Tribunal administratif N° 21480 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 2 juin 2006 Audience publique du 21 mars 2007 Recours formé par Madame …, … contre une décision du ministre de l’Intérieur et des décisions du conseil communal de Koerich en matière de plan d’aménagement
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 21480 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2006 par Maître Edmond DAUPHIN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, demeurant à L-8383 Koerich, 4, rue Principale, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur du 31 janvier 2006, portant approbation du projet d’aménagement général de la commune de Koerich tel qu’approuvé provisoirement par le conseil communal de Koerich en date du 13 mai 2004 et définitivement suivant délibérations des 28 octobre et 9 novembre 2004, et rejetant comme non fondée la réclamation par elle introduite en date du 23 novembre 2004, ainsi que contre lesdites délibérations du conseil communal de Koerich datant respectivement du 13 mai 2004 et des 28 octobre et 9 novembre 2004 ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Guy ENGEL, demeurant à Luxembourg, du 13 juin 2006 portant signification de ce recours à l’administration communale de Koerich ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 octobre 2006 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 novembre 2006 par Maître Edmond DAUPHIN au nom de Madame … ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 13 novembre 2006 par Maître Anne ROTH, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, pour compte de l’administration communale de Koerich ;
Vu la notification de ce mémoire en réponse à Maître Edmond DAUPHIN intervenue en date du même 13 novembre 2006 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2006 par Maître Edmond DAUPHIN au nom de Madame … ;
Vu la notification de ce mémoire en réplique intervenue par voie de télécopie adressée à Maître Anne ROTH en date du 12 décembre 2006 ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 10 janvier 2007 par Maître Anne ROTH pour compte de l’administration communale de Koerich ;
Vu la notification de ce mémoire en duplique intervenue par voie de télécopie adressée à Maître Edmond DAUPHIN en date du même 10 janvier 2007 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maîtres Edmond DAUPHIN et Steve HELMINGER, en remplacement de Maître Anne ROTH, ainsi que Monsieur le délégué du Gouvernement Guy SCHLEDER en leurs plaidoiries respectives en dates des 22 janvier et 26 février 2007.
En date du 27 avril 1998, l’administration communale de Koerich a engagé la procédure d’adoption d’un nouveau projet d’aménagement général (PAG), parties graphique et écrite, telle que prévue à l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement de villes et autres agglomérations importantes.
Par délibération du 10 novembre 1999, le conseil communal de Koerich a décidé, à l’unanimité des membres présents, d’approuver provisoirement le nouveau PAG de la commune. Par délibération du 8 février 2001, il a adopté définitivement le nouveau PAG en question, cette délibération ayant été approuvée par le ministre de l’Intérieur suivant décision du 28 février 2003.
Cette décision ministérielle du 28 février 2003 ayant été annulée suivant jugement du tribunal administratif du 24 mars 2004 inscrit sous le numéro 16556 du rôle et le dossier ayant été renvoyé devant le ministre de l’Intérieur, ci-après dénommé le « ministre » en prosécution de cause, le ministre, suivant arrêté du 5 mai 2004 procéda à l’annulation de son approbation du PAG du 28 février 2003, ainsi que des délibérations provisoire et définitive du conseil communal de Koerich datant respectivement du 10 novembre 1999 et du 18 février 2001.
Le conseil communal de Koerich, lors de sa séance publique du 13 mai 2004, décida par quatre voix contre une et deux abstentions d’approuver provisoirement le nouveau PAG de la commune de Koerich, tel qu’il fut présenté par le collège échevinal et élaboré par le bureau d’études … , Luxembourg, ainsi qu’avisé par la commission d’aménagement du territoire en date du 17 septembre 1999.
Lors de sa séance publique du 28 octobre 2004, le conseil communal procéda au vote sur chaque réclamation présentée à l’encontre du nouveau PAG et reporta le vote définitif sur l’ensemble du nouveau PAG, parties graphique et écrite, à sa séance prochaine, de sorte à avoir approuvé définitivement le nouveau PAG lors de sa séance du 9 novembre 2004 en tenant compte des modifications arrêtées par le conseil communal dans sa séance du 28 octobre 2004, ainsi que suite aux diverses réclamations.
Par décision du 31 janvier 2006, le ministre toisa les réclamations lui adressées par Maître Edmond DAUPHIN aux noms et pour compte de feu … et consorts … et approuva les délibérations du 28 octobre et 9 novembre 2004 du conseil communal de Koerich portant adoption définitive des parties graphique et écrite du PAG de la commune de Koerich.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2006, Madame … a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle ci-avant visée du 31 janvier 2006, ainsi que des délibérations du conseil communal de Koerich des 13 mai, 28 octobre et 9 novembre 2004 portant respectivement adoption provisoire et définitive du PAG de la commune de Koerich.
Les décisions sur les projets d’aménagement ayant pour effet de régler, par des dispositions générales et permanentes, l’aménagement des territoires communaux qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire, de sorte que la décision d’approbation du ministre, intervenue également sur réclamation de particuliers, participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé. Tant la décision ministérielle déférée que les délibérations déférées du conseil communal faisant l’objet du recours ayant la qualité d’actes administratifs à caractère réglementaire, un recours en annulation a valablement pu être engagé à leur encontre sur base des dispositions de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif.
Le recours en annulation ayant pour le surplus été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, il est recevable.
Madame … ayant fait déposer deux mémoires en réplique distincts dans la présente instance, dont un premier en date du 10 novembre 2006 et un deuxième en date du 11 décembre 2006, il y a lieu d’examiner en premier lieu la recevabilité du deuxième mémoire en réplique ainsi déposé, compte tenu notamment des dispositions de l’article 5(5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives qui dispose que « le demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse. La partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois », ainsi que des conclusions de la commune présentées à ce sujet dans son mémoire en duplique.
Si la seule lecture des dispositions de l’article 5 (5) prérelaté permettait certes d’admettre que le droit de fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse devrait s’entendre, tel que soutenu par le demandeur, de manière distributive par rapport à chacun des mémoires en réponse fournis en cause en ce qu’ils s’analysent en des actes de procédure distincts, susceptibles de justifier le cas échéant une prise de position différenciée, force est cependant de constater que l’article 7, alinéa 1er de la même loi du 21 juin 1999 précitée, en disposant expressément qu’« il ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive », rend la possibilité de répliquer moyennant deux mémoires distincts inconciliable avec les termes de la loi.
Dans la mesure où le législateur, dans un esprit de rationalisation des délais de procédure, a clairement opté pour une limitation à deux mémoires de la part chaque partie sans autrement concéder une exception dans l’hypothèse spécifique d’une signification différée dans le temps de la requête introductive d’instance à la partie défenderesse et aux tiers intéressés avec comme corollaire le dépôt également différé dans le temps des mémoires en réponse respectivement fournis, il y a dès lors lieu d’interpréter le délai de réplique d’un mois prévu par l’article 5 (5) prérelaté de la loi du 21 juin 1999 comme devant s’entendre par rapport à la communication de la dernière réponse utilement fournie en cause, sinon au plus tard à compter de l’expiration du délai utile pour déposer un mémoire en réponse, étant entendu que la cristallisation de ce délai est nécessairement connue par la partie demanderesse dès la signification effectuée de la requête introductive d’instance aux tiers intéressés.
Si le tribunal peut certes suivre la demanderesse dans son raisonnement consistant à soutenir qu’en l’absence de base légale expresse lui permettant de regrouper son argumentation en réplique dans un seul mémoire à déposer seulement dans le mois de la communication du dernier mémoire en réponse la solution ci-avant dégagée l’exposerait au risque de voir écarter des débats pour cause de tardiveté les éléments de réplique spécifiques au premier mémoire en réponse fourni, alors que stricto sensu le délai de réplique légal d’un mois aurait expiré par rapport à celui-ci, cette argumentation n’est pas pour autant de nature à mettre en échec les dispositions claires et précises de l’article 7 alinéa 1er de la même loi du 21 juin 1999.
La demanderesse étant maître du dépôt et de la signification de sa requête introductive d’instance, elle n’est en effet pas sans ignorer les difficultés procédurales qu’engendre son choix de signifier de manière différée la requête introductive d’instance au défendeur et aux éventuels tiers intéressés et il lui est de surcroit possible de recourir, en temps utile aux dispositions de l’article 5 (7) de la loi de procédure qui prévoit la possibilité pour les parties de demander au président du tribunal, au plus tard huit jours avant leur expiration respective, une prorogation unique des délais qui leur sont impartis lorsqu’ils ont des raisons exceptionnelles et dûment motivées pour ce faire. Le mécanisme ainsi prévu par la loi du 21 juin 1999 précitée permettrait en effet au demandeur de solliciter, au motif de cette signification différée, une prorogation de son délai de réplique afin de lui permettre de prendre position dans son deuxième mémoire par rapport à l’ensemble des arguments présentés en réponse.
Les dispositions de l’article 7, paragraphe 1er de la loi du 21 juin 1999 précitée étant claires et non équivoques, elles ne sauraient dès lors être mises en échec par une interprétation extensive des dispositions de l’article 5 (5) de la même loi dans le sens de la possibilité préconisée par le demandeur d’une réplique distincte par rapport à chaque mémoire en réponse fourni, ceci d’autant plus que la loi prévoit, moyennant les dispositions ci-avant visées de l’article 5 (7), une possibilité effective pour éviter une éventuelle lésion des droits de la défense du demandeur.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le deuxième mémoire en réplique fourni par la demanderesse en date du 11 décembre 2006 est à écarter pour s’analyser en un troisième mémoire fourni en cause.
A l’appui de son recours, la demanderesse fait d’abord valoir que la procédure d’approbation du nouveau PAG serait viciée du fait que le plan soumis au vote du conseil communal en date du 13 mai 2004 n’était plus à jour et ne représentait plus la situation actuelle en matière de recensement des constructions réparties sur le territoire communal. Il relève dans ce contexte que depuis septembre 1999, date de l’avis de la commission d’aménagement exigé par l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée, au moins seize plans d’aménagements particuliers auraient été adoptés et au moins soixante maisons et trois résidences auraient été autorisées, de sorte à avoir généré une notable croissance du tissu urbain du fait notamment de la prolongation ou de la création nouvelle de voies de desserte assorties d’aires de stationnement et de places publiques. Estimant qu’aucun homme de l’art n’établirait un plan d’aménagement général sur des données datant de près de cinq ans, surtout si la citée s’est considérablement développée depuis, la demanderesse, au vu de la différence de situation entre la date de l’avis de la commission d’aménagement et celle de la mise à l’ordre de jour de la séance communale, fait valoir que l’obligation de transparence et d’information n’aurait pas été remplie en l’espèce, de sorte que la manière de procéder adoptée par le conseil communal aurait dénaturé par principe l’avis que la commission d’aménagement était censée rendre. A l’appui de son argumentation, la demanderesse se réfère à une citation extraite du livre de G. KRIEGER « Plans d’aménagement et permis de bâtir » pour soutenir que si entre l’avis de la commission d’aménagement et le dépôt à l’ordre du jour d’une réunion du conseil communal, un délai important s’est écoulé de façon que la situation matérielle n’est plus la même, « une demande en annulation se justifierait en ce que la procédure préliminaire n’aurait pas été respectée » .
Dans le cadre du recours en annulation sous examen, le tribunal statue par rapport à l’acte réglementaire lui déféré sur base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq chefs d’annulation énumérés à l’article 8 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, de sorte que son pouvoir de contrôle ne peut s’opérer, en principe, que dans le cadre des griefs invoqués pour contrer des éléments de motivation spécifiques à l’acte déféré. Il appartient dès lors au requérant d’établir que l’acte déféré est non fondé ou illégal pour l’un des motifs énumérés audit article 7 (1) tant en ce qui concerne sa conclusion que sa motivation, étant entendu que le rôle du tribunal ne consiste pas à procéder indépendamment des motifs de refus ministériels à un réexamen général et global de la situation de la partie demanderesse.
Tel que relevé à juste titre tant par l’Etat que par l’administration communale de Koerich, la procédure prévue par l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée ne prévoit pas de délai à respecter entre l’avis de la commission d’aménagement et l’approbation définitive du projet d’aménagement en question, de sorte que le contrôle de légalité à effectuer par le tribunal ne saurait utilement aboutir au résultat escompté par la demanderesse.
En effet, même si pour des raisons d’efficacité, l’élaboration d’un nouveau plan, en phase avec la situation actuelle sur le terrain, aurait pu être envisagée par les autorités communales à la suite du jugement ci-avant visé du tribunal administratif du 24 mars 2004, aucune obligation légale afférente ne saurait être dégagée de la législation applicable au jour de la prise des actes déférés, de sorte que le tribunal ne saurait, par voie de conséquence, constater une quelconque illégalité afférente justifiant l’annulation de ces actes.
Outre le fait que la citation invoquée par la demanderesse ne reflète que l’opinion d’un auteur et n’engage dès lors que celui-ci, force est encore de relever que le constat ci-avant dégagé semble de surcroit partagé par l’auteur auquel se réfère la demanderesse en ce qu’il précise à la même page de son ouvrage « Plans d’aménagement et permis de bâtir » qu’« il n’y a pas de délai dans lequel le collège échevinal est obligé d’en saisir le conseil (communal) », tout en relevant plus loin au sujet du pouvoir de contrôle du juge de la légalité que « les juridictions administratives sont appelées à contrôler la régularité de la procédure jusqu’à l’approbation ministérielle. La légalité d’un règlement grand-ducal s’apprécie quant à la forme en fonction de la correcte application de la procédure réglementaire et quant au fond de la non-contrariété du règlement à la loi de base comme d’ailleurs à toute autre norme juridique d’un ordre supérieur »1.
1 cf. Georges KRIEGER in Plans d’aménagement et permis de bâtis, Edition Portalis, p. 54 La demanderesse conclut ensuite à une violation de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 en ce que le collège des bourgmestre et échevins, après avoir entendu les opposants en vue de l’aplanissement des difficultés, n’aurait pas procédé au devoir lui imposé de soumettre le résultat de ces auditions au conseil communal, étant entendu qu’aucune délibération de l’organe en question ne figurerait au dossier relatant le résultat de ces auditions.
Il se dégage des pièces versées au dossier et plus particulièrement de l’extrait du registre aux délibérations du conseil communal de Koerich relatif à la séance publique du 9 novembre 2004 ayant eu pour objet l’approbation définitive du nouveau PAG que le conseil communal a pris en considération « que 44 réclamations contre ledit projet ont été introduites dans le délai légal », « que les réclamants ont été entendus par un représentant du collège des bourgmestre et échevins », de même qu’il a revu sa délibération du 28 octobre 2004 concernant les réclamations à l’encontre de l’approbation provisoire du nouveau PAG sous la précision que le dossier concernant la réclamation des époux … de Goetzingen a du être retraitée lors de cette séance du 9 novembre 2004 pour ne pas avoir été complet pour la séance du 28 octobre 2004.
Pour conclure au caractère insuffisant de ces mentions, la demanderesse fait valoir qu’elles ne sauraient en aucun cas constituer le document consignant le résultat des auditions des réclamants tel qu’il serait requis par la loi, étant donné qu’il n’y figure aucune indication relative aux dates auxquelles les différents réclamants ont été entendus ni de précisions relatives aux motifs qui ont amené le collège échevinal à proposer au conseil communal les solutions présentées lors des séances publiques du 28 octobre et 9 novembre 2004, de sorte que le conseil communal n’aurait pas eu la possibilité de s’assurer que les solutions avancées par le collège échevinal répondaient à ses propres vues.
Dans son mémoire en réponse le délégué du Gouvernement soutient qu’il résulterait clairement de l’approbation définitive prévisée du 9 novembre 2004 que la délibération, ainsi qualifiée, du collège des bourgmestre et échevins concernant les réclamations à l’encontre du vote provisoire serait intervenue en date du 28 octobre 2004 et aurait effectivement été soumise au conseil communal tel que prévu par l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937.
Il y a lieu de relever d’abord que l’audition des opposants, qui doit être effectuée par les soins du collège des bourgmestre et échevins après l’expiration du délai de réclamation en vue de l’aplanissement des difficultés, ne saurait être confondue avec une délibération sur ces mêmes réclamations, étant entendu que le pouvoir de décider du bien-fondé des différentes réclamations, sous l’approbation du ministre de l’Intérieur, revient au seul conseil communal, conformément aux dispositions de l’article 9, alinéa 4 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée. En mettant à charge du collège des bourgmestre et échevins l’obligation de soumettre au conseil communal « le résultat de cette mesure », en l’occurrence la mesure de l’audition des opposants en vue de l’aplanissement des difficultés, le législateur a entendu assurer que l’organe décisionnel, en l’occurrence le conseil communal, soit informé du résultat des différentes auditions ayant eu lieu en vue de l’aplanissement des difficultés, ceci dans un esprit de respect du principe du contradictoire à tout niveau de la procédure d’élaboration concernée.
Encore que la décision déférée du ministre du 31 janvier 2006 se réfère expressément à des rapports du collège échevinal dont il résulterait que les réclamants ont été entendus par le collège échevinal en vue de l’aplanissement des difficultés, il se dégage des informations non équivoques fournies en cause par le représentant de la commune de Koerich qu’il n’existe en l’espèce pas de rapport écrit proprement dit tel qu’énoncé par l’autorité ministérielle.
Malgré la confusion que peut créer cette mention non vérifiée en fait, force est de constater que le législateur, tout en imposant au collège des bourgmestre et échevins de soumettre au conseil communal le résultat de l’audition des opposants à laquelle il a procédé, n’a pas pour autant déterminé la forme que doit revêtir cette information, de sorte que tant le collège des bourgmestre et échevins que le conseil communal restent libres de décider de la manière dont ils entendent mettre en place cette information qui, le cas échéant, peut s’opérer de manière orale comme tel semble par ailleurs avoir été le cas en l’espèce d’après les explications fournies à la barre.
Il s’ensuit qu’en l’absence de prescription légale relative à la forme de cette information, voire d’obligation légale d’en faire mention dans le cadre de la prise des décisions sur les différentes réclamations, le moyen afférent de la demanderesse n’est pas de nature à énerver la légalité des décisions litigieuses.
Concernant toujours la procédure d’approbation du projet d’aménagement litigieux, la demanderesse conclut encore à une violation des dispositions de l’article 20 de la loi du 23 février 2001 ayant pour objet de modifier la loi communale du 13 décembre 1988 en ce que lors des séances publiques portant sur l’approbation provisoire et définitive du PAG, Monsieur …, ancien bourgmestre, a quitté la table de discussion et de vote du conseil communal conformément audit article pour avoir eu un intérêt indirect à l’objet de la délibération du fait que des propriétés foncières appartenant à ses proches parents étaient concernées, mais qu’il aurait néanmoins assisté à la séance publique du 3 février 2005 lors de laquelle l’avis du conseil communal a été demandé en exécution de l’article 9 de la loi modifiée du 12 juin 1937 précitée. Or, de l’avis de la demanderesse, l’intéressé aurait dû se retirer tout au long de la procédure.
Le délégué du Gouvernement résiste à cette argumentation en soulignant d’abord que la demanderesse ne précise pas quel aurait été l’intérêt personnel et direct évaluable en argent du bourgmestre, de même qu’elle se limiterait à affirmer que certaines propriétés foncières appartenant à ses proches parents seraient concernées, sans pour autant préciser le lien de parenté, lequel ne saurait pourtant être pris en considération que jusqu’au troisième degré inclus. Il relève en outre que le bourgmestre n’a pris part ni au vote provisoire, ni au vote définitif du plan d’aménagement général et que s’il devait y avoir un quelconque intérêt à défendre dans son chef, ce n’aurait été que pendant ces votes et non lors de la séance du 3 février 2005 où le conseil communal a rendu son avis quant à des réclamations introduites.
Dans la mesure où aucune de ces réclamations n’aurait été introduite par un prétendu proche du bourgmestre, il ne saurait dès lors être question d’une violation de l’article 20 de la loi communale.
La commune de Koerich conclut également au caractère non fondé de ce moyen en rejoignant en substance l’argumentation du délégué du Gouvernement.
Tel que relevé à juste titre par le délégué du Gouvernement et la partie tierce intéressée, Monsieur … n’a participé à aucun vote lors de la procédure d’élaboration du PAG, de sorte que les critiques avancées par le demandeur sont à analyser uniquement en rapport avec la délibération du conseil communal par lui épinglée du 3 février 2005 ayant avisé le bien-fondé de différentes réclamations adressées au ministre suite au vote définitif du projet par le conseil communal.
Conformément aux dispositions de l’article 20 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988 « il est interdit à tout membre du corps communal, au secrétaire et receveur :
1. d’être présent aux délibérations du conseil communal et du collège des bourgmestre et échevins sur des objets auxquels il a un intérêt direct, soit personnellement, soit comme chargé d’affaire ou fondé de pouvoir ou auxquels ses parents ou alliés jusqu’au 3ème degré inclusivement ont un intérêt personnel et direct. Cette interdiction s’applique tant aux discussions qu’au vote ;
(…) » L’article 20, paragraphe 1er prévoit de façon précise que l’interdiction s’applique tant aux discussions qu’au vote, de sorte qu’il convient de dégager les contours de l’hypothèse légale visée par les objets des délibérations auxquelles le conseiller a « un intérêt direct ».
Ainsi, « par intérêt direct, au sens de la loi, on entend un intérêt matériel et actuel, appréciable en argent » par opposition à « un intérêt indirect et éventuel » lequel ne suffirait pas pour donner lieu à l’interdiction prévue par l’article 20, paragraphe 1er (doc. parl. n° 2675, Exposé des motifs, p. 23). Il est encore constant que l’intérêt direct visé par la loi donne lieu à l’interdiction prévue par l’article 20, paragraphe 1er s’il se vérifie soit en la personne même du conseil communal concerné, soit dans celle d’un parent ou allié jusqu’au troisième degré inclusivement, de sorte que Madame …-…, présentée de manière non contestée en termes de plaidoirie comme étant la mère de Monsieur …, rentre en principe sous les prévisions dudit article, étant entendu qu’il n’est pas non plus contesté que moyennant l’adoption du nouveau PAG, des terrains lui appartenant ont été inclus nouvellement dans la zone constructible, de sorte que leur valeur s’est accrue de manière patente.
S’il est certes vrai qu’une participation de Monsieur … aux délibérations communales ayant respectivement porté adoption provisoire et définitive du nouveau PAG de la commune de Koerich aurait été susceptible de vicier directement les délibérations en question ainsi que la décision ministérielle d’approbation qui s’en est suivie en ce qu’elle n’aurait point prononcé l’annulation desdites délibérations, cette conclusion de saurait pas pour autant être transposée d’office avec la même rigueur au contexte sous examen, cantonné à une délibération ayant eu pour objet l’avis du conseil communal quant à différentes réclamations introduites à l’encontre de l’adoption définitive du PAG.
A ce stade de la procédure, l’intérêt personnel et direct prévu par la loi est à apprécier concrètement à partir du contenu des réclamations qui ont été avisées. La prohibition de l’article 20 de la loi communale, consacrant le devoir de délicatesse des membres du corps communal, ne peut conduire à l’annulation que si la raison d’intérêt public et de moralité administrative sur laquelle se fonde cet article l’exige, c’est-à-dire s’il est permis de supposer que la présence irrégulière d’un des conseillers à pu avoir pour effet de faire prévaloir l’intérêt privé sur l’intérêt public2.
En l’espèce le seul volet des réclamations soumises au ministre susceptible d’avoir des retombées directes sur la situation de Madame …-… est celui d’ordre général ayant trait à la légalité de la procédure d’approbation du PAG, étant donné qu’en cas d’aboutissement dans le 2 Victor de Tollenaere, Nouveau commentaire de la loi communale, Tome 1, 1955, n° 17, p. 227 sens préconisé d’une annulation de toute la procédure, le nouveau classement favorable des terrains lui appartenant en aurait implicitement mais nécessairement pâti.
Or, force est de constater que l’objet proprement dit de ce volet des réclamations, en l’occurrence une contestation de la légalité de la procédure d’approbation du PAG, est non pas d’intérêt privé, mais clairement d’un intérêt collectif et non personnel, de sorte à échapper à l’interdiction énoncée par l’article 20, paragraphe 1er de la loi communale3.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le moyen basé sur une violation alléguée des dispositions de l’article 20 de la loi communale laisse d’être fondé.
A titre subsidiaire, en ce qui concerne l’urbanisation des fonds appartenant à Madame …, celle-ci fait valoir que le ministre, tout en ayant rejeté ses propres réclamations ayant tendu à voir incorporer des fonds lui appartenant sis au lieu-dit « Op Fulsbierg » (parcelles 620/2474, 619/628, 619/827 suivant les précisions fournies par la demanderesse) dans le périmètre d’agglomération, aurait néanmoins avalisé l’inclusion de propriétés voisines qui présenteraient les mêmes caractéristiques que les siennes, de sorte à avoir traité de manière différente des situations pourtant identiques en fait. Elle relève dans ce même contexte que ses fonds seraient facilement raccordables au réseau des voies de desserte et que leur approvisionnement en eau potable et l’évacuation des eaux usées ne présenteraient aucun problème. Elle estime en outre que l’aménagement d’une aire de rebroussement ne s’imposerait plus en cas d’inclusion de ses terrains dans le périmètre d’agglomération, étant donné que l’urbanisation de ses fonds permettrait la création d’une voie formant boucle. Tout en concédant qu’il serait oiseux d’exposer de façon plus détaillée et scientifique les avantages que présenterait sur le plan de l’urbanisme l’incorporation des fonds en question, étant donné que le litige relève d’une juridiction d’annulation, la demanderesse se limite à retenir qu’en tant que propriétaire foncier, elle aurait été traitée plus défavorablement que ses voisins, étant donné que ceux-ci auraient été admis à valoriser une partie de leurs terrains sans qu’il ne soit établi que ceux-ci présentent des caractéristiques différentes.
Le délégué du Gouvernement relève que ce serait à juste titre que le ministre a refusé l’intégration des terrains de Madame … dans le périmètre d’agglomération, étant donné leur situation éloignée du village ainsi que le fait que leur intégration conduirait inévitablement au développement tentaculaire et désordonné de la localité.
L’administration communale de Koerich insiste dans ce même contexte que les parcelles en question seraient éloignées du centre du village, de sorte que l’intégration de ces terrains dans le périmètre d’agglomération aurait inévitablement pour conséquence un développement tentaculaire et désordonné de la localité.
La mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d’opportunité, notamment d’ordre politique, à la base d’un acte administratif attaqué, mais inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis4.
Il se dégage des pièces versées en cause et plus particulièrement de l’extrait du plan d’aménagement général versé au dossier par la demanderesse pour documenter la situation 3 Voir en ce sens : Jurisprudence en matière d’intérêt, in Les Novelles, Lois politiques et administratives, Tome 1, n° 119 4 cf. Cour adm. 11 mai 2006, n° 20937C du rôle.
des terrains concernés que ceux-ci, indiqués en hachures suivant les annotations y apposées par les soins de la demanderesse, se situent dans le prolongement, de surcroit excentrique, d’une excroissance tentaculaire de la délimitation actuelle du périmètre d’agglomération, de sorte que leur inclusion se traduirait nécessairement par une aggravation, sinon accentuation du caractère tentaculaire du tracé du périmètre d’agglomération, sans qu’un quelconque arrondissement par l’effet de l’inclusion préconisée dans le périmètre ne soit décelable.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le constat que l’intégration des terrains en question dans le périmètre d’agglomération aurait pour conséquence un développement pour le moins tentaculaire de la localité est vérifié en fait, étant entendu que le caractère désordonné du même développement préconisé est directement rattachable au développement tentaculaire qui a utilement pu être retenu en l’espèce.
Il s’ensuit que les développements de la demanderesse ne sont pas de nature à énerver la légalité des décisions déférées sous cet aspect.
Dans la mesure où la modification des dispositions du plan d’aménagement général relève pour le surplus de l’opportunité politique5 et que partant le choix des autorités communales de modifier les limites du périmètre d’agglomération, en l’absence de règles spécifiques, est laissé à la libre appréciation des autorités compétentes, il n’y a en principe pas place dans ce contexte pour le contrôle de proportionnalité puisque les moyens et le résultat sont laissés, par l’absence de règles, à l’appréciation des autorités communales6.
Il se dégage des considérations qui précèdent que les développements de la demanderesse, tendant à établir l’utilité qu’aurait pu revêtir l’inclusion de ses terrains dans le périmètre d’agglomération, sont inopérants dans le cadre du présent litige pour échapper au pouvoir de contrôle du tribunal.
Quant au principe d’égalité de traitement également invoqué par la demanderesse, force est de constater qu’il n’est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-
fondé, la demanderesse restant en effet en défaut d’indiquer de manière précise et concrète les terrains qu’elle estime avoir été traités plus favorablement que les siennes et les pièces versées au dossier ne permettant pas non plus à elles seules de dégager de manière suffisamment précise le cadre exact de l’argumentation que veut soutenir la demanderesse à ce sujet.
Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précède que le recours en annulation laisse d’être fondé.
Compte tenu de l’issue du litige il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la demanderesse de voir condamner l’Etat au paiement d’une indemnité de procédure.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
5 cf. Cour adm. 27 novembre 2001, n° 13130C du rôle 6 Voir à ce sujet : Xavier PHILIPPE, Le contrôle de proportionnalité dans les jurisprudences constitutionnelles et administratives françaises, page 134 et suivantes.
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond le dit non justifié et en déboute;
condamne la demanderesse aux frais.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mars 2007 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 11