La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/12/2006 | LUXEMBOURG | N°21510

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 décembre 2006, 21510


Tribunal administratif N° 21510 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par Madame … et Monsieur …, Tarchamps contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

___________________________________________________________________________


JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21510 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2006 par Maître Nathalie NIMESGERN, avocat à la Cour, inscrite a

u tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Russie), de nat...

Tribunal administratif N° 21510 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 12 juin 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par Madame … et Monsieur …, Tarchamps contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 21510 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2006 par Maître Nathalie NIMESGERN, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame …, née le … (Russie), de nationalité russe et de son époux Monsieur …, né le … (Azerbaidjan), de nationalité arménienne, accompagnés de leur fille mineure, demeurant actuellement tous ensemble à L-

…, tendant à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 mai 2006, déclarant irrecevable leur deuxième demande en obtention du statut de réfugié introduite au Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 août 2006 ;

Vu le mémoire en réplique, déposé au greffe du tribunal administratif le 8 septembre 2006 par Maître Nathalie NIMESGERN pour compte des consorts…-… ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Ouï le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en ses plaidoiries à l’audience publique du 4 décembre 2006.

___________________________________________________________________________

Le 19 novembre 2004 Monsieur … et Madame … se présentèrent ensemble auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration pour introduire une demande en reconnaissance du statut de réfugié politique au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New-York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».

Par décision du 24 mai 2005, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration les informa de ce que leurs demandes avaient été rejetées au motif qu’ils n’allégueraient aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre leur vie intolérable dans leur pays, de sorte qu’aucune crainte justifiée de persécution en raisons d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un certain groupe social ne serait établie dans leur chef.

Cette décision ayant été confirmée sur recours gracieux par décision ministérielle du 7 juillet 2005, les époux…… avaient fait introduire un recours contentieux à l’encontre des dites décisions ministérielles des 24 mai 2005 et 7 juillet 2005. Celui-ci ayant été rejeté par jugement du tribunal administratif inscrit sous les numéros 20254 et 20255 du rôle comme étant non fondé, et l’appel afférent déclaré irrecevable par la Cour d’appel suivant arrêt du 14 mars 2006 inscrit sous le numéro 20914C du rôle, ils ont introduit une nouvelle demande en obtention du statut de réfugié auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration par courrier de leur mandataire datant du 5 avril 2006.

Après avoir été entendus sur les motifs avancés à l’appui de cette deuxième demande en date du 27 avril 2006, le ministre les informa par courrier du 10 mai 2006 de ce que leurs nouvelles demandes respectives sont irrecevables conformément à l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2. d’un régime de protection temporaire.

Le ministre a retenu à l’appui de sa décision que le récit des époux…… ne différerait pas de celui qu’ils avaient présenté lors de leur première audition, hormis le fait que Monsieur… affirmerait maintenant qu’il n’avait pas été le directeur général de sa firme, contrairement à ce qu’il avait dit lors de la première audition. Quant à la pièce versée à l’appui des nouvelles demandes d’asile, en l’occurrence un document dont il ressortirait que Monsieur… serait encore « accusé d’un crime avec préméditation », le ministre a estimé que son authenticité serait sujette à caution en relevant qu’une partie du texte se superposerait au cachet. Quant au récit présenté par Madame…, il a également retenu qu’il ne différerait pas de celui qu’elle avait présenté lors de la première audition, de sorte que même si les époux…… invoquent une nouvelle pièce à l’appui de leur itérative demande d’asile, force serait de constater que cette pièce ne rendrait pas le récit crédible et qu’il ne saurait donc en résulter de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécutions au sens de la Convention de Genève dans leur pays d’origine.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2006 les époux……, accompagnés de leur fille mineure, ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 10 mai 2006.

Seul un recours en annulation ayant été prévu par la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée, à l’encontre d’une décision d’irrecevabilité prise sur base de l’article 15 de la même loi, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours principal en réformation. Le recours subsidiaire en annulation ayant été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.

A l’appui de leur recours, les demandeurs insistent qu’en cas de doute sur l’authenticité du document versé à l’appui de leur demande d’asile qui s’est soldée par la décision déférée du 10 mai 2006, le tribunal n’aurait qu’à consulter l’original de cette pièce.

Ils font valoir en outre que les conclusions d’une enquête diligentée dans le cadre de cette affaire et versées auprès du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration auraient conclu au fait que Monsieur… devrait être acquitté des charges non établies à son encontre. Ils relèvent qu’au surplus l’article 199 du Code pénal russe ne viserait que le directeur général d’une firme qui se serait rendu coupable de fraude fiscale, mais que force serait de constater en l’espèce que si Monsieur… a été déclaré directeur général lors de la constitution de la société, cet état des choses n’aurait été que provisoire, alors que quelques semaines après la constitution de la société un nouveau directeur général aurait été nommé à la tête de ladite société. Il n’y aurait ainsi pas de contradiction entre les déclarations faites par Monsieur… lors de sa première audition et celles faites dans le cadre de l’instruction de sa nouvelle demande d’asile.

Le délégué du Gouvernement insiste que la pièce en question devrait être écartée comme étant non pertinente étant donné que, selon toute vraisemblance, il s’agirait d’un faux.

Il relève pour le surplus que le récit des demandeurs ne différerait pas de leur récit présenté à l’appui de leur première demande d’asile, de sorte que le ministre aurait valablement pu déclarer leur nouvelle demande d’asile irrecevable.

Conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi modifiée du 3 avril 1996 précitée, le ministre « considérera comme irrecevable la nouvelle demande d’une personne à laquelle le statut de réfugié a été définitivement refusé, à moins que cette personne ne fournisse de nouveaux éléments d’après lesquels il existe, en ce qui la concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécutions au sens de la Convention de Genève. Ces nouveaux éléments doivent avoir trait à des faits et des situations qui se sont produits après une décision négative prise au titre des articles 10 et 11 qui précèdent ».

Indépendamment de la question de l’authenticité de la pièce versée à l’appui de leur nouvelle demande d’asile, force est de constater que les demandeurs n’invoquent pas des éléments ou des faits nouveaux par rapport aux motifs ayant été à la base de leurs demandes d’asiles initiales ayant fait l’objet de la décision prévisée du tribunal du 14 décembre 2005 par laquelle leurs demandes initiales ont été déclarées non fondées, motifs que le ministre, dans sa décision initiale du 24 mai 2005, n’avait pas jugé suffisant pour leur conférer le statut de réfugié au sens de la Convention de Genève. Le tribunal, dans son jugement du 14 décembre 2005, avait en effet retenu ce qui suit à ce sujet :

« Les demandeurs situent la cause des persécutions subies dans le fait que Monsieur… aurait tant un type qu’un nom caucasien. Or le ministre conteste dans la décision initiale du 24 mai 2005 que tel soit le cas (« je relève directement que vous, Monsieur, n’avez ni le type arménien, ni un nom arménien ») pour en déduire un manque de crédibilité en ce qui concerne les persécutions prétendument subies (« Une persécution simplement basée sur votre apparence physique est donc peu crédible »).

Or, concernant ce motif de refus, qui remet en cause l’élément central des récits des demandeurs, basés essentiellement, pour ne pas dire uniquement, sur les persécutions et discriminations à caractère racial subies, force est de constater que les demandeurs n’ont pas fourni le moindre élément tangible, voire une quelconque explication susceptible d’élucider leur situation au regard de cette contestation pourtant clairement posée, de sorte que le tribunal, confronté à un dossier non autrement instruit sur ce point central, ne peut que constater que ledit motif de refus n’a pas été utilement combattu, les demandeurs n’ayant tout simplement pas pris position y relativement, mais s’étant contentés, outre de réaffirmer le type caucasien prononcé du demandeur, de reprendre certains points de leurs déclarations telles qu’actées par les services du ministère compétent, de manière à ne pas avoir mis le tribunal en mesure d’engager utilement un quelconque débat afférent ».

Le tribunal avait constaté en outre dans ce même jugement que « les demandeurs, qui se disent victimes de persécutions à caractère racial qui les auraient contraint à fuir la Russie, exposent notamment dans le recours introductif d’instance déposé sous le numéro 20255 du rôle que Madame… se serait vue opposer un refus de traitement et de prise en charge par les autorités russes lors de sa grossesse et qu’ainsi « alors qu’elle était atteinte d’une fièvre supérieure à 40 degré les hôpitaux moscovites, en présence du père de l’enfant, ont refusé de la soigner », de sorte que la demanderesse « a, à cette occasion, dû fuir son pays pour être soignée et accoucher en sécurité en Europe ».

Or, il ressort des explications données par les demandeurs à l’occasion du dépôt de leurs demandes d’asile en date du 19 novembre 2004, que Madame… a accouché en Italie en septembre 2003 parce que le couple s’y trouvait à l’occasion de vacances en Toscane (« Wir waren im September 2003 in Italien und zwar in der Toskana um dort Urlaub zu machen.

Meine Frau war zu diesem Zeitpunkt schwanger und unser Kind kam bereits im 7. Monat in Italien zur Welt. Dies ist der Grund, dass unser Kind in Italien zur Welt kam. Wir haben damals kein Asylantrag in Italien gestellt »).

Outre le fait que cette contradiction particulièrement flagrante est de nature à ôter toute crédibilité au récit des demandeurs, il y a lieu de relever que le fait pour les demandeurs de passer des vacances à l’étranger et ensuite, sans y avoir déposé de demande d’asile, de retourner dans leur pays d’origine, est difficilement conciliable avec les affirmations selon lesquelles les demandeurs subiraient en Russie « les plus grands désagréments psychologiques et physiques et les pires maltraitances », étant donné que de telles persécutions, plutôt que de leur inspirer de prendre des vacances, auraient dû amener les demandeurs à chercher à obtenir le statut de réfugié dans le premier pays susceptible de leur accorder une telle protection, à savoir en l’espèce, l’Italie, et non de retourner dans le pays où leur vie serait en danger.

Il résulte de ce qui précède que le récit des demandeurs n’emporte pas la conviction du tribunal quant aux persécutions ou craintes de persécutions alléguées ».

Dans la mesure où la pièce nouvellement produite à l’appui de leur demande d’asile ne constitue en aucune façon un élément nouveau par rapport aux motifs de persécutions globalement invoqués par les demandeurs qui ont été rejetés suivant un jugement coulé en force de chose jugée, le ministre a dès lors valablement pu rejeter la nouvelle demande introduite par les époux…… comme étant irrecevable à défaut de production de nouveaux éléments d’après lesquels il existerait, en ce qui les concerne, de sérieuses indications d’une crainte fondée de persécutions au sens de la Convention de Genève, la nouvelle pièce produite en cause n’ayant en effet pas trait à des faits ou des situations qui se seraient produits après les décisions négatives initiales prises au titre de l’article 11 de la loi précitée du 3 avril 1996.

Il se dégage des considérations qui précèdent que le recours introduit par les demandeurs est à rejeter comme n’étant pas fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 décembre 2006 par :

Mme Lenert, vice-président, Mme Thomé, premier juge, M Sünnen, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.

Schmit Lenert 5


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 21510
Date de la décision : 20/12/2006

Origine de la décision
Date de l'import : 12/12/2019
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2006-12-20;21510 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award