Tribunal administratif Numéro 22861 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 avril 2007 Audience publique du 3 mai 2007 Recours formé par Monsieur XXX contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de rétention administrative
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 22861 du rôle et déposée le 24 avril 2007 au greffe du tribunal administratif par Maître Yvette NGONO YAH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur XXX, né le XXX, de nationalité XXX, actuellement retenu au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière à Schrassig, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 30 mars 2007, ordonnant son placement audit Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification dudit arrêté ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 avril 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yvette NGONO YAH et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 mai 2007.
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A la suite d’une demande d’asile présentée auprès du service compétent du ministère de la Justice en date du 19 mars 2003, Monsieur XXX se vit refuser la délivrance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève par décision ministérielle du 12 août 2003.
Par arrêté du 30 mars 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa l’entrée et le séjour à Monsieur XXX et lui enjoigna de quitter le pays dès notification dudit arrêté.
Par arrêté du même jour le ministre ordonna le placement de Monsieur XXX au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière pour une durée maximale d’un mois à partir de la notification au motif que son éloignement immédiat ne serait pas possible, ainsi que sur les considérations et motifs suivants :
« Vu l'article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant l'entrée et le séjour des étrangers ;
Vu le règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière ;
Vu mon arrêté de refus d’entrée et de séjour du 30 mars 2007 ;
Considérant que l’intéressé est démuni de toute pièce d’identité et de voyage valable ;
- qu’il ne dispose pas de moyens d’existence personnels légalement acquis ;
- qu’il se trouve en séjour irrégulier au pays ;
- que l’éloignement immédiat de l’intéressé n’est pas possible ;
Considérant qu’une demande pour un accord de réadmission sera adressée dans les meilleurs délais aux autorités algériennes ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite, alors que l'intéressé est susceptible de se soustraire à la mesure d'éloignement ».
Cet arrêté fut notifié à Monsieur XXX le même jour et mis en exécution à partir de cette même date du 30 mars 2007.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 avril 2007, Monsieur XXX a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 30 mars 2007.
Etant donné que l’article 15, paragraphe (9) de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1. l’entrée et le séjour des étrangers ; 2. le contrôle médical des étrangers ; 3.
l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, institue un recours de pleine juridiction contre une décision de placement, le tribunal est en principe compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit contre l’arrêté litigieux.
Tel que relevé à juste titre par le délégué du Gouvernement dans son mémoire en réponse la mesure de placement litigieuse aura cependant cessé de produire ses effets au jour où le tribunal est amené à statuer pour n’avoir été ordonnée que pour la durée d’un mois, de sorte que la demande principale tendant à la réformation de la décision déférée, si elle est certes recevable pour avoir été introduite en temps utile, est néanmoins devenue sans objet à l’heure actuelle.
Le recours subsidiaire tendant à l’annulation de la décision déférée du 30 mars 2007 ayant également été introduit dans les formes et délai de la loi et la légalité d’une décision administrative s’appréciant d’après la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où elle a été prise, le recours en annulation introduit en ordre subsidiaire est recevable.
A l’appui de son recours le demandeur fait valoir que préalablement à la prise de l’arrêté ministériel déféré aucune mesure d’expulsion ou de refoulement dans son chef n’aurait existé, de sorte qu’aucune impossibilité d’exécuter pareille mesure en raison de circonstances de fait ne serait vérifiée en l’espèce. Faute pour le ministre d’avoir établi pareille impossibilité de procéder à l’exécution immédiate d’une mesure d’expulsion ou de refoulement légalement prise, les conditions légales pour procéder au placement d’un étranger en situation irrégulière ne seraient dès lors pas remplies.
Le demandeur relève en outre qu’il ne résulterait pas du dossier administratif qu’une information quelconque ait été sollicitée auprès du service consulaire XXX à XXX et qu’il serait par ailleurs titulaire d’un passeport XXX dont la période de validité aurait expiré le 10 juillet 2004.
La partie demanderesse donne ensuite à considérer qu’elle aurait sollicité la protection des autorités luxembourgeoises en raison d’appels à la réserve lui adressés par les autorités XXX, pour faire valoir que la situation actuelle dans son pays d’origine l’exposerait, en cas de retour, à un grand risque de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CEDH), risque qui deviendrait d’autant plus réel par le fait d’éventuelles recherches effectuées auprès des autorités XXX en vue de la délivrance d’un laissez-passer.
Le demandeur fait valoir enfin qu’il ne présenterait aucun danger réel de se soustraire à une éventuelle mesure de rapatriement ultérieure pour soutenir que le risque de fuite allégué par le ministre à l’appui de la décision déférée ne serait pas vérifié, ceci d’autant plus que depuis la fin de sa procédure d’asile en 2004 il n’aurait jamais porté un trouble quelconque à l’ordre public luxembourgeois.
Le délégué du Gouvernement rétorque que les autorités luxembourgeoises ont saisi, le jour même de la mesure de placement, les autorités algériennes en vue de l’émission d’un laissez-passer et que lesdites autorités seraient disposées à délivrer ce laissez-passer, de sorte que le service de police judiciaire aurait entretemps été saisi en vue d’organiser un éventuel retour volontaire. Quant à l’argumentation basée sur l’article 3 CEDH, le représentant étatique fait valoir qu’elle laisserait d’être pertinente dans le cadre du présent litige. Enfin, quant aux contestations du demandeur relatives à un éventuel risque de se soustraire à la mesure de rapatriement projetée, le délégué du Gouvernement fait valoir que ce risque serait en l’espèce évident, étant donné que l’intéressé aurait disparu dans la nature depuis l’année 2005.
Conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, un étranger peut, sur décision du ministre compétent, être placé dans un établissement approprié à cet effet pour la durée d’un mois lorsque l’exécution d’une mesure d’expulsion ou de refoulement en application des articles 9 ou 12 de la même loi est impossible en raison de circonstances de fait.
Il est encore constant que conformément aux dispositions de l’article 12 de la même loi du 28 mars 1972 précitée les étrangers non autorisés à résidence auxquels l’entrée dans le pays a été refusée en conformité de l’article 2 de la même loi, tel que cela a été le cas en l’espèce dans le chef de Monsieur XXX, « peuvent être éloignés du territoire par la force publique, sans autre forme de procédure que la simple constatation du fait par un procès-
verbal à adresser au ministre », de sorte que l’existence même de la décision de refus d’entrée et de séjour prise sur base de l’article 2 de la loi précitée de 1972 en date du 30 mars 2007 à l’encontre de Monsieur XXX, ensemble l’intention vérifiée en l’espèce des autorités compétentes de procéder à son éloignement, est suffisante pour établir l’existence d’une mesure de refoulement telle que requise par l’article 15 de la loi précitée de 1972.
L’impossibilité de procéder à l’exécution immédiate de la mesure de refoulement n’étant pas autrement litigieuse, force est dès lors de constater que le demandeur, en situation irrégulière au pays au regard de la loi précitée du 28 mars 1972 au moment de la prise de la décision de placement, a subi une mesure de placement administrative sur base de l’article 15 de ladite loi de 1972, en vue de son éloignement du territoire luxembourgeois, dont l’exécution était impossible en raison de circonstances de fait, de sorte qu’il rentrait directement dans les prévisions de la définition des « retenus », telle que consacrée à l’article 2 du règlement grand-ducal du 20 septembre 2002 créant un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière et modifiant le règlement grand-ducal du 24 mars 1989 concernant l’administration et le régime interne de l’établissement pénitentiaire, étant relevé que la mise en place d’un Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière repose précisément sur la prémisse qu’au-delà de toute considération tenant à une dangerosité éventuelle des personnes concernées, celles-ci, eu égard au seul fait de l’irrégularité de leur séjour et de l’imminence de l’exécution d’une mesure d’éloignement dans leur chef, présentent en principe et par essence un risque de se soustraire à la mesure d’éloignement, fut-
il minime, justifiant en principe leur rétention dans un Centre de séjour spécial afin d’éviter que l’exécution de la mesure prévue ne soit compromise.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le ministre a valablement pu ordonner le placement de l’intéressé au Centre de séjour provisoire pour étrangers en situation irrégulière sans que cette conclusion ne soit énervée par l’argumentation du demandeur fondée sur les dispositions de l’article 3 CEDH, étant donné que le litige sous examen a exclusivement pour objet la mesure de placement du 30 mars 2007 et non pas la décision de refoulement sous-jacente qui, le cas échéant, peut faire l’objet d’un recours contentieux distinct.
Il s’ensuit que le recours sous examen est non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond dit qu’il est devenu sans objet ;
reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
condamne le demandeur aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 mai 2007 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge en présence de M. Rassel, greffier.
s. Rassel s. Lenert 4