.

Quant au fond, Madame … fait exposer qu’elle serait de nationalité serbo-monténégrine et d’origine ethnique bosniaque et qu’elle aurait quitté le Kosovo en raison des menaces et des discriminations dont elle aurait été l’objet de la part de membres de la communauté albanaise sans qu’elle puisse se prévaloir de la protection des forces de la KFOR. Elle ajoute que sa crainte serait également liée à « la montée inquiétante du nationalisme », ainsi qu’à l’insécurité régnant au Kosovo.

Elle reproche en outre au ministre de ne pas avoir, contrairement au principe de l’unité familiale, examiné sa situation au regard de celle de son mari, Monsieur …, qui aurait été contraint de fuir le Monténégro avec sa famille pour le Kosovo en raison des activités politiques du père au sein du parti politique SDA et qui, au Kosovo, aurait de nouveau été victime de persécutions du fait de son appartenance à la minorité bosniaque. Elle soutient encore qu’elle et son mari n’auraient pas pu circuler librement au Kosovo à cause de leurs origines ethniques.

Enfin, elle se prévaut de divers rapports d’organisations internationales pour soutenir qu’un retour au Kosovo serait exclu dans son chef au vu de la situation sécuritaire actuelle des minorités ethniques au Kosovo.

Monsieur …, pour sa part, expose qu’il aurait quitté son pays d’origine au motif qu’il aurait été privé de ses droits les plus élémentaires en raison de son origine bosniaque et à cause du rôle actif joué par son père au sein du SDA. Il précise qu’il aurait quitté avec sa famille le Monténégro pour le Kosovo en raison de l’engagement de son père en faveur du SDA, et qu’au Kosovo, tous les membres de sa famille auraient de nouveau fait l’objet de menaces en raison de leur origine ethnique entravant ainsi leur liberté de circulation.

Il reproche ainsi au ministre d’avoir retenu qu’il ne ferait valoir qu’un sentiment général d’insécurité, alors que les vitres du restaurant de son père auraient été cassées et les murs tracés de graffitis et qu’il se serait fait voler régulièrement les cigarettes dont il faisait le commerce. Il fait encore état de ce qu’il risquerait des sanctions en raison de son insoumission. Il conteste en outre que son départ du Kosovo aurait été motivé par des considérations économiques, alors qu’il aurait été propriétaire d’un restaurant qui aurait dû fermer à cause des bombardements, qu’il aurait ensuite vécu de travaux journaliers et qu’il aurait été victime de racket pour la seule raison qu’il ferait partie de la minorité bosniaque.

Il soutient également que toute possibilité de fuite interne au Kosovo serait exclue en renvoyant à cet égard aux conclusions de l’UNHCR. Quant à une possibilité d’aller vivre en Serbie-Monténégro, il fait valoir qu’il n’y aurait aucune attache particulière hormis la ville dont il serait originaire, de sorte que tout déplacement ailleurs que dans cette ville serait impossible, de même que toute intégration socioprofessionnelle, d’autant plus que sa famille aurait été chassée du Monténégro du fait des activités politiques du père et que les autorités serbes et monténégrines refuseraient aux personnes provenant du Kosovo de s’installer sur leur territoire. Enfin, il se prévaut de la situation générale et sécuritaire prévalant actuellement au Kosovo pour affirmer qu’un retour en toute sécurité au Kosovo ne serait pas possible.

En substance, les demandeurs reprochent au ministre d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la gravité des motifs de persécution qu’ils ont mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.

Les demandeurs estiment, en ordre subsidiaire, que ce serait à tort que le ministre leur a refusé le bénéfice de la protection subsidiaire, tel que prévu par la loi précitée du 5 mai 2006, alors qu’ils seraient susceptibles de faire l’objet d’atteintes graves visées par l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 et notamment d’actes de torture sinon de traitements inhumains ou dégradants.

Le délégué du gouvernement estime que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leurs recours.

Dans son mémoire en réplique, Monsieur … insiste sur ce qu’il aurait subi dans son pays d’origine des persécutions du fait de ses origines ethniques et qu’il risquerait en cas de retour d’être exposé à des persécutions du fait de son insoumission. Il décrit ensuite, de manière générale, la situation des réfugiés au Monténégro et des membres de la minorité bosniaque en se prévalant de différents rapports de l’UNHCR. Quant au statut de la protection subsidiaire, le demandeur donne à considérer, en s’emparant de l’article 26 § 4 de la loi précitée du 5 mai 2006, qu’il aurait déjà fait l’objet d’atteintes et de menaces de persécutions dans son pays d’origine.

Enfin, il sollicite l’institution d’une expertise par la nomination d’une ONG ou d’une autre organisation indépendante avec la mission d’examiner le traitement réservé aux minorités bosniaques et les conséquences d’actes d’insoumission au Monténégro.

Madame …, pour sa part, fait état en termes de réplique de ce que la situation des minorités ethniques au Kosovo serait telle que ses craintes de subir des persécutions devraient être considérées comme légitimes et qu’elle ne pourrait pas se prévaloir de la protection des autorités en place au Kosovo. Dans ce contexte, elle décrit la situation des minorités au Kosovo, en insistant plus particulièrement sur les actes de violences et les menaces dont les membres de ces minorités feraient l’objet et sur l’impuissance des autorités de leur fournir une protection adéquate. Elle soutient ensuite qu’en sa qualité de compagne de Monsieur …, elle devrait être considérée comme une « victime par ricochet ». Elle fait encore valoir qu’elle ne pourrait pas retourner au Monténégro dont elle serait originaire au motif qu’elle risquerait d’y être victime de persécutions, tout en faisant état de la situation actuelle des réfugiés au Monténégro.

Enfin, elle sollicite, en ordre subsidiaire, l’institution d’une expertise par une organisation internationale non gouvernementale avec la mission d’examiner et de rédiger un rapport détaillé sur la situation de la minorité bosniaque au Kosovo et sur la possibilité ou l’impossibilité pour les forces de la KFOR de protéger les membres de cette minorité.

Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement insiste sur le fait que la demanderesse aurait vécu au Monténégro jusqu’en 2005, pays dont elle aurait la nationalité, de sorte que la situation des minorités au Kosovo ne serait pas pertinente, alors qu’elle ne serait pas persécutée dans le pays dont elle aurait la nationalité, à savoir le Monténégro.

En vertu de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

Il convient encore de rappeler que la juridiction administrative lorsqu’elle est saisie d’un recours en réformation, est appelée à examiner le bien-fondé et l’opportunité des décisions querellées à la lumière de la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance des demandeurs d’asile.

L’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuses et contentieuses et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considérés individuellement et concrètement, les demandeurs d’asile risquent de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, alors que le récit des demandeurs traduit essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans qu’ils aient fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie leur serait, à raison, intolérable au Kosovo.

Ainsi, en l’espèce, les époux …-… font essentiellement état de leur crainte de voir commettre des actes de violence à leur encontre en raison de leur appartenance à la minorité bosniaque du Kosovo. Dans ce contexte, il y a lieu de relever que s’il est constant en cause que les époux sont nés tous les deux à Bijelo Polje au Monténégro, il n’en demeure pas moins qu’ils ont quitté le Monténégro pour s’installer au Kosovo dans la ville de Mitrovica, où ils sont installés depuis 1997 en ce qui concerne Monsieur … et pour Madame … depuis son mariage avec Monsieur … en juin 2005.

Concernant cette crainte exprimée de manière générale par les demandeurs de faire l’objet d’actes de persécution en raison de leur origine bosniaque de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo, force est de constater que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’occurrence celle des Bosniaques, reste certes difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à subir des insultes, menaces ou autres discriminations par des groupes de la population, notamment de la majorité albanaise du Kosovo, mais elle n’est pas telle que tout membre de la minorité ethnique concernée serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève.

Ainsi, dans la dernière version actualisée de sa prise de position en matière de protection des minorités du Kosovo datant de juin 2006, l’UNHCR note que : ”Since the issuance of UNHCR’s March 2005 position paper, the overall security situation in Kosovo has progressively improved. The number of members of minorities working at the central Institutions of Provisional Self-Government (PISG) and in the Kosovo Protection Corps (KPC) has increased; freedom of movement has generally progressed; a number of important steps have been taken to reinforce the protection of property rights; and an Inter-Ministerial Commission to monitor minorities’ access to public services has been established”1.

En plus, l’UNHCR estime que les Bosniaques ne sont plus désormais à considérer comme courant en général des risques de persécution étant donné qu’il ne reprend plus les membres de la minorité bosniaque parmi le chapitre « groups at risk ». En effet, il limite ses considérations à la population serbe du Kosovo, ainsi qu’aux Roms et aux Albanais se trouvant dans une situation de minorité et à celle des Ashkali et des Egyptiens.

Force est de constater que les faits concrets exposés par les demandeurs lors de leurs auditions et à travers leurs recours s’analysent en substance en des insultes, des menaces, voire des harcèlements de la part de membres de la communauté albanaise, lesquels ne sont pas à eux seuls de nature à justifier une persécution subie au sens de la Convention de Genève dans le chef des demandeurs, étant donné que les faits ne sont pas d’une gravité telle que la vie leur soit devenue intolérable au Kosovo.

Quant au vol de cigarettes invoqué par Monsieur …, il ne ressort pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal que ce vol serait directement lié à son origine ethnique ou à ses opinions politiques voire aux activités politiques de son père, mais il semble plutôt rentrer dans le cadre d’une criminalité de droit commun.

En outre, le tribunal est amené à retenir que les auteurs des persécutions invoquées par les demandeurs, à savoir des personnes privées issues de la population albanaise du Kosovo, ne sont pas à considérer comme des agents étatiques, de sorte qu’ils ne peuvent être considérés comme acteurs de persécution ou d’atteintes graves au sens de la loi précitée du 5 mai 2006 que dans l’hypothèse où « il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b) (l’Etat ou des parties ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves », ceci conformément aux dispositions de l’article 28, c) de ladite loi.

Si les demandeurs tendent en l’espèce certes à décrire un climat d’insécurité et d’hostilité envers les minorités dans leur pays de provenance, ils n’ont soumis aucun indice concret relativement à l’incapacité actuelle des autorités chargées du maintien de l’ordre et de la sécurité au Kosovo de leur fournir une protection adéquate.

Quant à la crainte exprimée par Monsieur … de subir en cas de retour des sanctions du fait de son insoumission, le tribunal est amené à retenir qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier 1 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, June 2006, p.3 , n° 8 que l’acte d’insoumission invoqué par Monsieur …, à le supposer établi, aurait été dicté par l’un des motifs énoncés à l’article 1er, A, 2. de la Convention de Genève ni même par un motif de conscience, mais davantage pour des considérations à caractère personnel, l’intéressé ayant déclaré ne pas vouloir mettre sa vie en danger, ni encore qu’il risquait ou risquerait effectivement de faire l’objet d’une condamnation par un tribunal militaire, étant relevé que l’intéressé a déclaré ne pas être recherché par la police militaire.

Pour le surplus, même à admettre les faits exposés par Monsieur … comme établis, il convient de relever que l’insoumission n’est pas, en elle-même, un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’elle ne saurait, à elle seule, fonder dans le chef du demandeur une crainte justifiée d’être persécuté pour l’un des motifs prévus par la Convention de Genève et il ne ressort pas à suffisance de droit des éléments du dossier que la condamnation que le demandeur prétend encourir en raison de son insoumission serait disproportionnée par rapport à la gravité d’une telle infraction ou que la condamnation éventuelle soit prononcée pour une des causes visées par la Convention de Genève.

Il y a encore lieu de relever que les demandeurs n’apportent aucune raison valable justifiant une impossibilité de s’installer dans une autre région du Kosovo pour ainsi profiter d’une possibilité de fuite interne, notamment dans des régions à prépondérance bosniaque, respectivement au Monténégro, dont ils sont tous les deux originaires et dans lequel ils ont vécu jusqu’en 1997 respectivement 2005 et où ils gardent des attaches familiales, les difficultés de réinstallation au Monténégro ne constituant pas un empêchement valable. De même, les problèmes que la famille de Monsieur … aurait connus au Monténégro en raison des activités politiques du père datent d’avant 1997, soit à une époque précédant leur départ pour le Kosovo, et sont dès lors trop éloignés dans le temps pour constituer encore à l’heure actuelle un obstacle à leur installation au Monténégro.

Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’un risque de persécution au sens de l’article 1er, A, 2. de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.

Concernant le volet des décisions déférées portant refus dans le chef des demandeurs du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses lettres a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l’espèce, il convient de retenir, au vu de la conclusion ci-avant dégagée, que c’est à juste titre que le ministre a estimé que les demandeurs ne courent pas en cas de retour éventuel au Kosovo un risque réel de se voir infliger la peine de mort ou de se faire exécuter ou encore de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, respectivement de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre leur vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

En effet, les demandeurs n’ont pas fait état de motifs sérieux et avérés qui permettent de retenir qu’en cas de retour dans leur pays de provenance, au regard du contexte prévalant à l’heure actuelle au Kosovo, ils courent un risque réel de subir des actes de torture ou des traitements inhumains ou dégradants tels que prévus à l’article 37 b) de la loi précitée du 5 mai 2006 et ils ne sont partant pas fondés à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.

Ainsi, la situation en matière de relations interethniques au Kosovo n’est pas suffisante pour établir une impossibilité de retour à l’heure actuelle au Kosovo.

De même, concernant l’allégation de Monsieur … suivant laquelle il risquerait d’être exposé du fait de son insoumission à l’une des atteintes graves visées pas l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, il échet de constater que les demandeurs ne versent aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation, de sorte qu’en l’absence d’autres informations plus précises soumises au tribunal, cet état de fait n’est pas établi en cause, étant encore relevé qu’il n’y a pas lieu de recourir à l’institution d’une expertise sur la question telle que sollicitée par le demandeur, étant donné qu’une expertise ne saurait être instituée pour parer à la carence des demandeurs dans l’agencement de la preuve qu’il leur incombe de rapporter.

Dans ce contexte, les demandeurs sollicitent, en ordre subsidiaire, l’institution d’une expertise par une ONG ou une autre organisation indépendante avec pour mission de dresser un rapport détaillé, d’une part, quant aux traitements réservés aux minorités bosniaques respectivement aux conséquences d’insoumission au Monténégro et, d’autre part, quant aux traitements réservés aux minorités bosniaques au Kosovo, respectivement la possibilité ou l’impossibilité pour la KFOR de protéger les minorités.

Le tribunal est toutefois amené à retenir, au vu des nombreux rapports versés en cause, qu’il dispose d’éléments d’appréciation suffisants pour pouvoir apprécier la situation de fait des demandeurs, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’instituer une expertise.

En ce qui concerne la demande de Madame … tendant à l’annulation d’un ordre de quitter le territoire, telle que libellée au dispositif de sa requête introductive d’instance, force est au tribunal de constater que les décisions ministérielles déférées ne contiennent pas un tel ordre, de sorte que la demanderesse n’a pas pu lui déférer une telle décision et que le tribunal n’a pas à prendre position par rapport à cette demande.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que les demandeurs n’ont pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef, ni d'atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, de sorte que les recours en réformation sont à rejeter comme étant non fondés.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

ordonne la jonction des recours introduits sous les numéros de rôle respectifs 22395 et 22399 ;

reçoit les recours en réformation en la forme ;

rejette les demandes tendant à l’institution d’une mesure d’expertise ;

au fond, les déclare non justifiés et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 24 mai 2007 par le premier vice-président, en présence de M.

Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 22 novembre 2016 Le greffier du tribunal administratif, 15


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : s22395,22399
Date de la décision : 24/05/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-05-24;s22395.22399 ?

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