Tribunal administratif N° 22143 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 13 novembre 2006 Audience publique du 28 mars 2007 Recours formé par Monsieur … et consorts, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 22143 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2006 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, né … (Fédération de Russie), de son épouse, Madame … , née le … (Kazakhstan) agissant en leurs noms et pour leur compte ainsi qu'au nom de leur fils mineur … , ainsi que de leur fille, Mademoiselle … , tous de nationalité kazakhe, et demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 29 août 2006, rejetant leur demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 10 octobre 2006, suite à un recours gracieux du 6 octobre 2006, et à l’annulation des mêmes décisions dans la mesure où elles leur ont refusé le bénéfice de la protection subsidiaire ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2006 ;
Vu la constitution d’avocat de Maître Nathalie NIMESGERN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 1er mars 2007 ;
Vu le courrier adressé par Maître Nathalie NIMESGERN au tribunal en date du 26 mars 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en ses plaidoiries à l’audience publique du 26 mars 2007.
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Le 23 mars 2005 la famille …, composée de Monsieur …, de son épouse, Madame …, ainsi que de leur fille majeure … et de leur fils mineur …, introduisit oralement auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».
Le même jour, ils furent entendus par un agent de la police grand-ducale, section police des étrangers et des jeux, sur leur identité et l’itinéraire suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg.
Mademoiselle … fut entendue les 20 mai et 6 juin 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur sa situation et sur les motifs à la base de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié, Madame … fut entendue à ce titre les 18 mai, 24 mai, 8 juin et 29 septembre 2005 et Monsieur … les 19 mai, 30 mai et 11 novembre 2005.
Par décision du 29 août 2006, expédiée par courrier recommandé du 5 septembre 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa la famille … de ce que leur demande avait été rejetée, décision libellée comme suit :
« J'ai l'honneur de me référer aux demandes en obtention du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 que vous avez présentées auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration en date du 23 mars 2005.
En mains les rapports du Service de la Police Judiciaire et du Service de contrôle à l'aéroport des 23 mars 2005, 26 mai 2005, 13 juin 2005 et 19 juillet 2005.
En mains les rapports d'auditions de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'Immigration des 18, 19, 20, 24 et 30 mai 2005, 8 juin 2005, 29 septembre et 11 novembre 2005.
Il résulte du rapport de la Police Judiciaire du 23 mars 2005 que vous aviez quitté Moscou le 14 mars 2005 pour venir en bus à Luxembourg. Vous n'avez donné aucune autre précision quant à votre voyage.
Vous avez exposé à l'agent ministériel, Monsieur, que vous auriez fait votre service militaire du 1978 à 1980 à Odessa. Par la suite vous auriez été instructeur de chiens de garde.
De 1995 à 1998, vous auriez travaillé comme vigile dans une entreprise, la …. En mars ou avril 1998, votre chef à la … vous aurait demandé de créer un groupe d'intervention constitué de personnes ayant une expérience militaire et capables d'actes de guérilla. Le but de ce groupe aurait été d'organiser de faux attentats avant les élections du 10 janvier 1999. Vous auriez reçu l'ordre de tabasser des journalistes, mais vous auriez refusé et vous auriez démissionné de votre poste à la …. Pour qu'on vous laisse tranquille, vous auriez inventé que vous possédiez des enregistrements et des documents compromettants. On vous aurait en effet laissé tranquille mais on aurait agressé votre femme et vos enfants. On aurait tenté d'enlever votre fille en 1999. Votre mère se serait interposée et elle aurait été repoussée par les kidnappeurs. Elle serait tombée et elle se serait fait un traumatisme crânien dont elle serait décédée. De 1998 à 2002, vous auriez travaillé comme gardien sur un marché et en janvier 2002, vous auriez été engagé comme vigile dans une banque appartenant au parti CHOIX DEMOCRATIQUE DU KAZAKHSTAN. Vous auriez aussi été membre de ce parti. Ceci vous aurait valu des ennuis avec la milice et avec des bandits. Vous craindriez d'être tué par les autorités.
Vous, Madame, vous exposez à l'agent ministériel que vous teniez un commerce. Vous confirmez les activités de votre mari à la … ainsi que ses activités avant les élections de janvier 1999. Vous-même n'étiez pas membre d'un parti politique. Vous auriez quitté votre pays parce que votre mari était menacé, cependant vous ignoriez par qui et pourquoi. D'après vous, votre mari ne vous aurait rien expliqué de ses récents ennuis pour épargner votre grande sensibilité.
Vous saviez seulement qu'il aurait été arrêté le 9 février 2005 après une manifestation de protestation contre l'interdiction par les autorités kazakhes du parti DVK, dont votre mari et votre fille étaient membres.
Vous, Mademoiselle, vous confirmez les professions de vos parents et l'adhésion de votre père au CHOIX DEMOCRATIQUE DU KAZAKHSTAN en 2002. Vous-même auriez été emprisonnée en mars 2002 et le 9 février 2005, chaque fois pour avoir participé à une manifestation pour le parti CHOIX DEMOCRATIQUE DU KAZAKHSTAN. On vous aurait frappée pendant ces gardes-à-vue. Le parti ayant été interdit, vous dites craindre les autorités kazakhes. Vous ajoutez que vous donniez des cours particulier d'anglais. Votre permis de conduire aurait été passé au Kirghizistan pour des raisons économiques.
Il y a d'abord lieu de relever que la que la reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionné par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière des demandeurs d'asile qui doivent établir, concrètement, que leur situation individuelle est telle qu'elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Or, les faits que vous alléguez ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié puisqu'ils ne peuvent, à eux seuls, fonder dans votre chef une crainte justifiée d'être persécuté dans le pays dont vous venez du fait de votre race, de votre religion, de vos nationalités, de vos appartenances à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l'article 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection.
Je relève d'abord que vous avez tous déposé des demandes d'asile en Belgique en 2000, asile qui vous fut refusé. Vous aviez cependant longtemps nié avoir été en Belgique. Vous avez prétendu avoir été transféré de la Belgique en Italie et puis être retourné au Kazakhstan en 2000.
Cependant aucune preuve de ce retour au Kazakhstan n'a pu être établie. Etant donné le peu de précision, Monsieur, que vous avez donné à vos problèmes postérieurement à l'année 2000, il est plus vraisemblable que vous ne soyez pas retourné au Kazakhstan après cette date. Vous expliquez que vous seriez amnésique, mais je relève que votre récit pour tout ce qui concerne la période avant 2000 est très précis. Ainsi votre amnésie sélective est peu crédible.
Quant à vous, Madame, la même remarque s'applique à votre récit: vous ignorez même comment vous seriez allée de Belgique en Italie et de là au Kazakhstan.
Quant à vous, Mademoiselle, je note d'abord que le permis de conduire que vous avez présenté est un faux. Daté de 2002, on peut supposer qu'il est censé prouver un retour de votre famille au Kazakhstan.
En admettant même que vous soyez tous effectivement retournés au Kazakhstan après le refus de vos demandes d'asile en Belgique, je relève que vos principaux ennuis datent de 1998 et 1999. Ceci est trop ancien pour être pris en considération en 2006. Quant à vos ennuis entre 2000 et 2005, soit ils sont trop peu précis pour être considérés comme crédibles, soit ils sont insuffisants. Des courtes garde-à-vue après des manifestations ne suffisent pas pour être assimilées à des persécutions au sens de la Convention de Genève.
Aussi vous n'alléguez aucun fait susceptible de fonder raisonnablement une crainte de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social, susceptible de rendre votre vie intolérable dans le pays dont vous venez. Les conditions permettant l'octroi du statut de réfugié ne sont pas remplies.
En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptibles de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
En effet, selon le même raisonnement que celui appliqué à l'évaluation de votre demande d'asile, le manque de crédibilité de vos récits, joint aux documents falsifiés que vous avez versés, ne justifient pas la reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire.
Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d'une procédure relative à l'examen d'une demande d'asile; 2) d'un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. Le bénéfice de la protection subsidiaire tel que prévu par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection doit également vous être refusé.
La présente est susceptible d'un recours en réformation devant le Tribunal administratif. Le recours doit être introduit par requête d'un avocat à la Cour dans un délai d'un mois à partir de la notification de la présente (…) ».
Suite à un recours gracieux formulé par lettre datée du 6 mai 2006 mais expédiée en fait le 6 octobre 2006, à l’encontre de cette décision ministérielle, par lequel le mandataire de la famille … fit notamment communiquer au ministre le livret du travail relatif à son activité au Kazakhstan allant du mois de février 2002 au mois de mars 2002, la copie d'un certificat médical établi au Kazakhstan en 2002 ainsi qu’un certificat de scolarité de Mademoiselle … concernant l'année 2001, le ministre prit une décision confirmative de refus le 10 octobre 2006, expédiée le 11 octobre 2006 par courrier recommandé.
Le 13 novembre 2006, la famille … a fait introduire un recours en réformation contre les refus ministériels précités de leur accorder le statut de réfugié et un recours en annulation contre les mêmes décisions dans la mesure où celles-ci leur ont refusé le bénéfice de la protection subsidiaire.
Ils exposent à l’appui de leur recours être des russophones originaires du Kazakhstan, et avoir été obligés de quitter leur pays d’origine où ils auraient subi des persécutions en raison de leurs opinions politiques, et plus particulièrement à cause de leurs engagements au sein du parti d'opposition « Choix démocratique du Kazakhstan ».
Ils affirment que tant Mademoiselle … que son père auraient été arrêtés en raison de leurs activités politiques, Mademoiselle … ayant à cette occasion été prétendument battue et blessée.
Les demandeurs soulignent encore de manière générale la situation au Kazakhstan, où les autorités harcèleraient et persécuteraient les membres des partis d'oppositions et leurs familles, ce qui serait confirmé par divers rapports d’organisations non-gouvernementales, et entraveraient de manière délibérée la liberté de la presse de manière à museler l'opposition politique et à empêcher les journalistes de dévoiler des crimes commis par des responsables du gouvernement.
A ce sujet, ils précisent plus particulièrement la répression systématique orchestrée par les autorités contre le parti politique « Choix démocratique du Kazakhstan» (DVK). Ils relatent encore que de nombreuses organisations non-gouvernementales étrangères feraient l’objet de pressions gouvernementales.
En substance, ils reprochent au ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration d’avoir fait une mauvaise application de la Convention de Genève et d’avoir méconnu la réalité et la gravité des motifs de crainte de persécution qu’ils ont mis en avant pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié.
Ils critiquent enfin encore les décisions déférées pour violer l'article 37 de la loi du 5 mai 2006 relatif au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection au motif que le ministre aurait refusé de tenir compte des risques de subir des actes de tortures en cas de retour dans leur pays d'origine.
Le délégué du Gouvernement estime pour sa part que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation des demandeurs, de sorte que ceux-ci seraient à débouter de leur recours.
Il relève plus particulièrement que les décisions ministérielles reposeraient sur le manque de crédibilité du récit des demandeurs et estime que la seule participation à un parti d’opposition ne placerait pas les demandeurs dans une situation particulièrement exposée. Il affirme encore que les craintes mises en avant par les demandeurs ne reposeraient sur aucun indice réel et concret dont il apparaîtrait que les craintes alléguées seraient réalistes et les persécutions imminentes et personnelles.
Tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire que l’article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation respectivement en matière de demandes d’asile déclarées non fondées ainsi qu’en matière de demandes de protection internationale - dont les demandes en obtention de la protection subsidiaire - déclarées non fondées.
Il s’ensuit que le recours en réformation tel que dirigé contre les décisions ministérielles ayant refusé le statut de réfugié aux demandeurs, introduit par ailleurs dans les formes et délai de la loi, est recevable.
En ce qui concerne le recours en annulation, formulé par les demandeurs à l’encontre du refus de leur accorder le bénéfice de la protection subsidiaire au sens des articles 37 et 40 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, il y a lieu de souligner comme relevé ci-avant que la prédite loi du 5 mai 2006 instaure un recours en réformation en matière de demandes en obtention de la protection subsidiaire rejetées, de sorte que le recours en annulation afférent des demandeurs doit être déclaré irrecevable, sauf à admettre que les demandeurs aient voulu consciemment limiter la portée de leur recours au seul contrôle de la légalité, ce qui, compte tenu de l’absence de précision apportée par les demandeurs à cet égard, est à écarter.
L’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, précise que le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
Il échet de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande d'asile, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur d'asile, tout en prenant en considération la situation générale existant dans son pays d’origine. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur. En effet, il est important de souligner qu’un demandeur d’asile, dépourvu d’un quelconque document ou autre élément probant susceptible d’étayer son récit, ne saurait autrement justifier de sa bonne foi et la véracité des persécutions ou risques de persécution mis en avant que par un récit précis, crédible et cohérent.
Par ailleurs, s’il est vrai que des contradictions et mensonges ne sont pas décisifs à eux seuls pour justifier le refus d’une demande d’asile, pareilles contradictions ébranlent cependant la crédibilité du récit d’un demandeur d’asile à qui il appartient dès lors, soit dans le cadre de son audition, soit dans le cadre d’une procédure gracieuse, et en tout état cas en cours de procédure contentieuse, d’éclaircir les incohérences relevées en fournissant le cas échéant des précisions ou des explications justifiant les incohérences de son récit.
Le tribunal tient à ce sujet de prime abord à relever, à l’instar du ministre et du délégué du Gouvernement, les incohérences constellant le récit des demandeurs qui frappe par son imprécision. C’est ainsi notamment que Monsieur …, censé aux dires de son épouse et de sa fille avoir été arrêté et emprisonné en 2005, reste en défaut de mentionner cet incident et se contente de faire valoir de manière générale sa crainte d’être tué au Kazakhstan. En outre, après avoir nié dans un premier temps avoir précédemment déposé une demande d’asile en Belgique, Monsieur … entend d’abord justifier par une prétendue amnésie pour ensuite en rendre son avocat responsable, qui lui aurait conseillé de ne pas en faire état.
Le tribunal relève encore que les demandeurs restent vagues quant aux circonstances précises de leur retour allégué au Kazakhstan en 2000 - Madame … en particulier semblant tout ignorer des modalités de ce retour -, de sorte que le ministre a valablement pu considérer comme probable que les demandeurs ne sont pas y retournés après le refus par les autorités belges de leur demande d’asile. Il est vrai que les demandeurs ont versé à ce sujet dans le cadre de leur recours gracieux différents documents censés étayer leur retour au Kazakhstan en 2000 et leur séjour dans ce pays jusqu’en 2005. Ces documents largement illisibles rédigés sans doute en langue russe et de surcroît en alphabète cyrillique et versés par le demandeur sans la moindre traduction ne sauraient cependant valoir preuve de leur retour au Kazakhstan.
Dans le même ordre d’idées, le tribunal ne saurait prendre en considération à quelque titre que ce soit le courrier du litismandataire des demandeurs adressé par télécopieur au tribunal la veille de l’audience - un dimanche -, étant donné que ce courrier, outre qu’il a été notifié au tribunal largement en-dehors du délai ouvert aux demandeurs en vue de répliquer au mémoire en réponse de l’Etat, ayant été envoyé au greffe par voie de télécopie, ne peut être considéré comme ayant été déposé au sens de la loi, dès lors que le greffe n'a reçu ni l'original de cet écrit ni les quatre copies légalement exigées. Ce courrier ne saurait non plus être pris en considération en tant que note de plaidoiries, une telle note reprenant par définition la teneur des plaidoiries présentées par une partie. Or en l’espèce le mandataire des demandeurs n’ayant été ni présent ni représenté à l’audience du 26 mars 2007, il ne saurait suppléer à son absence et à l’absence de plaidoiries orales contradictoires en adressant au seul tribunal un courrier contenant les points à mettre en relief qu’il lui aurait été loisible de présenter contradictoirement à l’audience.
Il se dégage dès lors de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’en l’état actuel du dossier, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé des décisions litigieuse dans la mesure où celles-ci sont motivées par un défaut de crédibilité et de cohérence au niveau du récit présenté par les demandeurs.
Outre ces incohérences relatives à des éléments essentiels du récit des demandeurs, qui en entachent dès lors la crédibilité, il y a par ailleurs lieu de constater, ainsi que l’a souligné à bon droit le ministre, que les faits mis en avant par les demandeurs sont, dans la mesure où ils datent des années 1998 et 1999, trop anciens pour justifier encore actuellement le bénéfice du statut du réfugié, respectivement, dans la mesure où ils se rapportent à des persécutions prétendument subies entre 2000 et 2005, insuffisantes pour justifier l’obtention de ce statut.
Le tribunal relève à ce sujet tout particulièrement que Monsieur … se serait prétendument rendu depuis 2000 une dizaine de fois à l’étranger, à raison de deux fois par an, à savoir en Russie, en Turquie et à Dubaï pour ensuite retourner au Kazakhstan, ce qui ne cadre guère avec l’attitude d’une personne qui se prétend persécutée dans son pays. Il convient encore de relever qu’interrogé lors de son audition sur cette contradiction apparente, le demandeur a répondu « Et alors ? Nous ne sommes tout de même plus en 1937, il y a tout de même une certaine démocratie chez nous et on ne peut tout de même pas me tuer aussi facilement. Les autorités kazakhes ont tout de même la Russie derrière elles et ainsi elles ont peur », réponse difficilement conciliable avec les craintes exprimées précédemment par le demandeur.
Il suit de ce qui précède que les demandeurs n’ont en tout état de cause pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans leur chef.
Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé dans la mesure où il est dirigé contre le refus ministériel de leur accorder le bénéfice du statut de réfugié.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement, reçoit le recours en réformation en la forme dans la mesure où il est dirigé contre les refus du statut de réfugié tels qu’opposés par le ministre aux demandeurs, au fond, le déclare non justifié et en déboute, déclare irrecevable le recours en annulation tel que dirigé contre les refus de la protection subsidiaire , condamne les demandeurs aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 mars 2007 par :
Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lamesch 8