Tribunal administratif N° 21437 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 24 mai 2006 Audience publique du 20 décembre 2006 Recours formé par Monsieur … et consorts contre une décision du ministre de l’Environnement en matière d’établissements classés
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 21437 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2006 par Maître Gast NEU, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Monsieur …, … , et consorts tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de l’Environnement du 14 avril 2006, accordant à la Société Electrique de l’Our (S.E.O.) l’autorisation pour la construction et l’exploitation d’un parc éolien se composant de sept éoliennes, d’un transformateur triphasé d’une puissance de 2.000 kWA et de deux postes de réception situés sur des sites sur le territoire des communes de Redange/Attert et d’Ell ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou THILL, demeurant à Luxembourg, du 31 mai 2006 portant signification de ce recours à la société électrique de l’Our (S.E.O.), société anonyme, établie et ayant son siège social à L-1142 Luxembourg, 2 rue Pierre d’Aspelt ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 août 2006 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 octobre 2006 par Maître Gast NEU, pour compte de Monsieur … et consorts ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du Gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 novembre 2006 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Ouï le juge-rapporteur en son rapport, ainsi que Maître Stéphanie COLLMANN, en remplacement de Maître Gast NEU et Madame le délégué du Gouvernement Jacqueline JACQUES en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 27 novembre 2006.
Suivant demande du 17 octobre 2003, complétée le 6 mai 2004 et le 25 juin 2004, la société anonyme Société Electrique de l’Our (S.E.O.) s’adressa au ministre de l’Environnement afin d’obtenir l’autorisation d’aménager et d’exploiter un parc éolien sur le territoire des communes de Redange/Attert, Ell, Wahl, et Rambrouch, cette demande ayant porté plus particulièrement sur les éléments suivants :
« - 15 éoliennes du type Enercon (E 66 - 1.800 kW), ayant les dimensions suivantes :
- hauteur du moyeu de 98 mètres ;
- diamètre décrit par l’hélice de 70 mètres ;
- 1 transformateur triphasé 0,4/20 kW refroidi à l’huile, d’une puissance de 2.000 kWA, installé au centre de la fondation de chaque éolienne à l’intérieur de la tour ;
- 3 postes de réception ; ».
Par décision du 14 avril 2006, le ministre de l’Environnement refusa de délivrer l’autorisation sollicitée pour aménager et exploiter sur le territoire des communes de Rambrouch et de Wahl un parc éolien, plus précisément aux sites dénommés Lan 05, Ram 01, Ram 02, Ram 03, A, B, C, D et site de réception Nord.
Par la même décision il accorda l’autorisation sollicitée pour le parc éolien se composant des éoliennes dénommées SCH 01, SCH 02, SCH 03, Lan 01, Lan 02, Lan 03 et Lan 04, sous réserve de toute une série de conditions d’exploitation y plus amplement énoncées.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2006, Monsieur …, et consorts, ont fait introduire un recours contentieux tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle prévisée du 14 avril 2006.
A l’appui de leur recours ils exposent habiter tous la région affectée par l’autorisation litigieuse pour y avoir soit leur domicile principal, soit, en ce qui concerne les époux …-…, leur maison de campagne où ils passent tous leurs weekends, congés et heures de loisirs.
Le délégué du Gouvernement conclut principalement à l’irrecevabilité du recours pour défaut d’intérêt direct à agir dans le chef des demandeurs en faisant valoir que la recevabilité d’un recours dirigé contre un permis pour l’installation et l’exploitation d’un établissement insalubre ou incommode serait conditionnée par une proximité suffisante, à examiner au regard des circonstances du cas d’espèce. Il estime que la notion de proximité suffisante serait, entres autres, fonction de l’envergure de l’installation en cause et de l’importance des nuisances ou risques de nuisances qui peuvent en émaner, pour soutenir qu’en l’espèce ces conditions ne seraient pas remplies.
S’il se dégage certes des informations non contestées fournies en cause par le délégué du Gouvernement que certaines des maisons des demandeurs sont relativement éloignées du parc éolien, soit 4.428 mètres pour Madame … par rapport à l’éolienne Lan 04 et 3.205 mètres pour Monsieur … par rapport à l’éolienne Lan 02, force est cependant de retenir que compte tenu de l’envergure et du caractère incisif du projet litigieux, tous les demandeurs, en leur qualité d’habitants des communes concernées, ont un intérêt à voir vérifier la légalité et le bien-fondé de l’arrêté ministériel litigieux.
Le tribunal étant compétent, conformément à l’article 19 de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, pour statuer comme juge du fond en la présente matière, les demandeurs ont valablement pu introduire un recours en réformation à l’encontre de l’arrêté ministériel litigieux. Le recours principal en réformation est également recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi. Il s’ensuit que le recours subsidiaire en annulation est irrecevable.
A l’appui de leur recours les demandeurs se prévalent des dispositions de la loi du 19 janvier 2004 sur la protection de la nature et des ressources naturelles pour soutenir que le parc éolien projeté est prévu dans une région où la pureté et l’intégrité de la nature seraient encore intacts, étant donné que dans les environs il n’y aurait aucun établissement industriel, aucune construction élevée, ni aucune autoroute. Il s’agirait en effet d’une zone uniquement paysanne, loin des autoroutes, des établissements industriels, et sans aucun édifice ou haute construction, de sorte que le parc éolien projeté, prévu de surcroît à l’endroit le plus élevé du pays, serait de nature à porter gravement préjudice au paysage. Quant aux mesures de dissimulation prévues par l’autorisation litigieuse, les demandeurs estiment qu’elles n’arriveront guère à cacher les éoliennes qui se retrouveraient, figées dans paysage, comme des corps étrangers. La construction de ces éoliennes bafouerait ainsi les principes élémentaires de toute législation sur l’environnement.
Ils relèvent ensuite que l’article 4 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée prévoit pour les établissement de la classe 1 une autorisation du ministre ayant dans ses attributions le travail et du ministre ayant dans ses attributions l’environnement. Estimant que toutes les autorisations requises devraient être présentes à partir du moment où commence pour l’une d’elles le délai imparti pour agir en justice afin que les personnes intéressées ne soient contraintes d’intenter, le cas échéant, deux recours distincts pour un même établissement, ils signalent qu’il ne se dégagerait pas des pièces versées au dossier que le ministre du Travail aurait dores et déjà autorisé la construction des éoliennes pour soutenir que compte tenu du fait qu’une double autorisation serait nécessaire, la seule autorisation du ministre de l’Environnement devrait en l’espèce être considérée comme nulle et inopérante.
Quant à l’incidence du projet sur l’homme, les demandeurs se prévalent des principes de précaution et de proportionnalité qui n’auraient pas été respectés en l’espèce, pour soutenir que les éoliennes, situées à faible distance des trois villages, tourneraient inlassablement alors que leur incidence sur la santé de l’homme ne serait pas entièrement connue. Ils se réfèrent à ce sujet à des études étrangères qui auraient mis en exergue l’existence d’ondes à basses fréquences inaudibles, mais produisant leur effet sur l’homme et sur l’animal sauvage et domestique. Ainsi une thèse toute récente du mois de mai 2006 aurait permis de mettre en évidence que surtout la nuit et lorsqu’il y a peu de vent, le bruit émis par un parc d’éoliennes serait plus fort et plus gênant que prévu, cette étude ayant mis en évidence les raisons des erreurs de mesurage qui se feraient normalement durant le jour et non pas la nuit, mais également que les éoliennes deviendraient de plus en plus performantes. Cette même étude aurait permis d’établir que la sensibilité humaine vis-à-vis des fluctuations sonores serait plus élevée pour les fréquences se manifestant dans le bruit nocturne des turbines et que ceci pourrait conduire à des troubles du sommeil et à des insomnies. Estimant que la technologie, combinée à l’activité de l’homme, ne serait jamais sans danger, les demandeurs rappellent que les phénomènes en rapport avec l’exploitation d’éoliennes seraient peu connus et que des études étrangères préconiseraient des distances non pas de quelques 100 mètres, mais des distances dépassant les 1.000 mètres au minimum. Ainsi, le « Raumordnungsgesetz » du « Land Niederösterreich » prévoirait 1.200 mètres de distance à l’intérieur d’une même commune et même une distance obligatoire de 2.000 mètres par rapport aux communes voisines.
Les demandeurs évoquent en outre le danger d’accident que représenterait la construction des éoliennes. Ainsi en France des éoliennes se seraient écroulées, de même que des parties d’hélices et des morceaux de glaces en hiver auraient été projetés, sans parler du danger d’incendie. Ils relèvent dans ce contexte qu’une des plus belles pistes cyclables et de promenade du pays passe directement en dessous de l’éolienne Lan 04, et que de nombreux chemins passent à proximité, sans oublier la présence d’agriculteurs dans les champs.
Concernant ensuite l’incidence du projet litigieux sur la nature, les demandeurs se réfèrent à un avis de la ligue pour la protection de la nature et des oiseaux, décrivant une perte d’énergie que les oiseaux migrateurs devraient assumer en passant dans une région où existe un ou plusieurs parcs d’éoliennes. Ainsi, en apercevant les obstacles au loin, les oiseaux les contourneraient et, de cette façon, ils seraient contraints de voler en zic zac ce qui entraînerait des pertes d’énergie considérables, ceci au-delà du risque existant par ailleurs pour les oiseaux locaux de passer à travers les hélices.
Concernant enfin le modèle d’éolienne autorisé, les demandeurs signalent avoir appris récemment que la firme Enercon ne produirait plus le modèle autorisé E 66-1.800 kW, pour soutenir que le modèle autorisé ne serait probablement pas mis en place, mais bien un autre modèle qui n’aurait certainement pas les mêmes caractéristiques techniques. Dans ces circonstances, l’autorisation conférée pour un autre modèle que celui qui serait mis en place effectivement serait à leurs yeux nulle et non avenue.
Finalement, concernant la garantie financière, les demandeurs estiment que le fait pour le ministre d’avoir laissé le montant de la garantie à la discrétion de l’exploitant serait inadmissible, étant donné que ce faisant, il ne disposerait d’aucune garantie pour l’enlèvement effectif des éoliennes à la fin de l’exploitation, ainsi que pour la remise en pristin état des lieux pour la protection du paysage comme de ceux qui y vivent.
Conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée « les établissements de la classe 1 sont autorisés, dans le cadre de leur compétence respective, par le ministre ayant dans ses attributions le travail et le ministre ayant dans ses attributions l’environnement », de sorte que c’est à juste titre que les demandeurs relèvent l’existence d’une double compétence en la matière. Force est cependant de constater que chaque ministre est appelé à examiner une demande d’autorisation lui soumise sur base de ladite loi de 1999 de manière indépendante, dans le cadre de ses propres attributions respectives, de sorte que la décision déférée du ministre de l’Environnement ne saurait être affectée dans sa régularité par l’existence ou non d’une décision du ministre ayant dans ses attributions le travail par rapport au même projet d’établissement classé.
Cette conclusion n’est pas énervée par le souci des demandeurs de ne pas vouloir être contraints d’introduire deux recours contentieux séparés, mais de regrouper, le cas échéant, leur action en justice par rapport aux deux décisions ministérielles requises par rapport à l’établissement projeté. Par ailleurs il aurait été loisible aux demandeurs de s’enquérir auprès du ministère compétent de l’existence, voire de l’état d’avancement de l’instruction d’une demande d’autorisation qui serait actuellement encore pendante, et de solliciter, le cas échéant, la refixation de l’affaire sous examen à une date ultérieure dans l’attente de la prise d’une décision par le ministre ayant dans ses attributions le travail et de l’introduction éventuelle d’un recours contentieux à son encontre.
Il se dégage des considérations qui précèdent que le tribunal ne saurait suivre le raisonnement des parties demanderesses consistant à conclure à la nullité de la décision litigieuse du fait de l’absence alléguée d’une décision du ministre ayant dans ses attributions le travail.
Il est encore constant que conformément aux dispositions de l’article 13, 3 de la loi précitée de 1999 « l’autorisation du ministre ayant dans ses attributions l’environnement détermine les conditions d’aménagement et d’exploitation visant l’environnement humain et naturel, telles que la protection de l’air, de l’eau, du sol, de la faune et de la flore, la lutte contre le bruits et les vibrations, l’utilisation rationnelle de l’énergie, la prévention et la gestion des déchets. » Les objectifs de protection devant guider le ministre de l’Environnement lorsqu’il est appelé à statuer dans le cadre de la loi modifiée du 10 juin 1999 précitée étant ainsi clairement déterminés et se distinguant, quant à leur spécificité, des objectifs posés par la loi du 19 janvier 2004 sur la protection de la nature et des ressources naturelles, le tribunal peut s’accorder avec le délégué du Gouvernement pour constater que la majorité des griefs invoqués par les parties demanderesses à l’appui de leur recours ont trait à l’impact du parc éolien projeté sur le paysage et ses environs, de sorte à s’analyser en des moyens ayant trait à l’application de la loi du 19 janvier 2004 précitée et à manquer, par voie de conséquence, de pertinence dans le cadre du recours sous examen. La loi sur les établissements dangereux n’a en effet pas pour objectif la sauvegarde du caractère et de l’intégrité de l’environnement naturel ainsi que la protection et la restauration des paysages et des espaces naturels, de sorte que l’argumentation fondée en substance sur la beauté du paysage est à écarter des débats, la même conclusion s’imposant par rapport à la jurisprudence du tribunal administratif citée par les demandeurs dans le cadre de leur mémoire en réplique, étant donné que le jugement visé du 10 avril 2002 (n° 13810 du rôle) est intervenu en matière de protection de l’environnement et non pas en matière d’établissements classés.
Concernant ensuite la violation alléguée des principes de précaution et de proportionnalité, force est de constater que c’est à juste titre que le délégué du Gouvernement, dans son mémoire en réponse, se réfère aux dispositions de l’article 13 point 4 de la loi modifiée du 10 juin 1999 pour soutenir que les conditions d’aménagement et d’exploitation relatives à la sécurité du public et du voisinage en général relèvent de la compétence du ministre ayant dans ses attributions le travail, de sorte que le ministre de l’Environnement ne saurait se voir reprocher utilement dans le cadre du présent litige de ne pas avoir analysé à suffisance et apprécié à leur juste valeur les incidences de l’exploitation de l’établissement concerné sur la santé de l’homme, voire de ne pas avoir tenu compte, dans le cadre de l’appréciation du site retenu, un éventuel danger d’accident par projection de parties d’hélices ou de morceaux de glace en hiver. Ces considérations ont en effet clairement trait à la sécurité du public et du voisinage, de sorte à ne pas rentrer dans les attributions du ministre de l’Environnement.
Dans son mémoire en réponse le représentant étatique se réfère en outre à la notice des incidences sur l’environnement que comporte le dossier de demande, conformément à l’article 7 de la loi précitée de 1999, pour soutenir que cette notice comprend les données nécessaires pour identifier et évaluer les effets principaux des émissions sur l’environnement. Il relève dans ce cadre que l’étude acoustique n° 933/603309/02 élaborée par la personne agréée Tüv Emissionschutz und Energiesysteme GmbH en date du 14 août 2004 analyse l’impact sonore du projet initial ayant porté sur 15 éoliennes sur l’environnement tout en tenant compte des émissions générées par des établissements déjà existants, établissements au sens du règlement grand-ducal du 13 février 1979 concernant le niveau de bruit dans les alentours immédiats des établissements et des chantiers. Il résulterait de ces études que le projet litigieux respecte les valeurs recommandées par l’article 3 du règlement grand-ducal du 13 février 1979 précité.
Concernant la projection d’ombres due à la rotation des hélices, le délégué du Gouvernement fait valoir que l’impact réel serait sensiblement inférieur à l’impact déterminé au niveau de l’étude effectuée et il se réfère à une jurisprudence allemande en la matière ayant retenu que l’impact de la projection d’ombres due à la rotation des hélices d’éoliennes ne serait pas à considérer comme une incommodation considérable lorsque les valeurs limites de 30 heures par an et de 30 minutes par jour sont respectées. Dans la mesure où l’impact théorique maximal des éoliennes autorisées en l’espèce se limiterait à 8,3 heures par an et à 16 minutes par jour, il estime qu’il ne saurait dès lors être question d’un effet incommode disproportionné.
Le délégué du Gouvernement estime par voie de conséquence qu’à défaut de preuve contraire, les conditions d’exploitation concrètement imposées seraient censées être justifiées en fait et régulières en droit, de sorte qu’aucune violation des principes de précaution et de proportionnalité ne serait donné en l’espèce, étant entendu que les demandeurs ne préciseraient pas en quoi et pourquoi l’une ou l’autre condition d’exploitation fixée ne seraient pas en mesure de garantir le respect des objectifs prévus par la loi.
Les tiers intéressés agissant à l’encontre d’une autorisation d’établissement doivent préciser et justifier concrètement en quoi les conditions techniques fixées par l’autorisation ministérielle seraient insuffisantes ainsi que les raisons pour lesquelles ils estiment que l’établissement classé comportera des nuisances inadmissibles, étant entendu que le tribunal est dans l’impossibilité de pouvoir apprécier concrètement des contraintes exprimées d’une manière très générale et vague et que les tiers intéressés ne peuvent pas se limiter à faire état de suppositions vagues relatives à des informations ayant trait à des causes de danger hypothétiques1.
Il ne suffit pas d’invoquer de manière générale et abstraite des inconvénients que de tiers intéressés estiment subir du fait de l’autorisation d’un établissement classé, mais il leur incombe d’apporter au tribunal des éléments suffisamment précis et documentés dans la mesure du possible afin que la juridiction soit mise en mesure d’apprécier de la manière la plus exacte possible la nature des inconvénients et préjudices qu’ils déclarent subir du fait de l’installation et de l’exploitation de l’établissement classé, en lui soumettant également une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée tendant à établir les raisons pour lesquelles les conditions techniques fixées par les autorisations litigieuses ne seraient pas de nature à leur donner satisfaction. En effet, ce n’est que dans ces conditions que la juridiction peut sérieusement analyser, dans le cadre du recours en réformation dont elle est saisi en matière d’établissements classés, le caractère approprié des conditions fixées par les autorisations ministérielles2.
1 Cf. Trib. adm. 18 juin 2003 (12465) et 16 juillet 2003 (15821), Pas. adm. 2006, V° Etablissements classés, n° 107 2 Cf. Trib. adm. 16 juillet 2003 (15207), Pas. adm. 2006, V° Etablissements classés, n° 106 En l’espèce, doivent être écartés des débats les arguments des demandeurs tirés de la dépréciation de la valeur de leur propriété comme n’étant pas visés par la législation spécifique en matière d’établissement dangereux. La même conclusion s’impose encore pour l’argumentation basée sur un hypothétique comportement futur de l’exploitant en ce sens qu’il pourrait mettre en place un autre type d’éoliennes que celui faisant l’objet de l’autorisation ministérielle litigieuse, étant donné qu’il ne s’agit pas d’un vice affectant la décision ministérielle dans sa légalité ou dans son bien-fondé, mais d’un problème d’exécution de l’autorisation accordée3.
Quant à l’incidence alléguée du fonctionnement des éoliennes sur la santé humaine, force est de constater que l’argumentation consistant en substance à soutenir que la technologie, combinée à l’activité de l’homme, ne serait jamais sans danger, est insuffisante pour invalider les conditions d’exploitation concrètement retenues par le ministre de l’Environnement, ceci d’autant plus que celui-ci s’est référé à une étude acoustique détaillée et concrète et que les demandeurs, au-delà de se référer de manière générale à des études étrangères qui préconiseraient des distances plus élevées par rapport à l’habitat, restent en défaut de critiquer concrètement les méthodes d’évaluation retenues par le Tüv Emissionsschutz und Energiesysteme GmbH pour établir l’impact sonore du parc éolien projeté.
Quant au moyen des demandeurs basé sur le risque allégué de l’exploitation litigieuse pour les oiseaux du fait que les éoliennes provoquent auprès d’oiseaux migrateurs des changements de direction et que d’une manière générale les oiseaux peuvent se heurter dans les roteurs des éoliennes, il se dégage certes des pièces produites à l’appui du recours et plus particulièrement de l’avis de la « Letzebuerger Natur- a Vulleschutzliga » que ce risque existe compte tenu la direction de migration et que de ce fait les éoliennes SCH01, SCH02 et SCH03 seraient particulièrement dangereuses, de même que la proximité des éoliennes LAN et RAM des forêts serait de nature à rendre ces deux sites impropres comme zone de nidification pour les oiseaux nicheurs, force est encore de constater que le devoir du ministre, lorsqu’il est appelé à autoriser un établissement classé, n’est pas d’exclure péremptoirement la prise de tout risque, mais d’en réduire au maximum les effets nocifs potentiels. Il appartient en effet au ministre de mettre en balance le risque pour l’environnement naturel, entrevu sous ce point par rapport aux oiseaux tant migrateurs que locaux, avec les autres intérêts qui s’y opposent.
Or, si les pièces versées au dossier permettent certes de documenter l’existence du risque allégué, l’argumentation des demandeurs reste néanmoins insuffisante pour établir que le ministre, lors de l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, aurait commis une erreur d’appréciation manifeste au point de justifier la réformation de la décision litigieuse.
Au-delà du désavantage épinglé par les demandeurs, il ne faut en effet pas perdre de vue que le parc éolien vise à mettre en œuvre une source d’énergie renouvelable et correspond ainsi à des objectifs écologiques conformes au visé d’une politique globale préconisée par les orientations internationales et d’ailleurs encouragées par le gouvernement, de sorte à revêtir globalement et en principe un caractère d’utilité publique.4 Il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation laisse d’être fondé.
3 CF. Trib. adm. 15 mars 1999 (10390, 10521 et 10597, confirmé par arrêt du 30 mars 2000, 11258C), Pas. adm.
2006, V° Etablissements classés, n° 108 4Cf. Cour adm. 7 novembre 2002, n° 14861C du rôle Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le dit non justifié et en déboute ;
déclare le recours subsidiaire en annulation irrecevable ;
laisse les frais à charge des demandeurs.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 décembre 2006 par :
Mme Lenert, vice-président, Mme Lamesch, premier juge, Mme Thomé, juge, en présence de M. Schmit, greffier en chef.
s. Schmit s. Lenert 8