Tribunal administratif N° 21053a du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 23 février 2006 Audience publique du 7 mai 2007
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Recours formé par Monsieur …, … contre un bulletin d’impôt émis par le bureau d’imposition Luxembourg 3 en matière d’impôt sur le revenu
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JUGEMENT
Revu la requête inscrite sous le numéro 21053 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 février 2006 par Maître Jean-Pierre WINANDY, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, demeurant à L-…, tendant à la réformation d’un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2000, émis à son égard le 25 juillet 2002 par le bureau d’imposition Luxembourg 3 ;
Vu le jugement du tribunal administratif du 30 novembre 2006 ;
Revu les pièces versées au dossier et notamment le bulletin entrepris ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Cécile HENLE, en remplacement de Maître Jean-Pierre WINANDY, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Marie KLEIN en leurs plaidoiries respectives.
Suite au dépôt en date du 15 janvier 2002 par Monsieur … de sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2000, le bureau d’imposition Luxembourg 3 de la section des personnes physiques du service d’imposition de l’administration des Contributions directes, désigné ci-après par « le bureau d’imposition », émit le 25 juillet 2002 à l’égard de Monsieur … un bulletin de l’impôt sur le revenu pour l’année 2000, retenant notamment dans son chef un revenu net de capitaux mobiliers de 65.540 LUF.
Par courrier du 22 octobre 2002, Monsieur … introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes une réclamation à l’encontre du prédit bulletin d’impôt, par laquelle il reprocha au bureau d’imposition de ne pas avoir tenu compte de la distribution cachée de bénéfice en sa faveur d’un montant de 2.000.000 LUF, qu’il aurait pourtant déclarée dans sa déclaration pour l’impôt sur le revenu, et à laquelle la société à responsabilité limitée M. S.àr.l., dont il aurait été l’associé unique jusqu’au 30 juin 2001, aurait procédé en 2000, alors que cette distribution aurait été retenue par le bureau d’imposition Sociétés 4 à travers un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 2000 émis à l’égard de la société M.
S.àr.l. en date du 9 août 2001.
Cette réclamation étant restée sans réaction de la part du directeur, Monsieur … fit introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 23 février 2006, un recours tendant à la réformation du bulletin d’impôt prévisé du 25 juillet 2002.
Par jugement du 30 novembre 2006, le tribunal administratif reçut le recours en réformation inscrit sous le numéro 21053 du rôle en la forme. Quant au fond, le tribunal rejeta tout d’abord comme non fondée l’argumentation du délégué du gouvernement consistant à soutenir que le moyen du demandeur tiré de ce que le revenu imposable ne tiendrait pas compte de tous les revenus nets ne pourrait être formulé que dans le cadre d’un recours en réformation alors que le demandeur solliciterait uniquement l’annulation du bulletin, en retenant que le demandeur devrait être considéré comme sollicitant la réformation du bulletin litigieux.
Le tribunal écarta également comme non fondées les conclusions du délégué du gouvernement tendant à voir déclarer le recours du demandeur en ce qui concerne l’imputation de la retenue d’impôt comme prématuré, en retenant que si les décisions quant à l’imputation de retenues d’impôt constituent certes des actes séparés susceptibles de faire l’objet, au vœu du paragraphe 235, n° 5 AO, des mêmes voies de recours que le bulletin d’impôt proprement dit, lorsque la décision quant à l’imputation de la retenue d’impôt est toutefois comprise dans le bulletin d’impôt notifié, la réclamation et le recours contentieux sont à considérer comme étant dirigés contre tous les éléments décisionnels contenus dans ledit bulletin d’impôt.
A travers son jugement du 30 novembre 2006, le tribunal écarta encore comme non fondée l’argumentation du délégué du gouvernement tendant à voir déclarées non fondées les conclusions du demandeur en ce qu’elles tendraient à l’annulation du bulletin d’impôt avec renvoi pour imputation nouvelle, étant donné que le demandeur, même s’il conclut à l’annulation du bulletin litigieux, sollicitait également la réformation dudit bulletin pour le cas où le tribunal considérerait comme non remplies les conditions de l’annulation.
Dans son jugement du 30 novembre 2006, le tribunal était également appelé à statuer sur la question de la distribution cachée de dividendes.
A travers sa requête introductive d’instance, le demandeur a exposé que suite à une distribution cachée de dividendes d’un montant de 2.000.000 LUF en sa faveur, à laquelle la société à responsabilité limitée M. S.àr.l., dont il serait devenu l’associé unique en vertu d’une cession de parts du 12 octobre 2000, aurait procédé en 2000, le bureau d’imposition Sociétés 4 aurait émis le 9 août 2001 un bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux à l’encontre de la société M. S.àr.l. pour l’année 2000, en retenant un revenu de capitaux de 2.000.000 LUF et en fixant, par application des articles 146 à 151 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu (LIR), la retenue d’impôt à effectuer par ladite société au titre de l’exercice en question à 500.000 LUF. Il précisa avoir déclaré dans sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2000 le montant taxable dudit revenu de capitaux mobiliers, à savoir 1.000.000 LUF, le montant exempté en vertu de l’article 115, n° 15a LIR, soit 1.000.000 LUF, et le montant de la retenue d’impôt, soit 500.000 LUF. Toutefois, le bureau d’imposition, lors de l’établissement du bulletin d’impôt litigieux, n’aurait pas tenu compte de la distribution cachée de dividendes et partant de l’imputation de la retenue d’impôt, en indiquant, malgré l’existence du bulletin de retenue d’impôt du 9 août 2001 à l’égard de la société M. S.àr.l., que « d’après nos informations aucun dividende n’a été distribué en 2000 ».
Le demandeur conclut ainsi à l’annulation du bulletin d’impôt litigieux au motif que l’administration des Contributions directes, en émettant et en envoyant à la société M. S.àr.l. le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux en question, aurait reconnu qu’une distribution cachée de dividendes avait eu lieu en sa faveur en sa qualité d’associé unique de ladite société. Il estima que cette distribution cachée de dividendes devrait bénéficier de l’exemption prévue à l’article 115, n° 15a LIR, selon lequel 50 % des revenus de capitaux spécifiés à l’article l46, alinéa 1er, numéros 1 et 3 et alinéa 2 LIR, alloués par une société de capitaux résidente pleinement imposable sont exempts de l’impôt sur le revenu sous certaines conditions.
Il conclut à l’application de ladite disposition dans la mesure où la société distributrice desdits dividendes, la société M. S.àr.l., serait une société à responsabilité limitée de droit luxembourgeois, telle que visée à l’article 159 LIR, et où les revenus concernés par cette exemption seraient, entre autres, selon les articles 146 et 97 LIR, les dividendes, parts de bénéfice et autres produits alloués, sous quelque forme que ce soit, en raison des actions, parts de capital, parts bénéficiaires ou autres participations de toute nature dans les collectivités visées aux articles 159 et 160 LIR. Il estima encore que l’administration aurait dû l’imposer sur le montant de la distribution de bénéfices selon les modalités de l’article 97, alinéa 1er LIR, tout en imputant le montant d’impôt déjà perçu sur le montant restant encore à régler.
Le délégué du gouvernement rétorqua que l’article 115, n° 15a LIR, en vertu duquel 50 % de tous les produits de participation distribués, sous quelque forme que ce soit, seraient exemptés, ne serait pas applicable en l’espèce au motif que ladite disposition « ne saurait profiter aux avantages qui ne se présentent pas comme distributions aux associés, mais se cachent astucieusement sous toutes sortes d’apparences contraires pour échapper, si faire se peut, à l’application de la loi (§6 StAnpG ; rapprocher TA n° 15402 du 19.11.2003) ».
Enfin, et à titre superfétatoire, le délégué du gouvernement fit valoir qu’une retenue d’impôt ne serait imputable que si le débiteur de l’impôt l’avait subie, ce qui ne serait pas le cas lorsque le tiers responsable de la retenue a été poursuivi sans avoir exercé son recours contre le débiteur de l’impôt.
Dans son mémoire en réplique le demandeur critiqua le délégué du gouvernement d’avoir fait référence à un jugement du tribunal administratif du 19 novembre 2003 (n° 15402 du rôle), alors que ladite affaire se fondait sur les dispositions de la loi RAU, lesquelles dispositions auraient un libellé bien plus restreint que celui de l’article 97 LIR. Il fit encore valoir, d’une part, qu’une telle divergence de formulation n’existerait pas pour les dispositions de l’article 115, n° 15a LIR et, d’autre part, que le régime de la loi RAU prévoirait un « régime d’incitation, dérogatoire par rapport au droit commun », tandis que les dispositions de l’article 115, n° 15a LIR n’auraient rien d’un régime d’exception. Il soutint qu’il s’agirait simplement d’appliquer le régime applicable aux distributions de dividendes et que la référence faite par le délégué du gouvernement au paragraphe 6 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, appelée « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG », serait mal choisie en l’espèce au motif qu’il ne saurait être question d’un « avantage » par rapport à une distribution normale de dividendes dans la mesure où le même régime fiscal serait appliqué.
Concernant cette argumentation du demandeur, le tribunal a relevé dans son jugement du 30 novembre 2006, à partir des pièces versées au dossier, que le bureau d’imposition Sociétés 4 a fixé comme base d’imposition pour le montant de la retenue d’impôt un montant de 2.000.000 LUF et une retenue d’impôts de 500.000 LUF, qu’un renvoi spécial à partir du dossier du bureau d’imposition Sociétés 4 figurant au dossier fiscal fait par ailleurs état d’une distribution cachée de bénéfices d’un montant brut de 1.350.000 LUF, tandis qu’une annotation manuscrite sur le même renvoi énonce une majoration de recettes de 2.000.000 LUF, alors que le bulletin d’impôt litigieux s’écarte de la déclaration d’impôts en retenant qu’« aucun dividende n’a été distribué en 2000 ».
Au vu de ces éléments contradictoires et comme le tribunal ne disposait pas des éléments d’appréciation nécessaires pour vérifier ni la nature ni le montant de la distribution cachée de bénéfices opérée par la société M. S.àr.l. en faveur du demandeur, le tribunal a estimé ne pas être en mesure d’opérer, en l’état des éléments de fait et de droit lui soumis, la qualification exacte de l’opération de distribution opérée et il a ordonné la réouverture des débats afin de permettre aux parties de prendre position quant à la nature et au montant des distributions cachées de bénéfices qui ont été retenues dans le chef de la société à responsabilité limitée M. S.àr.l., les parties ayant été invitées à déposer tous documents utiles afférents et à fournir un mémoire supplémentaire pour prendre position par rapport à ces documents.
Il convient tout d’abord de relever qu’aucune pièce ni aucun mémoire supplémentaires n’ont été déposés au greffe du tribunal administratif à la suite du prédit jugement du 30 novembre 2006.
A l’audience fixée pour la continuation des débats, les parties n’ont guère apporté plus de précisions, le mandataire du demandeur se contentant d’affirmer que le montant de la distribution cachée de bénéfices s’élèverait effectivement au montant de 2.000.000 LUF et de renvoyer aux pièces déjà déposées en cause. Le délégué du gouvernement pour sa part a plaidé que le problème se situait au niveau de l’imputation de la retenue d’impôt et que pour pouvoir imputer la retenue à la source, le demandeur devait avoir subi la retenue à la source. Or, dans la mesure où en l’espèce la société à responsabilité limitée M. S.àr.l. ne s’était pas retournée contre le demandeur, celui-ci, faute d’avoir subi la retenue d’impôt, ne serait pas fondé à réclamer son imputation.
Il convient de relever que le demandeur se prévaut d’une distribution cachée de bénéfice d’un montant de 2.000.000 LUF en sa faveur, à laquelle la société M.
S.àr.l. aurait procédé au cours de l’année 2000, et il verse comme seule pièce à l’appui de son affirmation le bulletin de la retenue d’impôt sur les revenus de capitaux pour l’année 2000 émis le 25 juillet 2002 par le bureau d’imposition Luxembourg Sociétés 4 à l’égard de la société à responsabilité limitée M. S.àr.l., dont il est l’associé unique depuis le 12 octobre 2000, ainsi que cela ressort d’une cession de parts, publiée au Mémorial Recueil C numéro 354 du 15 mai 2001.
Or, dans la mesure où, d’une part, ledit bulletin de retenue qui fixe comme base d’imposition de la retenue d’impôt un montant de 2.000.000 LUF et comme retenue d’impôts un montant de 500.000 LUF, ne précise pas le bénéficiaire de ladite distribution et où le dossier fiscal versé en cause fait apparaître des éléments contradictoires en ce qu’un renvoi spécial à partir du dossier du bureau d’imposition Sociétés 4 fait état d’une distribution cachée de bénéfices d’un montant brut de 1.350.000 LUF, tandis qu’une annotation manuscrite sur le même renvoi énonce une majoration de recettes de 2.000.000 LUF, et que le bulletin d’impôt litigieux s’écarte de la déclaration d’impôts en retenant qu’« aucun dividende n’a été distribué en 2000 », le tribunal est amené à constater que malgré sa demande de précisions suivant le jugement prévisé du 30 novembre 2006, ces contradictions flagrantes n’ont pas été clarifiées par les parties, de sorte que le tribunal, confronté à un dossier non autrement instruit sur ces points, n’est en mesure de vérifier ni le montant des revenus prétendument alloués au demandeur ni la nature de ces revenus.
Dans ces conditions, il convient de retenir que le tribunal, qui ne saurait procéder à une quelconque analyse sur base de simples suppositions, ne dispose pas des éléments nécessaires pour vérifier si c’est à bon droit que le bureau d’imposition n’a pas soumis à imposition les revenus de capitaux déclarés par le demandeur, cette question étant nécessairement préalable à la question de l’imputation éventuelle d’une retenue d’impôt.
Il s’ensuit que le recours, en l’état actuel du dossier, est à rejeter comme étant non fondé.
Au vu de l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 2.000 euros formulée par le demandeur est à rejeter comme non fondée, étant donné que les conditions légales afférentes ne se trouvent pas vérifiées en l’espèce.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
vidant le jugement du 30 novembre 2006 ;
au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, premier vice-président, M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 7 mai 2007 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
s. Legille s. Schockweiler 6