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18/04/2007 | LUXEMBOURG | N°22132

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 18 avril 2007, 22132


Tribunal administratif N° 22132 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 novembre 2006 Audience publique du 18 avril 2007 Recours formé par Monsieur … et Madame …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21132 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2006 par Maître Cédric HITZBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie

), et de son épouse, Madame …, née le … (Albanie), agissant en leur nom personnel ainsi qu...

Tribunal administratif N° 22132 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 9 novembre 2006 Audience publique du 18 avril 2007 Recours formé par Monsieur … et Madame …, contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de police des étrangers

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21132 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2006 par Maître Cédric HITZBERGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … (Albanie), et de son épouse, Madame …, née le … (Albanie), agissant en leur nom personnel ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs …, tous de nationalité albanaise, ayant élu domicile en l’étude de Maître Cédric HIRTZBERGER, tendant à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 août 2006 leur refusant une autorisation de séjour et le statut de tolérance au Luxembourg telle que confirmée par une décision du 25 octobre 2006 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 janvier 2007 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mars 2007 par Maître Cédric HITZBERGER ;

Vu les pièces versées en cause et les décisions attaquées ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport à l’audience publique du 12 mars 2007, ainsi que Maître Cédric HIRTZBERGER et Madame le délégué du Gouvernement Claudine KONSBRÜCK en leurs plaidoiries respectives.

En date du 6 mai 2003, la famille …-… introduisit une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève.

Ces demandes furent rejetées par décision du ministre de la Justice du 24 juin 2004. Un jugement du tribunal administratif du 2 février 2005 (n° du rôle 18713), confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 16 juin 2005 (n° du rôle 19564C) rejeta le recours introduit contre cette décision ministérielle comme étant non-fondé.

Une première demande en obtention d’une autorisation de séjour du 13 avril 2005 fut rejetée par décision du 29 avril 2005, confirmée par une décision du 14 octobre 2005.

Le 18 juillet 2006, la famille …-… fit introduire une nouvelle demande d’autorisation de séjour ainsi qu’une demande en obtention du statut de tolérance.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration refusa par une décision du 16 août 2006 de faire droit à cette demande en les termes suivants :

« En mains votre courrier du 18 juillet 2006 dans lequel vous sollicitez que la situation de la famille …-… soit de nouveau appréciée et qu’un titre de séjour leur soit accordé. Par ailleurs, vous demandez un statut de tolérance.

Par la présente, j’aimerai vous rappeler qu’une première autorisation de séjour a été refusée le 29 avril 2005, décision qui fut confirmée par nos services le 14 octobre 2005. Votre courrier du 18 juillet 2006 ne contient aucun élément nouveau dans l’appréciation du dossier de vos mandants, de sorte que nous ne comptons pas revenir sur notre décision de refus en matière d’autorisation de séjour.

Par ailleurs, je suis également au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande de tolérance étant donné qu’il n’existe pas de preuves que l’exécution matérielle de l’éloignement de vos mandants serait impossible en raison de circonstances de fait conformément à l’article 22 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection …».

Suite à un recours gracieux introduit en date du 12 octobre 2006, le ministre confirma sa décision antérieure le 25 octobre 2006.

Par requête déposée en date du 9 novembre 2006 au greffe du tribunal administratif, la famille …-… a fait introduire un recours en annulation à l’encontre des décisions ministérielles de refus des 16 août et 25 octobre 2006.

En l’absence d’intention manifeste contraire, les termes juridiques employés par un professionnel de la postulation sont à appliquer à la lettre, ce plus précisément concernant la nature du recours introduit, ainsi que son objet, tel que déterminé à travers la requête introductive d’instance et précisé, le cas échéant, à travers le dispositif du mémoire en réplique.

En l’espèce, force est de constater que les demandeurs sollicitent l’annulation des décisions déférées uniquement en ce qu’elles leur ont refusé l’autorisation de séjour, de sorte que seul ce volet du refus de l’autorisation de séjour est utilement déféré au tribunal.

Le recours en annulation ainsi délimité est recevable dans la mesure où il a été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de son recours, la famille …-… fait d’abord état des événements relatés dans le cadre de la procédure d’asile. Ensuite elle estime que la décision du 16 août 2006 ne serait pas justifiée étant donné qu’elle serait parfaitement intégrée au Luxembourg, tout en précisant qu’elle a fait l’objet d’une mesure de refoulement en date du 29 août 2006.

Les demandeurs ajoutent qu’en obtenant un titre de séjour, ils pourraient revenir au Luxembourg pour y travailler et permettre à leurs enfants de terminer leur scolarité.

Ils soutiennent encore que la mesure d’éloignement prise à leur encontre serait intervenue au mépris de leurs droits de la défense et qu’elle aurait eu pour conséquence de briser leur vie.

Le délégué du Gouvernement estime que le ministre aurait fait une exacte appréciation de la situation des demandeurs et précise que le tribunal ne saurait ni tenir compte des moyens de pure opportunité avancés par les demandeurs, notamment ceux ayant trait à une prétendue intégration au Luxembourg et à la prétendue précarité dans laquelle la famille …-… se trouverait actuellement en Albanie, ni des arguments déjà toisés dans le cadre de la procédure d’asile. Enfin il insiste sur le fait que les époux …-… n’étaient pas en possession de moyens d’existence personnels.

Les époux …-… font répliquer que les décisions ministérielles devraient être annulées dans la mesure où le ministre, au moment de la prise des décisions, aurait fait une appréciation inexacte de leur situation en n’aurait pas pris en compte les possibilités d’emploi et de logement leur offertes. Quant à la situation de précarité en Albanie, ils précisent que ce seraient les mesures prises par les autorités étatiques qui les auraient placés dans cette situation de précarité et demandent, à travers le dispositif du mémoire en réplique, la condamnation de l’Etat à organiser leur retour sur le territoire luxembourgeois.

L’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère, dispose que « l’entrée et le séjour au Grand-Duché pourront être refusés à l’étranger : …qui ne dispose pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour ».

Au vœu de l’article 2 précité, l’entrée et le séjour au Grand-Duché de Luxembourg pourront dès lors être refusés notamment lorsque l’étranger ne rapporte pas la preuve de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour, abstraction faite de tous moyens et garanties éventuellement procurés par des tiers.

Etant donné que l’article 26 de la loi du 28 mars 1972 précitée dispose qu’ « aucun travailleur étranger ne pourra être occupé sur le territoire du Grand-Duché sans permis de travail », l’étranger n’étant pas en possession d’un permis de travail et n’étant dès lors pas autorisé à occuper un emploi au Grand-Duché de Luxembourg et à toucher des revenus provenant de cet emploi, ne justifie pas de moyens personnels suffisants pour supporter les frais de voyage et de séjour.

En l’espèce, force est de constater qu’il ne se dégage ni des éléments du dossier, ni des renseignements qui ont été fournis au tribunal que les demandeurs aient été, à la date des décisions ministérielles critiquées, autorisés à travers un permis de travail à occuper un poste de travail au Grand-Duché, voire se seraient adonnés à une activité indépendante, et qu’ils auraient partant pu disposer de moyens personnels suffisants.

A ce titre une promesse d’embauche est insuffisante pour valoir comme preuve de moyens d’existence personnels suffisants.

Pour le surplus les demandeurs restent en défaut d’apporter la preuve qu’ils seraient capables de subvenir à leurs besoins par d’autres moyens que par le travail, de sorte que le ministre a en principe valablement pu se fonder sur l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972 en invoquant un défaut de moyens personnels suffisants dans le chef de des époux …-… pour leur refuser la délivrance d’une autorisation de séjour.

Le moyen consistant à reprocher au ministre une mauvaise appréciation des faits est dès lors à rejeter pour être non fondé.

En ce qui concerne le moyen mettant en cause la mesure d’éloignement, force est au tribunal de constater qu’il est en l’espèce inopérant, étant donné que le recours est dirigé contre la décision refusant l’entrée et le séjour aux demandeurs et non pas contre la mesure d’éloignement.

En ce qui concerne la prétendue intégration des demandeurs au Luxembourg, il y a lieu de souligner que le tribunal est saisi de la seule décision finale du ministre et qu’il lui incombe de vérifier si elle s’inscrit dans les prévisions de la loi, en l’espèce les possibilités légales de refus prévues par l’article 2 de la loi modifiée du 28 mars 1972. La mission de contrôle du juge de l’annulation consiste en la vérification du respect du contenu d’une norme et ne comporte pas de vérification de ce que le législateur a, volontairement ou involontairement, laissé à la libre appréciation de l’autorité de décision (trib. adm. 4 décembre 2006, n° 21386 du rôle), de sorte qu’il n’appartient pas au tribunal de procéder à un examen de la prétendue intégration des demandeurs au pays, si la décision de refus se justifie par ailleurs.

Enfin en ce qui concerne la demande de la famille …-… à voir condamner l’Etat à organiser leur retour au Luxembourg respectivement de leur octroyer une autorisation de séjour, force est encore de constater que le tribunal ne saurait faire droit à cette demande.

En effet le tribunal est saisi d’un recours à l’encontre d’une décision ayant refusé l’entrée et le séjour aux demandeurs, décision qui peut, le cas échéant, être annulée et le dossier renvoyé devant les autorités compétentes afin que celles-ci puissent prendre la décision qui s’impose, mais le tribunal ne saurait se substituer à l’autorité compétente et prendre une nouvelle décision autorisant les demandeurs à séjourner au Luxembourg, respectivement ordonner leur retour au pays.

Au vu de ce qui précède, le recours n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à rejeter en ce qu’il est dirigé contre le volet des décisions ministérielles déférées portant rejet de la demande en obtention d’une autorisation de séjour.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le dit non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 18 avril 2007 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22132
Date de la décision : 18/04/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-04-18;22132 ?

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