Numéro 21366 du rôle Tribunal administratif du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 5 mai 2006 Audience publique du 7 mars 2007 Recours formé par la société anonyme XXX, XXX contre une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en présence de l’administration communale de XXX en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire
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JUGEMENT
Vu la requête, inscrite sous le numéro 21366 du rôle, déposée le 5 mai 2006 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierre METZLER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société anonyme XXX, établie et ayant son siège social à XXX, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro XXX, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire du 22 juin 2005 dans la mesure où elle refuse l’approbation pour la phase II prévue par un projet d’aménagement particulier concernant des terrains sis à XXX;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Pierre KREMMER, demeurant à Luxembourg, du 16 mai 2006 portant signification de cette requête à l’administration communale de XXX, établie en la maison communale sise à XXX, représentée par son collège des bourgmestre et échevins, sinon par son bourgmestre actuellement en fonctions ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 28 septembre 2006 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 octobre 2006 par Maître Pierre METZLER pour compte de la société anonyme XXX ;
Vu la pièce supplémentaire déposée à l’audience du 4 décembre 2006 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire complémentaire déposé au greffe du tribunal administratif le 7 décembre 2006 par Maître Pierre METZLER pour compte de la société anonyme XXX ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Anne-Laure JABIN, en remplacement de Maître Pierre METZLER, et Madame le délégué du gouvernement Jacqueline GUILLOU-JACQUES en leurs plaidoiries respectives.
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En date du 8 novembre 2000, le conseil communal de la commune de XXX, ci-après désigné par le « conseil communal », adopta définitivement un plan d’aménagement particulier (PAP) couvrant un terrain sis à XXX, inscrit au cadastre de la commune de XXX, section A de XXX, sous le numéro XXX, aux lieux-dits « XXX » et « XXX », et prévoyant la suppression de la station-service alors existante et la construction de deux immeubles à vocation commerciale d’une surface globale de quelques 5.000 m2. Cette délibération fit l’objet d’une approbation de la part du ministre de l’Intérieur le 2 avril 2001.
Au cours de l’année 2003, la société anonyme XXX, préqualifiée, ci-après désignée par la « XXX », acquit ce terrain et décida de ne pas réaliser le projet autorisé à travers le PAP prévisé, mais d’élaborer un nouveau PAP prévoyant deux constructions d’une surface totale réduite à 2.300 m2 et affectées à l’habitation. Le bâtiment en première ligne par rapport à la route de Remich fut défini comme la phase I, tandis que le bâtiment en seconde ligne par rapport à ladite route fut défini comme phase II.
Ce nouveau projet d’aménagement particulier fit l’objet d’un avis négatif de la commission d’aménagement auprès du ministère de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire en date du 19 avril 2004, dans lequel celle-ci attira l’attention sur le fait que « selon les prescriptions dimensionnelles en vigueur la construction d’immeubles d’habitation en seconde position est interdite. La construction des immeubles d’habitation n’est, en l’occurrence, autorisée que dans une bande de construction de 15 m ». Elle estima notamment « qu’une densification du tissu urbain en cet endroit ne se justifie nullement compte tenu de la situation du terrain par rapport au centre de la localité et à la connexion au transport public. Par ailleurs, il convient de noter qu’il s’agit d’un terrain en pente à haut risque de glissement ».
Le même projet d’aménagement particulier fut adopté par le conseil communal provisoirement le 10 novembre 2004 et définitivement le 19 janvier 2005.
Par décision du 22 juin 2005, le ministre de l’Intérieur et de l’Aménagement du territoire, ci-après désigné par le « ministre », approuva cette délibération du conseil communal du 19 janvier 2005 pour ce qui est de la phase I du projet, mais refusa cette approbation pour la phase II au motif « qu’une densification du tissu urbain en cet endroit n’est pas justifiée, et qu’il importe d’urbaniser d’abord les fonds disponibles au centre de la localité d’XXX. D’autre part, j’estime encore que le terrain concerné ne se prête pas pour une construction en deuxième position, alors qu’il s’agit en l’espèce d’un terrain en forte pente, présentant un haut risque de glissement ».
Cette décision ministérielle fit l’objet d’une publication par voie d’affichage d’un avis à partir du 30 septembre 2005.
Suite à la soumission, par l’architecte mandaté par la société XXX, d’une demande de permis de construire du 3 juin 2005 pour les deux bâtiments prévus par le nouveau PAP et de plans modifiés du bâtiment en première ligne à travers un courrier du 12 décembre 2005, le bourgmestre de la commune de XXX accorda le 8 février 2006 l’autorisation de bâtir n° 02/2006 pour la construction d’une « résidence à 13 appartements » sans porter expressément autorisation ou refus d’autorisation pour le bâtiment en seconde ligne de la phase II.
Déclarant avoir eu connaissance de la décision ministérielle précitée du 22 juin 2005 seulement au moment de s’enquérir sur le sort de sa demande d’autorisation pour le bâtiment de la phase II auprès de l’administration communale suite au permis de construire délivré le 8 février 2006, la société XXX a fait introduire, par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2006, un recours contentieux tendant à l’annulation de ladite décision ministérielle du 22 juin 2005.
Concernant la compétence d’attribution du tribunal administratif, question que le tribunal est de prime abord appelé à examiner, il convient de relever que, d’une part, les décisions sur les projets d’aménagement, lesquelles ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à y ériger, ont un caractère réglementaire et, d’autre part, la décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé (cf. Cour adm. 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2006, V° Actes réglementaires (recours contre les), n° 25 et autres références y citées).
Il s’ensuit qu’en application de l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit à l’encontre de la décision ministérielle d’approbation partielle du 22 juin 2005.
Le délégué du gouvernement soulève le moyen d’irrecevabilité tiré de la tardiveté du recours introduit en faisant valoir que la décision ministérielle attaquée du 22 juin 2005 aurait été affichée à la maison communale de XXX à partir du 29 septembre 2005 jusqu’au 14 octobre 2005 inclus, de manière que le délai légal de recours de trois mois aurait expiré le 14 janvier 2006. Le représentant étatique ajoute qu’au vu de la motivation suffisante de ladite décision, aucune suspension du délai de recours ne saurait être admise en l’espèce.
La société demanderesse résiste à ce moyen d’irrecevabilité en arguant que l’affichage de la décision attaquée par l’administration communale de XXX ne serait pas documenté et qu’elle n’aurait pas eu connaissance d’un tel affichage, de manière que le délai de recours n’aurait pas pu courir à son égard à partir de ce moment. Elle estime également qu’il aurait été « plus efficace » de lui notifier directement la décision ministérielle attaquée en sa qualité d’initiateur du nouveau PAP en cause.
A l’audience des plaidoiries, le délégué du gouvernement a versé en cause la copie d’un certificat de publication documentant la publication d’un avis concernant la décision ministérielle du 22 juin 2005 à partir du 30 septembre 2005 et le dépôt du dossier du projet afférent au secrétariat communal du 30 septembre 2005 au 14 octobre 2005 inclusivement.
A travers son mémoire supplémentaire, la société XXX soutient d’abord ne pas avoir eu connaissance de cet avis de publication, ensuite qu’il n’aurait pas été affiché en conformité aux dispositions légales applicables, à savoir affiché en la commune de XXX notamment dans le « XXX » et finalement que, même dans l’hypothèse dans laquelle une publication de cet avis dans le « XXX » était établie, celle-ci ne pourrait pas être considérée comme publicité effective. La société demanderesse argue encore qu’en tant que promoteur du PAP en cause, elle devrait être considérée comme intéressée au sens de l’article 9 alinéa 4 de la loi modifiée du 12 juin 1937 concernant l’aménagement des villes et autres agglomérations importantes, ci-après désignée par la « loi du 12 juin 1937 », et partant recevoir une notification individuelle de la décision ministérielle litigieuse par voie de lettre recommandée et qu’à défaut d’une telle notification individuelle, aucun délai de recours n’aurait pu commencer à courir à son égard.
Dans la mesure où le projet de PAP a fait l’objet d’un avis de la Commission d’aménagement du 19 avril 2004, qu’il a été adopté provisoirement le 10 novembre 2004 et définitivement le 19 janvier 2005 et que le ministre l’a approuvé partiellement le 22 juin 2005, la procédure d’adoption dudit PAP et plus particulièrement la décision ministérielle attaquée rentre dans les prévisions de l’article 108 (2) de la loi du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, pris dans sa teneur initiale applicable au 22 juin 2005, qui disposait que « pour les projets d'aménagement général ou particulier dont la procédure d'approbation est entamée d'après les dispositions de la loi du 12 juin 1937 concernant l'aménagement des villes et autres agglomérations importantes au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, cette procédure est continuée et doit alors être achevée dans les douze mois qui suivent l'entrée en vigueur de la présente loi. Passé ce délai, une nouvelle procédure d'adoption doit être engagée conformément aux dispositions de la présente loi ».
Cette disposition doit être comprise en ce sens que non seulement elle autorise la continuation des procédures d’adoption et d’approbation prévues par la loi du 12 juin 1937, mais qu’elle reconnaît également la validité des formes et du contenu d’un PAP pour autant qu’ils répondent aux exigences de ladite loi du 12 juin 1937 (cf. trib. adm. 9 novembre 2006, n° 20995 du rôle, non encore publié). Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité du délégué du gouvernement est à analyser par rapport à la disposition de l’article 9 de la loi précitée du 12 juin 1937 qui pose comme suit:
« Sans préjudice de la disposition inscrite à l’art. 3, alinéa 3, les projets sont établis par les soins du collège des bourgmestre et échevins, ou par les associations, sociétés et particuliers intéressés. Ils sont soumis d’abord à la Commission et ensuite au conseil communal, avec l’avis de la Commission.
Après leur approbation provisoire par le conseil communal, les plans sont déposés pendant 30 jours à la maison communale, où le public pourra en prendre connaissance. Le dépôt sera publié par voie d’affiches apposées dans la commune de la manière usuelle et portant invitation de prendre connaissance des pièces.
Endéans le délai visé à l’alinéa qui précède, les objections contre les plans doivent être présentées par écrit au collège des bourgmestre et échevins, à peine de forclusion.
Après l’expiration du délai le collège entendra les opposants en vue de l’aplanissement des difficultés.
Le résultat de cette mesure, avec toutes les pièces et, éventuellement, avec les plans modifiés, est soumis au conseil communal qui y décide, sous l’approbation du « Ministre de l’Intérieur ». La décision du conseil communal est affichée dans la commune pendant huit jours, de la façon usuelle et notifiée aux intéressés par lettres recommandées avec avis de réception.
Les réclamations doivent être adressées au Gouvernement dans les quinze jours de cette notification, à peine de forclusion. Le Ministre statue, le conseil communal et la Commission entendus ».
Il est vrai que cette disposition ne comporte aucune précision quant aux formes imposées pour la publicité ou la communication des décisions ministérielles d’approbation ou de refus d’approbation de projets d’aménagement.
Cependant, il se dégage de la jurisprudence qu’au niveau de l’adoption définitive d’un projet d’aménagement particulier par le conseil communal, la notion d’ « intéressés » au sens de l’alinéa 4 de l’article 9 de la loi du 12 juin 1937 devant recevoir une notification individuelle de la délibération relative à l’adoption définitive du projet d’aménagement particulier englobe non seulement les parties qui ont présenté des observations écrites au collège des bourgmestre et échevins, mais également le promoteur du projet, étant donné qu’il a un intérêt évident à ce que son projet rencontre l’approbation du conseil communal et à avoir connaissance du sort réservé aux objections (cf. trib. adm. 22 décembre 2005, n° 19799 du rôle, confirmé par Cour adm. 11 mai 2006 , n° 20937C du rôle).
Or, dans la mesure où une décision ministérielle telle celle litigieuse en l’espèce est à qualifier d’approbation tutélaire qui confirme ex post la validité de la délibération communale d’adoption définitive d’un projet d’aménagement particulier et qu’elle se greffe partant sur cette dernière, elle doit suivre le même régime de publicité et de notification que la délibération communale en cause. Ainsi, s’il est vrai que le cercle des tiers « intéressés » par rapport à une décision ministérielle est limité aux personnes ayant introduit une réclamation devant le ministre et peut dès lors varier par rapport à celui des tiers « intéressés » par rapport à la délibération communale, le promoteur du projet d’aménagement particulier doit être qualifié d’intéressé de premier ordre à la décision ministérielle par rapport au projet par lui mis en route et doit partant se voir notifier individuellement la décision ministérielle. Il s’ensuit qu’une publicité par voie d’affichage est insuffisante pour déclencher utilement le délai de recours à l’égard du promoteur du projet en cause.
En l’espèce, si le délégué du gouvernement se prévaut certes d’un certificat de publication du 30 septembre 2005 de l’administration communale de XXX attestant la publication d’un avis concernant la décision ministérielle attaquée du 22 juin 2005 « dans la commune de XXX à partir du 30 septembre 2005 », le représentant étatique ne documente aucune notification individuelle de ladite décision ministérielle à la société demanderesse, de manière que, conformément aux développements ci-avant, aucun délai de recours n’a pu commencer à courir à l’égard de la société demanderesse et que le moyen d’irrecevabilité du délégué du gouvernement relatif au caractère tardif du recours laisse d’être fondé.
Aucun autre moyen d’irrecevabilité n’ayant été invoqué par les parties à l’instance, le recours en annulation est à déclarer recevable pour avoir par ailleurs été introduit dans les formes de la loi.
En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n'est pas lié par l'ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l'effet utile s'en dégageant.
A l’appui de son recours, la société demanderesse expose que l’existence de motifs valables serait l’une des conditions essentielles de la validité d’un acte administratif, mais que la décision attaquée ne comporterait de motivation valable et complète ni en droit à travers l’indication d’un texte légal servant de fondement légal au refus partiel d’approbation de son projet d’aménagement, ni en fait, de manière qu’elle devrait encourir l’annulation de ce chef.
Aucune disposition légale n’impose une obligation générale de motivation des actes administratifs à caractère réglementaire, c’est-à-dire une obligation générale d’indiquer les motifs qui ont guidé le pouvoir exécutif dans sa prise de décision, de manière que le moyen de la société demanderesse tendant à l’annulation de la décision attaquée pour défaut d’indication d’une motivation complète en droit et en fait laisse d’être fondé. Il n’en reste pas moins que la légalité de ces actes est conditionnée par l’existence de motifs légaux et que la mission du juge administratif, statuant, dans la limite des griefs invoqués, en tant que juge de la légalité à l’égard d’un acte administratif à caractère réglementaire, implique un examen de l’existence des motifs qui sont à la base de la décision et le contrôle de ce que lesdits motifs répondent à une finalité d’intérêt général, ce dernier étant la mesure de toute action des autorités administratives. En vertu du principe de proportionnalité, les mesures que l’administration se propose de prendre doivent être dans la mesure de l’objectif poursuivi (cf.
trib. adm. 26 septembre 2001, n° 11992 du rôle, confirmé par Cour adm. 6 juin 2002, n° 14136C du rôle, Pas. adm. 2006, v° Actes administratifs, n° 11).
Alors même que le délégué du gouvernement n’a pas pris position quant au fond du recours sous analyse dans son mémoire en réponse, le tribunal constate que la décision litigieuse du 22 juin 2005 indique « qu’une densification du tissu urbain en cet endroit n’est pas justifiée, et qu’il importe d’urbaniser d’abord les fonds disponibles au centre de la localité d’XXX. D’autre part, j’estime encore que le terrain concerné ne se prête pas pour une construction en deuxième position, alors qu’il s’agit en l’espèce d’un terrain en forte pente, présentant un haut risque de glissement ».
Le reproche d’une absence de motifs est partant à rejeter, dès lors que le ministre a fondé la décision attaquée sur le refus d’une densification de l’urbanisation à cet endroit d’XXX et sur le caractère inapproprié du terrain en cause pour une construction en seconde ligne. L’existence de motifs ayant ainsi été vérifiée, il incombe encore au tribunal d’examiner la légalité et le bien-fondé desdits motifs.
La société demanderesse estime que la décision ministérielle du 22 juin 2005 ne respecterait pas le principe de l’égalité des administrés devant la loi, consacré par l’article 10bis de la Constitution, en ce qu’elle aurait pour effet une rupture de l’égalité entre les propriétaires de terrains au centre d’XXX et les propriétaires de terrains avoisinants qui seraient cependant, les uns et les autres, classés en zone urbaine « sans autre condition justifiant de subordonner la construction de terrains situés à l’écart du centre de la localité à la construction de ceux situés audit centre ».
Le principe constitutionnel de l'égalité devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si des droits de la personnalité, et par extension des droits extra-
patrimoniaux sont concernés, ne s'entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon (cf. trib. adm. 12 janvier 1999, n° 10800 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Lois et règlements, n° 2, et autres références y citées). Le principe d'égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente des situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient par conséquent aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu'au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe de l'égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu'elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but (cf. trib. adm. 6 décembre 2002, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2006, V° Lois et règlements, n° 2).
Or, à cet égard, il convient de relever que la législation d’urbanisme est caractérisée par la finalité d’assurer une organisation cohérente du territoire communal et le développement harmonieux des parties du territoire communal destinées à l’aménagement en tenant compte des particularités propres aux diverses parties du territoire communal. Il s’ensuit que des différenciations des règles applicables à différentes parties aménageables du territoire communal sont inhérentes au but poursuivi par cette législation et qu’elles sont conformes au principe d’égalité devant la loi dès lors qu’elles procèdent de particularités objectives de ces parties du territoire communal et que les différenciations soient rationnellement justifiées et proportionnées à leur but.
Ainsi, au vœu du principe de l’égalité devant la loi, le ministre peut approuver ou refuser l’approbation d’un plan d’aménagement particulier prévoyant des règles urbanistiques différentes sur les terrains par lui visés par rapport à d’autres terrains à proximité sans contrevenir audit principe constitutionnel à condition que les différences de traitement soient fondées sur des critères objectifs et en rapport avec l’objet de la réglementation d’urbanisme ou avec le but que celle-ci peut légalement poursuivre.
En l’espèce, il s’agit donc d’examiner si le ministre a contrevenu au principe d’égalité en refusant son approbation pour la construction du bâtiment en seconde ligne de la phase II.
Il convient de constater à partir des plans soumis en cause que les immeubles érigés au lieu-dit XXX représentent un hameau séparé de la localité d’XXX et caractérisé par un aménagement éparse et inégal des deux côtés de la XXX. Dans ces circonstances, la volonté affichée par le ministre de vouloir réserver une urbanisation densifiée à la localité d’XXX même et de maintenir le caractère réduit et dispersé d’XXX situé en bordure d’une forêt et le long d’une route nationale procède d’une particularité propre d’XXX qui justifie la prévision d’un régime de construction différent de celui appliqué à la localité d’XXX et l’exigence d’une densification réduite de l’urbanisation de ce hameau doit être considérée comme proportionnée à la finalité d’un aménagement harmonieux de ces lieux. Par ailleurs, le terrain couvert par le PAP litigieux se caractérise encore par l’élément particulier de sa pente qui s’accentue derrière le second bâtiment projeté et qui autorise les autorités compétentes à réduire l’aménagement autorisé de ce terrain au construit compatible avec cette caractéristique du terrain.
Il en découle que le moyen de la société demanderesse tenant au non-respect du principe d’égalité de la loi laisse d’être fondé.
La société demanderesse soutient ensuite que la décision ministérielle attaquée ne respecterait pas le droit de propriété consacré par l’article 16 de la Constitution au motif qu’elle reviendrait à la priver de son droit de propriété en soumettant le droit de jouissance de son terrain à une condition arbitraire tenant à la disposition des propriétaires de terrains situés dans la localité d’XXX de construire sur leurs terrains.
Cependant, le législateur, en imposant aux communes d’établir un projet d’aménagement et d’édicter un règlement sur les bâtisses a nécessairement habilité le pouvoir communal à réglementer l’usage du droit de propriété lorsque sa réglementation est nécessaire à la réalisation des objectifs de la loi du 12 juin 1937. En prenant de telles mesures, l'autorité communale ne procède pas à une expropriation cachée contraire à l'article 16 de la Constitution et à l'article 545 du Code civil (Cour adm. 21 décembre 2000, n° 12162C du rôle, Pas. adm. 2006, v° Urbanisme, n° 42). Il y a lieu d’ajouter qu’en l’espèce, la décision ministérielle du 22 juin 2005 n’aboutit pas à une interdiction de tout aménagement du terrain en cause, le PAP ayant été approuvé en ce qui concerne le bâtiment en première ligne, mais réduit seulement l’intensité de sa construction afin de tenir compte des caractéristiques du hameau d’XXX. Par voie de conséquence, le moyen afférent de la société demanderesse est à rejeter.
La société demanderesse argue ensuite que le motif de refus relatif au défaut de justification d’une densification de l’urbanisation à XXX serait vague, de manière à ne pas permettre un contrôle effectif de sa légalité, et de plus erroné aux motifs que le ministre aurait déjà approuvé dans le passé des résidences « dans des situations urbanistiques particulières », que le projet litigieux de deux bâtiments s’intégrerait parfaitement dans le cadre déjà urbanisé de l’endroit en question et que la rue longeant le terrain litigieux serait complètement urbanisée et « par conséquent parfaitement intégrée dans le développement harmonieux de la commune de XXX ». La société demanderesse ajoute que l’exigence formulée par le ministre d’une urbanisation préalable du centre d’XXX ne serait fondée sur aucun texte légal.
La société demanderesse critique encore « le fait du Prince » consistant dans le changement d’attitude du ministre qui aurait encore approuvé en l’année 2001 un projet d’aménagement particulier ayant prévu au même endroit la construction de locaux commerciaux d’une superficie de 5.000 m2 et qui refuserait, à travers la décision attaquée du 22 juin 2005, son approbation pour un projet d’aménagement particulier prévoyant 2.300 m2 de surface à vocation d’habitation au même endroit. La société demanderesse estime que ce revirement serait inexplicable au vu de la pénurie actuelle de logements et qu’il porterait atteinte à son « presque droit acquis » découlant du projet antérieur.
Au vu de ces moyens, il échet de rappeler que la mission du juge de la légalité exclut le contrôle des considérations d’opportunité, notamment d’ordre politique, à la base d’un acte administratif attaqué, mais inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration, sont matériellement établis, à l’exclusion de tout doute et se trouvent dans un rapport de proportion adéquat, exempt de toute erreur manifeste d’appréciation (Cour adm. 28 septembre 2006, n° 21168C, non encore publié).
La mutabilité des plans d’aménagement généraux relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné. Il en découle que les parties intéressées, dont les propriétaires d’immeubles, n’ont pas un droit acquis au maintien d’une réglementation communale d’urbanisme donnée, étant entendu que les changements à y apporter ne sauraient s’effectuer de manière arbitraire, mais, appelés à résulter de considérations d’ordre urbanistique et politique pertinentes répondant à une finalité d’intérêt général, ils sont à opérer suivant la procédure prévue par la loi comportant la participation de tous les intéressés (cf. trib adm. 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm. 20 décembre 2001, Pas. adm. 2006, V° Urbanisme, n° 74 et autres références y citées).
S’il est vrai que la loi du 12 juin 1937 ne comporte pas de dispositions propres quant aux objectifs de l’aménagement communal, il n’en reste pas moins que la loi modifiée du 21 mai 1999 concernant l’aménagement du territoire dispose dans son article 1er que « l'aménagement du territoire poursuit le développement du territoire national en respectant les particularités et les ressources propres des diverses régions qui le composent. Il a pour objectif d'assurer aux habitants du pays des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de ses régions en valorisant leurs ressources respectives et en maintenant un équilibre structurel et économique entre elles.
2. A cet effet, l'aménagement du territoire contribue et participe à l'échelle nationale, régionale et communale :
(a) à l'utilisation rationnelle du sol et de l'espace et à la protection des paysages;
(b) à la valorisation optimale des ressources économiques et humaines;
(c) à la gestion responsable de l'environnement, en général, et des ressources naturelles et énergétiques, en particulier;
(d) au développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris l'habitat et les réseaux de communication et d'approvisionnement, dans le respect du patrimoine culturel et naturel;
(e) à la mise en œuvre de la contribution nationale à la politique transfrontalière et interrégionale ;
(f) à la protection de la population et des biens contre les risques naturels ».
S’il est partant vrai que cette disposition fixe comme objectif à l’aménagement du territoire « d'assurer à la population du pays des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de ses régions », il n’en reste pas moins que la « mise en valeur harmonieuse » et le « développement durable » implique notamment une participation de l’aménagement du territoire à « l’utilisation rationnelle du sol et de l’espace ».
En outre, la loi prévisée du 21 mai 1999 prévoit l’adoption par le Gouvernement en Conseil d’un programme directeur qui, au vœu de son article 4.2., « arrête les orientations générales et les objectifs prioritaires du Gouvernement en ce qui concerne le développement durable du cadre de vie de la population, la valorisation des ressources humaines et naturelles et le développement des activités économiques ainsi que les mesures principales à prendre en vue de leur réalisation ». L’article 6 de la même loi ajoute que « dès sa publication au Mémorial, le programme directeur oriente les démarches et les décisions du Gouvernement et des pouvoirs locaux pour autant que sont appliquées les dispositions visées à l'article 4 de la présente loi ».
Or, le programme directeur de l’aménagement du territoire, lequel fut définitivement adopté par le Gouvernement en Conseil dans sa séance du 27 mars 2003, définit comme troisième objectif le développement de « structures urbaines et rurales compatibles avec les exigences environnementales sur le principe d’un aménagement du territoire durable (diversité des fonctions, densité d’occupation et trajets courts » (p. 98 du programme directeur) et prévoit comme première mesure en ce sens la définition d’une « politique d’urbanisation prioritairement orientée vers la densification et le renouvellement urbain à l’intérieur des villes et villages existants et non sur une consommation supplémentaire d’espaces encore vierges en périphérie », de manière à « utiliser en priorité, à l’intérieur de la structure urbaine/rurale existante, les surfaces libres de construction ainsi que les surfaces où la construction peut être densifiée » (p. 99 du programme directeur).
En l’espèce, il échet de rappeler qu’XXX est un hameau constitué de constructions éparses longeant une route nationale, donc une artère de la circulation routière, et délimité d’un côté par une forêt en forte pente, de sorte qu’il constitue un îlot construit entre deux localités voisines qui ne peut pas être considéré comme endroit se prêtant sans effets négatifs sur la circulation routière et sur un aménagement rationnel du territoire à une urbanisation ultérieure.
Il en découle que le motif de refus tiré par le ministre de la volonté de ne pas admettre une extension ou une densification de l’urbanisation à cet endroit et de canaliser une urbanisation plus poussée vers la localité d’XXX elle-même constitue une considération tirée de l’aménagement du territoire qui est conforme à la loi du 12 juin 1937 et au programme directeur de l’aménagement du territoire. Dès lors, le refus de l’approbation du plan d’aménagement particulier en cause dans la mesure seulement où il prévoit la construction de l’immeuble de la phase II en seconde ligne, en ce que ce dernier constituerait une densification urbanistique indéniable par rapport aux constructions voisines et serait le seul immeuble en seconde ligne situé de plus dans une pente à cet endroit, s’insère valablement dans la logique de cette considération. L’argumentation de la société demanderesse relative au défaut d’une base légale pour l’exigence d’une urbanisation de la localité d’XXX, à l’urbanisation à l’endroit en question et à l’intégration de son projet dans le tissu urbain existant est partant à rejeter à défaut de tenir compte des caractéristiques propres des lieux. De même, le tribunal ne saurait réserver d’autres suites à l’allégation de la société demanderesse que le ministre aurait déjà approuvé dans le passé des résidences « dans des situations urbanistiques particulières » dans la mesure où ce moyen n’est pas autrement étayé et où de toute façon la société demanderesse ne saurait tirer de telles situations un droit à la réalisation d’un projet qui est contraire à des considérations valables d’urbanisme.
Au vu de la mutabilité des plans d’aménagement ci-avant retenue, la société demanderesse ne peut pas se prévaloir utilement d’un « presque droit acquis » découlant du plan d’aménagement particulier antérieur et de la superficie construite de 5.000 m2 y autorisée, étant donné qu’abstraction même faite de la nature différente des deux projets, le ministre ne peut pas être valablement empêché de revenir sur une appréciation antérieure qui ne lui paraît plus conforme à une conception de l’aménagement du territoire qui est conforme à la loi du 12 juin 1937 et au programme directeur de l’aménagement du territoire.
Il s’ensuit que les faits et considérations sur lesquels s’est fondé le premier motif de refus avancé par le ministre, à savoir celui du refus d’une densification de l’urbanisation à l’endroit en question, sont matériellement établis et se trouvent dans un rapport de proportion adéquat, exempt de toute erreur manifeste d’appréciation, de manière que la décision ministérielle attaquée du 22 juin 2005 se trouve valablement basée sur ledit premier motif.
Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours est à rejeter comme n’étant pas fondé, sans qu’il n’y ait lieu de vérifier la légalité et le bien-fondé du second motif de refus tiré de la forte pente du terrain et d’un risque de glissement.
Au vu de l’issue au fond du présent litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse est à écarter, étant donné que les conditions légales afférentes ne se trouvent pas vérifiées en l’espèce.
PAR CES MOTIFS le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en annulation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par la société demanderesse, condamne la société demanderesse aux frais.
Ainsi jugé par:
M. SCHOCKWEILER, premier vice-président, M. SCHROEDER, premier juge, Mme GILLARDIN, juge, et lu à l’audience publique du 7 mars 2007 par le premier vice-président, en présence de M. RASSEL, greffier.
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