Tribunal administratif N° 22101 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 6 novembre 2006 Audience publique du 16 mai 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre d’Etat en matière d’indemnité
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 22107 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2006 par Maître Gérard SCHANK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, préposé-forestier, demeurant à L- …, tendant à la réformation d’une décision du gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg (ministère d’Etat) du 2 juin 2006, ainsi désignée, portant refus de lui allouer respectivement une indemnité spéciale ou un cumul d’indemnité ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er février 2007 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2007 par Maître Gérard SCHANK au nom de Monsieur … ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 mars 2007 par le délégué du Gouvernement ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Frédéric KRIEG, en remplacement de Maître Gérard SCHANK, et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 23 avril 2007.
Monsieur …, préposé-forestier auprès du triage de Haute Sûre/Nord, ayant assumé durant la période du 1er novembre 2003 au 30 juin 2006 outre sa fonction normale de préposé-
forestier au triage de Haute Sûre/Nord, celle de la gestion du triage forestier de Harlange en remplacement de son titulaire, il sollicita en rémunération de cette tâche supplémentaire l’allocation d’une indemnité spéciale pour remplacement temporaire et/ou cumul d’un emploi vacant sur base de l’article 23 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat.
Par décision du 14 octobre 2005, le Conseil de Gouvernement a fait droit à cette demande mais n’alloua qu’une indemnité de deux fois « 5 % de 354 P.I. du 1.8.2004-31.12.2005 ».
Par courrier de son mandataire du 10 mars 2006, Monsieur … a fait introduire un recours gracieux contre cette décision du 14 octobre 2005.
Par courrier du 2 juin 2006, un premier inspecteur des Finances agissant pour le groupe de travail de la commission des cumuls auprès du ministère d’Etat, s’adressa au Premier ministre, ministre d’Etat, au sujet du recours gracieux en relation avec des indemnités spéciales de divers proposés forestiers, dont notamment Monsieur …, dans les termes suivants :
« Après réexamen des dossiers sous rubrique, le groupe de travail chargé de l’examen des cumuls se prononce pour le maintien des taux antérieurement proposés, à savoir 10% des traitements des personnes concernées, avis auquel le Conseil de Gouvernement s’était rallié dans ses décisions relatives aux demandes en question.
Les membres du groupe de travail ont une nouvelle fois évalué tous les éléments du dossier à la lumière des critères prévus au règlement grand-ducal du 13 avril 1984 déterminant les conditions et les modalités de l’allocation de l’indemnité spéciale prévue à l’article 23 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, et estiment que l’indemnisation proposée est adaptée aux efforts supplémentaires demandés aux fonctionnaires concernés ».
Ledit courrier fut transmis d’abord pour attribution au ministre de l’Environnement et ensuite en date du 30 juin 2006 au directeur de l’administration des Eaux et Forêts au titre de « décision du groupe de travail chargé de l’examen des cumuls » avec prière de bien vouloir en informer valablement les intéressés.
Enfin, une copie de ladite décision, ainsi qualifiée, fut délivrée à Monsieur … le 19 juillet 2006, sans préjudice quant à la date exacte.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 novembre 2006, Monsieur … a fait introduire un recours en réformation contre « la décision du Gouvernement du Grand-
Duché de Luxembourg ( ministère d’Etat) en date du 2 juin 2006 » lui refusant l’allocation d’une indemnité spéciale ou un cumul d’indemnité conformes à la loi.
Le délégué du Gouvernement conclut principalement à l’irrecevabilité de ce recours au motif que l’acte déféré ne serait pas susceptible de créer par lui-même des effets juridiques et d’entraîner des conséquences préjudiciables pour l’intéressé, de même qu’il ne constituerait pas non plus l’acte final dans la procédure administrative concernée, de sorte à ne pas remplir les conditions pour constituer une décision administrative faisant grief. Il s’agirait au contraire d’un avis émanant d’un organe non habilité à prendre la décision finale en la matière, en l’occurrence un groupe de travail chargé de l’examen des cumuls qualifiant dans le corps même de l’acte déféré son contenu comme étant un avis. Estimant que le requérant n’aurait pas pu se méprendre sur le caractère de cet acte qui ne serait qu’un avis et qui devrait être obligatoirement suivi d’une décision du Gouvernement en conseil, le représentant étatique fait valoir par voie de conséquence que le recours sous examen aurait dû être dirigé soit contre la décision initiale du Gouvernement en conseil du 14 octobre 2005, soit contre une décision de refus implicite se dégageant du silence dudit conseil après le recours gracieux introduit par Monsieur …, mais non contre l’acte qui ne constitue pas l’acte final dans la procédure.
Le demandeur entend résister à ce moyen en faisant valoir que le courrier déféré du 2 juin 2006 présenterait tous les aspects extérieurs d’une décision, même si son auteur n’avait pas le pouvoir de la prendre ou n’était pas habilité à le faire ; il suffirait à cet égard de se référer à l’objet du courrier intitulé « demande en recours gracieux en relation avec des indemnités spéciales de divers préposés forestiers » pour arriver à la conclusion qu’il s’agirait d’une réponse au recours gracieux par lui introduit suivant courrier du 10 mars 2006. Il estime qu’il importerait peu que ce courrier soit intitulé par son auteur de « décision » ou d’« avis », étant donné que dans ledit courrier, l’autorité administrative, appelée à prendre une décision sur recours gracieux, prendrait fermement position sur une demande formelle de l’administré.
De ce fait l’acte déféré lui ferait grief et affecterait directement sa situation personnelle en ce qu’elle serait de nature à lui causer un préjudice individualisé puisque l’autorité administrative « se prononce pour le maintien des taux antérieurement proposés, à savoir 10% des traitements des personnes concernées », de sorte à constituer une étape finale dans la procédure, étant entendu que, sauf preuve du contraire, aucune autre décision n’aurait été rendue suite au recours gracieux.
Il estime que le caractère décisionnel de l’acte déféré serait encore renforcé par le fait qu’il lui aurait été notifié dans les mêmes formes et par les mêmes organes que ceux ayant rendu la décision initiale du 14 octobre 2005 pour soutenir que dans ces conditions, l’acte déféré du 2 juin 2006 serait à considérer comme étant une décision susceptible de recours contentieux.
Conformément aux dispositions de l’article 23.3 de la loi modifiée du 16 avril 1979 précitée « les indemnités prévues au paragraphe 1er sont allouées sur la proposition du ministre du ressort, par une décision motivée du Gouvernement en conseil », de sorte que la compétence pour rendre une décision sur une demande en indemnité spéciale ou d’un cumul d’indemnité, ainsi que pour toiser le cas échéant un recours gracieux contre une décision intervenue en cette matière, revient au seul Gouvernement en conseil.
Si le demandeur a en l’espèce valablement pu adresser un recours gracieux par courrier du 10 mars 2006 à l’encontre de la décision du Gouvernement en conseil du 14 octobre 2005 lui ayant accordé une indemnité qui ne correspondait pas à ses attentes, il reste à déterminer si le seul acte déféré au tribunal, en l’occurrence le courrier prérelaté du 2 juin 2006 émanant du premier inspecteur des Finances, constitue une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux et s’il peut, le cas échéant, être considéré comme une décision confirmative de celle du 14 octobre 2005 contre laquelle le recours gracieux de Monsieur … était dirigé.
Or, force est de constater à partir du libellé du courrier prérelaté du 2 juin 2006 qu’il y est certes fait référence au recours gracieux en relation avec des indemnités spéciales de divers préposés forestiers, dont notamment celui de Monsieur …, mais ce courrier ne revêt pas pour autant le caractère d’une décision statuant sur recours gracieux. En effet le groupe de travail chargé de l’examen des cumuls « se prononce sur le maintien des taux antérieurement proposés, à savoir 10 % des traitements des personnes concernées », tout en précisant expressément que c’est un « avis » qui est ainsi prononcé auquel le Gouvernement en conseil s’était rallié dans ses décisions relatives aux demandes en question. Il se dégage encore clairement du deuxième alinéa du même courrier que ce sont les membres du groupe de travail qui estiment que l’indemnisation proposée est adaptée aux efforts supplémentaires demandés aux fonctionnaires concernés, de sorte que ce courrier s’analyse clairement en un avis du groupe de travail de la commission des cumuls rendu sur réexamen des dossiers concernés suite à l’introduction de recours gracieux, adressé au Premier ministre, ministre d’Etat, destinataire dudit courrier.
Même si cet avis, qui ne s’analyse qu’en une étape de la procédure d’élaboration de la décision à intervenir sur recours gracieux a été communiqué au ministre de l’Environnement, ainsi que par la suite au directeur de l’administration des Eaux et Forêts à des fins d’information des intéressés, cette communication n’est pas pour autant de nature à ériger le courrier prérelaté du 2 juin 2006 en décision intervenue sur recours gracieux.
Encore que le tribunal peut s’accorder avec le demandeur pour constater que les courriers de transmission, dont plus particulièrement celui du ministre de l’Environnement adressé au directeur de l’administration des Eaux et Forêts, créent une certaine ambigüité en ce qu’il y est question de « la décision du groupe de travail chargé de l’examen des cumuls en relation avec l’affaire sous rubrique » plutôt que d’un avis dudit groupe de travail, cette seule ambigüité, compte tenu du caractère clair et non ambigu du courrier même du 2 juin 2006 qui fut transmis à l’intéressé, est insuffisante pour sous-tendre utilement l’argumentation du demandeur consistant à soutenir que cet acte présenterait les aspects extérieurs d’une décision finale.
Or, le seul acte déféré au tribunal étant ledit courrier du 2 juin 2006, c’est partant à juste titre que le délégué du Gouvernement soutient que cet acte ne revêt pas les aspects extérieurs d’une décision administrative régulière et ne constitue pas non plus l’étape finale dans la procédure pour s’analyser en un acte simplement préparatoire. Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours sous examen est irrecevable faute d’être dirigé contre une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.
Compte tenu de l’issue du litige, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la partie demanderesse de voir condamner l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours irrecevable ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 mai 2007 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16.5.2007 Le Greffier en chef du Tribunal administratif 5