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14/02/2007 | LUXEMBOURG | N°22038

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 février 2007, 22038


Tribunal administratif N° 22038 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 octobre 2006 Audience publique du 14 février 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22038 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2006 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité et de ci

toyenneté biélorusse, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision ...

Tribunal administratif N° 22038 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 18 octobre 2006 Audience publique du 14 février 2007 Recours formé par Monsieur …, … contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 22038 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2006 par Maître Daniel BAULISCH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de Monsieur …, né le…, de nationalité et de citoyenneté biélorusse, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 26 septembre 2006 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée et lui ayant refusé le bénéfice de la protection subsidiaire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 1er décembre 2006 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Entendu le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Anne HERTZOG, en remplacement de Maître Daniel BAULISCH, et Monsieur le délégué du Gouvernement Gilles ROTH en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 février 2007.

Le 29 avril 2005, Monsieur … introduisit oralement une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Il fut entendu le 30 août 2006 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.

Le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur… par décision du 26 septembre 2006, lui envoyée par courrier recommandé expédié en date du 28 septembre 2006, de ce qu’il ne saurait bénéficier de la protection prévue par la Convention de Genève ni de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2006, Monsieur… a fait déposer un recours en réformation à l’encontre de la décision ministérielle de refus du 26 septembre 2006.

Etant donné que tant l’article 12 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1.

d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, que l’article 19, paragraphe 3 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection prévoient un recours en réformation en matière de demandes d’asile et de demandes de protection subsidiaire déclarées non fondées, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

Quant au fond, Monsieur… expose que le bourgmestre de Bobrouïsk aurait disparu en octobre 2004 et que par la suite son père, un ancien membre du KGB et membre du conseil communal de Bobrouïsk, aurait disparu avec sa sœur handicapée en janvier 2005. Il relate qu’à la milice on lui aurait conseillé de quitter la ville, ce qu’il aurait fait avec sa mère. Il continue qu’après avoir lu dans le journal que leur ancienne maison aurait explosé il se serait réfugié à Minsk où sa mère aurait organisé son départ de Biélorussie. Il conclut que le statut de réfugié devrait dès lors lui être accordé.

Le délégué du Gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur.

Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.

L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.

Il résulte du récit du demandeur que celui-ci se prévaut de la disparition de son père et de sa sœur en janvier 2005 pour faire admettre qu’il pourrait bénéficier de la protection prévue par la Convention de Genève.

Or, des faits non personnels mais vécus par d’autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur d’asile établit dans son chef un risque réel d’être victime d’actes similaires en raison de circonstances particulières1.

En l’espèce, Monsieur… reste en défaut d’établir d’un côté un lien entre le sort de son père et de sa sœur et d’éléments liés à sa propre personne et, d’un autre côté, il n’établit pas non plus qu’il serait victime d’actes similaires. En effet à la question « En quoi est-ce-que la situation dans votre pays d‘origine vous empêche-t-elle de rentrer chez vous ? », il répond « Le problème c’est pour l’instant je ne peux pas trouver ma mère. Si je retournais maintenant je ne saurai pas où elle habite ou où moi je devrai habiter. Vous devez comprendre qu’en Biélorussie ce n’est pas comme ici. Je n’aurai aucune aide de l’Etat, c’est pourquoi j’ai besoin de ma famille. Si je rentre comme ça, je ne pourrai pas étudier ou trouver une place. J’ai besoin de ma mère pour mes documents. Je dois aussi recevoir mon passeport ». Ensuite à la question : « Selon votre opinion, quelles pourraient être les conséquences concrètes d’un retour dans votre pays d’origine ? », il répond : « Je ne sais pas.

Mais premièrement je pense mais je sais aussi que je serai une personne invisible, c’est-à-

dire que je n’aurai pas de documents ni rien et qui sait ce qui m’arrivera. C’est simple pour un petit truc, ils peuvent tout de suite me mettre en prison et vous savez quand quelqu’un est tué en prison, personne n’est responsable ».

A défaut par le demandeur d’asile d’avoir concrètement étayé un lien entre le traitement de membres de sa famille et d’éléments liés à sa propre personne l’exposant à des actes similaires, ces faits ne sont pas de nature à constituer des indications sérieuses d’une crainte fondée de persécution.

En effet les craintes dont il fait état, en cas de retour dans son pays, se résument à des considérations d’ordre essentiellement économique. A cela s’ajoute que le demandeur précise lui-même qu’il voudrait seulement avoir une protection provisoire des autorités luxembourgeoises jusqu’à ce que la situation dans son pays s’est calmée et qu’il va tout faire pour rentrer chez lui parce qu’il ne veut pas rester éternellement au Luxembourg.

Il suit de ce qui précède que le demandeur n’a pas fait état d’une persécution ou d’une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef.

En ce qui concerne le refus du ministre d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 2, e) de la loi du 5 mai 2006 précitée, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 37, l’article 39, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

1 Cf. TA 21 mars 2001, Pas.adm. 2006, V° Etrangers, n° 81, p. 251.

L’article 37 de la même loi énumère en tant qu’atteintes graves, sous ses littéra a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Le tribunal constate à ce sujet que le demandeur n’a pas pris position par rapport au cadre spécifique de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006, de sorte qu’en l’état actuel du dossier le tribunal ne saurait utilement mettre en cause la légalité de la décision déférée portant refus d’accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire telle que prévue par la loi du 5 mai 2006.

Partant, le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 février 2007 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, juge, M. Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

s. Schmit s. Lenert 4


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 22038
Date de la décision : 14/02/2007

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2007-02-14;22038 ?

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