Tribunal administratif N° 22014 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 octobre 2006 Audience publique du 7 mai 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg en matière de fonctionnaires communaux
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 22014 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2006 par Maître François CAUTAERTS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, fonctionnaire communal en retraite, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du conseil communal de la Ville de Luxembourg du 19 juin 2006 par laquelle sa demande en obtention d’une promotion au grade 8bis de la carrière de l’expéditionnaire administratif a été refusée ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Tom NILLES, demeurant à Esch-sur-Alzette, du 17 octobre 2006 portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2007 par Maître Jean KAUFFMAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 9 février 2007 par Maître François CAUTAERTS au nom de Monsieur … ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2007 par Maître Jean KAUFFMAN pour compte de l’administration communale de la Ville de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres François CAUTAERTS et Jean KAUFFMAN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 18 avril 2007.
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Par courrier de son mandataire datant du 15 juin 2005, Monsieur … s’adressa à son supérieur hiérarchique pour solliciter une promotion au grade 8bis de la carrière de l’expéditionnaire administratif.
Par décision du 4 juillet 2005, le collège échevinal de la Ville de Luxembourg refusa de faire droit à cette demande.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2005, Monsieur … avait fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du collège échevinal. Par jugement du 5 avril 2006, le tribunal administratif a annulé la décision du collège échevinal du 4 juillet 2005 pour incompétence de l’autorité ayant statué.
Lors de sa séance publique du 19 juin 2006 le conseil communal de la Ville de Luxembourg refusa le bénéfice de la promotion aux fonctions de magasinier, avec classement au grade 8bis de la carrière de l’expéditionnaire administratif avec effet au 1er juillet 2005 tel que sollicité par Monsieur … moyennant courrier de son mandataire du 15 juin 2005, tout en relevant que l’intéressé a été admis au bénéfice d’une pension de retraite pour raison d’invalidité avec effet au 1er février 2006 en vertu d’une délibération du 30 janvier 2006, approuvée le 10 mars 2006.
Aucun recours au fond n’étant prévu en matière de promotion, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation.
Le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ayant été déposé dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
A l’appui de son recours le demandeur conclut en premier lieu à l’annulation de la décision déférée pour défaut sinon insuffisance de motivation, en faisant valoir qu’à la lecture de la décision litigieuse, il serait impossible de connaître les motifs qui ont concrètement déterminé le refus du conseil communal, ceci en violation des articles 68 à 87 de la loi du 24 décembre 1985 fixant le statut général des fonctionnaires communaux, ainsi que de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 réglementant la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes prescrivant l’indication formelle des motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui sert de fondement à la décision, ainsi que des circonstances de fait à sa base. Le demandeur conclut en outre à une violation du principe du contradictoire en ce que, d’une part, la décision déférée ne mentionnerait pas les éléments du dossier administratif qui auraient pu mener à une décision de refus et, d’autre part, il n’aurait pas pu avoir accès au dossier soumis au conseil communal, ceci en violation de l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité.
Quant au bien-fondé de la décision déférée, le demandeur estime qu’elle serait contraire à une décision du collège échevinal du 18 décembre 1984 constatant une pratique permanente qui permettrait l’attribution du grade 8bis de fin de carrière à partir du moment où le fonctionnaire a atteint l’âge de 55 ans ou pourra faire valoir 35 années de service, décision à laquelle le collège échevinal l’aurait d’ailleurs expressément renvoyé dans un courrier datant du 12 janvier 1998. Il reproche ainsi au conseil communal de ne pas avoir pris soin de constater si oui ou non il remplirait les conditions fixées par cette décision du 18 décembre 1984 tout en relevant que la décision déférée serait encore en contradiction flagrante avec les motifs d’une précédente décision intervenue le 12 janvier 1998 aux termes de laquelle il avait été informé que le grade 8bis « ne pourra lui être alloué, par voie de promotion et conformément à une pratique permanente arrêtée par décision du collège échevinal du 18 décembre 1984, qu’à partir du moment où il aura atteint l’âge de 55 ans ou pourra faire valoir 35 années de service. » Le demandeur relève ensuite que la convocation lancée par le collège échevinal à l’attention du conseil communal ferait apparaître que les seuls éléments ayant été portés à la connaissance du conseil étaient des éléments défavorables touchant notamment à son incapacité prolongée de travail et à la procédure d’annulation d’une décision antérieure du collège des bourgmestre et échevins, mais qu’à aucun moment cette convocation n’aurait fait apparaître une présentation objective de son dossier permettant une prise de décision éclairée, de sorte que ses droits élémentaires de la défense, ainsi que le principe du contradictoire établi notamment par les articles 6 et suivants de la Convention européenne des droits de l’homme aurait été violé. Le collège échevinal aurait en outre induit en erreur le conseil communal alors que son incapacité de travail n’aurait pas dépassé deux années puisqu’il se serait agit d’une absence de 116,5 jours ouvrables au moment où la Ville de Luxembourg a saisi la commission spéciale des pensions du secteur communal pour une mise à la retraite anticipée.
Le demandeur donne encore à considérer qu’un refus de promotion non justifié, malgré la réunion des conditions fixées par l’administration communale et contrairement à une pratique constante reconnue comme telle, s’analyserait en une sanction disciplinaire déguisée et illégale qui devrait être annulée à défaut de respecter la législation applicable et notamment le statut général des fonctionnaires communaux, ainsi que les lois du 24 décembre 1985, 14 décembre 1983 et 16 avril 1979 telles que modifiées et le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, pris dans ses articles 11, 51 et 56.
Finalement le demandeur signale que malgré la décision de refus déférée, il s’est également vu adresser fin septembre par le service central du personnel de la commune un bulletin de traitement faisant état de l’attribution du grade 8bis, soit de 22,70 points indiciaires. Même s’il s’est avéré qu’il s’agissait d’une erreur, il estime que ce genre d’agissement l’exposerait à la risée des autres fonctionnaires et tendrait à entretenir l’impression d’écrasement et de mépris qu’il percevrait dans les agissements de l’administration communale, accréditant de la sorte l’hypothèse d’un véritable harcèlement orchestré à son égard depuis plusieurs années.
La partie défenderesse rétorque concernant le reproche de l’absence de motivation que le vote ayant abouti à la décision déférée s’est effectué au scrutin secret conformément aux dispositions de l’article 19 alinéa 4 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 et que s’agissant en l’espèce du cas d’un fonctionnaire qui demanderait une faveur et non pas d’un administré qui se verrait retirer une prérogative acquise auparavant, les dispositions de l’article 6 alinéa 1er du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité ne seraient pas applicables. Quant aux articles 68 à 87 de la loi modifiée du 24 décembre 1985 précitée, elle relève qu’ils traitent de la procédure disciplinaire qui serait étrangère au présent dossier.
Pour le surplus la Ville de Luxembourg estime qu’une motivation aurait implicitement été donnée dans le corps même de la décision déférée en ce qu’il y est fait mention du fait que l’intéressé a été admis au bénéfice d’une pension de retraite pour raison d’invalidité avec effet au 1er février 2006.
S’agissant en l’espèce d’une décision de refus de promotion et le demandeur, outre de se référer d’une manière générale aux articles 68 à 87 de la loi modifiée du 24 décembre 1985, restant néanmoins en défaut de spécifier en quoi les dispositions ainsi visées dans leur globalité et correspondant à la « section 4. – procédure disciplinaire » auraient concrètement été violées, le moyen d’annulation fondé sur une violation alléguée desdites dispositions ne rencontre pas un degré de précision suffisant pour permettre un examen contentieux utile afférent.
L’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes dispose d’une manière générale dans son alinéa 1er que « toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux », tandis qu’il précise dans son deuxième alinéa que « la décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;
- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale. » La décision déférée, en ce qu’elle refuse de faire droit à la demande de promotion de Monsieur …, rentre clairement dans les prévisions de l’article 6 alinéa 2 prérelaté, étant entendu que ledit article ne distingue pas suivant l’objet de la demande de l’intéressé, de sorte que l’argumentation de la Ville de Luxembourg fondée sur la considération que la demande de l’intéressé aurait tendu en l’espèce à l’obtention d’une faveur ne saurait utilement être retenue pour écarter l’application dudit article.
Force est en revanche de relever que l’obligation légale d’indiquer formellement les motifs d’une décision refusant de faire de droit à la demande de l’intéressé est libellée en sorte qu’un énoncé sommaire de la cause juridique servant de fondement à la décision ainsi que des circonstances de fait à sa base est suffisant, de sorte que l’administration doit être admise à expliciter ou compléter cet exposé sommaire en cours d’instance contentieuse.
Tel que relevé à juste titre par la Ville de Luxembourg, la décision déférée ne saurait encourir le reproche d’une absence de motivation, étant donné qu’elle énonce les différents textes légaux et réglementaires lui servant de base et qu’elle fait expressément référence au fait que Monsieur … a été admis au bénéfice d’une pension de retraite pour raison d’invalidité avec effet au 1er février 2006, laissant ainsi clairement sous-entendre que cette circonstance de fait a directement pesé sur la décision de refus litigieuse.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le premier moyen d’annulation fondé sur une insuffisance, voire un défaut de motivation laisse d’être fondé.
Quant à la violation alléguée des dispositions de l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 précité, qui dispose que « toute personne concernée par une décision administrative qui est susceptible de porter atteinte à ses droits et intérêts est également en droit d’obtenir communication des éléments d’information sur lesquels l’administration s’est basé ou entend se baser », le tribunal peut certes s’accorder avec le demandeur pour admettre que la décision litigieuse est susceptible de porter atteinte à ses droits, sinon du moins à ses intérêts, mais ne saurait pas pour autant suivre la conclusion préconisée de l’annulation de la décision litigieuse pour cause de violation de ladite disposition réglementaire.
Les éléments d’information sur lesquels l’administration s’est en l’espèce formellement basée, en l’occurrence le fait pour Monsieur … d’avoir été admis au bénéfice d’une pension de retraite pour raison d’invalidité avec effet au 1er février 2006, ayant non seulement été expressément relevés à l’appui de la décision déférée, mais étant de surcroît connus par l’intéressé qui en fait personnellement l’objet, la finalité recherchée par l’article 12 moyennant la communication des éléments d’informations à la personne concernée est à considérer comme ayant été atteinte en l’espèce à partir de la nature même de l’information concernée qui, telle que relevée ci-avant, n’a pas pu être inconnue par Monsieur …, s’agissant de sa propre retraite.
A défaut de toute autre considération avancée à ce titre aucune violation de l’article 12 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ne saurait être retenue.
Quant au fond, le demandeur fonde sa prétention à l’accession au grade 8bis de sa carrière sur une décision du collège échevinal du 18 décembre 1984 portée à sa connaissance moyennant courrier de la Ville de Luxembourg du 12 janvier 1998 arrêtant une pratique permanente conformément à laquelle le grade 8bis, grade de fin de carrière, ne pourra être alloué par voie de promotion qu’à partir du moment où le fonctionnaire concerné aura atteint l’âge de 55 ans ou pourra faire valoir 35 années de service.
Force est de constater que la décision déférée refusant le grade 8bis à Monsieur … n’est pas motivée par une quelconque violation des conditions de promotion spécifiques qui auraient ainsi été arrêtées, et portées à la connaissance de l’intéressé mais se situe à un stade préalable en ce qu’elle touche au principe même de la possibilité dans le chef d’une personne retraitée de prétendre à une promotion.
Conformément au principe général de la non-rétroactivité des actes administratifs, une autorité administrative ne peut légalement fixer l’entrée en vigueur de ses décisions à une date antérieure à leur signature ou notification, de sorte qu’elles ne peuvent en principe décider que pour l’avenir.1 Il est encore constant que la légalité d’une décision administrative s’apprécie au jour où elle a été prise, de sorte que le ministre, statuant sur une demande de promotion, est tenu de prendre en considération la situation de fait telle qu’elle se présente lorsqu’il est appelé à statuer et non la situation de fait telle qu’elle a pu exister le cas échéant au moment de l’introduction de la demande.
Dans la mesure où il est constant que la décision déférée intervenue en date du 19 juin 2006 fut prise à un moment où Monsieur … était déjà en retraite, le ministre a valablement pu prendre en considération cette situation de fait dans le cadre de sa prise de décision. Sur base de cette même considération, l’argumentation du demandeur consistant à soutenir qu’au moment de l’introduction de sa demande de promotion il n’était pas encore bénéficiaire d’une pension de retraite, laisse d’être pertinente dans le cadre de l’examen du présent litige.
La promotion ayant pour finalité l’exercice effectif de fonctions d’un grade supérieur, force est encore de constater que par essence un retraité pour raison d’invalidité n’est plus 1 V° René Chapus, Droit administratif général, Edition Montchrestien, p. 804 et suivantes susceptible de bénéficier d’une promotion par le simple fait qu’il n’est plus en activité, mais en retraite.
Il s’ensuit que le seul constat, clairement énoncé dans la décision déférée, que l’intéressé a été admis au bénéfice d’une pension de retraite pour raison d’invalidité avec effet au 1er février 2006, est suffisant pour justifier tant en droit qu’en fait la décision déférée.
Cette conclusion n’étant susceptible d’être énervée ni par les développements du demandeur en rapport avec une prétendue erreur au niveau du nombre de jours d’absence accumulés par Monsieur …, ni par la considération que la décision s’analyserait en une sanction disciplinaire déguisée, ni encore par le fait qu’une erreur a eu lieu par ailleurs au niveau d’un bulletin de traitement lui attribué, l’ensemble de ces considérations n’étant pas de nature à énerver la régularité du motif de refus invoqué à l’appui de la décision déférée.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours laisse d’être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 7 mai 2007 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 6