Tribunal administratif N° 21451 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 26 mai 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par Monsieur …, … contre deux décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration en matière de statut de réfugié
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 21451 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2006 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur …, déclarant être né le … à Dragas (Kosovo/Serbie), et être de nationalité serbe, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration du 10 mars 2006 portant rejet de sa demande en reconnaissance du statut de réfugié comme n’étant pas fondée, ainsi que d’une décision confirmative du même ministre du 21 avril 2006 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 août 2006 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives.
Monsieur … introduisit, sous le nom de Rasim BALA, en date du 12 juillet 2005 une demande en reconnaissance du statut de réfugié au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, approuvée par une loi du 20 mai 1953, et du Protocole relatif au statut des réfugiés, fait à New York, le 31 janvier 1967, approuvé par règlement grand-ducal du 6 janvier 1971, l’ensemble de ces dispositions étant ci-après dénommé « la Convention de Genève ».
Il fut entendu en date du même jour par un agent du service de police judiciaire, section police des étrangers et des jeux de la police grand-ducale, sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg et sur son identité. A cette occasion, il fut constaté par les agents du service de police judiciaire que l’intéressé ne portait pas le nom de Rasim BALA, né le 12 mars 1989 à Restelica au Kosovo, mais le nom de …, né le 12 mars 1985 à Kukes en Albanie, qu’il avait antérieurement introduit une demande d’asile en Angleterre, en date du 20 octobre 2000, qui fut toutefois rejetée par les autorités britanniques en date du 14 novembre de la même année et qu’il avait été éloigné du territoire britannique le 29 juillet 2004.
Il ressort encore d’un rapport du service de police judiciaire de la police grand-
ducale établi en date du 23 novembre 2005, que les autorités luxembourgeoises compétentes firent droit à une demande de reprise formulée par les autorités belges en date du 21 septembre 2005, au vu de ce que Monsieur … séjournait de manière irrégulière sur le territoire du Royaume de Belgique et que conformément au règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers, le Luxembourg est compétent pour l’examen de la demande d’asile de l’intéressé. Il fut procédé au transfert de Monsieur … vers le Luxembourg en date du 18 novembre 2005.
Monsieur … fut en outre entendu le 9 décembre 2005 par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration sur les motifs à la base de sa demande d’asile.
Par décision du 10 mars 2006, notifiée par envoi recommandé du 13 mars 2006, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration informa Monsieur … que sa demande d’asile avait été refusée. Cette décision est libellée comme suit :
« En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 12 juillet 2005 et le rapport d’audition de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration du 9 décembre 2005.
Il ressort du rapport du Service de Police Judiciaire que vous auriez quitté le Kosovo en direction de la Macédoine. Le 4 ou 5 juillet 2005 vous seriez monté à bord d’un camion qui vous aurait emmené quelque part en Europe. Vous auriez ensuite continué votre trajet en taxi pour le Luxembourg, vous ignorez qui aurait payé les frais. Le dépôt de votre demande d’asile date du 12 juillet 2005. Vous ne présentez aucune pièce d’identité. Il ressort également dudit rapport que le 25 mai 2004 vous avez déposé une demande d’asile à Cax/Royaume-Uni, sous l’identité de « … », né le 12 mars 1985 à Kukes/Albanie, de nationalité albanaise. Vous niez d’abord ces faits, puis admettez être entré illégalement au Royaume-Uni en 2000 et avoir été rapatrié en juillet 2004 à Pristina/Kosovo. Votre réelle identité serait celle donnée au Royaume-Uni. Vous ne présentez aucune pièce d’identité.
Il résulte de vos déclarations que depuis votre retour au Kosovo en juillet ou août 2004, vous auriez vécu chez une voisine étant donné que la maison familiale aurait été occupée par une autre famille. Vous seriez sans nouvelles de votre famille depuis 2000. Vous expliquez que vous auriez peur des albanais parce que votre père aurait été réserviste dans l’armée serbe. Vous seriez depuis considéré comme traître.
Vous auriez également entendu que les Albanais considéreraient les goranais comme des serbes, vous auriez peur de vous faire tuer. A chaque fois qu’un albanais se serait approché de votre domicile, vous auriez été averti et vous vous seriez caché dans les montagnes. Vous ajoutez pourtant ne jamais avoir rencontré d’albanais depuis votre retour, mais que votre crainte des albanais vous aurait poussé à quitter votre pays natal.
Enfin, vous admettez n’avoir subi aucune persécution ni mauvais traitement et ne pas être membre d’un parti politique.
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle qu’elle laisse supposer une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Il y a d’abord lieu de relever que vous vous êtes rendu en Belgique où vous avez déposé une demande d’asile le 27 juillet 2005, sous l’identité de « … », né le … à Shistavec/Albanie, de nationalité albanaise. Le Luxembourg, compétent pour connaître de votre demande d’asile, a accepté votre transfert au Luxembourg, Or, le fait de se rendre hors territoire luxembourgeois doit être interprété comme un refus de collaboration manifeste de votre part et considéré comme omission flagrante de vous acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile au sens de l’article 6 f) du Règlement Grand-Ducal du 22 avril 1996 portant application des articles 8 et 9 de la loi du 3 avril 1996 portant création d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile. Cet article dispose comme suit : « Une demande d’asile pourra être considérée comme manifestement infondée lorsqu’elle repose clairement sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures en matière d’asile. Tel est notamment le cas lorsque le demandeur a omis de manière flagrante de s’acquitter d’obligations importantes imposées par les dispositions régissant les procédures d’asile ». Une demande d’asile qui peut être déclarée manifestement infondée peut, a fortiori, être déclarée non fondée pour les mêmes motifs.
A cela s’ajoute que vous vous êtes présenté sous une autre identité en Belgique de sorte que des doutes quant à votre identité réelle doivent être émis. Ces doutes sont fortement confirmés par le fait que vous avez déposé une demande d’asile en Angleterre encore sous une autre identité, à savoir celle de « … … », né le 12 mars 1985, de nationalité albanaise. De même, lors du dépôt de votre demande d’asile au Luxembourg vous vous êtes d’abord présenté sous le nom de « … », né le 12 mars 1989 à Restelica/Kosovo, de nationalité serbo-monténégrine. Puis, devant la police vous révélez encore une autre identité, à savoir celle de « … … », né le 12 mars 1985 à Kukes/Albanie, de nationalité albanaise. Enfin, lors de l’audition du 9 décembre 2005 vous dites que vous nom (sic !) serait « … » et que vous seriez né le 12 mars 1985 à Kusevo/Kosovo. Enfin, vous ne présentez aucune pièce d’identité permettant de prouver votre identité réelle. Vous n’êtes également pas en possession de documents émis par la MINUK prouvant que vous seriez effectivement originaire du Kosovo.
Quoi qu’il en soit et même à supposer les faits que vous alléguez comme établis, ils ne sauraient constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu’ils ne peuvent, à eux seuls, fonder une crainte justifiée d’être persécuté dans votre pays d’origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section 1(sic A) § 2 de la Convention de Genève. En effet, votre crainte purement hypothétique de vous faire tuer par des albanais ne saurait être considérée comme acte de persécution ou crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, d’autant plus que des albanais non autrement identifiés ne sauraient être considérés comme agents de persécution au sens de la prédite Convention. Par ailleurs, vous ne faites pas état de problèmes concrets avec des albanais. Il n’est par ailleurs pas établi que les forces onusiennes seraient dans l’incapacité de vous fournir une protection.
Votre peur des albanais traduit donc plutôt un sentiment général d’insécurité qu’une crainte de persécution. Or, un sentiment général d’insécurité ne constitue pas une crainte justifiée de persécution au sens de la Convention de Genève.
Enfin, en ce qui concerne la situation plus précise des goranais, même à supposer que vous apparteniez à cette ethnie, il ressort qu’actuellement ceux-ci ont, non seulement le droit de vote, mais encore accès à l’enseignement, aux soins de santé et aux avantages sociaux, ce qui fait qu’une discrimination à leur égard ne saurait pas être retenue pour fonder une persécution au sens de la Convention de Genève. A cela s’ajoute que vous êtes originaire de Dragas, où selon le rapport de l’UNHCR de janvier 2003 sur la situation des minorités au Kosovo, les goranais ne sont actuellement pas confrontés à des menaces de sécurité et qu’ils jouissent de la libre circulation. A Dragas même, la libre circulation est garantie et les relations interethniques avec les albanais détendues.
Ainsi, vous n’alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte justifiée de persécution en raison d’opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l’appartenance à un groupe social n’est par conséquent pas établie.
Votre demande en obtention du statut de réfugié est dès lors refusée comme non fondée au sens de l’article 11 de la loi du 3 avril 1996 portant création 1) d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile ; 2) d’un régime de protection temporaire, de sorte que vous ne saurez bénéficier de la protection accordée par la Convention de Genève. » Par courrier parvenu le 17 avril 2006 au ministère des Affaires étrangères et de l’Immigration, Monsieur … formula, par le biais de son mandataire, un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle précitée du 10 mars 2006.
Suivant décision du 21 avril 2006, envoyée le 25 avril de la même année, le ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration confirma sa décision initiale, « à défaut d’éléments pertinents nouveaux ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 mai 2006, Monsieur … a fait introduire un recours tendant à la réformation des décisions ministérielles précitées des 10 mars et 21 avril 2006.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité d’un prétendu recours en annulation qui aurait été introduit par le demandeur à l’encontre des décisions ministérielles précitées, dans la mesure où il a indiqué à la première page de sa requête introductive d’instance vouloir introduire un recours en annulation à l’encontre de décisions du ministre des Affaires étrangères et de l’Immigration ayant déclaré manifestement non fondée sa demande d’admission au statut de réfugié. Le représentant étatique conteste toutefois que les décisions ministérielles sous analyse aient déclaré manifestement infondée la demande d’asile introduite par le demandeur et partant les décisions attaquées ne se baseraient pas sur l’article 9 de la loi modifiée du 3 avril 1996 portant création 1. d’une procédure relative à l’examen d’une demande d’asile, 2. d’un régime de protection temporaire, mais qu’elles seraient basées sur l’article 11 de la même loi.
Au cours des plaidoiries, et au vu des explications fournies par le mandataire du demandeur, le délégué du gouvernement a retiré ledit moyen, au vu de ce que le demandeur a expressément indiqué, au dispositif de sa requête introductive d’instance, vouloir introduire un recours en réformation contre les décisions litigieuses, en priant le tribunal de reconnaître dans son chef le statut de réfugié tel que prévu par la Convention de Genève. C’est en effet à bon droit que le délégué du gouvernement estime que le tribunal n’est saisi que par les demandes figurant au dispositif de la requête introductive d’instance et qu’au vu des termes clairs y énoncés, le tribunal est exclusivement saisi d’un recours en réformation contre les décisions sous analyse portant rejet de la demande de Monsieur … tendant à se voir reconnaître le statut de réfugié.
L’article 12 de la loi précitée du 3 avril 1996 prévoit un recours en réformation en matière de demandes d’asile déclarées non fondées, de sorte que le tribunal est compétent pour l’analyser. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable.
Quant au fond, Monsieur … fait exposer qu’il serait originaire de Dragas au Kosovo et de nationalité « serbo-monténégrine » appartenant à la minorité goranaise du Kosovo et qu’il aurait fuit son pays d’origine en raison de ce que sa vie y aurait été menacée par des Albanais qui l’auraient persécuté en raison de son appartenance ethnique. Il soutient plus particulièrement que l’ensemble de sa famille aurait fait l’objet de discriminations de la part de la population albanaise résidant au Kosovo, et ceci uniquement en raison de leur appartenance à la minorité « vulnérable » du Kosovo, à savoir celle des Goranais, en insistant sur le fait que les autorités actuellement en place au Kosovo ne seraient pas en mesure de leur garantir une protection appropriée.
En ce qui concerne plus particulièrement sa situation individuelle, il fait exposer qu’il aurait été privé « de ses droits les plus élémentaires », à savoir son droit de circuler librement au Kosovo, qu’il aurait été menacé constamment au cours d’appels téléphoniques, de la même manière que d’autres membres de sa famille, que son père aurait été tué « dans des conditions suspectes dans la forêt », en relevant dans ce contexte que les Albanais l’auraient considéré comme collaborateur des Serbes pour avoir servi dans l’armée serbe, ce qui aurait pour conséquence que l’ensemble des membres de sa famille seraient considérés comme étant des traîtres aux yeux des Albanais.
Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d’être fondé.
Aux termes de l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui « craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion et de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».
La reconnaissance du statut de réfugié n’est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d’origine mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d’asile qui doit établir, concrètement, que sa situation subjective spécifique a été telle qu’elle laissait supposer un danger sérieux pour sa personne.
L’examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours des procédures gracieuse et contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que le demandeur reste en défaut de faire état et d’établir à suffisance de droit, des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques ainsi que le prévoit l’article 1er, section A, 2. de la Convention de Genève.
En effet, une crainte de persécution doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur d’asile risque de subir des persécutions et force est de constater que l’existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d’appréciation soumis au tribunal, alors que le récit du demandeur traduit essentiellement un sentiment général d’insécurité, sans qu’il n’ait fait état d’une persécution personnelle vécue ou d’une crainte qui serait telle que la vie lui serait, à raison, intolérable dans son pays d’origine.
A supposer que le demandeur appartienne à la minorité goranaise originaire du Kosovo, ce qui n’est établi par aucun élément du dossier, le délégué du gouvernement ayant valablement pu mettre en doute l’origine exacte du demandeur au vu des nombreuses identités utilisées par le demandeur au cours de son séjour en Europe, force est de constater qu’il n’appartient à aucun parti politique et qu’il déclare habiter dans un village où la majorité ethnique est constituée de Goranais. Il ne fait état d’aucune persécution personnelle, mais explique qu’il ne peut pas circuler librement dans son pays d’origine et qu’il aurait été menacé « constamment par téléphone » sans apporter davantage d’explications ou d’informations à ce sujet. Il fait d’une manière générale état de sa crainte de faire l’objet de persécutions en raison de ce que son père aurait été considéré comme ayant été un collaborateur des Serbes du fait d’avoir été actif dans l’armée serbe, ce qui aurait pour conséquence que l’ensemble des membres de sa famille seraient considérés comme étant des traîtres, de sorte à risquer de faire l’objet de persécutions de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo.
En ce qui concerne le fait que Monsieur … aurait fait l’objet de menaces et d’insultes de la part de membres de la communauté albanaise du Kosovo, il convient de conclure que ces incidents ne sont pas à eux seuls de nature à constituer une persécution subie au sens de la Convention de Genève dans son chef, étant donné que les faits ne sont pas d’une gravité telle que la vie lui soit devenue intolérable au Kosovo, d’une part, et que les auteurs de ces agissements ne peuvent pas être considérés comme des agents de persécution au sens de ladite Convention, d’autre part. En plus, le demandeur reste en défaut d’établir à suffisance de droit que les autorités de son pays d’origine refuseraient de le protéger ou seraient dans l’impossibilité de lui fournir une protection d’une efficacité suffisante, étant relevé que la notion de protection des habitants d’un pays contre des agissements de groupes de la population n’implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission matérielle d’un acte criminel.
En ce qui concerne la crainte générale exprimée par le demandeur d’être victime d’actes de persécution en raison de son appartenance à la minorité goranaise de la part d’Albanais, force est de constater que s’il est vrai que la situation générale des membres de minorités ethniques au Kosovo, en l’espèce celle des Goranais, est difficile et qu’ils sont particulièrement exposés à des discriminations, elle n’est cependant pas telle que tout membre d’une minorité ethnique serait de ce seul fait exposé à des persécutions au sens de la Convention de Genève.
Dans sa prise de position sur la protection et le rapatriement de personnes du Kosovo datant de mars 2005, l’UNHCR fait état d’une évolution relativement positive de la situation des minorités au Kosovo, en soulignant le fait que la communauté goranaise bénéficie notamment d’une meilleure acceptation de la part de la population albanaise: „With regard to Ashkaelia, Egyptian as well as Bosniak and Gorani communities these groups appear to be better tolerated in spite of a single but very serious incident against the Ashkaelian community in Vushtrri/Vucitrn during the March 2004 attacks. In light of that incident, the August 2004 advice from UNHCR included the Ashkaelia and Egyptian communities among those with a continuing general need for international protection. However, in light of the developments since then, UNHCR’s position is currently that these groups may have individual valid claims for continued international protection which would need to be assessed in a comprehensive procedure”.
Dans la dernière version actualisée de sa prise de position sur la protection et le rapatriement de personnes du Kosovo datant de juin 2006, l’UNHCR souligne :
”Since the issuance of UNHCR’s March 2005 position paper, the overall security situation in Kosovo has progressively improved. The number of members of minorities working at the central Institutions of Provisional Self-Government (PISG) and in the Kosovo Protection Corps (KPC) has increased; freedom of movement has generally progressed; a number of important steps have been taken to reinforce the protection of property rights; and an Inter-Ministerial Commission to monitor minorities’ access to public services has been established”1.
En plus, l’UNHCR ne reprend plus les membres de la minorité des Goranais parmi le chapitre „groups at risk“. En effet, il limite ses considérations à la population serbe du Kosovo, ainsi qu’aux Roms et aux Albanais se trouvant dans une situation de minorité et à celle des Ashkali et Egyptiens.
1 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, June 2006, p.3 , n° 8 Il précise ce qui suit:
„IV. Groups at Risk Kosovo Serbs, Roma and Albanians in a minority situation Given the present fragile security situation in Kosovo and serious ongoing limitations to the fundamental human rights of Kosovo Serbs, Roma and Albanians in a minority situation, UNHCR maintains its position that persons in these groups continue to be at risk of persecution,and that those minorities having sought asylum abroad should be considered as falling under the provisions of Article 1 A (2) of the 1951 Convention and the 1967 Protocol relating to the Status of Refugees. Where a State feels unable to grant refugee status under the law, but the individual is not excluded from international protection, a complementary form of protection should be granted.
The return of individuals belonging to these groups should only take place on a strictly voluntary basis. Individuals who express a wish to return voluntarily should be able to do so freely and with the full knowledge of the current situation in Kosovo.
On the other hand, UNHCR, in consideration of positive security developments which have taken place in the past year in Kosovo, no longer considers that the Ashkaelia and Egyptian minorities in general, are in need of international protection. Therefore, asylum claims originating from among these ethnic communities should be assessed individually based on Art. 1 A (2) of the 1951 Convention and the 1967 protocol.
Nonetheless, under the current political and socioeconomic circumstances, the return of persons from these two groups, found not in need of international protection should be approached in a phased manner, due to the limited absorption capacity of Kosovo, in order not to bring about politically and socially destabilizing factors at a time when negotiations on the future status of Kosovo are under way”2.
De tout ce qui précède, il résulte que les craintes dont le demandeur fait état s’analysent en substance en un sentiment général d’insécurité lequel ne saurait fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève, de sorte que son recours laisse d’être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, reçoit le recours en réformation en la forme, au fond, le déclare non justifié et en déboute, condamne le demandeur aux frais.
2 UNHCR Position on the Continued International Protection Needs of Individuals from Kosovo, June 2006, p7, n° 24 et 25.
Ainsi jugé par :
M. Schockweiler, premier vice-président M. Schroeder, premier juge, Mme Gillardin, juge, et lu à l’audience publique du 20 décembre 2006 par le premier vice-président, en présence de M. Legille, greffier.
Legille Schockweiler 9