Tribunal administratif N° 21675 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 17 juillet 2006 Audience publique du 14 mai 2007 Recours formé par la société anonyme de droit belge … S.A., … (B) contre une décision du ministre de l’Environnement en matière de protection de l’environnement
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 21675 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 17 juillet 2006 par Maître Hervé MICHEL, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme de droit belge … S.A., établie et ayant son siège social à B-…, …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Environnement du 19 avril 2006 portant refus d’autorisation pour le stockage de boues d’épuration sur le site de l’exploitation agricole de Monsieur …, …, L-…, sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section OC de … sous le numéro …;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 15 décembre 2006 ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hervé MICHEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 mars 2007.
Vu la rupture du délibéré prononcée en date du 20 avril 2007 ;
Vu le mémoire additionnel déposé au greffe du tribunal administratif en date du 2 mai 2007 par la partie demanderesse ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Hervé MICHEL et Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mai 2007.
Le 30 septembre 2005, la société anonyme de droit belge … S.A., désignée ci-après par « la société … S.A. », s’adressa par l’intermédiaire du bureau d’études … S.A., au ministre de l’Environnement, ci-après désigné par « le ministre », pour solliciter une autorisation pour le stockage de boues d’épuration sur le site de l’exploitation agricole de Monsieur …, …, L-…, sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section OC de … sous le numéro … conformément à la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 19 janvier 2004 ».
Dans un avis du 21 décembre 2005, le préposé forestier du triage forestier de Perlé de l’administration des Eaux et Forêts s’exprima comme suit :
« Retourné à Monsieur le chef de l’CN-Nord avec avis défavorable pour les raisons suivantes :
Le stockage de boues présente le risque d’écoulement d’éluats en cas de bâches défectueuses qui s’écouleront vers les bouches d’égout présentes en bordure du site. Une citerne de +- 22 m3 se trouve à côté des silos. Les silos se situent à +- 60 m de la première maison, maison qui fait partie intégrante de l’exploitation agricole …. A 70 m des silos se situe la route (N12) menant de … à … et à 5 m se trouve le chemin communal menant de … à la N12. Le fait de l’incommodation d’odeurs de la population est donné ! Des odeurs qui peuvent devenir désagréables selon le grade de leur intensité et principalement du NH3 (ammoniac). Le dépôt et l’utilisation de boues d’épuration constituent un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère et du milieu naturel en général (cf texte allemand à la fin de mon avis).
Quelques réflexions (en allemand) « Kläranlagen versuchen schädliche Stoffe aus dem abzuleitenden Wasser zu entfernen. Diese verbleiben somit überwiegend im Klärschlamm ! ».
Niedersächsiches Umweltministerium : « Die ökologische Problematik bei der landwirtschaftlichen Klärschlammverwertung liegt gerade darin, dass jede Steigerung beim Reinigen kommunaler Abwässer zwangsläufig zu einer Schadstoffanreicherung des Klärschlammes führt. Damit wird klar, bei Klärschlamm handelt es sich um eine Schadstoffsenke und deshalb geht es heute nicht nur um schädliche Schwermetalle, sondern immer mehr auch um schwer abbaubare organische Substanzen wie beispielweise Wirkstoffe aus Arzneimitteln (z.b. antibiotisch und endokrin wirkende Substanzen), Kosmetika, Rückstände aus Wasch-
und Reinigungsvorgängen, Weichmacher, etc… Das Gefährdungspotential dieser Stoffe für die Bodenfauna und – flora sowie Folgewirkungen für den Menschen sind noch weitgehend unbekannt ! ».
Par lettre du 19 avril 2006, le ministre s’adressa au bureau d’études … S.A. en les termes suivants :
« En réponse à votre requête du 30/09/2005 par laquelle vous sollicitez l’autorisation de procéder au stockage de boues d’épuration sur le site de l’exploitation agricole de Monsieur … à …, sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de …, section OC de … sous le numéro 25/1353, j’ai le regret de vous informer qu’en vertu de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, je ne suis pas disposé à réserver une suite favorable au dossier.
En effet, le dépôt et l’utilisation de boues d’épuration constituent un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère et du milieu naturel en général et votre projet serait donc contraire à l’esprit de la loi modifiée du 19 janvier 2004 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.
Le stockage de boues d’épuration présente un risque d’écoulement de liquides en cas de bâches défectueuses qui s’écouleront vers les bouches d’égout présentes en bordures du site. Par ailleurs, des odeurs désagréables risquent d’incommoder la population et constitueraient des nuisances non-négligeables pour les habitants avoisinants (…) ».
Par requête déposée le 17 juillet 2006, la société … S.A. a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 19 avril 2006.
Conformément aux dispositions de l’article 58 de la loi du 19 janvier 2004, le tribunal est amené à statuer comme juge du fond en la matière, de sorte qu’il est compétent pour connaître du recours en réformation introduit, qui est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, aucune contestation y relative n’ayant par ailleurs été soulevée par l’Etat.
A l’appui de son recours, la société … S.A. expose qu’elle a sollicité l’autorisation pour le stockage des boues d’épuration, étant donné que son objet social est l’étude des possibilités de recyclage en agriculture de déchets provenant des secteurs industriels et publics, l’organisation du recyclage en agriculture au quotidien, soit l’évacuation, le transport et l’épandage du produit recyclé ainsi que le suivi agronomique et environnemental des chantiers d’épandage. Elle affirme qu’elle recycle les boues d’épuration des stations d’épuration de Beggen, de Pétange, de Mertzig et de la commune de Junglinster. Ces boues feraient d’abord l’objet d’un traitement, consistant en une stérilisation du produit et en une augmentation de la valeur agronomique des fertilisants contenus dans la boue, opération qui serait réalisée sur le site des stations. L’ensemble de ces boues serait ensuite épandu sur les cultures par ses soins. Du fait de ces activités, elle aurait introduit une demande d’autorisation en vue d’exploiter une installation de stockage intermédiaire des boues d’épuration. Son projet consisterait à utiliser des plates-formes de silos bétonnées existantes qui étaient utilisées autrefois pour stocker du fourrage. Elle souhaite ainsi éviter de stocker les boues d’épuration en bordure des champs à fertiliser, « technique autorisée, mais décriée par les services du ministère de l’Environnement ».
Quand au fond, elle conteste le motif de refus contenu dans la décision ministérielle consistant à soutenir que le dépôt et l’utilisation de boues d’épuration constitueraient un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère et du milieu naturel en général en estimant que le raisonnement du ministre reviendrait à interdire purement et simplement tout recyclage et toute utilisation de boues d’épuration en agriculture, motif qui serait dès lors en violation avec la législation existante en la matière.
Elle se réfère à ce sujet au règlement grand-ducal du 14 avril 1990 relatif aux boues d’épuration qui réglemente le traitement et l’élimination des boues d’épuration ainsi que leur utilisation en agriculture de manière à éviter des effets nocifs sur les sols, la végétation, les animaux et l’homme, tout en encourageant leur utilisation correcte. Le prédit règlement se prononce encore sur le stockage et le traitement de ces boues en disposant dans son article 9 que « les détenteurs qui livrent des boues en vue de leur utilisation doivent disposer eux-
mêmes ou s’assurer la disponibilité d’équipements servant au stockage et au traitement des boues ». Elle fait ensuite valoir que ce règlement s’inscrit dans le fil de la Directive n°86/278 CEE du 12 juin 1986 « relative à la protection de l’environnement et notamment des sols, lors de l’utilisation de boues d’épuration en agriculture ». Elle relève que cette directive encourage la valorisation et l’utilisation des boues d’épuration. Elle se réfère encore à une décision de la Commission Européenne et à une résolution du conseil du 24 février 1997 (97/C 76/01) pour conclure que les normes fixées tant au niveau européen qu’au niveau national permettraient de garantir le bon déroulement des activités de dépôt et d’utilisation des boues d’épuration en agriculture.
Elle conclut que dans la mesure où la société … S.A. bénéficie d’une autorisation ministérielle relative au négoce de déchets et qui l’autorise à veiller à l’élimination ou à la valorisation des déchets notamment des boues provenant du traitement des eaux usées et comme cette autorisation impose la possibilité de pouvoir stocker les boues, l’interdiction pure et simple du ministre en raison du danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère et du milieu naturel en général serait illégale.
Elle soutient ensuite que le stockage des boues d’épuration ne présenterait pas de risque d’écoulement de liquides en raison des mesures de sécurisation prises par elle. Elle se réfère au dossier technique présenté par la société … qui prévoit les mesures de précaution et de sécurité pour la protection de l’air, de l’eau et du sous-sol. En ce qui concerne le risque potentiel de pollution en cas de bâches défectueuses, elle est d’avis qu’un tel raisonnement conduirait à refuser toute autorisation, étant donné qu’un risque potentiel existerait dans toute activité.
A titre subsidiaire, elle relève que même si la bâche était défectueuse le risque de pollution serait minime en raison de l’existence d’un système de récupération des jus d’écoulement, tel que cela résulte des informations complémentaires fournies par la société … à la demande de l’administration de l’Environnement du 31 octobre 2005.
En ce qui concerne le fait que des odeurs désagréables risqueraient d’incommoder la population ce qui constituerait des nuisances non négligeables pour les habitants avoisinants, elle soutient à titre principal que cette question ne rentre pas dans les attributions du ministre de l’Environnement dans le cadre de la loi du 19 janvier 2004. A titre subsidiaire, elle se réfère au dossier technique présenté par elle, dans lequel l’impact olfactif de l’établissement projeté a été examiné et qui arrive à la conclusion que les émissions d’odeurs seraient quasiment nulles.
Le délégué du Gouvernement demande en premier lieu la jonction de cette affaire avec un recours introduit également en date du 17 juillet 2006 et portant le numéro du rôle 21674 en raison du fait que les deux affaires comportent un problème au fond identique.
Il n’y a pas lieu de faire droit à cette jonction, étant donné qu’il s’agit de deux sites d’exploitation différents ayant fait l’objet de décisions distinctes même s’il y a identité de motifs en ce qui concerne le refus y exprimé.
Quant au fond, le représentant étatique relève de prime abord que la décision litigieuse du 19 avril 2006 serait motivée in concreto par rapport aux critères légaux tels que repris par les articles 1er et 56 de la loi du 19 janvier 2004. La référence dans la requête introductive d’instance au règlement grand-ducal du 14 avril 1990 relatif aux boues d’épuration ne serait d’aucune pertinence dans le cadre de la présente affaire, dans la mesure où le présent litige n’aurait pas trait à la question de la licéité d’un dépôt et de l’utilisation de boues d’épuration en général, mais à la question de savoir si le ministre de l’Environnement, au regard des critères légaux applicables en l’espèce, était en droit de refuser la demande d’autorisation de stockage des boues d’épuration sur le site de l’exploitation de Monsieur ….
Il estime qu’il ressortirait des éléments du dossier administratif, notamment des avis versés en cause, que des maisons se situeraient à proximité de l’établissement projeté et qu’il y aurait des incommodités olfactives pour la population locale.
La loi modifiée du 19 janvier 2004 sur la protection de la nature poursuit, tel qu’indiqué en son article 1er, les objectifs suivants : « la sauvegarde du caractère, de la diversité et de l'intégrité de l'environnement naturel, la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, la protection de la flore et de la faune et de leurs biotopes, le maintien et l'amélioration des équilibres et de la diversité biologiques, la protection des ressources naturelles contre toutes les dégradations et l'amélioration des structures de l'environnement naturel ».
Les pouvoirs du ministre sont circonscrits par l’article 56 de la loi, aux termes duquel « les autorisations requises en vertu de la présente loi sont refusées lorsque les projets du requérant sont de nature à porter préjudice à la beauté et au caractère du paysage ou s'ils constituent un danger pour la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l'atmosphère, de la flore, de la faune ou du milieu naturel en général ou lorsqu'ils sont contraires à l'objectif général de la présente loi tel qu'il est défini à l'article 1er ».
Il s’ensuit que le ministre statuant dans le cadre des compétences lui attribuées à travers la loi modifiée du 19 janvier 2004 est tenu d’opérer son contrôle par rapport aux dispositions des articles 1er et 56 de cette loi concernant ses objectifs d’un côté et la compatibilité du projet avec la beauté et le caractère du paysage, ainsi que son risque par rapport à l’environnement naturel y défini, ces critères devant être appliqués au cas par cas, en fonction des caractéristiques propres de chaque projet et de son environnement.
Le tribunal constate que les différents motifs de refus avancés par le ministre et précisés en cours d’instance contentieuse se laissent résumer, à l’instar de la présentation adoptée par le délégué du Gouvernement, en des critères écologiques et des critères relatifs à l’objectif général de la loi.
L’établissement projeté consiste en un dépôt de boues d’épuration dans des bâtiments existants, à vocation agricole, étant précisé que les boues d’épuration, qui ont été traitées préalablement, sont assimilées à des engrais, de sorte qu’il n’y a aucune incompatibilité avec la destination de la zone concernée, à savoir la zone rurale.
Aucune base légale n’ayant été indiquée en vertu de laquelle le stockage litigieux serait soumis à autorisation du ministre, le tribunal a prononcé la rupture du délibéré afin de permettre aux parties de prendre position par rapport à ce point.
La partie demanderesse, dans son mémoire déposé le 2 mai 2007, fait valoir que le ministre de l’Environnement lui a accordé l’autorisation de procéder à l’entreposage de boues d’épuration en accord avec la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés.
Elle estime que dans ces conditions, le ministre reconnaîtrait implicitement qu’il ne serait pas nécessaire de toiser la demande au regard de la loi du 19 janvier 2004.
Le délégué du Gouvernement, n’ayant pas déposé de mémoire écrit, a pris oralement position par rapport à la question posée par le tribunal en arguant sur la nécessité d’obtenir une autorisation en vertu des dispositions de la loi du 19 janvier 2004, et notamment de l’article 11 de la loi précitée dans la mesure où les boues d’épuration devraient être qualifiées de déchets.
Aux termes de l’article 11, alinéa 1 « il est défendu d’abandonner, de déposer ou de jeter en dehors des lieux spécialement désignés à cet effet par les autorités étatiques et communales des déchets de quelque nature que ce soit, y compris tous engins mécaniques hors d’usage et les parties de ces engins mécaniques ».
Cet article vise précisément de lutter contre les décharges sauvages polluant l’environnement naturel par le dépôt de déchets de toute nature. Il convient à ce titre d’examiner si les boues d’épuration sont à qualifier de déchets aux termes de la loi du 19 janvier 2004 de sorte à tomber sous l’interdiction générale énoncée par l’article 11 précité.
Force est de constater que la prédite loi ne contient pas de définition du terme « déchets ».
Le terme de « déchets » est défini par l’article 3 la loi modifiée du 17 juin 1994 relative à la prévention et à la gestion des déchets. Cet article dispose : « Au sens de la présente loi, on entend par « déchets » : toute substance ou tout objet qui relève des catégories figurant à l’annexe I de la présente loi et d’une manière générale, tout bien meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ou dont il a l’obligation de se défaire. Sont considérés comme des déchets au sens de la présente loi, les produits et substances destinés à la valorisation jusqu’à ce que ces produits ou substances, ainsi que les matières premières secondaires ou l’énergie qui résultent de l’opération de valorisation soient réintroduits dans le circuit économique ».
Il se dégage de la lecture de cet article que les boues d’épuration ne sont visées ni par l’annexe I à laquelle l’article se réfère ni par la définition générale et, dans cette mesure, elles ne sont pas à qualifier de déchets.
En ce qui concerne la qualification de déchets pour les produits destinés à être valorisés, il y a lieu de retenir que la définition retenue vise les déchets avant leur valorisation.
En l’espèce, le recyclage et le traitement des boues d’épuration ont lieu sur le site même des stations d’épuration. Ce n’est qu’une fois le traitement des boues d’épuration terminé, en forme de boues déshydratées, que la demanderesse entend procéder au stockage intermédiaire sur l’exploitation agricole de Monsieur XXX avant de les épandre sur ses cultures. Les boues d’épuration ne tombent dès lors pas sous la définition de déchets telle que retenue par l’article 3 de la loi précitée du 17 juin 1994 et l’interdiction prévue par l’article 11 de la loi du 19 janvier 2004 ne saurait dès lors trouver application en ce qu’elle ne vise que les déchets au sens propre du terme.
A ce titre il y a lieu de préciser que les textes légaux et réglementaires doivent être interprétés de préférence de façon à dégager un sens concordant, en conciliant les termes de leurs dispositions plutôt que d’en voir dégager des significations contradictoires.
Ainsi, aux termes de l’article 23 de la loi du 17 juin 1994, intitulé « gestion des résidus d’épuration et d’élevage », « les boues de décantation, les boues d’épuration (…) ne peuvent être épandus que sur des sols servant aux cultures agricoles, forestières et jardinières et dans la mesure seulement où ils n’excèdent pas les besoins de la fumure usuelle. Sans préjudice d’autres dispositions applicables en la matière, des règlements grand-ducaux peuvent interdire, réglementer ou soumettre à autorisation le stockage et l’utilisation des [boues d’épuration] et notamment leur épandage sur ou dans les sols ».
Un tel règlement grand-ducal réglementant le stockage des boues d’épuration n’a pas été pris à ce jour. Néanmoins il ressort de l’article 9 du règlement grand-ducal du 14 avril 1990 relatif aux boues d’épuration que « les détenteurs qui livrent des boues en vue de leur utilisation doivent disposer eux-mêmes ou s’assurer la disponibilité d’équipements servant au stockage et au traitement des boues. Les boues doivent pouvoir être stockées durant trois mois au moins ».
Cet article impose dès lors une obligation au détenteur de boues d’épuration de les stocker, de sorte que les dispositions de l’article 11 ne sauraient être interprétées dans le sens d’une interdiction générale en la matière et qu’il y a lieu de le lire en concordance avec les autres textes législatifs et réglementaires cités ci-avant.
Il résulte des considérations qui précèdent que le stockage de boues d’épuration, sous forme d’engrais, en zone verte, ne tombe pas sous l’interdiction énoncée par l’article 11 de la loi précitée du 19 janvier 2004 pour n’être visé par aucune de ses dispositions et n’est donc pas soumis à autorisation au sens de la loi précitée du 19 janvier 2004. Dès lors ni l’article 56 cité à la base de la décision de refus ni l’article 11 indiqué par le délégué du Gouvernement comme base légale du refus, ne sont applicables dans la mesure où la prémisse de base, à savoir « l’autorisation requise en vertu de la présente loi », fait défaut.
S’il est encore bien vrai que l’activité nécessite une autorisation en vertu de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés et du règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés, ce volet n’a cependant pas été déféré devant le tribunal par le présent recours.
Le tribunal constate néanmoins qu’une autorisation y afférente a été émise par le ministre en date du 18 avril 2007 et elle impose les conditions relatives à la protection de l’air et des eaux et du sol. Elle impose encore des conditions relatives à la réception et au contrôle de l’établissement, de sorte que les craintes mises en avant par le ministre dans le cadre de la loi du 19 janvier 2004 ont été prises en compte et réglementées par ce même ministre dans le cadre de la loi précitée du 10 juin 1999.
Il résulte des considérations qui précèdent que le ministre n’a pas eu compétence pour prendre la décision litigieuse du 19 avril 2006, de sorte que celle-ci encourt l’annulation.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare justifié ;
partant, dans le cadre du recours en réformation, annule la décision ministérielle du 19 avril 2006, pour incompétence dans le chef du ministre de l’Environnement ;
condamne l’Etat aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mai 2007 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 8