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28/03/2007 | LUXEMBOURG | N°22510

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 mars 2007, 22510


Tribunal administratif Numéro 22510 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2007 Audience publique du 28 mars 2007 Recours formé par Monsieur …, ….

contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22510 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 février 2007 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au t

ableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro), ...

Tribunal administratif Numéro 22510 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 février 2007 Audience publique du 28 mars 2007 Recours formé par Monsieur …, ….

contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de protection internationale

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22510 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 février 2007 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né le … à Berane (Monténégro), de nationalité monténégrine, demeurant à L-…., tendant, d’une part, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 janvier 2007 lui refusant une protection internationale et, d’autre part, à l’annulation d’une décision du même ministre, datée du même jour et portant ordre de quitter le territoire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2007 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jean LUTGEN, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.

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Le 22 décembre 2006, Monsieur … introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Monsieur … fut entendu en date du 16 janvier 2007 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du même jour, notifiée par courrier recommandé du 19 janvier 2007, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur … que sa demande avait été rejetée comme étant non fondée. Cette décision est libellée comme suit :

« J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration en date du 22 décembre 2006.

En vertu des dispositions de l’article 20§1 de la loi précitée du 5 mai 2006, je vous informe qu’il est statué sur le bien-fondé de votre demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée parce qu’il apparaît que vous tombez sous un des cas prévus au paragraphe (1), à savoir :

a) « le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; » b) « il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ».

En mains le rapport de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 16 janvier 2007.

Il résulte de vos déclarations que vous auriez quitté votre pays le 21 décembre 2006 pour d’abord vous rendre en bus à la frontière slovène. A partir de là vous auriez fait de l’auto-stop jusqu’à Trèves, puis vous auriez continué en taxi jusqu’au Luxembourg. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 26 juillet 2006.

Il résulte de vos propos transcrits dans le rapport d’entretien du 16 janvier 2007 que les raisons pour lesquelles vous auriez quitté votre pays d’origine seraient exclusivement dues à la déception de ne pas trouver un emploi dans votre pays d’origine. En effet vous expliquez avoir remarqué qu’en général les bosniaques, même ayant un niveau d’études élevé, occuperaient toujours des postes hiérarchiquement inférieurs aux monténégrins et serbes qui auraient un niveau d’études moyen. Vous ne faites pas état de persécutions ou de problèmes personnels.

Enfin, vous admettez ne pas être membre d’un parti politique, vous auriez seulement soutenu le parti au pouvoir.

En tout état de cause, les faits exposés ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne peuvent, à eux seuls, fonder dans votre chef une crainte justifiée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1, § 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, votre demande de protection internationale n’est basée que sur des motifs d’ordre économique ne répondant à aucun des critères de fond définis par lesdites Convention et loi.

Je constate ainsi que vous n’alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d’opinions politiques, de race, de religion, de nationalité ou d’appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays.

Les conditions permettant l’octroi du statut de réfugié ne sont par conséquent pas remplies.

En outre, vous n’invoquez pas non plus des motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006. En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l’évaluation de votre demande d’asile, des raisons économiques ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire parce qu’ils n’établissent pas que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l’objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.

Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

La présente décision vaut ordre de quitter le territoire.

La décision de statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée n’est susceptible d’aucun recours.

Néanmoins, la décision de rejet de votre demande de protection internationale est susceptible d’un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Ce recours doit être introduit par requête signée d’un avocat à la Cour dans un délai de quinze jours à partir de la notification de la présente.

Un recours en annulation devant le Tribunal administratif peut être introduit contre l’ordre de quitter le territoire, simultanément et dans les mêmes délais que le recours contre la décision de rejet de votre demande de protection internationale. Tout recours séparé sera entaché d’irrecevabilité.

Je vous informe par ailleurs que la décision du Tribunal administratif ne sera susceptible d’aucun appel, et que le recours gracieux n’interrompt pas les délais de la procédure ».

Par requête déposée le 5 février 2007, Monsieur … a fait introduire un recours contentieux tendant, d’une part, à la réformation de la décision du 16 janvier 2007 par laquelle il s’est vu refuser une protection internationale et, d’autre part, à l’annulation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision.

1.Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 16 janvier 2007 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 20 (4) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées dans le cadre d’une procédure accélérée, une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de ce recours, le demandeur expose qu’il serait originaire du Monténégro et qu’il aurait dû quitter son pays d’origine en raison de sa déception de ne pas pouvoir y trouver un emploi. Monsieur … expose plus particulièrement avoir suivi des études à l’école supérieure dans la branche « douanier », mais qu’en raison de ses origines bosniaques il n’aurait pas pu avoir un emploi auprès de l’administration des douanes au Monténégro, les postes en question étant occupés par les Serbes et les Monténégrins. Dans le cadre de son recours contentieux, le demandeur affirme encore ne pas pouvoir retourner dans son pays d’origine en raison, d’une part, de la mauvaise situation économique y régnant, et, d’autre part, d’un système judiciaire inefficace.

En substance, il reproche au ministre d'avoir fait une appréciation erronée des faits se trouvant à la base de la décision, de sorte à lui avoir refusé à tort la reconnaissance d’un statut de protection internationale.

Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.

Aux termes de l’article 20 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, « le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée dans les cas suivants : a) le demandeur, en déposant sa demande et en exposant les faits, n’a soulevé que des questions sans pertinence ou d’une pertinence insignifiante au regard de l’examen visant à déterminer s’il remplit les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale ; b) il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale », tandis qu’aux termes de l’article 2 a), la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

Enfin, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 c) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays (…) ».

Il s’ensuit qu’aux termes de l’article 20 (1) de la loi précitée du 5 mai 2006, le ministre peut statuer sur le bien-fondé de la demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée notamment lorsqu’il est manifeste (« apparaît clairement ») que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons de nature à fonder dans son chef une crainte justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de ses opinions politiques, de sa nationalité ou de son appartenance à un certain groupe social dans son pays de provenance.

En l’espèce, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande en obtention d’une protection internationale lors de son audition, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse, amène le tribunal à conclure qu’il n’a manifestement pas établi, ni même allégué, des raisons personnelles suffisamment précises de nature à établir dans son chef l’existence d’une crainte justifiée de persécutions dans son pays de provenance au sens de la loi.

En effet, il ressort des déclarations du demandeur telles que celles-ci ont été relatées dans le rapport d’audition figurant au dossier, que celui-ci a fui son pays d’origine, le Monténégro, pour des raisons purement économiques n’arrivant pas à y trouver un emploi.

Or, des considérations d’ordre matériel et économique, aussi compréhensibles soient-

elles, ne constituent cependant pas un motif d’obtention du statut de protection internationale.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, l’article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006 énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate que le demandeur n’a même pas allégué qu’il serait susceptible d’être exposé, en cas de retour dans son pays d’origine, aux atteintes graves définies au prédit article 37, et notamment à des actes de torture sinon de traitements inhumains tels que énoncés sous le point b) de l’article 37 et il n’est partant pas fondé à se prévaloir du bénéfice de la protection subsidiaire au sens de la loi précitée du 5 mai 2006.

Au vu de ce qui précède, le ministre a dès lors valablement pu rejeter la demande de protection internationale comme non fondée au sens de l’article 20 de la loi du 5 mai 2006, étant donné qu’il apparaît clairement que le demandeur ne remplit pas les conditions requises pour prétendre au statut conféré par la protection internationale.

2. Quant au recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 16 janvier 2007 portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 20 (4) de la loi précitée du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l’ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l’annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée du 16 janvier 2007 a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.

Aux termes de l’article 20 (2) de la loi précitée du 5 mai 2006, une décision négative prise par le ministre dans le cadre de la procédure accélérée vaut ordre de quitter le territoire en conformité des dispositions de la loi modifiée du 28 mars 1972 concernant 1) l’entrée et le séjour des étrangers ; 2) le contrôle médical des étrangers ; 3) l’emploi de la main-d’œuvre étrangère.

Le demandeur se contente à ce sujet de solliciter laconiquement l’annulation de cet ordre de quitter le territoire.

Or, le tribunal vient cependant, tel que développé ci-dessus, de retenir que le demandeur n’a pas fait état d’une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève, ni d'atteintes graves telles que définies à l'article 37 de la loi précitée du 5 mai 2006, de sorte qu’en l’état actuel du dossier et compte tenu des moyens figurant dans la requête introductive d’instance, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée portant ordre de quitter le territoire.

Partant, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 16 janvier 2007 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre la décision ministérielle du 16 janvier 2007 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé par :

M. Schockweiler, premier vice-président, M. Spielmann, juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 28 mars 2007 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.

s. Legille s. Schockweiler 6


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 22510
Date de la décision : 28/03/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-03-28;22510 ?

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