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23/05/2007 | LUXEMBOURG | N°22124

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 mai 2007, 22124


Numéro 22124 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2006 Audience publique du 23 mai 2007 Recours formé par les époux … et … … et consorts, Rumelange contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22124 du rôle et déposée le 8 novembre 2006 au greffe du tribunal administratif p

ar Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe...

Numéro 22124 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 8 novembre 2006 Audience publique du 23 mai 2007 Recours formé par les époux … et … … et consorts, Rumelange contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22124 du rôle et déposée le 8 novembre 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Olivier LANG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur … …, né le … à Prilep (Macédoine), et de son épouse, Madame … …, née le … à Skopje (Macédoine), agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … …, tous de nationalité macédonienne, demeurant ensemble à L-…., tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 août 2006 portant rejet de leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et leur refusant le bénéfice de la protection subsidiaire, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 6 octobre 2006 prise sur recours gracieux ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Olivier LANG et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives.

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Le 15 septembre 2005, Monsieur … … et son épouse, Madame … …, préqualifiés, agissant en leur nom propre et au nom de leur fils mineur … …, introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-

ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Le même jour, ils furent entendus par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur leur identité.

Monsieur … fut entendu en date du 21 décembre 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile, tandis que l’audition correspondante de Madame … eut lieu le 29 mars 2006.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministre », les informa par décision du 29 août 2006, leur notifiée par courrier recommandé du 31 août 2006, que leur demande avait été rejetée aux motifs énoncés comme suit :

« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 15 septembre 2005 et les rapports d’audition de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 21 décembre 2005 et du 29 mars 2006.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté la Macédoine en 2001 pour aller d’abord en Suède où vous auriez vécu un an et 7 mois environ. Vous auriez ensuite séjourné dans plusieurs pays : l’Allemagne, la Norvège, la France et la Suisse. En septembre 2005, vous serez arrivés au Luxembourg.

Le rapport du Service de Police Judiciaire confirme que vous, Monsieur, vous avez déposé une demande d’asile à Lübeck/Allemagne le 11 mars 2003, une autre à Malmö/Suède le 4 décembre 2003, une autre à Oslock/Norvège le 7 décembre 2003, une autre à Metz/France le 10 mars 2004 et une encore en Suisse le 4 juin 2004. Vous, Madame, avez déposé des demandes d’asile en Allemagne le 1er avril 2003, en France le 10 mars 2004 et en Suisse le 3 mai 2004. Il résulte de ce même rapport que vous avez donné d’autres identités, vous Monsieur, sous la forme d’autres dates et lieux de naissance, vous Madame, sous une autre identité, à savoir celle de … ….

Vous exposez à l’agent ministériel que vous auriez fait votre service militaire en 2000 à la frontière Kosovo-albanaise. En 2001, vous auriez dû aller à la réserve dans la police. Vous auriez refusé d’y aller parce qu’en 1995, après avoir postulé et passé des examens pour entrer dans la police, on vous aurait refusé à cause de votre confession musulmane. Vous auriez aussi été contacté par l’UCK qui voulait que vous rejoigniez leurs rangs puisque votre mère serait albanaise. Des hommes masqués seraient passés en 2001 pour vous demander de rejoindre l’UCK. En 2001 aussi, votre maison aurait été incendiée deux fois.

En Macédoine, vous auriez des problèmes avec votre famille et avec celle de votre épouse qui seraient opposées à votre relation avec votre femme. De plus, tout le monde penserait que vous auriez fait partie de l’UCK.

Vous, Madame, vous auriez quitté la Macédoine début 2002 pour aller en Allemagne où vous auriez retrouvé votre époux. Vous l’auriez ensuite suivi en France, en Suisse et au Luxembourg.

Vous exposez que vous auriez fait la connaissance de votre mari en Macédoine, avant de partir pour l’Allemagne. Votre famille vous aurait chassée quand elle aurait appris cette fréquentation.

Vous n’auriez aucun autre problème dans votre pays. Vous n’y auriez jamais subi de persécutions caractérisées.

Il y a d’abord lieu de relever que la reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne peuvent, à eux seuls, fonder dans votre chef une crainte justifiée d’être persécuté dans le pays dont vous venez du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

D’abord, je remarque que vous avez quitté la Macédoine depuis 2001 et 2002 respectivement.

Ainsi, vos problèmes avec l’UCK ou votre insoumission à la réserve ne sont plus d’actualité. Je relève aussi que vous n’avez subi ni l’un ni l’autre des persécutions au sens de la Convention de Genève. Le fait de craindre vos familles qui seraient opposées à votre union n’entre pas dans le cadre de la Convention de Genève. Vos familles, en effet, ne sauraient être assimilées à des agents de persécution au sens de la Convention de Genève. Quoi qu’il en soit, vous auriez pu éviter de rencontrer vos familles en vous installant dans une autre ville.

Ainsi, vous n’alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans le pays dont vous venez. Les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies.

En outre, vous n’invoquez pas non plus de raisons valables fondant un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, les faits invoqués à l’appui de votre demande ne nous permettent pas d’établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous voir exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Ainsi, la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire ne se justifie pas non plus.

En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l’évaluation de votre demande d’asile, ni votre insoumission, ni vos ennuis avec l’UCK, trop anciens, ni le fait de craindre vos familles respectives ne justifient la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.

Vos demandes en obtention du statut de réfugié sont dès lors refusées comme non fondées au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne sauriez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé ».

Le recours gracieux formulé par courrier de leur mandataire daté au 29 septembre 2006 ayant été rencontré par une décision confirmative du ministre du 6 octobre 2006, les époux …, agissant tant en leur nom propre qu’en nom et pour compte de leurs enfants mineurs … …, ont fait introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions ministérielles initiale du 29 août 2006 et confirmative du 6 octobre 2006 par requête déposée le 8 novembre 2006.

Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours au fond en matière de demandes d’asile et de demandes de protection subsidiaire déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, lequel est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent que Monsieur … serait de père turc et de mère albanaise et de confession musulmane, qu’il n’aurait pas été engagé en tant que policier en 1995 en raison de sa confession musulmane alors même qu’il aurait largement réussi à l’examen d’admission, qu’il aurait été appelé en 2000 au service militaire dans le cadre duquel il aurait été en poste à la frontière avec le Kosovo et qu’il aurait toujours dû supporter les railleries, les insultes et les coups de ses concitoyens en raison de son prénom dévoilant clairement son appartenance religieuse. Les demandeurs ajoutent qu’ils se seraient rencontrés en 1997, que leur relation amoureuse aurait été réprouvée par leurs familles respectives, la famille de Monsieur … n’admettant pas une relation avec une musulmane non pratiquante et celle de Madame … refusant une relation de leur fille avec un Macédonien d’origine turque, et que sous les pressions et sérieuses menaces des deux familles ils auraient décidé de se séparer, Madame … ayant été d’abord enfermée par sa famille et ensuite mise à la porte, de manière à avoir une relation définitivement brouillée avec sa famille. Les demandeurs continuent que Monsieur … aurait été appelé à la réserve de l’armée macédonienne en 2001 au moment de l’éclatement de la guerre interne en Macédoine, mais qu’il aurait refusé de s’y rendre tout de suite en raison du fait qu’il aurait été contacté par des membres de l’UCK pour les rejoindre afin de retourner à son ancien poste à la frontière avec le Kosovo en raison de sa connaissance des lieux, qu’alors qu’il n’aurait pas osé refuser tout de suite cette exigence et demandé un délai de réflexion, plusieurs individus masqués se seraient présentés quelques jours après à son domicile lorsqu’il aurait été absent pour menacer son père et ses frères afin qu’il se manifestait pas au plus vite pour les rejoindre, en précisant que la maison familiale aurait été incendiée six jours après en raison du défaut par Monsieur … de donner suite à cette « invitation » de rejoindre l’UCK. Poussé par toute sa famille qui lui aurait reproché non seulement de les déshonorer mais de les mettre même en danger, Monsieur … aurait alors quitté immédiatement la Macédoine pour s’enfuir vers la Suède où sa demande d’asile aurait néanmoins été rejetée. S’étant rendu ensuite en Allemagne, Monsieur … aurait alors retrouvé Madame … qui se serait enfuie un an après et les deux se seraient encore rendus en Norvège, en France et en Suisse où leur fils … serait né.

Les demandeurs, après avoir relevé que le ministre aurait accepté la compétence du Luxembourg pour l’examen de leur demande d’asile malgré leurs demandes d’asile antérieures dans différents Etats européens, contestent avoir indiqué des identités divergentes aux autorités compétentes d’autres Etats européens, en estimant que certaines divergences seraient le « fruit d’erreurs matérielles », et ils soulignent qu’ils auraient déjà soumis leurs documents d’identité aux autorités d’autres Etats européens. Ils insistent sur le fait que Monsieur … aurait refusé de donner suite à l’appel à la réserve de l’armée macédonienne en 2001 essentiellement en raison des pressions de l’UCK et non pas au seul motif du rejet de sa candidature pour la police en 1995.

Les demandeurs reprochent au ministre d’avoir qualifié les faits par eux soumis comme n’étant plus d’actualité en s’emparant de l’article 26 (4) de la loi prévisée du 5 mai 2006 qui prohiberait toute prescription quant aux persécutions et menaces de persécutions subies et qui imposerait au ministre d’exposer les bonnes raisons de penser que de tels faits ne se reproduiraient pas dans leur pays d’origine.

Concernant la notion d’agents de persécution, les demandeurs considèrent que les principales menaces à leur égard proviendraient des autorités macédoniennes, recherchant Monsieur … pour insoumission, et de l’UCK contre laquelle les autorités macédoniennes n’auraient pas de moyens d’action, mais qu’également les autorités étatiques macédoniennes ne leur accorderaient pas non plus une protection contre les menaces de la part de leurs familles eu égard aux discriminations dont Monsieur … aurait déjà fait l’objet. Les demandeurs dénient l’existence d’une possibilité pour eux de s’établir dans une autre ville en Macédoine et soutiennent qu’il incomberait au ministre d’établir qu’ils ne risqueraient pas des persécutions sur une partie du territoire macédonien.

A titre subsidiaire, les demandeurs se réfèrent aux faits ci-avant décrits pour conclure qu’ils devraient au moins bénéficier de la protection subsidiaire.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs et que le recours sous analyse laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne. Dans ce contexte, il convient encore de préciser que le tribunal est appelé, dans le cadre d'un recours en réformation, à apprécier le bien-fondé et l'opportunité d'une décision entreprise en tenant compte de la situation existant au moment où il statue (cf. trib. adm. 1er octobre 1997, n° 9699, Pas. adm. 2006, v° Recours en réformation, n° 15).

En l’espèce, l’examen des déclarations faites par les demandeurs lors de leurs auditions respectives, telles que celles-ci ont été relatées dans les deux comptes-rendus figurant au dossier, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les demandeurs restent en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans leur chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de leur race, de leur religion, de leur nationalité, de leur appartenance à un certain groupe social ou de leurs convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2.

de la Convention de Genève.

En effet, s’il est vrai que l’article 26 (4) de la loi prévisée du 5 mai 2006 dispose que « le fait qu’un demandeur a déjà été persécuté ou a déjà subi des atteintes graves ou a déjà fait l’objet de menaces directes d’une telle persécution ou de telles atteintes est un indice sérieux de la crainte fondée du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe de bonnes raisons de penser que cette persécution ou ces atteintes graves ne se reproduiront pas », cette disposition n’entend pas imposer en toute circonstance la prise en considération ad infinitum des persécutions ou menaces de persécution subies par un demandeur d’asile dans le passé, mais impose au ministre l’appréciation si les persécutions ou menaces de persécutions risquent de se répéter au vu de la situation concrète du demandeur d’asile et de son pays d’origine et autorise le ministre à conclure que les persécutions ou menaces de persécutions subies ne sont plus à prendre en compte s’il peut faire état d’éléments concordants qui le font admettre qu’un tel risque ne subsiste plus au moment où il statue.

Or, en l’espèce, c’est à bon droit que le ministre a retenu que les faits soumis par les demandeurs remontent aux années 2000 à 2002 et ne sauraient plus fonder à l’heure actuelle une crainte justifiée de persécution au vu de l’évolution de la situation en Macédoine depuis le départ des demandeurs. En effet, les faits essentiellement invoqués de l’appel de Monsieur … à la réserve de l’armée macédonienne, auquel il n’a pas donné suite, et de son refus de rejoindre les rangs de l’UCK s’insèrent dans le cadre des troubles internes en Macédoine de l’année 2001, lesquels ont cependant trouvé leur fin suite à l’accord d’Ohrid qui a assuré à la communauté albanaise une participation au pouvoir. En outre, le parlement macédonien a adopté une amnistie pour tous les insoumis ayant refusé de rejoindre l’armée macédonienne au moment desdits troubles. Il s’ensuit que les demandeurs ne peuvent plus utilement faire état à l’heure actuelle de menaces à leur égard provenant des autorités macédoniennes et de l’UCK.

Quant à la crainte des demandeurs de subir des persécutions de la part de leurs familles respectives, il y a lieu de relever que si ces dernières peuvent être qualifiées d’acteurs de persécution au sens de l’article 28, c) de la loi prévisée du 5 mai 2006, il n’en reste pas moins que cette disposition soumet la reconnaissance de persécutions de la part de cette catégorie d’acteurs à la condition qu’il peut être démontré que les autorités en place ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions. Or, au-delà de la simple affirmation que les autorités étatiques macédoniennes ne leur accorderaient pas une protection contre les menaces de la part de leurs familles eu égard aux discriminations dont Monsieur … aurait déjà fait l’objet, les demandeurs n’ont soumis en cause aucun indice quelque peu concret d’une incapacité ou d’un refus des autorités macédoniennes de leur accorder une protection adéquate.

C’est finalement à bon droit que le ministre a conclu à l’existence d’une possibilité raisonnable pour les demandeurs de s’établir dans une autre ville de Macédoine afin d’éviter la proximité de leurs familles.

Quant au volet des décisions entreprises ayant trait à la protection subsidiaire telle que prévue par les dispositions des articles 2, e) et 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, les demandeurs rappellent que Monsieur … aurait été menacé de mort par des membres de l’UCK ayant mis le feu à sa maison, qu’il aurait subi des discriminations de la part de ses concitoyens et que Madame … aurait été séquestrée pendant plusieurs semaines par sa famille et ils en déduisent que ces faits devraient être qualifiés d’atteintes graves au sens de ces dispositions.

Or, force est de constater que ces éléments ainsi mis en avant par les demandeurs sont également insuffisants pour établir dans leur chef un risque réel de subir encore à l’heure actuelle les atteintes graves définies à l’article 37 de ladite loi du 5 mai 2006.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, les demandeurs ne sont pas fondés à prétendre à la qualité de réfugié, ni au bénéfice de la protection subsidiaire, de sorte que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, donne acte aux demandeurs de ce qu’ils déclarent bénéficier de l’assistance judiciaire, condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé par:

M. SCHOCKWEILER, premier vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 23 mai 2007 par le premier vice-président, en présence de M. LEGILLE, greffier.

LEGILLE SCHOCKWEILER 7


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22124
Date de la décision : 23/05/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-05-23;22124 ?

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